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lundi 24 mai 2010

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posté à 15h12, par Mathieu Colloghan
31 commentaires

Thaïlande : pas de démocratie sous ces tropiques !
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Ah, la Thaïlande ! Les plages ensoleillées, le tourisme sexuel, les boxeurs qui ne font pas leur âge, la dope et (l’excellente) cuisine de rue ! À ces perles de clichés (de quoi faire un joli collier pour journaliste), on va pouvoir ajouter ces pittoresques manifestations de chemises rouges ou jaunes. Comme tout cela est coloré et amusant ! Comme tout cela est drôle !

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Persifler sur le pays des hommes libres1 ? Allons donc… C’est que ça jure un chouilla avec la couverture médiatique du moment. L’heure est (re)venue de causer « vacances de rêves » ou « destination lointaine ». Et les plus accros à l’info évoqueront même la Palme d’or. Pourtant…
Il y a cette boule de colère qui ne passe. Pas seulement pour ce qui vient de se passer ces derniers mois dans les rues de Bangkok. Mais surtout pour l’assourdissant silence international qui a accompagné ces événements. Y compris à gauche2. Une douce indifférence. Il y avait pourtant de quoi aviver la fibre solidaire.

La Tahïlande pour les distraits

Comme vous n’avez pas forcément suivi, je résume :

En 2005, le Premier ministre Thaksin Shinawatra, millionnaire libéral accumulant les affaires d’enrichissement personnel, voit son avenir politique s’assombrir. Il opère un virage politique que nos analystes considéreraient comme odieusement populiste : pour avoir une chance de se maintenir au pouvoir, il décide de s’appuyer sur les classes populaires et lance une politique de développement du Nord du pays - il s’agit des zones ne bénéficiant ni du boom spéculatif de Bangkok ni de l’économie du tourisme. Il accompagne cela d’une série de (timides) réformes sociales et économiques3.

Premier résultat : en 2006, Thaksin est débarqué par un coup d’état. Nos analystes évoquent - suprême post-modernisme - un putsch « démocratique » car le coup est accueilli avec ravissement par la bourse thaï et par les milieux financiers. Autre indicateur avancé : le faible nombre de manifestations. Cette faiblesse plus que relative - des dizaines de manifestations se sont tenues, malgré la loi martiale et le couvre-feu ! - démontrerait donc le caractère populaire de la schlague thaïe. Sinistres clowns du commentaire !

La révolution des lilas

Retour à la démocratie, en décembre 2007 : les premières élections organisées donnent la victoire au Parti du Pouvoir du Peuple, proche de Thaksin. Qu’à cela ne tienne : les « chemises jaunes », coalition bigarrée de la jeunesse dorée, de la droite la plus libérale et de certains secteurs de l’armée, se mobilisent, bloquent aéroport et autoroutes. Cette coalition bénéficie aussi d’un certain soutien populaire tant Thaksin est devenu le symbole de la corruption, « mal endémique qui ronge la société » thaïlandaise, comme on dit. L’armée - ah, l’armée ! - et la police n’interviennent pas. Le gouvernement tombe, remplacé par le très, très libéral Abhisit Vejjajiva. Et les affaires reprennent. Et tout va mieux. Bref, n’en parlons plus.
N’en doutez pas, il doit bien y avoir des analystes pour donner un nom de fleur à cette « révolution », après les tulipes, les roses et les oranges - oui, je sais que les oranges ne sont pas des fleurs… Quant à Thaksin, il profite de sa retraite anticipée pour faire des emplettes sur les Champs Élysées, grâce à notre si sélective hospitalité qui a fait notre chouette réputation au Rwanda, à Haïti ou au Zaïre.

Alors que les affaires reprennent pour de bon, en mars dernier, voilà que les couches populaires commencent à s’agiter. « Populaire » est le mot : c’est depuis les quartiers populaires des périphéries, des villes du Nord et de la campagne que les « chemises rouges » montent à la capitale pour exiger plus de justice sociale et de vraies élections libres. À écouter ce qu’en raconte Weng Tojirakarn, médecin communiste et l’un des trois, pardon, des deux leaders des chemises rouges4, il n’est pas question du retour de Thaksin ou des tactiques du roi et de ses héritiers : il parle de mouvement social, de classes, de redistributions et de démocratie.

Et donc, ça s’agite sévère. On occupe le centre ville. On dresse des barricades, on ferme la bourse. Thomas Fuller écrit dans le New York Times : « Ce n’est pas tout à fait la Commune de Paris, mais c’est le pas le plus important que Bangkok ait effectué en direction de l’anarchie. »

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Là, l’armée - qui a reçu droit de tuer et ne s’en est pas privée - est ferme. Et dans l’indifférence générale, le tir au lapin tourne à plein. Les généraux parlent du retour au calme au bout de trois jours. Combien de morts ? De blessés ? D’arrestations ? Et nous, soucieux de démocratie et de mouvements sociaux, nous ne disons rien. Faut dire qu’il fait enfin beau. Et puis il y a les apéros FaceBook et la burqa. Et puis, c’est loin, la Thaïlande pauvre. Très loin…



1 Séquence étymologie : Thaïlande signifie «  le pays des hommes libres ». Ceci dit, parler d’homme libre pour la Thaïlande, ce n’est pas plus faux que de parler d’« homme intègre » pour le Burkina Faso.

2 En dehors des Alternatifs et d’un article dans la revue internationale troskiste Inprecor, je n’ai pas vu passer grand chose. Et en dehors des articles du Monde Diplomatique, je n’ai pas lu grand chose non plus. A l’exception notable, quand même, du Grand Soir, de Nosotros Incontrolados, d’Objurgation et de l’intéressant site de Danielle Sabai.

3 Par exemple en limitant radicalement les dépôts en devises étrangères pour limiter l’afflux de capitaux et de spéculateurs jouant au yoyo avec le Baht, la monnaie Thaï.

4 Quand l’un des trois animateurs des chemises rouges, Khattiya Sawasdipol, est abattu par un sniper durant une conférence de presse (voir notamment le très bon billet publié sur le sujet dans les blogs du Diplo), ça ne fait pas la une des journaux. Vous imaginez, si ça avait eu lieu à Caracas ?


COMMENTAIRES

 


  • lundi 24 mai 2010 à 16h43, par un-e anonyme

    En dehors des Alternatifs, je n’ai pas vu passer grand chose. Et en dehors des articles du Monde Diplomatique, je n’ai pas lu grand chose non plus.

    Et maintenant une page de publicité :

    Bangkok : Médias Pourris …
    http://www.legrandsoir.info/Bangkok...



  • lundi 24 mai 2010 à 20h08, par nicocerise

    Je suis inquiet mon fils est à un apéro facebook je le croyais à une manifestation des no borders.

    Voir en ligne : ceriselibertaire



  • mardi 25 mai 2010 à 01h32, par un-e anonyme

    La censure s’épanouit en Thaïlande.
    Les médias occidentaux n’en parlent presque pas : le gouvernement thaïlandais n’a pas le tort d’être de gauche.
    Qu’une journaliste du journal (censuré) « Prachathaï » purge 18 ans pour crime de « lèse-majesté » ne semble pas poser de problème à la plupart de nos journaleux européens.

    Le blog du « Diplo » « Planète Asie » est victime de nombreux postes « jaunes » : « Tout est la faute de Thaksine, avant lui la Thaïlande était unie,... » et autres fadaises.



  • mardi 25 mai 2010 à 07h39, par อเล็ก

    Qu’est ce que vous connaissez de la Thaïlande et de ce qu’il s’y est passé ces dernières semaines ? Probablement pas grand chose...

    Continuez à vous nourrir et à enrichir vos connaissances via la presse internationale vous irez loin ;)

    • mardi 25 mai 2010 à 08h29, par un-e anonyme

      ça c’est certain ! J’y connais keud, à la Thailande ! Et pas qu’aux dernières semaines. Nan nan. Même le royaume de Siam, j’y connais rien. J’parle même pas la langue, c’est dire ! Et puis, de quel droit en parler, si on a pas passé son enfance à Chang Mai, si on travaille pas dans un centre commercial géant de Bangkok, si on regarde pas le durian pousser dans le jardin toute l’année, si on fait pas sa sieste face au Mékong ?!
      ça, c’est certain.

      Par contre j’ai quelques notions en science-nat (des notions, pas plus) et quand on tire une balle dans une tempe, même de général, j’ai suffisamment de connaissances pour me faire une idée des dégats.
      Je connais rien à la Thailande, mais je sais quel est le bon camps quand des manifestants réclament des élections libres et qu’ils ont face à eux des militaires.
      Je connais peau-d’zob à la Thailande, mais la démocratie et la dictature, ça me dit quelque chose.
      Enfin, et c’était tout de même le sujet de l’article, je ne connais rien à la Thaïmachin, mais le relativisme des médias occidentaux, quand ils parlent de la démocratie à l’étranger, je connais bien : exigeants pour le Venezuela ou la Bolivie, mais ô combien plus souple pour le Honduras, la Colombie, le Gabon, l’Irak etc .

      Je connais rien à la Thaïtruc, mais il me semble qu’y vivent des être humains avec des aspirations somme toute universelle. Et ça, les être humains, j’en ai déjà pas mal entendu parler.

    • mardi 25 mai 2010 à 12h45, par Seb

      Exact อเล็ก , qu’est ce qu’ils en savent ? Y’a 50% de n’importe quoi dans ce billet, Comme d’hab ils reprennent un évennement et le moule à leur guise selon leur convictions.



  • mardi 25 mai 2010 à 10h28, par Bernard de Guilhermier

    Merci pour cet article, ce que j’ai lu de plus intelligent....
    Un français qui vit dans la Thaïlande profonde depuis 10 ans et qui desespère de jour en jour de comprendre ses hôtes....

    Une petite critique et non un reproche car on trouve cela partout.... Je ne suis pas convaincu que « thaï » ne veuille pas dire aussi « homme supérieur »..... Pas bien gentil pour les autres, minorités ethniques, musulmans d’origine malaise du sud etc.....



  • mardi 25 mai 2010 à 10h38, par les amis du négatif à l’oeuvre

    Comment ça il ne fut nulle part question de la Thaïlande excepté dans « Le grand soir » ou le monde diplo ? _ ?
    http://nosotros.incontrolados.over-blog.com/article-bangkok-l-insurgee-les-media-en-grenades-assourdissantes-50451356.html

    [http://nosotros.incontrolados.over-blog.com/article-bangkok-l-insurgee-trahie-reponse-2-a-p-pellicer-50691694.html

    ->->http://nosotros.incontrolados.over-blog.com/article-bangkok-l-insurgee-trahie-reponse-2-a-p-pellicer-50691694.html]]

    [http://nosotros.incontrolados.over-...
    [
    http://nosotros.incontrolados.over-...]-> http://nosotros.incontrolados.over-...]]

    Sans compter nos dessins et les autres billets que nous avons rédigés que ce soit relativement aux évènements en Grèce insurgée ou à d’autres émeutes ailleurs qui contenaient presque tous des éléments traitant de la situation en thaïlande....et je ne parle même pas des commentaires...
    M’enfin....

    Voila....c’est dit.

    Et bonjour bien cordial à toutes et tous de Article XI

    Nosotros. Incontrolados

    Voir en ligne : Thailande l’insurgée trahie

    • mardi 25 mai 2010 à 11h03, par colloghan

      Les Alters,le Monde Diplo, legrandsoir et Nosotros.incontrolados, ça ne fait toujours pas un ras de marée médiatique. Comme, par exemple, sur le sujet central des apéros FaceBook. JBB, sois sympa, ajoute à mon message la sélection que je t’envoie.



  • mardi 25 mai 2010 à 11h08, par un-e anonyme

    Mais ils vont jusque sur ce site pour chercher noises. Incroyable.

    Je parle de « Alek » qui se reconnaitra. Vous touchez des sous d’Aphisit ?



  • mardi 25 mai 2010 à 12h00, par Olivier

    Bonjour,

    Je rentre d’un séjour de trois semaines en Thaïlande, et si je ne peux me targuer de comprendre les rapports de force politiques ou connaître le sentiment profond des autochtones sur la crise qu’ils viennent de traverser, j’aimerais néanmoins ajouter un bémol à l’article ci-dessus.

    En effet, il ne me semble pas que l’on puisse établir aussi simplement le lien « rouge = classes populaires, juste colère » vs « jaune = élites cyniques ». Ayant vaguement évoqué le sujet avec plusieurs thaïlandais, le soutien aux rouges est loin d’être unanime dans la population « provinciale », et plusieurs de mes interlocuteurs les voyaient comme des, je cite, « gens peu éduqués, prêts à tout, et manipulés par Thaksin ».

    Je suis bien conscient que dans ce genre de conflit politique les deux camps se renvoient systématiquement le « populisme » à la figure, mais je trouve hardi d’affirmer que le combat des rouges est « juste » sur la simple foi de leur appartenance aux couches populaires. Si vous avez plus d’éléments sur leurs revendications - autres que le recours à des élections, qui avait été accepté par le gouvernement en place il me semble -, je suis preneur.

    Enfin, concernant un commentaire plus haut sur la punition sévère d’un crime de « lèse-majesté », je signalerai juste que la perception du roi dans le pays (hommages dithyrambiques quotidiens dans les gares et les cinéma, portraits omniprésents) est incomparable avec celles que nous connaissons sous nos latitudes (Belgique, Angleterre). Il est tout à fait possible que le « lèse-majesté » soit un faux-nez d’une censure politique, mais on ne peut s’en étonner : la Thailande est monarchique, et pas seulement pour le folklore.

    Pour le reste, je suis évidemment d’accord sur le traitement de cette crise par les médias occidentaux : du sensationnel, des pneus qui brulent et des soldats qui tirent, mais pour comprendre la situation politique, il faudra repasser. Business as usual.

    • mardi 25 mai 2010 à 12h13, par Big Brother

      moi je sais pas
      jamais mis les pieds en Thaïlande
      mais au moins l’avantage qu’ils ont sur nous, qui sommes en démocratie
      c’est qu’ils savent sur qui tirer, vu qu’ils sont en dictature.

      ça simplifie les choses, finalement
      c’est éclairant pour nous
      non ?

    • mardi 25 mai 2010 à 12h29, par un-e anonyme

      Putain, revoilà les mecs qui viennent légitimer la censure et l’absence de liberté d’expression.

      Toujours sur le le blog « planète asie » du « diplo », allez voir la campagne que mènent les « jaunes » sur le dernier papier de Xavier Monthéard et également le dernier de Jean-Claude Pomonti.

      Regardez comment ils ont traité « Yaoline », ces gens qui se targue de « connaître la Thaïlande ».

      Qu’ils viennent jusqu’ici c’est du délire.

    • mardi 25 mai 2010 à 13h11, par colloghan

      Il me semble que du soutien inconditionnel à Thaksin des premières semaines, on en est aujourd’hui, côté rouge, à des revendications un peu moins de soutiens à un ancien premier ministre que, par ailleurs, je ne soutiens nullement. Je soulignais d’ailleurs que l’impopularité de thaksin était tres partagée. Ce qui explique sans doute les premiers soutiens populaires aux jaunes. Les rouges ne sont nullement homogènes et je me garderai d’en parler comme d’un groupe unilatéralement progressiste mais : il y a tout de même un clivage social et des revendications précises et, par ailleurs, une fois que le chef du gvt a annulé la proposition d’élections générales, on ne peut pas vraiment considérer que l’ex-proposition prouve quoi que ce soit.
      Par ailleurs, la popularité du Roi ou le respect du drapeau ou de l’hymne national ne change rien au fait que sanctionner les opposants est a-démocratique. La démocratie, c’est aussi le droit d’expression des minoritaires.

      • mardi 25 mai 2010 à 14h05, par un-e anonyme

        Tout à fait, être critique du gouvernement actuel ne signifie pas forcement être un supporter de Thaksin.

        Quant à la question de l’adhésion populaire à la monarchie, il est difficile de prétendre que les Thaïlandais n’aime pas leur roi.
        Cela étant il ne faut pas oublier que c’est en partie le fruit d’un travail de propagande sponsorisé par les Etats-Unis pendant la guerre froide, en particulier pendant la guerre du Vietnam, pour faire pièce à l’influence communiste dans les régions périphériques.
        Lors d’un colloque à l’université de Chulalongkorn (à Bangkok), un intervenant a rappelé que sa propre grand mère, avant la première visite du roi dans son bled du Nord-est, s’imaginait que le souverain n’était qu’un personnage de pièce de théâtre...

        Les militaires au pouvoir à la fin des années 1950 ont prit le parti d’utiliser la monarchie pour légitimer leur pouvoir et la monarchie s’est servie des militaires pour maintenir le trône.

        [Voir le travail de Thak Chaloemtiarana, « Thailand, the politics of despotic paternalism » qui n’est -c’est dommage- toujours pas disponible en français.]

      • vendredi 28 mai 2010 à 16h16, par Olivier

        J’avoue en être resté à la revendication principale des Rouges qui était le retour de Thaksin et la tenue d’élections anticipées (j’ai d’ailleurs raté l’épisode qui a mené au retrait du plan de sortie de crise proposé par le gouvernement. Comment l’ont-ils justifié ?). J’avoue n’être toujours pas totalement convaincu du clivage social entre rouges et jaunes, mais je conçois en revanche tout à fait que l’équation « rouge = supporter de Thaksin » se soit nuancée avec le temps.

        Concernant le « Putain, revoilà les mecs qui viennent légitimer la censure et l’absence de liberté d’expression. », je suis ravi d’avoir été aussi bien lu. Je ne légitimais évidemment rien, mais je voulais juste la replacer dans un contexte que j’ai trouvé particulier et que je n’aurais certainement pas pu appréhender si je n’avais pas mis les pieds là-bas. C’est d’ailleurs ce qui m’interdit de qualifier la Thaïlande de démocratie : la figure du roi est si écrasante que le terme de monarchie n’est pas purement cosmétique (parle de « dictature » est peut-être exagéré, mais allons dire où elle commence....).

        Pour conclure, c’est effectivement discutable de renvoyer dos à dos Rouges et Jaunes en arguant de la complexité du problème (ça m’agaçait prodigieusement dans le cas du coup d’état au Honduras), mais c’est intéressant d’aborder un conflit politique sans prisme idéologique préalable : on se rend compte de la difficulté de prendre parti sereinement, nonobstant les larmes et les morts. Déficit moral ou prudence ignorante, aucune idée.

        • vendredi 28 mai 2010 à 16h49, par colloghan

          C’est une vraie question : ce qu’est la démocratie. Pas seulement en Thaïlande.

          Il me semble qu’en premier il faut tordre un argument assez insupportable qui a affleuré dans certains des échanges précédents : il n’y a pas de relativisme des évaluations démocratiques, légitimable par la « culture » du pays. Dit comme ça, ça fait abscond. Autrement dit : il n’y a pas de démocratie avancée en Europe, et des démocraties moins exigeantes dans d’autres pays parce que, faute de 200 ans de tâtonnement, ou parce que « sous ces tropiques », ou « avec cette couleur de peau », la démocratie pourrait y être à minima ... Cela ne signifie nullement que la seule démocratie soit le modèle occidental, loin de là. Mais on ne peut pas affirmer, par exemple, que l’interdit autour du roi en Thaïlande soit de l’ordre du culturel, que, ma fois, l’homophobie iranienne soit un fruit de la tradition, que l’absence de droit syndical en Chine tienne des particularismes exotiques, que la criminalisation des noirs aux USA soit de l’ordre du folklore etc ... Surtout la démocratie ne vient pas après la faim et la sécurité. L’exigence démocratique lors de l’expérience de Budget participatif à Porto Alegre, par exemple, était portée par des pauvres des favelas. Des gens bien plus exigeants et vigilants que nous zaut’, dans notre démocratie si mure (blette, même).
          Oui, mais, une fois clamé (avec de grands coups de poings sur la poitrine) que la démocratie, c’est universel reste à savoir de quoi on parle. Il n’y a pas le paradis sur terre d’un côté et le côté obscur ( « au fascisme ! au fascisme ! ») de l’autre. Ou du moins, si on n’est pas Alexandre Adler.
          Une hypothèse : la démocratie est un objectif et les systèmes en sont plus ou moins proches. Ainsi, tel régime n’est pas ou une démocratie ou un régime autoritaire, mais quelque part sur un curseur entre les deux.
          Ainsi, avec la dégradation du système de justice français, avons-nous bougé vers moins de démocratie.

          Oui mais quels sont les symptômes pour reconnaître la démocratie ?
          La liberté d’opinion, d’expression (oui, bon, y compris religieuse, la liberté). Ok. La transparence de l’état. Possible. L’équité face à la justice ? Moui, plus flou. La propriété privé ? Heu ... non, pas forcément.
          Est-ce qu’il peut y avoir démocratie sans justice sociale ?
          Mais je m’demande si je n’ouvre pas là un immense chantier.



  • mercredi 26 mai 2010 à 03h19, par Naimrod

    Soyez plus tranché, Mathieu, on ne sait si c’est du lard ou du cochon, c’est mi-figue mi-raisin...

    Voir en ligne : Thaïlande : pas de démocratie sous ces tropiques !



  • jeudi 27 mai 2010 à 06h56, par TJ

    J’habite en plein Silom, Bangkok, j’ai donc ete au premier rang de ce conflit. Je voudrais juste ajouter quelques precisions a ces divers avis/post.

    Tout d’abord, l’analyse concernant la presse occidentale est pertinente, je crois que nous sommes tous d’accord, excepte un journaliste ou deux (dont le correspondant France 24 de bkk) aucun n’a compris son sujet.

    Par contre, dire que la thailande est une dictacture, me fait tout simplement bondir !! Connaissez vous beaucoup de dictature qui laisse leur opposant non seulement en liberte mais bloquer le centre de la capitale pendant 2 mois sans meme intervenir !! Moi non. Certes la thailande a emormement de progres a faire democratiquement parlant. Et les thailandais n’ont qu’une tres vague idee de ce qu’il reclame, particulierement les rouges.

    Rappelez vous aussi cher amis francais que nous avons fait notre revolution il y a plus de 200 ans, combien de temps avons nous mis avant d’arriver a une « reele democratie » ?
    L’OAS n’est pas si loin.

    Concernant les evenement evoque dans l’article, certes un general rouge a ete snipe en plein Silom et en plein interview. Cet ancien general, communiste et extremiste etait le responsable du camp du quartier des affaires, coeur de tout les premiers incidents.. assasinat en moto, 4 grenade envoyer sur des jaunes etc...
    D’autre part, un general de jaune et ses deux chefs d’etats major ont ete sniper par des professionnels rouges qui ont aussi tires sur les rouges (les mort du 10 avril on ete abattu avec a plus de 200m de distance avec des balles hautes precision... Ce sont donc les rouges et des policiers de type GIGN qui ont executer militaire et manifestant afin de creer le chaos.

    Petit exercice de transposition pour finir, imaginez que Mr Bouygues, Bernard Arnaud ou autre se faisant elire president en france, puis abusant demesurement de sa position pour son business, se fait inculper, puis s’echappe au caraibes. De la il souleve un mouvement populaire (diriger par un service d’ordre de communiste extremiste..quelque chose ne va pas deja..), pour tenter de recuperer le pouvoir. Tout le centre de paris bloque pendant deux mois. Mais le gouvernement ne lache pas. Alors notre magnat en exil demande a son service d’ordre composer d’ancien policier et militaire de mettre le feu au interet de ses ennemis. mettant ainsi en danger tout ses supporters (les 30 bulding bruler en meme tps appartiennent comme par hasard au ennemis de thaksin)

    Folie et megalomanie, merci Thaksin. Je pense donc que les jaunes sont plus a meme de faire avancer la thailande vers une democratie, qu’un affame de pouvoir et d’argent a la thaksin.

    Les revendications des rouges sont fondees, mais l’ensemble de ces morts sont imputables a Taksin.

    • jeudi 27 mai 2010 à 13h36, par PPellicer

      T’as pas l’impression de t’être laissé un peu abuser par la propagande gouvernementale relayée par le Bangkok Post, The Nation etc non ?

      85 morts (le compte est d’ailleurs un peu étonnant, mais passons) dont 74 civils, l’immense majorité non-armée, et parmi lesquels figurent un urgentiste bénévole, une infirmière, deux photographes de presse, et bon nombre de riverains, je vois pas vraiment en quoi on peut les imputer aux rouges ou à Thaksin.

      Rien n’obligeait les centres commerciaux à fermer durant les manifs des rouges, qui étaient loin de menacer leur activité commerciale, avant la première intervention de l’armée.

      Le double discours, les mensonges, l’occultation des faits, les manœuvres secrètes du gouvernement ont été absolument effrayantes, dans un pays ou on y est pourtant fortement habitués. C’est simple, tout a été utilisé pour diaboliser (c’est le mot), le mouvement des rouges : l’accusation complètement farfelue de complot anti-monarchique (rappelons que c’est ce qui avait poussé au massacre les paramilitaires du roi en 1973, avec au menu rien moins que des viols sur cadavres sur l’une des principales avenues du pays), les snipers, l’ordre de tirer à vue sur les incendiaires puis plus tard la menace de peine de mort pour ces mêmes agités du cocktail molotov, accusations de terrorisme et d’utilisation de mercenaires étrangers...bref la liste serait trop longue à dresser.
      Tous les arguments qui ont servi à légitimer l’intervention de l’armée n’ayant été que trop bien démentis par les faits, dans une presse pourtant peu critique à l’égard du gouvernement (à l’exception des grands médias américains), je ne vais pas m’y lancer.

      La Thaïlande est-elle une dictature ? Difficile de répondre à la question.
      Il est en tout cas indéniable que le pouvoir s’y exerce depuis toujours de manière extrêmement autoritaire, que l’armée s’est depuis longtemps assuré un contrôle extrêmement important sur les affaires du pays, que la corruption y est quasiment impossible à stopper, qu’on ne transige pas avec quoi que ce soit (voir les peines de prisons pour consommation de stupéfiants), que la justice est aux ordres (justice de classe est un terme qui convient assez bien), que la liberté d’expression y est fortement réduite (la loi de lèse-majesté est la plus répressive au monde), que le « bureau de la censure » est tout puissant (50.000 sites internet bloqués), que la Thaïlande est régulièrement dénoncée par toutes les ONG luttant pour le respect des droits de l’homme (depuis 1975) pour un nombre assez impressionnant d’abus (dont la partie la plus effrayante est probablement le traitement réservé aux travailleurs immigrés et aux réfugiés), sans que rien n’ait jamais été fait pour changer la donne. Rappelons que la Thaïlande a toujours tout fait pour contourner la législation internationale au sujet des réfugiés. En 79 on n’hésitait pas à refiler aux Khmers rouges le riz des dons internationaux destiné aux réfugiés cambodgiens, ou à rapatrier massivement des civils en zone de guerre. Triste rebelote cette année avec le refoulement en mer des Rohingyas, minorité musulmane persécutée en sa terre d’origine, la région d’Arakan (Birmanie).

      Au sujet de Seh Daeng tu es mal informé (et quel amalgame !), il n’a jamais été communiste, mais s’est au contraire illustré dans la lutte anti-communiste en Thaïlande contre le CPT et au Laos pendant la guerre du Vietnam. La Thaïlande était alors le fidèle allié des USA dans leur lutte anti-communiste en Asie du Sud-est. La répression contre les communistes a été particulièrement brutale et disproportionnée, ayant fait des milliers de morts un peu partout dans le pays.

      On a tendance à assimiler aujourd’hui les chemises rouges aux communistes d’alors, argument
      fort pour les décrédibiliser (les communistes sont assez massivement honnis, merci la propagande des années 70), argument auquel il y aurait beaucoup à redire.

      Il peut d’ailleurs être utile de préciser qu’un grand nombre des cadres communistes ayant joué un rôle actif dans l’insurrection (de 63 à 83) exercent aujourd’hui des fonctions politiques ou se sont réorientés (business). En politique, si quelques uns ont fait partie des « chemises rouges », la plupart d’entre eux n’ont pas caché leur sympathie envers les jaunes et sont membres des partis qui leur sont proches.

      La lutte d’aujourd’hui a eu des antécédents, et ressemble en réalité fortement à la situation qui prévalait en 92. Il y aurait de quoi faire une longe analyse (ce que je me propose de faire prochainement) pour contrer la désinformation la plus éhontée à laquelle se livrent les grands médias étrangers (d’autant plus facile que la situation politique de la Thaïlande est à la fois extrêmement complexe et largement méconnue), les raccourcis qu’ils ont fait, les simplifications abusives, leur manque de recherche de fond (rien sur les rapports sociaux, la culture féodale, le système politique et les « big men ») etc...

      • vendredi 28 mai 2010 à 11h55, par TJ

        Non je n’ai pas l’impression d’avoir ete influence, car je deteste the nation, et le bangkok post n’est en effet pas du tout objectif dans ce conflit.

        Mon propos etait de dire que Taksin est le principal responsable de la fin malheureuse de ces manifestations, pas qu il soit le seul, ou que le pouvoir en place soit irreprochable. « Le double discours, les mensonges, l’occultation des faits, les manœuvres secrètes du gouvernement ont été absolument effrayantes » tout a fait, idem pour taksin, ils usent dans les deux camps des memes methodes.

        Le gouvernement n’a pas correctement gerer la crise j’en conviens, cependant lorsque ils ont enfin accepter de dissoudre le parlement en novembre puis de reorganiser des elections, la quasi totalite des dirigeants rouge ont accepter et ont apparu en Blanc a la TV sauf notre cher general Seh Daeng (merci pour les precisions a son sujet, et excusez l’amalgame :), qui a provoquer d’autre incident, assasinat d’un militaire par un motard en plein silom, 4 grenades sur des etudiants thailandais venu manifester pacifiquement a Silom...Il ne voulait pas d’election, il voulait provoquer le chaos et prendre le pouvoir. A qui obeit il ? si ce n’est a celui qui finance tout ses manifestations ?
        De la est partie l’intervention de l’armee apres qu’ils aient demander au rouges d’evacuer femmes et enfant. Chose qu il n’ont pas fait. Ensuite vient le conflit qui a du faire au moins 4 ou 5 fois plus de mort que le chiffre annonce. Personne n’etait la pour compter les mort lors des 3-4 premieres nuits de couvre feu.
        Taksin savait tres bien que le pouvoir et l’armee allait intervenir de cette maniere, mais il a quand meme envoyer ses supporters a une mort assuree en les envoyant se battre puis bruler 30 bulding appartenant tous a ces ennemis personnel. La plupart de ces rouges n’avait aucune maniere de savoir les interets financiers et politique cache derrieres ces incendies.

        Petite precision a mon tour ;) au sujet des centre commerciaux ils n’ont pas tous ferme, MBK, central chidlom, etait ouvert, mais pour Siam Paragorn Gaysorn et autre l’acces etait completement bloquer par les rouges, ils ne pouvait donc pas travailler et les employes ne pouvait tres difficilement acceder a leur lieu de travail.

        Merci en tout cas pour ces precisions, votre connaissance a en effet l’air bcp plus pointu que la mienne au niveau politique et historique, j’attends donc avec impatience votre analyse approfondi de la situation thai.

      • dimanche 30 mai 2010 à 19h16, par un-e anonyme

        A PPellicer.
        Pas mieux : )
        Je peux me permettre de demander où vous avez trouver de la documentation sur les années 70 et le communisme ?
        (Merci pour les précisions sur Sé Dèng. Certains ont parlé de lui comme « héro de la libérté »...)

        • mercredi 30 juin 2010 à 10h01, par un-e anonyme

          Pour repondre à ta question :

          « Du »jaune« au »rouge", de la CIA à l’aérobic
          LEMONDE | 27.04.10 | 15h51 • Mis à jour le 27.04.10 | 16h46

          Ce n’est pas la première fois que le général Khattiya Sawasdipol, alias Seh Daeng, conteste l’autorité de ses chefs. Trublion de l’armée thaïlandaise ces dernières années, accusé d’avoir prêté allégeance à l’ex-premier ministre Thaksin Shinawatra et aux « chemises rouges » du Front uni pour la démocratie contre la dictature (UDD), Seh Daeng est en train de devenir, à 59 ans, l’emblème du militaire « pastèque », vêtu du treillis de l’armée royale mais acquis à la cause des protestataires, « vert à l’extérieur et rouge à l’intérieur », comme le fruit.

          « Lorsqu’il était au pouvoir, j’étais opposé à Thaksin. J’étais un »jaune«  », raconte Seh Daeng. C’est après le coup d’Etat militaire qui a renversé Thaksin en 2006 qu’il bascule peu à peu dans l’autre camp. « Je me suis rendu compte de ce que Thaksin avait apporté de bon à la société thaïlandaise. Puis les pro-Thaksin ont encore gagné les élections. » Contraints de quitter le pouvoir en 2008 sous la pression des « chemises jaunes » qui occupent le Parlement et l’aéroport de Bangkok, les pro-Thaksin deviennent l’opposition, et commencent à structurer ce qui deviendra le mouvement des « chemises rouges ». « Je suis alors passé du côté des »rouges«  », indique le général, qui continue cependant d’appartenir à l’armée et de toucher sa solde.

          La vraie rupture intervient lorsque le général, célèbre pour avoir écrit des best-sellers sur ses aventures guerrières au service de la CIA durant la guerre du Vietnam et en Indonésie, et pour apparaître souvent à la télévision, annonce qu’il est prêt à « mobiliser » ses partisans contre l’armée. Il est alors transféré à la section « cours d’aérobic » de l’armée. « On veut que je dirige les danseurs d’aérobic ? J’ai préparé une danse ! déclare-t-il. Elle s’appelle la danse-du-jet-de-grenade ! »

          Seh Daeng est suspendu le 14 janvier 2010 par le chef de l’armée royale, le général Anupong Paojinda. Le lendemain, le bureau d’Anupong reçoit des grenades anonymes tirées au fusil M79.
          Rémy Ourdan"

          Et à l’autre :
          Le blog du « Diplo » « Planète Asie » est victime de nombreux postes « jaunes » : « Tout est la faute de Thaksine, avant lui la Thaïlande était unie,... » et autres fadaises.

          Pas de post jaune, plutôt anti imperialiste, face a tous ces pro thaksin cia et carlyle.

          Allez lires les commentaires de l’article du blog diplo à cette adresse :

          http://blog.mondediplo.net/2010-05-...

          L’opération pour prendre le contrôle de la Thaïlande en manipulant et envoyant à la mort des pauvre paysan et en train d’échouer :

          « Thaksin n’a pas a s’inquieter pour sa retraite ... tout au moins tant qu’il est en liberte ... selon certaines sources pas vraiment devoilees (...), le CRES a egalement annonce que la fortune de Thaksin proviendrait poru partie de certains membres politiques puissants et que le reste proviendrait de toutes sortes de speculations faites en 1997 lors de la crise financiere Asiatique, il aurait (car cela reste encore au conditionnel) a ce moment la mis la plus grosse partie de sa fortune dans les coffres de la Suisse Asiatique, a savoir a Singapour. »

          Allez lire les commentaires sur le lien donné plus haut et vous comprendrez de quoi il en retourne, le lien entre Thaksin, Carlyle group, Soros avec ces révolutions orange et sa rouge est en train d’être fait par le gouvernement thaïlandais.

          Désolé pour tout les serviteurs de l’impérialisme et de Thaksin, vous avez réussi à berner de nombreux militant de gauche, vous avez vraiment fait du bon travail mais on est pas tous aussi facilement manipulable.
          Pour les autres, ceux qui se sont fait avoir, restez vigilant, ils utilisent maintenant les sites engagé et les militants naif pour propager leurs pouvoir !

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