ARTICLE11
 
 

lundi 27 septembre 2010

Entretiens

posté à 20h15, par Lémi & JBB
38 commentaires

David Dufresne : « Chaque bataille de rue est comme un stage de perfectionnement pour la police »
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On l’ignore souvent, mais le maintien de l’ordre à la française est considéré dans le monde entier comme un modèle à suivre. En parcourant le livre que le journaliste David Dufresne a consacré au sujet, Maintien de l’ordre, on comprend pourquoi : son tableau d’une machine aux rouages bien huilés, ne laissant rien au hasard, est aussi effrayant que captivant. Entretien.

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D’aucuns ne pensent qu’à ça, mettre des bâtons dans leurs roues. Mais il faut bien l’avouer : ceux d’en face sont bien meilleurs à ce jeu-là, dominant la partie de la tête (casquée) et des épaules (bovines). Parce qu’ils sont mieux équipés ? Sans doute. Parce qu’ils sont plus bêtement violents ? Peut-être. Parce qu’ils sont mieux entraînés ? Soit. Mais aussi pour une raison moins triviale : ils nous connaissent par cœur, quand la réciproque n’est pas forcément vraie. Sortis des incantations, aussi motivantes que faciles - « CRS-SS », « flics, porcs, assassins », etc… - et de la posture idéologique, l’évidence s’impose : s’ils se targuent un brin rapidement d’avoir fait de leur métier une science, les acteurs du maintien de l’ordre à la française maîtrisent leur sujet. Eux évoluent sans cesse, réfléchissent, multiplient les ReTex2 après chaque manifestation, encadrent minutieusement les mouvements sociaux (par la discussion comme par la force), tentent de prévoir chaque débordement - jusqu’à établir un prévisionnel de la casse « acceptable » - et s’ingénient à ne guère laisser d’espace à tous ceux qu’ils voient comme des perturbateurs.
Connaître l’ennemi, eux le font très bien. Corollaire logique : il nous faudra en passer par là si nous souhaitons un jour infléchir - voire inverser - le rapport de force. Comprendre comment ils fonctionnent et s’organisent. Découvrir leurs modes opératoires. Et saisir leur logique - parfois, leur absence de logique.

Pas sûr que le journaliste indépendant David Dufresne ait écrit Maintien de l’ordre, enquête3 dans cet esprit. Qu’importe : son livre, précis et passionnant, fournit la meilleure des clés d’entrée dans ce monde, étrange et bizarrement fascinant, du maintien de l’ordre. De la répression de la révolte de novembre 2005 aux discussions conduites entre les représentants des étudiants et ceux du préfet de Paris à la veille de la manifestation anti-CPE du 23 mars 20054, de la création des CRS à la Libération aux récentes théories de gestion des foules5, des bureaux de la place Beauvau aux geôles de garde-à-vue des commissariats, David Dufresne livre un complet panorama. Et dresse un très instructif tableau des enjeux et stratégies du maintien de l’ordre, ainsi que de leurs évolutions.
L’auteur (dont tu peux retrouver une partie du travail sur Davduf.net) est depuis passé à autre chose - le livre date de la fin 2007 - , réalisant notamment un très remarqué webdocumentaire sur le système carcéral américain, Prison Valley, avant de se plonger dans la rédaction (en cours) d’un livre sur l’affaire de Tarnac - ouvrage qui s’annonce prometteur6. D’avoir les neurones plongés en plein plateau des Millevaches ne l’a pas empêché de répondre par le détail à nos questions. Démonstration.

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Tu abordes dans ton livre la question de la « co-production » du maintien de l’ordre, par les manifestants et les forces de l’ordre. C’est quelque chose d’assez peu connu…

Il faut préciser que c’est un phénomène essentiellement parisien, les choses étant différentes en province. A Paris, où la préfecture de Police est un véritable État dans l’État, une manifestation doit obligatoirement être déclarée : si tel n’est pas le cas, la manif est jugée illégale. Dès lors, la préfecture de Police considère qu’elle peut intervenir dès les premières minutes de l’attroupement, sans attendre le moindre début d’incident. Reste que certains manifestants parisiens préfèrent ne pas déclarer leur manifestation, avec l’espoir de l’effectuer en catimini sinon… en paix. Ce qui n’est pas garanti : l’encadrement policier des manifs “sauvages” est présent la plupart du temps, et se montre d’emblée plus violent, plus dur, en tenue offensive (dite « Robocop » dans les rangs mêmes de la police), qu’en cas de manifestation déclarée7.

Dans le cas où l’itinéraire du cortège est préalablement déposé en préfecture, policiers et manifestants entament alors des discussions. C’est une forme de marchandage, où tout est calculé. Par exemple : si le pouvoir (la mairie, le gouvernement, un ministère, que sais-je) veut montrer que la manifestation sera un flop, et si les organisateurs confient aux policiers qu’ils n’attendent pas grand monde, la manif sera envoyée sur les grands boulevards, car les larges avenues, c’est la meilleure manière de donner une impression de vide, de raté militant. Autre exemple : la manifestation ne pourra s’approcher de « quartiers interdits » (c’est l’expression) — notamment l’Élysée ou les alentours de l’Assemblée Nationale —, sauf si cette manif est plutôt bien vue des pouvoirs en place. Ou, mieux encore, si cette manifestation sert des luttes internes au pouvoir. Ce fut le cas, par exemple, lors du mouvement anti-C.P.E., où la rivalité Sarkozy (à l’Intérieur) versus Villepin (à Matignon) a pu jouer sur certaines décisions de la préfecture de Police de Paris, alors aux ordres du premier.

D’une manière générale, il existe un certain nombre de points de « co-production », sur lesquels flics et organisateurs ont les mêmes intérêts ; ils se retrouvent notamment sur l’idée d’éviter à tout prix la mort d’un manifestant. Des deux côtés, et même si ce n’est pas pour les mêmes raisons, personne ne veut revivre le drame de la mort de Malik Oussekine de décembre 1986.

Comment s’organise le rapport de force dans ce type de discussions ? Dans ton livre, tu reviens sur le cas de la manif des Invalides pendant le CPE, et, à te lire, on a l’impression que les étudiants ont été complètement manipulés…

A partir du moment où il y a discussion avec les forces de l’ordre, il y a compromis, généralement défavorable aux organisateurs. Ces derniers acceptent de donner beaucoup — annonce de la taille du cortège, des slogans, des mots d’ordre de dispersion — contre l’engagement de ne pas se faire taper dessus, voire désormais de se faire protéger d’éléments dits « extérieurs » à la manif.

Mais il reste des données que ni les organisateurs ni les manifestants ne peuvent maîtriser. A commencer par cette réalité : bien souvent, la violence ne se déclenche plus aux marges de la manif mais au sein même du cortège — par exemple, avec des individus venus en piller d’autres. Ça complique évidemment l’équation. Voilà pourquoi, pendant le mouvement anti-CPE, on a vu des membres de la BAC intervenir en plein cortège pour choper un mec, avec le risque que la foule se retourne contre eux. Pour les policiers, et même s’ils sont rodés, c’est plus dangereux. D’où des démonstrations de force policière pas toujours… proportionnées. Or, la proportion, c’est la base même de la doctrine du maintien de l’ordre « à la française ».

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Dans le cas de cette manifestation des Invalides — un moment capital dans l’histoire du maintien de l’ordre — , l’idée des flics était d’isoler les « casseurs » des autres manifestants. Cela consistait à les laisser agir en tête du cortège, jusqu’à ce que ces derniers se détachent naturellement de la tête de la manifestation, pour ensuite les isoler et les coincer dans les petites rues adjacentes. C’était du moins le plan policier, tel que j’ai pu le recueillir. Sauf que… ça ne s’est pas passé comme ça, notamment parce que le cortège était très long, très imposant. Cette gestion des troupes (policières) et de la foule ressemble beaucoup dans les faits à un « wargame » en temps réel ; là, le temps de faire revenir, de la place d’Italie aux Invalides, quelques escadrons de gendarmerie mobile ou de CRS, c’était trop tard.

Tu ne crois pas qu’ils ont volontairement laissé pourrir les choses ?

En partie… J’essaye de montrer dans le livre que certains policiers avaient été alerté sur ce qui allait se passer et qu’ils n’ont rien fait ; d’autres — des membres des RG — l’avaient annoncé, mais ils n’ont pas été écoutés pour des raisons de rivalité entre les différents services. En fait, c’est un vrai panier de crabes : difficile de tirer des conclusions catégoriques.

On peut analyser ce qui s’est passé comme la conséquence d’une bataille entre Villepin et Sarkozy ; à l’époque, le premier était à Matignon et présidentiable, le second à l’Intérieur et… présidentiable. Pour Sarkozy, le mouvement anti-CPE était une forme de revanche après le fiasco des émeutes de 2005 dont il était sorti (temporairement) très affaibli. Soit tout le contraire de Villepin, grand « vainqueur » affiché des émeutes parce qu’il était perçu comme l’homme qui avait remis la France en marche et décrété l’état d’urgence — état d’urgence totalement inutile et souhaité par personne d’autre que lui même, soit dit en passant. J’explique dans le livre pourquoi les flics eux-mêmes n’en voulaient pas…

Et donc, au moment du CPE, Sarkozy va jouer deux rôles pour griller Villepin : d’un côté, il se pose en homme capable de rétablir l’ordre en intervenant dans la gestion de la logistique des manifs avec les syndicats ; de l’autre, comme le seul membre du gouvernement prêt à discuter avec les manifestants, tandis que Villepin, lui, faisait la sourde oreille. C’est là où l’on perçoit la dimension politique de la gestion de l’ordre et du désordre. J’ai ainsi recueilli des témoignages de responsables syndicaux présentant Sarkozy comme opposé au CPE et les encourageant en sous-main à organiser des manifestations. Sarkozy jouait sur deux tableaux : le chef-policier qui discute avec les services d’ordre et le politique qui discute avec les étudiants et les syndicats. C’était le même homme, dans les mêmes réunions ; passant de la flicaille à la politicaille.

Il y a en fait de nombreuses lectures possibles de ce qui s’est déroulé aux Invalides et toutes contiennent une part de vérité : c’est plus complexe qu’on ne l’imagine. Ce qui est certain, c’est que les flics ont merdé. Et ça, c’est intéressant à étudier car, en la matière, ça n’arrive pas si souvent.

Ça détonne même au regard de ton livre qui donne l’impression d’une maitrise quasi totale des événements par les forces de l’ordre.

C’est ce qui constitue la science du maintien de l’ordre : il y a une connaissance policière du terrain, du mouvement des foules et d’une psychologie très aiguë, très poussée. Hormis la manif sauvage, qui reste quantitativement limitée, qui n’est dotée de quasiment aucune visibilité et qui n’existe que pour ses participants, toutes les manifestations sont ultra cadrées. Et les forces de l’ordre en sont très fières, considérant qu’il s’agit là, avec la police judiciaire, d’un de leurs pôles d’excellences. D’ailleurs… si leurs responsables m’ont laissé enquêter sur le sujet sans me mettre trop de bâtons dans les roues, au moins au début, c’est justement pour cette raison. Ceux qui me parlaient étaient désireux de me raconter leur travail, d’étaler leur doctrine, qui consiste à montrer sa force pour ne pas s’en servir, à ne surtout pas faire de mort.

Au regard de cela, les événements violents des Invalides font tache ; d’autant que personne n’ignorait que, avec sa configuration, c’est une place propice à ce genre de débordements — elle le fut déjà par le passé, en 1986. Il s’agit d’un réel fiasco. Et d’une véritable démonstration d’improvisation : les RG se sont mis à frapper des gens alors que ce n’est pas leur boulot, des syndicalistes policiers, qui encadraient le cortège en tant que services d’ordre des syndicats, sont intervenus, etc… Tout ça pose problème.

Ça les a conduits à réviser leur stratégie ?

Comme à chaque fois. Après chaque manifestation, il y a un débriefing ; c’est le RetEx, le « RETour sur EXpérience », comme dans l’armée. L’idée est d’étudier très précisément ce qui s’est passé, comment les choses ont tourné. Et d’en tirer des leçons.

C’est ce qui explique que l’équipement des forces de l’ordre évolue beaucoup plus rapidement que par le passé : il s’adapte à chaque évolution. Chaque grand moment, chaque bataille de rue, sont pour la police comme un stage de perfectionnement. C’est le paradoxe. La police est finalement très réactive.

Jusqu’à donner l’impression d’une complète maîtrise…

Il faut se méfier des impressions… Dès qu’on parle de maintien de l’ordre, il y a fantasmes ; et les flics tablent énormément dessus. Un exemple simple : tu as 4 000 manifestants contre 150 flics, et pourtant personne, ou presque, n’aura l’idée d’aller au clash parmi les manifestants. Parce qu’il y a un fantasme, un conditionnement, une psychologie, une histoire, et les policiers savent en jouer. Ça peut aller jusqu’au commandant des RG qui se laisse voir ouvertement, pour occuper les esprits, pendant que d’autres, plus discrets, infiltrent la manif. D’ailleurs, pour le documentaire qui accompagnait le livre, Quand la France s’embrase (France 2), j’avais retrouvé des images filmées par un flic en civil en caméra cachée à la boutonnière, déambulant au cœur des casseurs dits « de banlieue », place d’Italie. A ce moment là, dans sa position, le policier ne pouvait être que d’une complicité passive, voire active.

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Photo du poste de douane incendié à Strasbourg, le compte-rendu de la manif est ici.

Plus récemment, à Strasbourg, lors des manifestations du contre-sommet de l’OTAN (2009), un poste de douane a été saccagé et brûlé. Il faut savoir que ce poste était à l’abandon, et promis à la démolition. La police avait ainsi prévu qu’il était possible qu’il soit attaqué et détruit par les manifestants ! C’est classique, en fait : il y a souvent des éléments sacrifiés pour relâcher la pression. Ils appellent cela la « gestion patrimoniale », qui consiste à déterminer jusqu’où la préfecture ou le ministère de l’Intérieur peuvent laisser casser des bagnoles, des lampadaires ou des vitrines. C’est une question de soupape. Lors des manifestations contre le CIP (en 1994) et avant une manif à risques, Pasqua avait annoncé : « On payera. » Du coup, les flics avaient laissé faire, l’État s’étant engagé à rembourser les assurances. Il y a ainsi des calculs de ce type réalisés en aval de la plupart des manifs, avec quasiment un chiffrage des dégâts possibles.

Si les autorités demandent à ce que les parcours soient déclarés, c’est notamment pour « nettoyer » les lieux : il faut évacuer les voitures stationnées sur l’itinéraire, de même que tout ce qui pourrait servir d’arme — par exemple, les chantiers. La toute première manif qui s’est emballée lors du mouvement anti-CPE passait au carrefour Sèvres-Babylone à Paris : les policiers n’avaient pas prévu que des jeunes allaient enjamber les grilles d’un square fermé, où l’on trouvait beaucoup de pierres d’ornement, donc des projectiles potentiels. C’est dans ce genre de détails que tout se joue. Il est certain que le ReTex de la manif en question a dû insister sur ce point et que plus aucune manif autorisée à proximité ne se retrouvera dans cette configuration...

Un des effets secondaires de cette « gestion patrimoniale », c’est de laisser casser un peu pour… arrêter beaucoup. C’est ainsi la meilleure manière pour la police de renouveler ses fichiers : ça lui permet d’avoir un tableau réactualisé des nouveaux militants radicaux, notamment les plus jeunes, moins aguerris, et qui se font interpeller.

On a eu cette impression lors d’une manif sauvage où ils avaient arrêté tout le monde8. C’était une aubaine pour eux, en fait...

Du pain bénit, si on peut dire. Ce genre de manifs est perçue comme un poste d’observation sur l’état des troupes radicales. Il y a eu des rassemblements autour de l’affaire dite de Tarnac – à Châtelet, devant la Santé, à Barbès – , qui ont été l’occasion pour les flics de faire un état des lieux et de renouveler leur stock de photos. Ils ne s’en sont pas privés.

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Manif du 31 janvier 2009, en soutien aux inculpés de Tarnac (compte-rendu ici) : postés dans une chambre d’hôtel surplombant le trajet de la manifestation, deux flics « mitraillent » les participants au téléobjectif.

Tout ceci ne signifie évidemment pas qu’il ne faudrait pas manifester, mais cela démontre que la science de la rue est une… science exacte ou, plutôt, qui se voudrait comme telle. En fait, deux phénomènes se superposent : d’un côté, la connaissance mutuelle du terrain, les subtilités des rapports de force, subtilités partagées par tous, en un mot, la science exacte, et, de l’autre côté… l’imprévu. Par exemple peuvent surgir une exaltation particulière, un mouvement de foule inattendu, une bavure, quelque chose que les policiers ne contrôlent pas. Ainsi du cas de ce syndicaliste de Sud, frappé par les policiers et tombé dans le coma après une manifestation anti-CPE finissant place de la Nation. Ça s’agitait sévère dans les hautes sphères, ils ont eu peur. Si l’homme était mort, tout basculait. Même si, comme souvent, la ligne de défense était toute trouvée : « Il était bourré », prétendaient-ils. C’était déjà la même chose avec Malik Oussekine : « Il était sous dialyse », se défendaient-ils. A croire que c’est toujours la faute du mec qui s’est fait matraquer...

Comment les gestionnaires du maintien de l’ordre jugent-ils la situation actuelle ?

Le constat avancé par les flics en ce moment, c’est que la violence advient plus rapidement lors des manifs, sans ce jeu du chat et de la souris qui existait avant, entre eux et les manifestants, jeu qui leur laissait le temps de prendre les mesures stratégiques nécessaires. Ce phénomène rejoint sans doute ce pli, amorcé sous l’ère Sarkozy, de placer énormément de policiers aux alentours d’une manifestation : c’est ce que le ministère de l’Intérieur appelle un effet de saturation — saturation de l’espace et sidération des participants. Et c’est aussi en partie pour cela qu’ils mettent en place des techniques plus offensives, consistant à aller chercher des personnes au cœur de la foule avant que la violence ne s’installe.

Dans l’approche générale du maintien de l’ordre à la française, cette évolution — vers des techniques plus offensives — est une régression. Depuis les grandes grèves de la fin du 19è siècle, l’idée forte était de ne plus tirer sur la foule. On y revient désormais, même s’il n’est pas question de balles réelles : mais les flashballs visent directement les gens, contrairement aux grenades lacrymogènes censées être tirées avec un angle de 45° minimum. C’est un changement très symbolique — notamment au niveau de l’imaginaire collectif. Et pas seulement. Ceci explique, par exemple, les incidents survenus à Nantes et à Montreuil, où des manifestants ont été grièvement blessés, en 2008 et 2009.

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Photo prise à Montreuil en juillet 2009, lors de la manifestation organisée pour protester contre un tir au flashball ayant coûté un œil à un activiste local ; compte-rendu ici.

Depuis la publication du Livre blanc de la Défense et de la sécurité nationale9, on a l’impression que le militaire s’immisce dans le maintien de l’ordre, notamment dans les banlieues…

Je suis partagé sur cette question de la militarisation. Il est exact qu’une dimension du maintien de l’ordre lorgne désormais vers l’armée, notamment au niveau de l’équipement (drones, hélicoptères, lunettes à intensificateur de lumière, caméra embarquée sur les casques, etc). Le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale dont vous parlez s’inscrit dans cette logique. Ansi, quand Sarkozy écrit dans la préface que « Le clivage traditionnel entre la sécurité intérieure et la sécurité extérieure s’est encore davantage effacé [au fil des années] » , le message est très clair. Il obéit à une certaine logique : si face à la police, des techniques se rapprochent de la guérilla ; alors, le matériel suit. Quand quelqu’un pète tous les lampadaires pour obtenir l’ascendant tactique dans une zone précise, alors il y a en retour utilisation d’un matériel spécifique pour éclairer. Le travail de Mathieu Rigouste et de son Ennemi intérieur10. est en ce sens remarquable. Mais, disons, que lui a étudié plus spécifiquement… l’armée et, moi... la police. Nos prismes convergent, mais nos objets d’étude diffèrent.

Pour ma part, je vois un point sur lequel on n’insiste jamais assez, c’est l’importance de la guerre des polices. Elle a toujours existé et reste un déterminant essentiel. Dans le contexte du maintien de l’ordre, il est difficile d’imaginer que les flics cèdent du terrain aux militaires. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à observer les vieilles guerres intestines, quasiment de tranchée, entre les Gendarmes mobiles, les Compagnies d’Intervention et les C.R.S. Bien sûr, les policiers adoptent certaines techniques militaires et s’inspirent de leur entrainement, mais je ne crois pas aux chars en banlieue du jour au lendemain. Qu’il y ait menace, que des expressions martiales soient dorénavant employées au plus haut sommet de l’État, qu’un Livre blanc d’orientation et de réflexion aille dans ce sens, tout ça donne un affichage évident. Reste qu’à ma connaissance, même en 2005, cette option n’a pas été étudiée sérieusement, quand bien même certains militaires auraient sans doute aimé qu’on fasse donner l’armée. Tout l’enjeu est de rester très vigilant sur ce point. Il y a une explication à cette « hésitation » entre le civil et le militaire. En France, le maintien de l’ordre demeure sous les ordres d’une autorité civile : le préfet. C’est toute la différence, par exemple, entre ici et les États-Unis. Et cette différence là n’est pas que symbolique. À l’inverse du militaire, pour schématiser, l’autorité civile a des comptes à rendre.

Oui, le Préfet rend des comptes aux politiques, qui encouragent justement une certaine vision du maintien de l’ordre...

C’est en partie là que réside le problème. Devenu Président, Sarkozy a particulièrement mis la pression sur la préfectorale ; en virant Untel ; en nommant tel autre. La nomination en 2010 d’un ancien patron du Raid et des C.R.S., Christian Lambert, à la tête de la Préfecture de Seine-Saint-Denis, ou celle à Grenoble d’Eric Le Douaron - ancien chef de la Sécurité publique, à la manœuvre lors des émeutes de Villiers-le-Bel - juste après les événements de La Villeneuve, sont éloquentes. J’ai vécu huit ans à Saint-Denis, il n’y a pas si longtemps, et j’y ai vu arriver une forme de durcissement des techniques du maintien de l’ordre, notamment quand il a été décidé d’utiliser des unités censées être réservées aux situations d’exception, à savoir les C.R.S., pour des situations relevant du quotidien. C’est aberrant : les C.R.S. reçoivent justement une formation, une tenue et des techniques, qui ne sont pas celles des flics ordinaires. Prétendre que cette démonstration de force d’« exception » n’a pas eu d’effets directs sur les populations, c’est refuser de voir la réalité.

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Sarkozy lors de sa très médiatique visite à Argenteuil

Le soir de la dalle d’Argenteuil, le 25 octobre 2005, deux jours avant le déclenchement des émeutes de Clichy-sous-Bois, tout le monde a retenu l’utilisation du mot « racaille » par Sarkozy, mais il y avait plus important. Il y avait la doctrine, la pensée de fond, l’idéologie. Ce soir-là, Sarkozy a annoncé qu’en raison d’un nombre réduit de manifestations (c’était avant le CPE…), les C.R.S. allaient être transférés en banlieue. Et qu’ils allaient donc y être présents en permanence, faire la circulation, contrôler les identités, etc... « On est comme une armée d’occupation », ont protesté certains syndicats de police eux-mêmes. Voilà la forme de militarisation la plus importante à mes yeux, plus encore que l’emploi de techniques militaires, et c’est un signal désastreux.

Ton livre a paru en septembre 2007, juste avant l’explosion de Villiers-le-Bel. Des émeutes de 2005 à Villiers-le-Bel, est-ce que les flics se sont adaptés ?

Villiers-le-Bel est justement un cas intéressant, parce que ce sont surtout les leçons mal apprises de 2005 qui ressortent. Du point de vue du maintien de l’ordre — disons : de la doctrine — , il y a d’évidentes fautes commises côté policier. D’abord parce que les flics débarquent avec une seule voiture, une fois la mort des gamins connue ; c’est ainsi qu’un commissaire se fait tabasser. Et ensuite parce que, dès le premier soir, les différents services communiquent très mal entre eux : une rivalité entre la Direction centrale de la sécurité publique et la Direction centrale des CRS — ils se détestaient alors mutuellement, notamment les patrons — les empêche de s’accorder. Du coup, ils n’ont pas envoyé leurs hommes dans les temps, ni dans les bonnes conditions.

Ces faits renvoient à une réalité : très souvent, quand les évènements dégénèrent, il faut remonter aux erreurs commises par les forces de l’ordre. Ce sont des fautes, en fait, mais on les appellera erreurs au point de vue de la doctrine. Quand une lacrymo est envoyée dans une mosquée de Clichy-sous-Bois, tu mets le feu aux poudres, c’est évident.

Concernant les émeutes de 2005, on se rend compte que cet élément déclencheur (la mort de Zyed et Bouna, les brûlures de Muhittin, puis les erreurs policières dans les jours qui ont suivi) a résonné partout, dans toute la France. C’est un fait rarissime – ça ne l’a pas été pour Villiers-le-Bel (2007) ni pour Grenoble (2010). Ça ne l’a pas été non plus quand, il y a quelques jours, le parquet de Bobigny a requis un non-lieu contre deux policiers de la BAC impliqués dans la course poursuite vers le transformateur EDF de Clichy-sous-Bois. Si les juges d’instruction optent à leur tour pour le non-lieu, ce sera la preuve absolue que justice et société n’ont absolument pas pris la mesure de ce qui s’est passé en 2005. Ce serait une décision odieuse, sidérante, une insulte.

Dans ton livre, tu n’es pas vraiment dans la dénonciation : il s’agit plutôt d’un tableau très précis…

Ce livre est le fruit d’une enquête, menée selon quelques impératifs méthodologiques ; voilà pourquoi je suis un peu effacé, même s’il me semble que consacrer un an et demi à enquêter exclusivement sur le sujet est, en soi, une forme d’engagement. Hormis le chapitre sur la mort de Malik Oussekine, un événement qui m’a profondément marqué puisque j’étais dans la rue à côté, avec d’autres, les voltigeurs aux trousses, je reste en retrait dans ce livre, vous avez raison. Et pour tout dire, je m’interroge dorénavant sur cette… position que j’ai prise et sur ces « impératifs méthodologiques ». Pour mon travail suivant, le webdocumentaire Prison Valley, sur l’industrie carcérale américaine, le narrateur est à la première personne. Je compte aller plus loin dans l’implication personnelle pour mes travaux futurs. Néanmoins, certains policiers ont très mal pris Maintien de l’ordre. Notamment parce que j’y dévoilais quelques techniques et stratégies policières récentes – par exemple, ces techniques plus offensives désormais privilégiées par les C.R.S…

C’est à mes yeux la base du travail du chercheur, qu’il soit universitaire, journaliste, ou simple curieux : aller voir des deux côtés. Ne pas se focaliser sur un seul bord de la ligne de front. En se méfiant, évidemment, des techniques de « charme » de la machine policière : souvent, tu te retrouves à interroger des gens qui ont un discours et une présentation bien rodés, qui savent plus ou moins qui tu es, et quel discours tu tiens. Depuis une dizaine d’années, la police a évolué comme le reste de la société : elle s’est formée aux méthodes de com’. Notre tâche est de ne jamais oublier de remettre son discours en regard avec son action.

Ce qui m’intéresse quand je mène un travail de ce genre, c’est avant tout de comprendre les logiques à l’œuvre : je n’arrive pas avec des grilles de lecture, ou du moins j’accepte d’en changer. Je cherche à confronter les sujets que j’interroge. A l’inverse de certaines personnes que vous avez pu interviewer sur Article11, j’ai moins de certitudes ; en dehors, bien entendu, de ce que je pense des lignes de force, des doctrines de fond. L’image monolithique de LA police, d’UNE seule police, induit en erreur. Il y a des flics de gauche, des flics de droite, des flics républicains et des flics fachos, et parfois ils travaillent ensemble, dans la même bagnole. Une partie d’entre eux sont d’une critique radicale à l’égard de Sarkozy, qui les a à la fois mis sur un piédestal et dans la merde ; par exemple, la politique du chiffre est une chose qu’ils désapprouvent fréquemment. Certains en viennent à regretter l’idée de la police de proximité. Et, donc, ils s’élèvent par là contre l’idée désormais en vogue qui veut que le maintien de l’ordre doit primer sur le reste (la prévention, l’enquête, etc).

On ne les entend pas beaucoup, ceux-là…

Dans la majorité des cas, les policiers se comportent en techniciens sur le terrain, mettant de côté leurs convictions. Ils obéissent à des ordres. Et c’est dans les ordres, donnés tout en haut, que tout se joue. C’est en quoi s’intéresser au maintien de l’ordre, c’est s’intéresser en la police dans ce qu’elle a de plus… politique. Quoi de plus politique que la gestion de la cité, que la prise et le contrôle de la rue ? Un exemple parmi cent : les ordres n’ont pas été les mêmes contre la jeunesse des cités en 2005 et contre la jeunesse étudiante des centres-villes en 2006, pour qui on sortira rarement les flashballs, sauf en cas d’extrême nécessité. En banlieue, les flashballs sont toujours brandis. Pourquoi ? Pour moi, c’est ce type de questions qui est fondamental.

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1 Photo du camarade Ubifaciunt, prise lors d’une manifestation à Montreuil en juillet 2009 ; compte-rendu ICI.

2 Retour sur expérience, une phraséologie empruntée au domaine militaire sur laquelle David Dufresne revient au cours de l’entretien.

3 Aux éditions Hachette.

4 Celle qui ’est terminée dans le chaos aux Invalides.

5 « Réagir face à une foule, c’est aussi éduquer la foule. L’influencer, l’amener à agir de telle ou telle façon. Tout doit être pris en compte car une foule ne réagit jamais de la même façon. C’est une question de psychologie », affirme ainsi Pierre Marchand Lacour, de la Direction centrale des CRS (cité par David Dufresne).

6 On ne peut pas en dire plus, on a promis…

7 Parfaite illustration, ce compte-rendu d’une manif sauvage en février dernier : après quelques centaines de mètres de balade, arrestation générale, une trentaine de personnes ont fini au poste.

8 Article11 relatait l’événement ici.

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10 Article11 avait réalisé un entretien avec Mathieu Rigouste autour de cet ouvrage, ici.


COMMENTAIRES

 


  • mardi 28 septembre 2010 à 01h43, par un-e anonyme

    Pas un mot sur l’infiltration, sur la contre-insurrection, sur les agents provocateurs ? Parce que, ça, c’est intéressant ! Quand celui qui passe pour un pompier est en fait un dangereux pyromane... Et il n’y a rien de tel que d’inciter pour obtenir, au final, ce qu’on veut.

    • mardi 28 septembre 2010 à 10h15, par ZeroS

      La gestion des manifestations anti-CPE avait retenu l’attention de pas mal de services d’ordre européens. Cela a été réinvesti un an plus tard lors de l’expulsion d’Ungdomshuset au Danemark.

      • mardi 28 septembre 2010 à 18h25, par David Dufresne

        Vous avez parfaitement raison et nous n’avons pas abordé ce point lors de l’entretien. Sur le maintien de l’ordre, « l’entraide policière » internationale (c’est son nom) s’est largement accrue ces dernières années, suivant/s’adaptant à l’internationalisation des luttes et des mouvements sociaux.

        Services de renseignement, brigades spécialisées, etc., sont de plus en plus sommés de « partager » information et expérience.

        Reste à étudier comment cette évolution modifie la donne...

        • mardi 28 septembre 2010 à 23h18, par Lémi

          @ Anonyme :

          Pas un mot sur l’infiltration, sur la contre-insurrection, sur les agents provocateurs ? ; bah si, quand même, par la bande : Ça peut aller jusqu’au commandant des RG qui se laisse voir ouvertement, pour occuper les esprits, pendant que d’autres, plus discrets, infiltrent la manif. D’ailleurs, pour le documentaire qui accompagnait le livre, Quand la France s’embrase (France 2), j’avais retrouvé des images filmées par un flic en civil en caméra cachée à la boutonnière, déambulant au cœur des casseurs dits « de banlieue », place d’Italie. A ce moment là, dans sa position, le policier ne pouvait être que d’une complicité passive, voire active. Après, c’est vrai qu’il y a tellement de questions passionnantes sur le sujet du maintien de l’ordre qu’on a pas vraiment insisté là-dessus. (mais en mai 2009, on en parlait ici, photos à l’appui).

          @ Zero S.

          C’est toujours un plaisir de savoir qu’on inspire outre-frontières...

          @ David

          Oui, la question méritait d’être posée (une prochaine fois ?). D’ailleurs, la manif No Border samedi prochain à Bruxelles sera surement une bonne manière de vérifier les progrès de la coopération internationale en la matière...

          • mercredi 29 septembre 2010 à 08h39, par fred

            à Lémi

            D’ailleurs, la manif No Border samedi prochain à Bruxelles sera surement une bonne manière de vérifier les progrès de la coopération internationale

            Je parie que non.

            Je paye sur place à Tour&Taxi en Nonette à partir de vendredi

            amitiés

          • jeudi 30 septembre 2010 à 09h31, par Gilles Delouse

            On en a déjà eu un avant goût hier à la manifestation des syndicats européens avec l’arrestation « préventive » (argh) de tous les militants no border, en plein milieu du cortège.

            Le pire je crois, c’est l’absence totale de réaction des syndicats traditionnels, qui continuaient d’avancer pendant que les flics interpellaient au milieu de la manif...

            • Je viens de voir ça surle Jura Libertaire.

              Ça a l’air chaud… J’ai quelquefois entendu dire que les flics belges étaient plus cool que les français ; là, ça n’y ressemble pas vraiment.

              • jeudi 30 septembre 2010 à 12h03, par Gilles Delouse

                Ce sont les mêmes (du civil au Robocop), à la différence près que je pense les anti-émeutes ne sont pas des contingents à part comme nos CRS ou nos gardes mobiles. Ce sont des flics « de base », ce qui a notamment pour conséquence une proportion de femmes assez importante, ce qui est assez perturbant quand on est habitué à nos beaux mâles virils des CRS :)

                PS : j’ai quelques photos et vidéos qui seront bientôt disponibles, si ça vous intéresse envoyez un mail.

                • dimanche 3 octobre 2010 à 23h06, par Gérard Craan

                  Effectivement, la Belgique a connu une fusion des polices en 1999 et, à présent, il n’y a plus de lien militaire avec l’ex-gendarmerie, absorbée dans la « police unique à deux niveaux »

                  Pour les vidéos et l’attitude syndicale. Plus d’infos ici http://www.lejim.info/spip/spip.php...

                  d’après des informations qui concordent (je suis journaliste bénévole au JIM et connaîs bien la FGTB, le deuxième plus important syndicat de belgique, socialiste, vareuses rouges), il a été donné pour consigne au service d’ordre syndical de refuser dans le cortège anars, « black block », clowns, etc. bref, tout ce qui n’était pas syndical.

                  Propos à nuancer puisque, si la police est unique, le syndicat FGTB est multiple. Les centrales syndicales professionnelles et les régionales disposent parfois de leur propre SO, en complément ou en totale autonomie.

                  A présent, il reste aussi aux militants à faire leur propre debriefing. Exemple de l’euromanif :
                   × les blocs étaient très espacés les un des autres => facilités pour la police.
                   × Sur les vidéos, on remarque très bien l’usage de la psychologie par les policiers. ainsi pour faire dégager les manifestants : crier « reculez », mettre la main vers l’avant, tout en s’avançant soi-même. Notre propre conditionnement fait que, bien souvent, on réagit, surpris, par l’obéissance
                   × aucune capacité syndicale ou non-syndicale à se regrouper rapidement
                   × aucun contact entre les groupes
                   × même si, je le répète, le SO de la FGTB en est en grande partie responsable

                  Voir en ligne : http://www.lejim.info

        • mercredi 29 septembre 2010 à 08h35, par fred

          Bonjour David

          Je doute de l’amplitude donnée à “l’entraide policière internationale”. Si dessous un post piqué au tas sur un forum lors des manifs anti-otan à Stras... on trouve beaucoup de chose sur le net...

          09-04-2009 09:52:26

          Keyser Soeze
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          Re : CRD et BSI de Strasbourg....

          sous-caissier a écrit :

          J’ai entendu parler d’un collègue qui aurait filmé les incendiaires, prévenu les CRS, provoqué leur arrestation, puis aidé les pompiers allemands à sortir les véhicules du garage avec les risques d’affaissement qu’on connait !
          D’autres collègues des douanes du centre de coopération situé de l’autre côté du Rhin auraient réussi à convaincre les autorités allemandes de les laisser passer sur le Pont (hermétiquement fermé ce soir-là) et de les épauler afin de ramener armes, motos, véhicules...
          Des collègues de Strasbourg peuvent confirmer ?

          Bonjour à Tous, j’ai fait partie de l’équipe mixte franco allemande improvisée qui a récupéré les armes et véhicules de la BSI pour les rapatrier en Allemagne ET fait intervenir nos collègues pompiers allemands. Tout ce que dit Sous Caissier est vrai en ce qui concerne l’action du CCPD. En ce qui me concerne, l’émotion est trop vive pour vous exprimer ce qui s’est passé en détail. Je retiens juste qu’un collègue a permis l’arrestation des auteurs « présumés » et que nos « frères » allemands nous ont été d’un grand secours.
          Nous essayons tous de penser à autre chose mais chaque jour nous entendons des réactions par voie de presse ou autre qui nous remettent dans la tête les evènements de cette nuit là.
          Merci à tous nos collègues policiers gendarmes français, Policiers, Pompiers et douaniers allemands qui ont permis que la situation ne soit pas plus grave.

          Dernière modification par Keyser Soeze (21-04-2009 14:34:36)
          Keyser Soeze
          Douanier qui avance Masqué

          Je m’étonne (à peine) de ne pas avoir vu ce « faits divers » relayé dans la presse...

          Nous n’appartenons à aucune secte... Nous sommes des insectes nuisibles... 1 2 3 4 ...

          amitiés

          • mercredi 29 septembre 2010 à 11h07, par David Dufresne

            Bonjour Fred,

            Ce témoignage en dit long sur ce qu’on essaye d’exposer par ailleurs dans l’interview, à savoir que les services de police sont, comme dire, quelle litote employer ?, assez peu... « coopérants » entre eux. Déjà, au sein d’un même pays, a fortiori d’un pays à l’autre...

            Néanmoins, après chaque mouvement d’ampleur — ça va d’une Coupe du monde de foot à des manifestations monstres en passant par la Grêce ou les émeutes de 2005 en France —, des « Retex » sont organisés. On ne compte plus les symposiums, plus ou moins confidentiels, sur ce sujet.

            Bien à vous.



  • mardi 28 septembre 2010 à 09h01, par un-e anonyme

    Cette entrevue vous a été proposée par le groupe Lagardère, fabriquant de missiles



  • mardi 28 septembre 2010 à 12h08, par un-e anonyme

    Un modèle à suivre ?

    C’est de la masturbation, que dis-je, c’est de l’onanisme sécuritaire !

    À quoi ça sert ? Ça avance à quoi ? À part à se faire plaisir ?

    C’est vraiment malsain.

    • mardi 28 septembre 2010 à 15h06, par un-e anonyme

      « flics et organisateurs ont les mêmes intérêts ; ils se retrouvent notamment sur l’idée d’éviter à tout prix la mort d’un manifestant. »

      leur objectif commun étant de ne pas victimiser le mouvement social
      il serait incongru d’y voir une stratégie d’intimidation
      et bienvenu d’organiser une grève
      ça pourrait durer longtemps
      mais si tout le monde est prêt à réorganiser les services pour permettre
      à la population de surmonter les difficultés.

      pour faire la démonstration, il est évident que les grévistes sont nécessaires.

      arrêt des activités
      occupation des lieux de travail
      Grève obligatoire

      au boulot !

      • mardi 28 septembre 2010 à 23h26, par Lémi

        @ Anonyme 1

        À quoi ça sert ? Ça avance à quoi ? À part à se faire plaisir ? Eh bien, je dirais : à maintenir une population aux ordres, à éviter toute possibilité de contestation autre que déclamatoire, à instiller la peur et la soumission, à contrôler tout ce qui sort de la norme... Si ce n’était que de l’onanisme, ça n’aurait rien de grave, ce serait seulement ridicule. Mais non, ça ressemble plutôt à un viol collectif.

        @ Anonyme 2

        Raisonnement parfait. Il ne reste plus qu’à le mettre en pratique...

        • mercredi 29 septembre 2010 à 09h35, par un-e anonyme

          à Lémi

          ce raisonnement ne semble parfait que dans la mesure où
          le patronat veut réaliser son erreur.

          Il feint de ne pas voir que :
          Plus il y a de flics, plus l’économie est en danger de mort.

          Question pratique :
          Comment accepter un emploi du temps dans ces conditions ?

          C’est impossible.

          • mercredi 29 septembre 2010 à 10h27, par ZeroS

            « Plus il y a de flics, plus l’économie est en danger de mort. »

            Le capitalisme et l’économie de marché se satisfont parfaitement du maximum de contrôle social par des dispositifs sécuritaires. L’émergence de la Chine et Dubaï en sont des exemples flagrants. Pas besoin de « démocratie » à l’occidentale pour optimiser les rentes des actionnaires, au contraire.



  • Bien vu ce nouvel angle de regard à travers cet article !

    D’aucuns ne pensent qu’à ça, mettre des bâtons dans leurs roues

    Rhoâââ là tout de suite....

    Parce qu’ils sont mieux équipés ? Sans doute. Parce qu’ils sont plus bêtement violents ? Peut-être. Parce qu’ils sont mieux entraînés ? Soit. Mais aussi pour une raison moins triviale : ils nous connaissent par cœur, quand la réciproque n’est pas forcément vraie...

    Naturellement, les résultats obtenus par les policiers et les gendarmes sont en grande partie liés aux effectifs mais pas seulement.Ils sont aussi liés, de manière essentielle, à l’organisation et aux moyens.(Brice Hortefeux de par lui-même - 06/08/2010)

    Et saisir leur logique - parfois, leur absence de logique

    C’est selon le calendrier électoral...

    [6] On ne peut pas en dire plus, on a promis…

    Rhoââ l’autre...

    Dans le cas où l’itinéraire du cortège est préalablement déposé en préfecture, policiers et manifestants entament alors des discussions. C’est une forme de marchandage, où tout est calculé.

    ...il est même utilisé la stratégie de « rupture de négociations »...

    Des deux côtés, et même si ce n’est pas pour les mêmes raisons, personne ne veut revivre le drame de la mort de Malik Oussekine de décembre 1986

    Quoique maintenant, aux vues des impunités chroniques au permis de tuer de la police et gendarmerie, cela reste encore à voir... (lire l’éditorial dans Le Monde Libertaire n° 1605).

    Or, la proportion, c’est la base même de la doctrine du maintien de l’ordre « à la française ».

    Comme à la manif No Border à Paris ?

    C’est là où l’on perçoit la dimension politique de la gestion de l’ordre et du désordre.

    exact, le contrôle de la violence...

    Dès qu’on parle de maintien de l’ordre, il y a fantasmes et les flics tablent énormément dessus.

    Comme tu/vous dites « Oh que oui... »

    subtilités partagées par tous, en un mot, la science exacte, et, de l’autre côté… l’imprévu.

    De la créativité dans les luttes...

    Par exemple peuvent surgir une exaltation particulière, un mouvement de foule inattendu

    Comme à Belleville avec les petits timoniers du grand capital ?

    Même si, comme souvent, la ligne de défense était toute trouvée : « Il était bourré », prétendaient-ils.

    Tu/vous pensiez à Maxime là ?

    Pour ma part, je vois un point sur lequel on n’insiste jamais assez, c’est l’importance de la guerre des polices.

    Ou dû au « problème de management » comme à la CRS 57 ?

    En tout cas encore bravo pour la mise au point sur un sujet pas assez exploré !

    Et c’est quand à lire sur du vrai papier ???

    amitiés

    • mardi 28 septembre 2010 à 23h31, par Lémi

      Et c’est quand à lire sur du vrai papier ??? : eh bien, disons que les choses se précisent de plus en plus, d’avancées en reculades. Sauf plantade totale, le numéro uno sera en kiosque début novembre. On y revient plus en détail très bientôt.

      Sinon, ton enthousiasme bien noté. Fait plaisir à lire, sincerely.

      Salutations vitupérantes



  • mardi 28 septembre 2010 à 21h42, par un-e anonyme

    Interview remarquable !

    On peut donner une pièce au journaliste ? Pour une fois qu’on a quelqu’un qui fait bien son travail.

    • mardi 28 septembre 2010 à 23h34, par Lémi

      Pour offrir une pièce au journaliste, je crois que ça va être compliqué. Par contre, tu peux aller sur son site et le féliciter de vive voix mailesque...

      • mercredi 29 septembre 2010 à 09h02, par un-e anonyme

        Que Dufresne ait été partie prenante d’une mobilisation qui s’est déroulée sous un gvt de droite, en 1986, lui donne un privilège méthodologique, une forme d’attention, mais celle-ci reste trop partielle.

        Aussi fondé puisse-t-il être, le point de vue anti-sakozyste crée un angle mort. La modernisation de la police doit en effet beaucoup au socialisme des années 80, moment ou l’inflation des budgets et moyens a commencé à être à l’ordre du jour.

        Un exemple, l’intervention de petites équipes de flics au sein de cortèges pour arrêter des manifestants « identifiés » (le harpon qui cible, plutôt que la charge, filet de chalut aux mailles trop peu sélectives) a été systématisée au milieu des années 80, sous « la gauche », avec la création des PLI, pelotons léger d’intervention, constitués de petits groupes en uniforme choisi pour leurs capacités physiques et sportives. Il s’agissait de ne pas s’en remettre aux flics en civils pour ce type d’action, afin d’éviter la confusion créée par l’indistinction manifestant/policier (et les polémiques que celle-ci induit).

        L’activité journalistique reste le plus souvent indifférente à l’histoire comme à toute analyse sociale, inconsistance qui fait écho à notre présentéisme.

        La manifestation qui s’est terminée à Invalides lors de la mobilisation anti-CPE se déroule ainsi entre autre parce que la police a su peu avant durcir une division bien réelle entre jeunesse sans avenir et scolarisés refusant les condition d’entrée dans le salariat qui leur sont imposées. Cherchant à prévenir cette fracture pour instituer un autre corps de la lutte, les tentatives d’une fraction de la coordination étudiante francilienne et d’autres composantes du mouvement pour s’affranchir du cadre imposé par les organisations « représentatives » (la manif officielle ritualisée) ont peu avant tourné court à Paris. C’est cet échec que sanctionne Invalides.

        Plus que la « science policière » (qui fascine et sidère, nous désirons toujours croire possible des formes de toute puissance... quitte à l’attribuer à l’autre) qui entérine, utilise durcit et manipule cette division, c’est l’art politique et l’alchimie d’une recomposition socio-politique qui a fait défaut. Et cet échec à Paris a donné le la pour longtemps. Alors oui, il est utile de « connaître l’ennemi, mais la focalisation sur la répression lui est fonctionnelle, c’est l’un des meilleurs moyen de renoncer à ce qui dépend de nous (Dufresne n’est lui qu’un des nombreux Moi républicain). »Appel", insurrectionalisme, messianisme, (et donc... Tarnac, si on n’y voit pas qu’une affaire policière mal ficelée), sont quelques uns des bricolages foireux tentés en vue de cette recomposition... qui ne vient pas. Mais, sauf à renoncer, on ne peut réduire les relations de pouvoir, ce monde, à la police comme force de répression.

        • Super commentaire, ça fait du bien de lire ça.

          L’ennemi nous connaîtrait par cœur ? Et alors, où est le problème ? Maintenant que nous sommes plus informés des diverses techniques de maintient de l’ordre par David Dufresne, nous pourrons assurément... savoir que chez ces gens-là (CRS, SS, flic, porc, assassin, etc.), on réfléchi, messieurs, on s’adapte... et de temps en temps on vous casse la gueule (au cas où vous ne l’auriez pas remarqué. « Tu t’es vu, quand tu vas en manif ?! »), mais alors ce sont de graves entorses à la doctrine, qui prescrit, surtout, que tout se déroule dans le calme, car le CRS ne s’épanouit que dans le calme, voire dans la musique d’ambiance, quand il est excité.

          « Quoi de plus politique que la gestion de la cité, que la prise et le contrôle de la rue ? » A peu près tout. La gestion de la cité, la prise et le contrôle de la rue, c’est précisément des opérations de police, au sens d’une organisation des pouvoirs, du contrôle du territoire. L’enjeu n’est pas de contrôler une rue ; du moins, je l’espère.

          Ce que nous sommes, ils peuvent penser le savoir par cœur, mais ils ne l’éprouveront jamais. Et pour voir l’ennemi comme un ennemi, il faut le faire depuis une position précise, et c’est l’élaboration de cette position qu’il faut d’abord travailler, et non, me semble-t-il, et même si c’est important, le perfectionnement de notre savoir sur la « doctrine » du maintient de l’ordre, visant, hypothétiquement, une contre-contre-insurrection (on irait loin avec ça...).

          Se tenir au courant, quelle horreur.

      • mercredi 6 octobre 2010 à 21h39, par un-e anonyme

        Mais Léni, tu es trop modeste !

        Le journaliste que je voulais ici féliciter, c’était toi et ton acolyte ! Votre interview était très brillant : il m’était parfaitement en valeur le travail de DavDuf (que l’on peut aussi féliciter, évidemment)

        Alors la petite pièce, on la met où ici ?



  • mercredi 29 septembre 2010 à 11h59, par un-e anonyme

    hello,

    un peu hors du champ de cet intéressant article mais tout de même lié : qui peut m’éclairer sur la signification du E entouré d’un cercle taggé en bas à droite de la photo du poste de douane incendié ?

    merci,

    d.

    • vendredi 1er octobre 2010 à 17h49, par JBB

      Désolé, mais je crois bien que personne n’a la réponse.

      En tout cas, perso, je ne la connais pas.



  • mercredi 29 septembre 2010 à 12h20, par Dr Maboul

    L’article est un peu trop bon : il fait flipper et donc il fait leur jeu d’intimidation (je seconde le « Cette entrevue vous a été proposée par le groupe Lagardère, fabriquant de missiles »).
    Par contre je partage le même constat : si eux sont si efficaces c’est parce qu’ils nous connaissent bien. Si on veut être nous-même efficaces, on doit les connaître au moins aussi bien qu’eux nous connaissent voir mieux (et compenser ainsi notre défaut de moyens).

    A ce titre je me permet donc de corriger une petite inexactitude :

    A Paris, où la préfecture de Police est un véritable État dans l’État, une manifestation doit obligatoirement être déclarée : si tel n’est pas le cas, la manif est jugée illégale.

    Loi du 23 octobre 1935 : l’article sur legifrance

    Toutes les manifs ou réunions publiques doivent être déclarés entre 3 et 15 jours à l’avance, pas uniquement les manifs parisiennes. La spécificité parisienne est que ça doit se faire à la préfecture. Il arrive que certaines manifs non déclarés, donc illégales, mais ne dérangeant pas le pouvoir ne soient pas perturbées et que les forces de l’ordre les laisse se dérouler normalement (« no-sarko day » par exemple).

    Pour qu’une manif en cours devienne illégale (grace à A11, on pense à faire comme les black panthers et donc connaitre bien la loi, ça pourra nous être utile) :
    l’article de loi sur legifrance
    La procédure est décrite plus précisément ici (chapitre « sommations ») :
    article sur senat.fr<--- projet de loi inique si tu manifeste à côté d’un type armé, même s’il dissimule son arme, tu es considéré comme "participant à un attroupement armé", et les CRS qui sont armés en manifs alors ?!...

    Les sommations sont en résumé : 2 sommations au mégaphone par un officiel en écharpe tricolore (et pas le CRS moyen) puis tir de fusées éclairantes réitéré au moins une fois s’ils ont l’intention de faire usage de leurs armes.

    Si les lois sur les manifs vous intéresse je conseille l’excellent billet de maître Eolas sur les apéros facebook où il résume un peu l’histoire du droit de manifestation en France :

    Il cite même ArticleXI, enfin celui de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;)

    J’ai une question pour vous tous qui avez sûrement aussi participé à beaucoup plus de manifs dispersés à coups de tonfas/lacrymos que moi : Vous les avez déjà entendu les sommations vous ?
    (Moi jamais et pourtant j’étais à Bolkenstein avec les dockers face au parlement européen et ses vitres qui volaient en éclat, à des manifs/réunion anti-CPE dispersés par les CRS et au contre-sommet/manif anit-OTAN/occupation militaire de Strasbourg qui n’était pas une suite de tranquilles marches dominicales.)

    • mercredi 29 septembre 2010 à 15h24, par David Dufresne

      Votre correction permet d’apporter une précision. Vous avez raison, la loi est la même sur tout le territoire.

      Donc, en théorie, toutes les manifestations devraient être déclarées partout en France. Mais, en pratique, celles qui le sont le sont surtout à Paris pour des raisons historiques, pratiques (un exemple parmi d’autres, qui gère les manifestations à la Préfécture de Police ? La Direction de l’Ordre public et de la circulation, c’est parfois aussi bête que ça, vu le nombre de manifestations en tous genres, la Capitale doit faire face à un nombre important de « partage de voirie »...), etc.

      Ultime précision : dans tous les cas, Paris/Province, les déclarations doivent se faire en... Préfecture. Mais l’immense différence, entre Paris et le reste des départements, c’est qu’à Paris, il y a deux Préfets et deux préfectures. Une dite « de région » et l’autre, dont il est question ici, « de police ».

      Voir en ligne : http://fr.wikipedia.org/wiki/Préfet_de_Paris

    • mardi 5 octobre 2010 à 12h02, par un-e anonyme

      Ayant participe a pas mal de manifs en France et ayeur, je me porte en faut sur le fait qu’ils nous connaissent.
      Ils s’organisent par rapport aux manifs precedentes. Il y a aussi la lourdeur du commendement, ca prend du temps. A chaque flambe social, une grosse majorite des participants n’etaient pas presents a la flambe social precedente, donc les flics ne peuvent pas connaitre leur reaction. En gros ils ont toujours une manif de retard. Et une manif sauvage peut facilement les balader. Eux ils attendent les ordres avant de bouger, la spontaneite nous permet d’avoir au minimum deux carrefours d’avancent sur eux, et particulierement en heure de pointe.
      Non, ils sont mauvais, c’est vraiment pas complique d’etre plus efficace, il suffit d’un peu de volonte, d’imagination et de determination...



  • samedi 9 octobre 2010 à 23h10, par Opsomer

    La militarisation du maintien de l’ordre, réalité ou fantasme ? A mon sens, on glisse doucement mais sûrement vers le fait accompli ! Au mois de juillet 2010, le journaliste Jean-Dominique Merchet a ainsi rapporté sur son blog « Secret Défense » que « Deux équipes (chien et maître-chien) du 132e Bataillon cynophile de l’armée de terre ont été mobilisées en appui des policiers pour la recherche d’armement à la suite des graves incidents de Grenoble. » (1) Or, ce n’est pas une première. Des équipes spécialisées des trois armées interviennent, en effet, régulièrement au profit des forces de police ou de gendarmerie car elles disposent de moyens spécialisés très pointus. C’est notamment le cas pour tout ce qui concerne la surveillance et le renseignement, voire le transport (hélicoptères, bateaux, etc.).

    Cela dit, Jean-Dominique Merchet avait aussi écrit en mars 2008 un intéressant article intitulé « Contrôler la foule, un job de fantassin » (2). Ce billet explique en quoi les mouvements de foule sont devenus un véritable casse-tête pour les militaires sur la plupart des théâtres d’opération où sont engagées des troupes françaises. Résultat : l’armée de terre engage systématiquement une compagnie formée à ce travail spécifique de l’infanterie. On l’appelait la compagnie de réserve opérationnelle ; elle a été rebaptisée Compagnie d’infanterie à capacité de contrôle de foule. Or, qu’est-ce qui interdirait à un politicien d’utiliser cette force sur le territoire nationale ?

    L’hypothèse d’un soulèvement populaire est d’ailleurs prise au sérieux par les instances militaires comme en témoigne l’étude du chef d’escadron Taralico au collège interarmées (3), qui tire conséquence des émeutes de 2005, dont voici un extrait :

    « En France, les hélicoptères du ministère de l’Intérieur sont ceux de la sécurité civile, qui sont avant tout conçus pour le sauvetage et ne possèdent pas de caméra thermique. L’aide des armées pourrait se manifester dans ce domaine ainsi que par exemple dans les moyens de brouillage. D’autres aéronefs emporteraient des tireurs d’élite prêts à neutraliser les insurgés armés. Enfin, des hélicoptères de transport pourraient être prêts à héliporter sur les toits d’immeubles des groupes d’assaut afin de s’emparer d’une plate-forme ou d’investir un immeuble par le haut et le bas simultanément. Des drones capables de maintenir le stationnaire et équipés de caméras visible et infrarouge pourraient également compléter le dispositif et servir de moyens de renseignement et d’alerte. […] Il s’agit, maintenant, pour le gouvernement, de profiter de cette prise de conscience des média pour établir avec eux une charte de bonne conduite en cas d’événements graves. […]Il faut entretenir le débat sur le rôle des média afin de les amener à prendre toutes leurs responsabilités si de nouveaux drames devaient survenir. »

    Brouillage, hélicoptère, vision nocturne, censure… Force est de reconnaître une militarisation des matériels comme en témoignent d’ailleurs deux articles de France Soir en mai 2010 (4) : « A l’instar des forces spéciales en Afghanistan, la police dispose depuis trois ans de drones. » Elle a aussi recours à des dirigeables pour la vidéosurveillance aérienne avec cette remarque : « C’est d’ailleurs l’utilisation qui en est faite par l’armée israélienne au-dessus de Gaza. »

    Je terminerai sur le livre du chercheur Hacène Belmessous : « Opération banlieue. Comment l’État prépare la guerre urbaine dans les cités françaises » (La Découverte, 2010) ; on peut découvrir la présentation ainsi que quelques extraits sur le site de l’éditeur (5). Il assène qu’avec l’adoption en 2008 du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, l’idée d’un engagement des forces terrestres en banlieue n’est désormais plus un tabou.

    (1) Des chiens de l’armée de terre découvrent des armes à Grenoble
    http://secretdefense.blogs.liberati...

    (2) http://secretdefense.blogs.liberati...

    (3) « Guérilla et violences urbaines »
    http://www.college.interarmees.defe...

    (4) Banlieues - Des hélicos pour traquer les bandes
    http://www.francesoir.fr/faits-dive...
    Drones, dirigeables et camions 4x4 dans les banlieues
    http://www.francesoir.fr/drones-dir...

    (5) http://www.editionsladecouverte.fr/...



  • dimanche 10 octobre 2010 à 09h08, par Boddisatva

    Bonjour David Dufresne et bravo de montrer qu’il y a une vie après « Mediapart ».

    Ma question est la suivante :

    pensez-vous que la doctrine « zéro mort » appliquée par les forces de l’ordre depuis 1968 est appelée à perdurer, ou est-ce qu’on finira dans une situation à l’américaine où dans certaines circonstances les pertes en vies humaines liées à des mouvements collectifs sont très importantes ?

    Cordialement

    • lundi 11 octobre 2010 à 13h22, par T.

      Article11 repris par Slate.fr :
      http://www.slate.fr/lien/28441/leco...

      Il se passe des trucs bizarres...

      • lundi 11 octobre 2010 à 14h22, par Boddisatva

        @ T. : je ne vois pas ce qu’il y a de bizarre : David Dufresne ou son éditeur ont peut-être tout simplement une bonne attachée de presse.
        Je ne doute pas que « Mediapart » sera beau joueur et parlera aussi de cet ouvrage en bien.

        • lundi 11 octobre 2010 à 19h46, par JBB

          Tiens, je n’avais pas vu. Et je suis plutôt d’accord avec T. : c’est un rien bizarre.

          Que le webzine lancé par Colombani et Le Boucher renvoie sur A11 (en plus, ils le font de manière très réglo, rien à dire), limite j’en perdrais mes repères idéologiques. Peut-être le signe qu’un sacré changement de paradigme est en cours - voici venu le temps des gauchistes - et que l’automne va salement remuer de la barricade...

           :-)

          • mardi 12 octobre 2010 à 12h18, par fred

            Après le JDD et son article sur Tarnac voilà que c’est au tour de Slate de faire de l’entrisme ?

            Le maintien de l’ordre dans les manifestations est une des grandes fiertés de la police française qui possède un impressionnant [j’ai corrigé : « nn » à impressionnant] savoir-faire

            Une des grandes fiertés de police à quelques jours de l’anniversaire des évènements du 17 octobre 1961... l’article rappelle la mort de Malik Oussekine en 86’... encore une des grandes fiertés...

            ...bizarre, tu as dis bizarre ?

            Chanson d’automne

            Les sanglots longs
            Des violons
            De l’automne
            Blessent mon cœur
            D’une langueur
            Monotone.

            Tout suffocant
            Et blême, quand
            Sonne l’heure,
            Je me souviens
            Des jours anciens
            Et je pleure,

            Et je m’en vais
            Au vent mauvais
            Qui m’emporte
            Deçà, delà
            Pareil à la
            Feuille morte.

            Paul VERLAINE, Poèmes saturniens (1866)

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