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vendredi 19 février 2010

Littérature

posté à 14h15, par Lémi
15 commentaires

Béton armé : l’Empire des murs
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« Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts » : voilà comment, en son temps, Isaac Newton résumait la question. On n’a pas fait des masses de progrès depuis, ce qu’illustre aisément Murs, essai de l’Américaine Wendy Brown. D’Israël à la Californie en passant par Chypre et les faubourgs de Padoue, zoom sur cette énième mode des fortifications.

« La géographie imaginaire du type ’notre pays / le pays des barbares’ ne demande pas que ces derniers reconnaissent la distinction. Il ’nous’ suffit de tracer ces frontières dans notre esprit, ainsi ’ils’ deviennent ’eux’. » (Edward Said1)

« Les forteresses sont en général plus nuisibles qu’utiles. » (Machiavel)

Comme un paradoxe. On nous serine partout, tout le temps, sur tous les tons, que l’époque est à la mondialisation débridée, aux flux magiques des marchandises et des personnes, à l’effacement des frontières et à la grande fraternité des échanges sans entraves, Schengen powa. Et dans le même temps, les murs - de séparation, d’exclusion, de menace - champignonnent à qui mieux-mieux, omniprésents. À force d’entendre magnifier cette glorieuse époque, la nôtre, qui aurait triomphé des barrières antédiluviennes - au premier rang desquelles le mur de Berlin - , on pourrait oublier que les champions de la fortification s’affairent derrière les beaux discours, dans les plis et replis de la planète, contrats juteux en poche. Une véritable épidémie et « un déploiement sans précédent de moyens, d’énergie, et de technologies  », constate Wendy Brown, laquelle a consacré un essai à la question : Murs. Les murs de séparation et le déclin de la souveraineté étatique2.

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Des projets les plus monstrueux - en Arabie Saoudite, il est prévu d’étendre les murs actuels jusqu’à ce qu’ils encerclent l’intégralité du pays - aux plus pharaoniques - États-Unis / Mexique : déjà plus de 300 kilomètres… - en passant par les murs qui semblent là depuis toujours - Chypre ou Belfast - et par ceux qui se la jouent anodins, tels les enclos de ces gated communities3 à la mode chez les Ricains, ils se déclinent sur tous les tons, coqueluches sécuritaires. Si bien que les murs pourraient facilement postuler au rang d’objets phares de ce siècle à peine entamé. Murs certes relookés. Souvent bourrés de technologies électroniques et de caméras de surveillances. Modernes. Mais des murs quand même.

Si l’humanité enferme et s’enferme avec une frénésie toujours plus marquée, c’est qu’elle a la frousse. Des barbares barbus, des concurrents économiques potentiels, des invasions bronzées ou bridées, des voleurs de poules, des voleurs de femmes, des… des autres. Et plus les murs se multiplient, plus le besoin de nouvelles barrières se fait sentir. « Leur prolifération globale confère aux murs une légitimité grandissante » écrit Wendy Brown. Cercle vicieux que rien ne semble en mesure de briser tant la mentalité d’assiégé a envahi notre psyché occidentale4 :

Comme le Mur de Berlin, les murs d’aujourd’hui, et tout particulièrement ceux qui sont érigés autour des démocraties, produisent nécessairement des effets intérieurs : leur dehors devient leur dedans. […] Ils encouragent l’avènement d’une société toujours plus fermée et surveillée, en lieu et place de la société ouverte qu’ils prétendent défendre. Les nouveaux murs ne sont pas simplement inefficaces et impuissants à ressusciter une souveraineté étatique fragilisée, ils engendrent aussi, dans une ère post-nationale, de nouvelles formes de xénophobie et de repli sur soi.

Un tableau sombre, même si pas uniforme : le gris bétonné se décline à toutes les sauces, des clôtures électriques du Zimbabwe aux check-points fortifiés de Bethléem. Les murs de ce monde sont fruits de situations diverses, et diffèrent souvent largement dans leur conception. Par contre, ils sont tous, selon Wendy Brown, les marqueurs d’une souveraineté étatique en déclin : « C’est l’affaiblissement de la souveraineté étatique, et plus précisément, la disjonction entre la souveraineté et l’État-nation, qui a poussé les États à bâtir frénétiquement des murs. » Tour d’horizon.

Tour d’horizon : des murs à perte de vue

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Il y a d’abord les plus connus, les deux monstres, enfants mutants de superpuissances apeurées et calfeutrées : le mur entre Israël et la Palestine, et celui entre les États-Unis et les Mexique, tous deux en perpétuelle expansion. Il y a ensuite ceux dont on entend vaguement parler un jour ou l’autre, mais sans que personne ne s’appesantisse vraiment : entre autres, le mur de Ceuta aux frontières de l’Europe ou celui construit entre l’Inde et le Pakistan. Et puis, il y a tous les autres, jamais (ou très rarement) mentionnés : entre l’Arabie Saoudite et l’Irak, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, entre la Thaïlande et la Malaisie, l’Ouzbékistan et la Kirghizie, en Géorgie, à Chypre, entre les deux Corée… Sans oublier tous ces murs qui ne se construisent pas sur les frontières mais à l’intérieur de territoires, frontières infra-urbaines, comme à Bagdad, Belfast ou Padoue6. Tant de murs. Partout. Sous toutes les formes.

Il y a pourtant quelque chose d’étonnant dans ce revival : le mur est censé être un attribut étatique has been, élément d’un autre siècle. Une muraille physique ? Pourquoi pas des mâchicoulis ? « Ces murs […] ont quelque chose de profondément archaïque. Comparés au caractère évanescent, protéiforme et tout en surface de la culture et de la politique modernes tardives, ils sont solides et permanents, et paraissent dépourvus de toute capacité de ruse et de dissimulation. […] Par leur aspect physique, ils semblent nous transporter dans une autre époque, au temps des forteresses et des rois, des milices et des douves.  » Il se peut que le propos de Wendy Brown soit exagéré7, mais il souligne cette ambivalence du mur, relevant d’un autre temps (avant l’ère numérique) et pourtant si populaire.

Il faudrait revenir sur les caractéristiques de chacun de ces murs, les interroger en détails, dans leurs divergences et leurs points communs. Difficile. Et ce n’est pas le propos de ce billet. Reste que deux de ces murs, sûrement les plus « ambitieux », sont très représentatifs de nombre de problématiques à l’œuvre dans cette épidémie murale : il s’agit évidemment du mur de séparation Israël/Palestine et du « mur de la honte », entre États-Unis et Mexique. Wendy brown recense ce qui les rapproche : «  Tous deux sont au fond des remparts inefficaces contre des pressions et des violences en partie générées par les politiques mêmes qui ont présidé à leur construction ; mais tous deux jouissent aussi d’une grande popularité, puisqu’une majorité d’Israéliens et d’Américains soutiennent leur mur respectif. Tous deux intensifient la criminalité et la violence qu’ils prétendent repousser, c’est pourquoi tous deux génèrent un besoin de fortifications supplémentaires et de contrôle renforcé ; tous deux pourtant sont salués comme des instruments de paix, d’ordre et de sécurité. Tous deux mettent en scène une souveraineté que leur existence remet en question.  »

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Des caractéristiques partagées, donc (également en ce qui concerne le recours à la sous-traitance et à des technologies avancées), mais aussi de larges différences : si le mur israélien s’inscrit dans un contexte de guerre larvée, « la barrière états-étasunienne répond surtout aux angoisses du peuple américain face aux effets du Sud pauvre sur l’économie et la culture américaines  ». Commencé en 1990, « le mur de la honte » s’étend sur 300 kilomètres, une dépense exorbitante : «  Le coût global de l’achèvement et de l’entretien de la barrière pourrait s’élever à 60 milliards de dollars sur 25 ans. […] Ces chiffres sont d’autant plus remarquables que celle-ci n’est que très modérément efficace pour repousser les immigrants clandestins, dont elle a plutôt tendance à réorienter le flux.  »

Dans ces conditions - efficacité plus que relative, coût monstrueux - , il convient de chercher ailleurs les véritables motifs de ces débauches bétonnées. L’amour de l’esthétique du bunker n’explique pas tout…

Le théâtre du béton armé

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Le mur se fait horizon indépassable de notre époque, celui sur lequel se fracasse l’enthousiasme de celui qui se prendrait à rêver d’un avenir moins sombre. Rien à faire pour l’ébrécher : détruisez-le quelque part, il renaît ailleurs. En nombre. À l’image d’Alien, le désir de rempart grandit dans nos tripes, y prend ses aises, avant de jaillir sans prévenir. Comme la vidéo-surveillance, les rayons X aéroportuaires, Vigipirate ou la parano terroriste, le mur envisagé en tant que rempart contre l’étranger est le puissant marqueur d’une psychologie moderne basée sur la frousse, le repli défensif. Et cette psyché collective envahissante est évidemment fruit d’un matraquage intensif. Pour des États peu à peu dépouillés de leur souveraineté (Cf. Partie suivante), la mise en scène physique du péril extérieur (quel qu’il soit) permet de reconquérir les attributs du contrôle et de se concilier des populations savamment effrayées.

La plus onéreuse de toutes les frontières, celle qui sépare les États-Unis du Mexique, est largement inefficace : dotée par endroits de murs à triple épaisseur, hauts de plus de 4 mètres avec Border Patrol et vidéo-surveillance, elle n’est constituée en d’autres lieux que de frêles barrières facilement franchissables. Comme l’a écrit Peter Andreas, cité par Wendy Brown : « Le contrôle des frontières est un spectacle rituel. Quand l’échec des efforts de dissuasion met le spectacle en crise, ses auteurs essaient de sauver la face en promettant un show plus grandiose que le précédent.  » L’idée est évidemment de propager des images d’ordre, d’un monde bien rangé et sous haute surveillance. Mike Davis renchérit : « Les trois épaisseurs du mur de San Diego et les fortifications médiévales du même type que l’on trouve dans l’Arizona ou au Texas sont des décors politiques. » Il s’agit de continuer à colporter cette vieille fiction de l’état protecteur, unique rempart face aux hordes barbares toujours plus sournoises10. Une posture plus qu’efficace en période de crise de légitimité.

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Heidegger, parlant des murs, disait qu’ils contribuent à diffuser un « tableau du monde rassurant  ». Cette dimension rassurante se combine désormais avec un aspect effrayant. Retour à 1984 : La guerre c’est la paix, et vice-versa. Il s’agit de mettre en scène le danger, de fabriquer le Spectacle de l’état d’urgence. Architecture du malaise et scénographie de l’invasion éventuelle servent une politique jouant sur la peur de l’étranger. Ainsi de la situation aux États-Unis, évoquée par Wendy Brown :

Peu importe que l’écrasante majorité des actes de terrorisme commis sur le sol états-unien aient été le fait de bons Blancs de chez nous, une action de l’Amérique profonde contre l’État, et que les armes ou les explosifs utilisés dans ces cas aient été produits aux États-Unis. Peu importe que les plus dangereux instruments de terreur (les armes nucléaires et biologiques, les avions détournés) soient largement invulnérables aux fortifications des frontières. Si les populations exigent de l’État qu’il barricade les frontières nationales, c’est parce qu’elles ont peur. Peur pour leur sécurité physique, peur pour leur prospérité économique, peur pour leur identité. La xénophobie est aujourd’hui tellement surdéterminée par l’insécurité économique et politique engendrée par la globalisation que même les hommes politiques conscients de l’efficacité limitée des fortifications de frontières n’ont pas les moyens discursifs de les contester.

La marque d’une souveraineté étatique en berne

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À première vue, l’édification d’un mur pourrait apparaitre comme le marqueur d’une puissance étatique rutilante, d’une souveraineté indiscutable. Il serait logique d’y voir la marque d’une maitrise territoriale. Selon Wendy Brown, il n’en est pourtant rien : « Les murs actuels marquent moins la résurgence, en pleine modernité tardive, de la souveraineté de l’État-nation, qu’ils ne sont des icônes de son érosion. »

Si les États se tournent vers la vieille solution de la fortification théâtralisée, c’est en réaction à une souveraineté mise à mal « par l’intensification des flux transnationaux, où circulent non seulement des capitaux, des personnes, des idées et des marchandises, mais aussi la violence et les réseaux politiques ou religieux. Ces flux déchirent les frontières qu’ils traversent ; mais passées ces frontières, ils se cristallisent pour devenir des puissances intérieures : aussi compromettent-ils les souveraineté à la fois dans ses marges et dans son sein ».

En un sens, il y a là confirmation des thèses de Giorgio Agamben, qui estime que la souveraineté moderne passe par « une généralisation de l’état d’exception ». Dépouillé de nombre de ses attributions par d’autres puissances - capital et religion en premier lieu -, l’État se rabat sur ce qu’il maîtrise. Soit les démonstrations de puissance purement physiques et matérielles, démonstrations qu’il convient d’intensifier pour ne pas perdre l’avantage. Un état d’urgence permanent lié à une perte de pouvoir et qui ne peut déboucher que sur une folie des grandeurs généralisée.

Et même dans la gestion des murs, les États semblent parfois perdre le contrôle. Parfaite illustration, la multiplication des milices privées aux États-Unis, dans les régions frontalières du Mexique. Ces groupes - tels les Minutemen - y patrouillent pour suppléer aux faiblesses supposées des murs, s’insurgeant contre la faiblesse étatique dans la gestion de l’immigration (qu’ils considèrent, évidemment13, comme responsable de tous les maux du pays, de la criminalité au terrorisme). De fait, ils choisissent de remédier eux-mêmes à ce qui leur apparait comme pur produit des carences du pouvoir souverain.

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Juliette Volcler évoquait sur ce site, dans un bel article intitulé « Dans les brèches des états », cet abrasement de la géographie à la papa, des identités et des frontières traditionnelles. Les murs ont beau se multiplier, cela n’empêche pas le sentiment d’appartenance à un territoire de s’évanouir peu à peu :

Michel Agier relève l’émergence d’une nouvelle géographie, à partir non plus des nations, mais de leurs brèches, à partir non plus des frontières, mais des femmes et des hommes qui s’y heurtent, qui les bousculent, qui les désordonnent. C’est un peuple ou c’est une foule, qui n’est plus d’un État et qui invente sa survie dans les failles des identités nationales.

« Failles », « brèches », « heurts » etc., autant de mots qui pointent l’échec des sursauts étatiques. Les murs sont des anachronismes, les ultimes convulsions spasmodiques et violentes d’une construction territoriale en déclin et d’un néolibéralisme destructeur14. Eyal Weyzman le souligne : même le mur, objet physique par excellence, se dématérialise progressivement, se fait mouvant : il « est en fait devenu une série discontinue et fragmentée de barrières autonomes qu’il conviendrait d’appréhender comme un processus de ségrégation démographique – une frontière mouvante – plutôt que comme une ligne continue coupant le territoire en deux ».

En attendant que tous ces murs tombent dans un grand barouf joyeux, rappelons qu’on ne connait que deux caractéristiques positives aux murs, fortifications et autres bastilles glauques. Primo, il peuvent être détruits, grand moment d’extase populaire. Secundo, ils peuvent être utilisés comme support créatif (cf., entre mille autres, le travail de Banksy sur le mur israélo-palestinien, ci-dessous), détournés et recouverts d’œuvres diverses. La deuxième étant souvent un préalable à la première. Enfermés, à vos bombes !

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1 In, L’Orientalisme. L’orient crée par l’occident, 1980.

2 Publié aux Prairies Ordinaires. À noter : je me suis focalisé sur certaines parties du livre délaissant notamment la dimension psychanalytique de l’essai de Wendy Brown. Pour combler ces lacunes, une seule solution : foncer en librairie...

3 Zones résidentielles à accès restreint.

4 Wendy Brown revient dans son essai sur l’hypothèse d’un chercheur allemand, Greg Eghigian, qui «  a qualifié d’ ’homo munitus’ cette créature emmurée, passive, paranoïaque et prévisible (munitus venant de munire qui signifie fortifier, sécuriser, protéger....  ». Pour lui, le Mur n’a pas qu’un effet extérieur, il conditionne aussi - surtout - l’existence de celui qu’il est censé protéger.

5 Zone démilitarisée entre les deux Corée.

6 Padoue, là où le maire socialiste, désireux d’éviter des situations « à la française », a lancé la construction d’un mur séparant les quartiers de la classe moyenne du lieu où vivent la plupart des nouveaux immigrés.

7 Quand je regarde une photo du mur de sécurité israélien, je n’imagine pas vraiment les chevaliers de la table ronde batifoler dans le décor.

8 Mur de séparation israélien.

9 Mur de Nicosie, à Chypre.

10 Chaque nouvelle fortification porte en elle celle qui, plus haute, plus massive, lui succédera. « Montrez-moi un mur haut de 16 mètres, je vous montrerai, appuyé contre lui, une échelle de 17 mètres » a un jour déclaré l’Américain Janet Napolitano, secrétaire du département de la Sécurité intérieure. Avec ce corollaire implicite : il est temps de passer aux murs de 18 mètres de hauteur...

11 Plage de Tijuana.

12 Enclave marocaine de Ceuta, en Espagne.

13 On est redneck ou ne l’est pas.

14 « Non seulement la violence peut paver la voie à la néolibéralisation, mais elle est aussi un effet crucial du néolibéralisme », souligne Wendy Brown, effectuant un parallèle convaincant avec les thèses du livre de Naomi Klein, La Stratégie du choc, dont je parlais ici.


COMMENTAIRES

 


  • vendredi 19 février 2010 à 16h14, par Dr Maboul

    Merci, pour cette lecture, tu m’as donné très envie de lire ce livre et pas uniquement parce que j’ai décoré des murs dans ma prime jeunesse.

    « Michel Agier relève l’émergence d’une nouvelle géographie, à partir non plus des nations, mais de leurs brèches, à partir non plus des frontières, mais des femmes et des hommes qui s’y heurtent, qui les bousculent, qui les désordonnent. C’est un peuple ou c’est une foule, qui n’est plus d’un État et qui invente sa survie dans les failles des identités nationales. »

    Est-ce Michel Agier qui le constate ou Hackim Bay (et ses TAZ) qui le prophétise depuis longtemps ? ;-)
    C’est plutôt une bonne nouvelle, non ?!

    • vendredi 19 février 2010 à 19h54, par Lémi

      Tiens, c’est vrai que je n’avais pas du tout pensé à Hakim Bey. Dommage, ça aurait fait une conclusion parfaite. Bon, disons que ton commentaire sert à conclure mon billet... Et, par la présente, j’en profite pour décréter A.11 Zone d’Autonomie Temporaire, voire perpétuelle.

      Pas uniquement parce que j’ai décoré des murs dans ma prime jeunesse. : Toujours un plaisir de voir qu’A.11 est fréquenté par des personnes de valeur. Merci pour eux (les murs) !



  • vendredi 19 février 2010 à 16h22, par uju

    l’urbanisation péri-urbaine et pavillonnaire construit aussi beaucoup de murs et de clôtures...

    • vendredi 19 février 2010 à 20h19, par Lémi

      C’est vrai, mais là ça ne relève plus d’une décision étatique, par en haut, mais d’une évolution de société, globale. D’ailleurs, qui sait, ça pourrait faire une deuxième partie à ce billet : « Béton sur-armé : les murs pavillonnaires et banlieusards... »



  • vendredi 19 février 2010 à 16h25, par marie

    ceci dit, en Europe, il vaudrait mieux un grand mur contre la concurrence déferlante des chinois et des indiens ! sinon attention la casse chez les ouvriers bien sur, mais par ricochet chez les classes dites sup qui craignent moins la concurrence directe de ces pays mais qui risquent de se trouver face à une société appauvrie et donc, par exemple incapable de financer un divorce ; les murs parfois protègent bien sans qu’il faille qualifier cela du mot péjoratif peur.
    je dirais même que si peur avait été entendue :protectionisme y aurait eu et moins de chomage et de marche en arrière de l’histoire de l’émanicipation des classes ouvrières il y aurait eu.

    • vendredi 19 février 2010 à 17h36, par On est beau

      Avec ces mélanchonneries, il ne fait aucun doute que les chinois et les indiens seront les arabes et les noirs de demain. Avanti populo...

      • vendredi 19 février 2010 à 20h28, par Lémi

        @ Marie

        ouaip, ça sent son café du commerce, le péril jaune, la « déferlante » des sans grades voleurs de boulot, toussa toussa. Quand je lis Il vaudrait mieux un grand mur contre la concurrence déferlante des chinois et des indiens !, ça me donne pas des masses envie d’entamer la discussion.

        @ On est beau

        Tu m’enlèves les mots de la bouche...

        • vendredi 26 février 2010 à 12h34, par T.

          En réponse à « ces mélanchonneries » : D’après ce que j’en comprends, Marie ne parle pas des personnes mais des produits. Il me semble que le protectionnisme ferait énormément de bien ET aux pays pauvres ET aux pays riches. Le nivellement par le haut plutôt que par le bas en fait (parce que vu le taux d’éducation qui monte en flèche en Inde et en Chine, si y’a pas un minimum de protectionnisme on pourra dire adieu à la classe moyenne, voir l’exemple de l’informatique, des dessins animées délocalisés au Maroc, en Roumanie, etc etc). Si l’on regarde l’histoire économique européenne, c’est lorsqu’il y a eu du protectionnisme que les conditions se sont améliorées. C’est franchement injuste de refuser aux pays pauvres ce qui a marché pour l’Europe et l’Asie (Voir « The East Asian Development Experience » de Ha-Joon Chang, au prix prohibitif dans notre belle contrée, comme par hasard, sinon y’a Bairoch), si l’on se place d’un point de vue industriel (pas sûr pourtant que ce soit forcément le bon selon les cultures), mais il est vrai que pour les profits oligarchiques c’est du tout bon. Pas besoin de rappeler le terme « sous prolétariat »(© Marx) ici non ? La baisse des salaires, la baisse des droits... La mise en concurrence entre les travailleurs, moyen tout de même... Je comprends que les immigrants recherchent une vie meilleure (c’est normal et le système les y encourage, Hollywood et tout le tralala, si l’on ajoute à ça la situation de certains pays, style le Congo, l’Irak et bien d’autres encore, je ne vois pas pourquoi ils souhaiteraient se faire découper à coups de machettes plutôt que de chercher une vie plus tranquille et des sous pour nourrir la famille) mais reconnaissez tout de même que pour les populations déjà installées dans le pays d’accueil, c’est une concurrence déloyale vu les référents différents entre migrants et autochtones (quand tu viens d’un pays où tu crèves la dalle 800e c’est un bon salaire mais quand tu vis en France depuis toujours, c’est du foutage de gueule, on a un niveau de vie moindre qu’en 1973 alors qu’on consomme plus au niveau écologique !), sans compter que c’est les patrons qui en profitent (ceux du BTP, ou Dassault, abreuvé de subventions publiques, qui délocalise sa recherche je ne sais plus où) et ils ne se gênent pas pour pressuriser les immigrants bien plus que les autochtones.

          Friedman était bien au courant des avantages d’un taux de chômage élevé, or, croyez vous qu’avec le taux démographique actuel, hors immigrants, les profits continueraient à augmenter au détriment de la part des travailleurs ou du social ? Il y aurait eu pénurie de main d’oeuvre depuis belle lurette sans l’apport d’immigrants, à moins d’investir plus que ça ne l’a été dans les nouvelles technologies ou d’encourager les gens à faire des gosses (mais le consumérisme n’aime pas vraiment la famille, et il me semble que le système cherche plutôt à la détruire). Quant à l’oligarchie, elle prendrait un sacré coup dans la gueule avec du protectionnisme sur les capitaux, fini les pirouettes libres pour spéculer sur les denrées alimentaires ou sabrer des économies non suffisamment « néolibérales ».

          Il faudrait aussi rappeler que l’immigration « choisie », fortement encouragé par nos gouvernants, correspond en pratique à une fuite des cerveaux des pays d’émigrants, et donc à un retard dans leur développement dû à un appauvrissement de leur main d’œuvre (outre le problème des capitaux). Si t’as pas de cadres aujourd’hui, t’es dans la merde pour lutter au niveau global. Bref, un vol pur et simple des forces vives d’un pays.

          Mais là n’est pas le problème, les personnes ne faisant que suivre des mouvements infiniment plus vastes qu’eux (pour parler imagé, on dira que ce sont les boules de billards sur la table qui répondent aux impulsions du joueur – l’oligarque - via les cannes qu’il utilise - guerre, impérialisme, prix trop bas des matières premières, du travail etc etc). Ils ont néanmoins une influence certaine sur la vie d’un pays (que ce soit au niveau culturel, politique ou autre), qui peut déplaire au fond [culturel/pol./social/éco] du pays qui les accueillent. Mais le protectionnisme ne suppose pas une chasse aux immigrants humains, il suppose une chasse au matériel « non vivant » et à l’immatériel. Ne le confondez pas avec de la xénophobie, si l’on aime vraiment les personnes aujourd’hui il me semble qu’on devrait réclamer du protectionnisme pour tous, sauf les grosses structures !

          Enfin mettre des barrières pour la Chine et l’Inde, pourquoi pas, n’oublions pas dans le cas du second le système des castes (qui perso me semble carrément surréaliste mais cela est dû à des choix spirituels) et dans le cas du premier le sacrifice des populations rurales et de l’environnement (sans compter le fait que les produits Made In China, désolé de le dire, pour la consommation des ressources de la planète, vu leurs durée de vie, ne sont pas vraiment souhaitables, bien que ça s’améliore). Ca les obligerait peut-être à plus satisfaire les besoins intérieurs qu’extérieurs, et dans le cas de la Chine, ça aurait évité de faire tourner la planche à billets américaine plus que nécessaire et de nous mettre dans la situation actuelle.

          Pour rebondir sur l’oligarchie, je pense qu’on devrait méditer sur l’exemple de Venise , de sa place, de ses beaux tissus et de ce qu’il en est advenu lorsque les contrefaçons ont débarqué sur le marché européen (bien qu’ils, les puissants de l’époque, me semblent s’être bien rétablis si j’en crois certains écrits). Ca fabrique des murs pour les humains mais les murs contre les capitaux fuyants ou les produits entrants ne sont pas une honte contrairement aux premiers, sans compter que c’est bon pour le taux de CO2 de la planète vu qu’avec du protectionnisme, il y a moins de transports (C’était le passage capitalisme vert, c’est à la mode en ce moment cet oxymore). Pas de protectionnisme en Europe prochainement ? On pourrait revenir à un système féodal pour la majorité de la population (le problème cette fois-ci, c’est que le duc aura des tanks et des hélicos, fini Robin des Bois, à moins que Cho-Yun des Bois du Kamtchaka ne décident de nous secourir dans le futur). Faut arrêter l’angélisme les mecs, en haut ils savent exactement ce qu’ils font et le café du commerce est parfois bien plus proche de la réalité que les aberrations économiques que l’on entend proférer par nos médias, bien qu’il y ait toujours quelques lumières. A moins que vous ne soyez convaincu que le peuple ne sait pas ce qui est bon pour lui. Alors la chasse actuelle aux sans papiers pour faire du chiffre et la déviation des problèmes sur les personnes qui subissent plutôt que sur celles qui nous ont mené dans cette situation non, si il n’y a pas de volonté de construire de solides économies dans les pays pauvres (ou de les protéger des prédateurs) et de s’adresser au partage de la richesse, mais le protectionnisme, bien réglementé, tout le monde y gagne (Les anglais ne se gênaient pas pour imposer du protectionnisme et Smith lui-même n’y voyait rien à redire). En plus perso, que des gens soient obligés de risquer leur vie, payer des mafias, quitter leur pays, famille, amis et autres joyeusetés pour pouvoir croûter et faire croûter les leurs (Style le Mali et l’apport d’argent de la diaspora parce qu’il n’y a pas de protectionnisme chez eux), si vous trouvez ça normal… On est à une période transitoire, je vous renvoie aux analyses de Quigley sur l’évolution des civilisations qui me semble particulièrement pertinente, on est en pleine période de conflit, si on repart pas en expansion on va grave en chier, le protectionnisme me semble être une bonne solution pour tous en attendant qu’on s’occupe du haut de la pyramide, qui semble bien infestée de parasites.

          Très bon article sinon. Et comme le disait une mexicaine (en gros) : « Il rajoute deux mètres au mur ? On ajoutera 3 mètres à notre échelle ! ».

          • vendredi 26 février 2010 à 12h35, par On est beau

            Ceux qui nous abreuvent de ces Melanchonneries ne parlent pas des personnes (encore heureux !), mais des objets. On l’avait bien compris, sauf qu’à force de parler de ces objets on parle des personnes qui les fabriquent. Et de fil en aiguille, qu’est-ce qui se dit ?

            Soit vous attaquez le rapport social qui conduit à cette concurrence asiatique, soit vous vous contentez de l’attaquer elle. Croire qu’on peut faire les deux c’est encore une mélanchonnerie. Mais, je vous l’accorde, c’est surtout une grosse connerie bien trop commune chez nombre d’anti-libéraux. A votre avis, qui c’est qui tire les marrons du feux de ce genre de revendications ? On va vous la poser autrement : Le plus conséquent en matière de préférence nationale, c’est qui ?



  • vendredi 19 février 2010 à 17h01, par Blaise Lapoisse

    Yep ça se tient : créons un problème qui détournera l’attention quand aux vrais dégâts que cause la globalisation et focalisera sur de nouvelles classes dangereuses, pas qu’on en manquait mais comme on finit par se faire aux pires misère de nos semblables et que l’indifférence à la souffrance gagne chaque jour aiguillonnée par l’exemple donné par nos oligarque, ils devient nécessaire de fournir au prolos-précaires de nouveaux motifs de haine envers les plus faibles que soi qui pourraient bien venir leur piquer leur maigre pitance si on n’y mettait bon ordre au moyen du fric qu’on taxe dans leur poches via impôts et TVA (surtout) ainsi la boucle est bouclé et le bel argent des prolos file droit dans la poche des oligarques du BTP engraissant au passage les vautours de la GD, de l’industrie de la malbouffe,du pétrole sans oublier ceux de la santé -il faut bien remettre en état les corps confits par la merde qu’on leur fait ingurgiter sous perf de TF1- de sorte que perdure la classe des traine-misère .

    • lundi 22 février 2010 à 21h33, par lémi

      Ouaip, l’éternelle ronde de la recherche du bouc émissaire, ou comment toujours détourner l’ire populaire des turpitudes des vrais barbares, ceux qui n’aiment rien tant que se gargariser de béton armé. Il devient nécessaire de fournir au prolos-précaires de nouveaux motifs de haine envers les plus faibles que soi : tout est dit...



  • samedi 20 février 2010 à 21h53, par rodolphe

    Il existe aussi deux livres de J.G. Ballard qui parlent de murs ultras sécurisés, Sauvagerie et Super Cannes.
    Un peu après 1984. Pas longtemps après aujourd’hui.

    • lundi 22 février 2010 à 21h36, par lémi

      Bordel, z’en avez pas marre, commentateurs, de conseiller des livres qu’ont l’air trop bien pour qu’on ignore la suggestion ? (et donc, oui, j’irais fouiner dans la mine Ballard, rarement décevante)



  • dimanche 21 février 2010 à 11h49, par un-e anonyme

    à voir et à revoir :

    Voir en ligne : Béton par Ariel Belinco et Michael Faust

    • lundi 22 février 2010 à 21h44, par lémi

      Merci mille fois, film magnifique, même si trop court.
      Et confirmation de ce que les Talibans avaient déjà compris, en leur temps : le cerf-volant est un fouteur de merde !

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