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jeudi 11 août 2011

Entretiens

posté à 09h44, par J. Thorel
12 commentaires

Cécile Lecomte, un écureuil en cage
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Ancienne championne d’escalade, Cécile Lecomte met désormais ses talents de grimpeuse au service de la cause écologique allemande via une forme d’action directe et pacifiste, consistant à rester perchée en hauteur pour bloquer des convois nucléaires ou des chantiers écolocides. Une méthode si efficace que la justice s’acharne sur son cas, bien décidée à lui couper les ailes. Entretien.

Des mousquetons contre des menottes

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Cécile Lecomte, 29 ans, vit en Allemagne depuis six ans. C’est une des figures du mouvement pacifiste antinucléaire. Pro d’escalade, elle est surnommée Eichhörnchen, « L’écureuille  » (au féminin). Habituée à être arrêtée « préventivement » avant chaque action, elle l’a de nouveau été en novembre 2008, lors d’une manifestation contre les convois « Castor »1. Sa « garde à vue préventive » durera 4 jours, soit 96 heures — du jamais vu pour un militant pacifiste. Un an plus tard, après avoir vu ses plaintes classées sans suite par la justice régionale, elle décide de porter plainte contre l’État allemand devant la Cour constitutionnelle pour « détention arbitraire et abus de pouvoir ». Une procédure qui peut prendre entre deux et cinq ans.
Entre-temps, en 2010 à Hambourg, elle et ses camarades sont restés perchés pendant plus de trois mois dans des arbres menacés par un chantier lié à la construction d’une énorme centrale à charbon. Une forme de militantisme aussi spectaculaire qu’efficace2. Prendre de la hauteur en gardant les pieds sur terre, tout un programme... Entretien.

Autoportrait

« Je grimpe depuis mon enfance. Mais, après six ans en équipe de France jeune d’escalade sportive (j’ai notamment été championne de France), j’ai compris que je préférais l’engagement politique à la compétition, où les personnes agissent contre et non pour les autres.

Au début, je participais à des manifs antinucléaires alors que je n’y connaissais pas grand chose. C’était une critique « économique », un rejet de cette forme d’énergie centralisée et productiviste. Le déclic s’est fait en Allemagne, alors que j’étudiais via Erasmus. J’habitais en Bavière, loin de Gorleben (lieu d’entreposage des déchets nucléaires en Allemagne), mais le sujet s’est imposé à moi, notamment par la presse. J’étais émue de voir des milliers de personnes bravant le froid et la pluie, assises sur les rails et la route en plein mois de novembre pour perturber le passage d’un convoi de déchets nucléaires. Au début, quand je lisais « Castor », je pensais à l’animal. J’ai vite pris conscience du fait que c’était une tentative de banalisation, une manipulation du lobby nucléaire. Il existe aussi des containers de déchets qui s’appellent Pollux ! Bref, j’ai fini par me rendre à Gorleben pour voir tout cela de mes propres yeux, en 2003.

Le jour J, je n’ai pas eu le temps de comprendre ce qui se passait. Alors que j’étais dans un champs près des rails, la police nous a encerclés et enfermés dans des paniers a salade pendant des heures. Cette année-là, il y a eu plus de 1400 gardes à vue « préventives » de quelques heures. C’était ma première. Le soir, on est repartis pour les blocages sur la route, mais j’ai fini dans les pommes et en hypothermie suite à un coup de matraque sur la tête et aux longues heures dans le froid... Je n’étais alors pas préparée à affronter l’État policier.
Cette ambiance de guerre civile m’a profondément marquée. On rencontre des blindés partout, des canons à eau, le vacarme des dizaines d’hélicoptères dans le ciel... En face, il y a la solidarité entre manifestants : on peut se restaurer partout et les agriculteurs mettent leurs granges à disposition. Comme cette énergie militante m’a bouleversé, la lutte anti-nucléaire est devenu mon cheval de bataille, à côté d’autres luttes politiques.

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En 2004, j’ai participé à une action près de Nancy et me suis enchainée aux rails avec un camarade. La police a mis deux heures à nous déloger. Dans le même temps, j’ai rencontré des gens de l’association allemandeRobin Wood. C’est une «  communauté d’action pour l’environnement », c’est à dire qu’elle prône l’action directe et non-violente avant tout, en particulier par l’escalade. J’ai découvert que ça pouvait être un moyen d’action politique. Pour moi, c’était l’occasion d’allier passion et engagement politique.

Je me suis installée à Lüneburg en octobre 2005. Cette ville se trouve à 70 km de Gorleben, le site ou sont entreposés les déchets hautement radioactifs et où les autorités veulent les enfouir. Les trains Castor passent par là — c’est à partir de Lüneburg que la ligne passe en voie unique, et c’est sur ce tronçon que se concentrent les actions.

J’ai constaté avec le temps que l’escalade peut être un mode d’action très subversif, par exemple quand un train reste bloqué sept heures à cause d’une seule personne suspendue au-dessus de la voie. L’intervention de la police pour nous déloger est parfois dangereuse, surtout quand on a en face une unité antiterroriste masquée et formée à la descente en rappel façon cow-boy. Mais, le plus souvent, on a à faire à des unités spécialistes de l’escalade. La police, d’abord impuissante face aux actions aériennes, a fini par former ses propres troupes.
Ces actions spectaculaires sont un bon moyen de faire passer un message. L’escalade est tellement dangereuse pour l’État qu’il met tout en œuvre pour empêcher de telles actions... Une bonne raison pour continuer ! »

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Interview : fichée comme une terroriste

En droit allemand, de quand date le terme « pronostic de danger », avancé pour justifier les arrestations préventives avant toute action ?

Du milieu des années 90. C’est à cette époque que furent instaurée les «  lois pour le maintien de l’ordre et de la sécurité », qui définissent les droits et pouvoirs de la police. Ces lois sont propres à chaque Land mais se ressemblent très fortement. Pour ce qui est de la Basse-Saxe, où j’habite, le premier durcissement de la loi date de 1995. Il a été élaboré en réponse aux « Chaos Tage » (les jours du chaos), journées d’action directe du mouvement punk et autonome de Hanovre. Les premières journées d’action ont eu lieu en 1983 et ont perduré jusque dans le milieu des années 19903. On a appelé ce durcissement législatif la « Lex Chaos Tage ».

Au départ, il s’agissait avant tout de protester contre la création d’un fichier policier sur les « punks ». Les actions tournaient souvent à la bataille de rue, ce qui a provoqué une réaction encore plus sécuritaire des politiques, toutes couleurs confondues : le durcissement a été voté en 1995 par le parlement régional de Basse-Saxe, à majorité SPD-Verts à l’époque : la Basse-Saxe avait la loi « préventive » la plus répressive.

Cette « Lex Chaos Tage  » donne la possibilités à la police de prononcer des interdictions de séjour plus ou moins étendues dans le temps et l’espace (de quelques heures à quelques mois, pour un lieu donné ou toute une ville) à l’encontre de potentiels « perturbateurs ». Il s’agit de présomptions et non de faits avérés. C’est aussi à ce moment qu’ont été instaurées les arrestations préventives de longue durée (allongée de 48h à 4 jours).
Pour les interdictions de séjour, il n’y a pas de contrôle, aucun juge ne se penche sur la mesure. Pour les gardes à vue, il faut présenter la personne incarcérée à un juge dans un délai de quelques heures. Or, il ne s’agit en rien d’une procédure pénale. C’est du droit préventif destiné à garantir la sécurité publique. En général, la police sort ses fichiers pour prouver à quel point une personne représente un danger...
Au fil des années, la droite à encore durci ces lois. En Basse-Saxe, on peut être incarcéré préventivement jusqu’à 10 jours. En Hesse, c’est 6 jours maximum. En Bavière, un Land très conservateur, c’est 14 jours.

Comment se déroulent ces « incarcérations préventives » ?

C’est souvent catastrophique. Les directives disent que la cellule doit avoir une table, une chaise et une armoire. Dans mon cas, je n’avais même pas le droit de mettre un pull dans l’armoire en question. Il n’y avait pas de fenêtre digne de ce nom. Elle était obstruée par un grillage très fin, et il était impossible de lire à la lumière du jour. Je n’ai eu droit à des journaux qu’à partir du troisième jour, suite à la visite d’un médecin. Il est stipulé dans les textes que les détenus ont droit à 45 minutes d’air libre par jour, mais uniquement si «  les lieux et les effectifs policiers le permettent »... Bref, j’ai eu droit à 20 minutes sur un parking du poste de police, menottée à une policière. Et encore, j’ai obtenu ces 20 minutes uniquement parce que mon avocate n’a cessé de leur sonner les cloches et a porté plainte pour « mauvais traitement » (procédure rapidement classée par le procureur).

Au final, c’est même moi qui me suis retrouvée accusée de « rébellion  » et de « blessures à agent », car après mes 20 minutes de « promenade », comme un chien en laisse sur un parking, je me suis assise et ai refusé de rentrer par moi-même dans la cellule. Le procureur voulait me punir de 40 jours d’enfermement parce je me suis faite « lourde ». L’avocat a expliqué à la juge que je ne pouvais pas peser plus que mon poids normal...
La « blessure » concernait une égratignure qu’un policier se serait faite au petit doigt en me portant. On a fini par réussir à faire classer l’affaire sans suite, mais les chefs d’inculpation restent dans la base de donnée des flics et peut leur servir à justifier le prochaine mesure préventive à mon encontre.

Apparemment, vous avez été la seule à « bénéficier » d’une telle arrestation préventive au sein des militants antinucléaire ?

Oui. C’était la première fois (en novembre 2008), qu’on enfermait une militante antinucléaire – de surcroit non-violente — pour une si longue durée, purement préventivement. Ceci avec l’approbation des tribunaux locaux. On nous dit que la loi sur la garde à vue de très longue durée (plus de 48h) a été votée en vue d’empêcher les hommes violents qui battent leur femme de recommencer, de les éloigner du domicile pour quelques jours. Un beau prétexte ! Il est clair que chaque loi répressive votée « pour une bonne raison » mène un jour ou l’autre à de véritables dérives.

«  Il est clair que chaque loi répressive votée « pour une bonne raison » mène un jour ou l’autre à de véritables dérives.  »

Dans mon cas, c’est devenu un instrument de punition pour mon engagement politique. On ne m’a jamais reproché de vouloir commettre un quelconque acte de violence ! L’infraction que la police me soupçonnait de vouloir commettre n’est en aucun cas punie – en cas de condamnation – d’une peine de prison. Au maximum, j’encoure une amende. C’est du même ordre que mal garer sa voiture. La police me soupçonnait seulement de vouloir tendre une corde entre deux arbres au dessus de la voie ferrée et de descendre en rappel à l’arrivée du transport nucléaire. Il est vrai que je l’ai déjà fait souvent. Mais pourl’action de janvier 2008 (7 heures d’arrêt forcé d’un convoi d’uranium appauvri vers la Russie), par exemple, j’ai été relaxée au niveau pénal : au-dessus de 4 mètres 80, il n’y a pas de loi qui interdise de manifester ! En-dessous, on considère que la personnes a pénétré la voie ferrée, ce qui est passible d’une amende.

J’ai été la seule personne mise en garde à vue suite à l’action du 6 novembre 2010, quand nous nous sommes suspendus à un pont pour stopper le Castor. Les autres grimpeurs ont été relâchés après un simple contrôle d’identité.
Lors de chaque convoi Castor, il y a des centaines de garde à vues préventives de quelques heures. Si mon cas est une exception, c’est par sa durée. Il y a quelques années, il y avait même des milliers de gardes à vue ! Mais la Haute cour constitutionnelle a mis a mis le holà suite à des plaintes de militants. La police s’est en particulier fait taper sur les doigts en raison des conditions de détention (50 personnes enfermées dans une cage située dans un ancien garage, sur un sol froid en béton) et en raison de la non-présentation des personnes devant un juge dans les délais légaux. Ça n’a pas fait de bons titres pour la police dans la presse. Aujourd’hui, elle trie donc les personnes à arrêter.

Savez-vous dans quel type de « fichier » vous figurez ? En France on a beaucoup parlé de « EDVIGE », nouveau fichier de profilage des « possibles menaces pour la sécurité publique ». Êtes-vous assimilée à une menace « pour l’État » en Allemagne ? Êtes-vous également ciblée par les fiches d’Europol ?

Je précise d’abord qu’au moment de mon incarcération préventive de longue durée en novembre 2008, il y avait pas mal de procédures en cours à mon encontre (fauchage de champs OGM, blocage de train militaire, etc.), mais mon casier judiciaire était vierge.
Depuis, j’ai eu deux amendes pénales (120 et 465 euros), suite à une occupation d’arbres contre l’agrandissement de l’aéroport de Francfort en 2009 et à un fauchage de champ OGM en Bavière en 2008. Des actions à caractère absolument pacifique.

Je suis cependant déjà dans toutes sortes de fichiers, ce qui mène à bon nombre d’arrestations préventives, mais aussi à des refoulement à la frontière lors de sommets internationaux ou à des contrôles approfondis, même dans l’espace Schengen.
J’ai appris l’essentiel sur le fichage que je subissais en usant de mon droit d’accès... Je suis dans le SIS (Schengen Information System)4 et dans l’IGAST (qui gère les fameuses « listes noires » pour les sommets européens). Je suis également dans Europol : je l’ai appris lors d’un contrôle approfondi dans un train de nuit Bâle-Hambourg : un agent m’a dit « vous êtes dans Europol ». Ceci dit, je ne sais pas trop quelle est la justification.
Mon nom est aussi dans les fichiers « INPOL » (accessible à toutes les forces de police allemandes) et « LIMO » (fauteurs de trouble « de gauche »). De manière générale, les militants antinucléaires sont ciblés dans deux bases de données, ISAS et SAFIR, qui comportent des sections spéciales « Castor ». Elles servent non seulement de base statistique mais aussi de justification des mesures d’interdictions préventives.

Il y a aussi la liste « GESA », visant des personnes mises en garde à vue lors d’évènements de grande envergure. Ça concerne donc les arrestations groupées. Et la base « APS », qui fiche les « délits à motivation politique ». Là aussi c’est « préventif » : il suffit de simples suspicions. Une rébellion lors d’une manif suffit à être dans APS. Tout comme dans LIMO, d’ailleurs.

Et il y a enfin les fichiers de type « militaires ». En février 2008, on a bloqué pendant 5 heures un train de l’armée transportant du matériel militaire. Une personne s’est enchaînée aux rails. Elle a été condamnée, mais le dossier est encore devant la Cour constitutionnelle, après avoir été rejeté par la Cour de cassation. Moi, je n’ai pas encore été jugée. Pour cette action pacifique, nous sommes, d’après le dossier pénal, tombés dans les listes du « MAD » (Militärischer Abschirmdiesnt), les services secrets militaires, et dans ceux de la section antiterroriste de la BKA (police fédérale). Tout ça pour des gens qui, justement, refusent la violence. Et encore, nous avons appris ça par erreur : un document classé « confidentiel » a atterri dans notre dossier.
Bref, toutes ces bases de données servent aux autorité pour établir les fameux « pronostics de danger » vis-à-vis de personnes comme moi...

Avez-vous pu vérifier le contenu et la pertinence des informations détenues sur vous ?

Tout et n’importe quoi y est enregistré. Même une simple escalade d’arbre en forêt pour y accrocher un X jaune, symbole de résistance. J’ai demandé une fois ce que les autorités de Basse-Saxe avaient sur moi, c’est atterrant. Les infos sont du genre « vous avez tenu une conférence là, avez participé à une réunion ici et à une manifestation là-bas. On vous reproche une violation de domicile parce que vous avez escaladé la façade...  »
En ce qui concerne le Verfassungsschutz (services de renseignement intérieurs), ils affirment qu’ils ne peuvent me donner la totalité des informations car cela pourraient mettre en danger la sécurité publique ou donnerait trop d’éléments sur les « sources ».

Dans mon cas, il y a des dizaines de pages car je suis, disons, très surveillée... Même si bon nombre de ces mesures de surveillance ont été déclarées illégales, les infos collectées restent dans les fichiers ! Par exemple, en 2006, avant un convoi Castor, j’ai été surveillée jour et nuit par 5 unités antiterroristes (les « Mobiles Einsatzkommando » ou MEK), parce que la police me soupçonnait de vouloir grimper aux arbres le jour J. Le dossier est passionnant : les élites antiterroristes notent par exemple si je vais au travail en mono-cycle ou en deux roues. Suite à cet épisode, j’ai eu des discussions avec le directeur de l’école où je travaillais comme prof. C’est une des raisons pour lesquelles je ne suis plus prof aujourd’hui. La police politique avait appelé le bahut pour demander ce que je faisais dans la salle des profs : leur unité antiterroriste m’y avait observée...

« Même si bon nombre de ces mesures de surveillance ont été déclarées illégales, les infos collectées restent dans les fichiers  »

Finalement, cette surveillance a été déclarée – après coup – illégale, car la loi n’était pas constitutionnelle. Depuis, elle a été revotée pour que ces filatures puissent à nouveau avoir lieu. J’ai aussi constaté qu’on me suivait de près à certains moments : des policiers en uniforme m’accompagnent dans le train quand je me pointe à la gare avec un sac à dos rempli de matériel d’escalade. De nouveau, il s’agit de « Prévention des dangers ». Cela se passe surtout dans les semaines qui précèdent un événement important pour les antinucléaires, comme un convoi Castor.

En février 2011, lors du dernier transport Castor vers Lubmin (un autre site d’entreposage de déchets nucléaires au bord de la mer du nord), j’ai à nouveau eu droit à une filature... Il y avait deux hélicoptères, rien que pour mon petit groupe — nous étions sept personnes —, perturbation des télécommunications et, pour finir, une cinquantaine de policiers fondant sur nous avec leurs lampes au beau milieu de la nuit. Arrestations préventives en pleine forêt. On avait pourtant pris des précautions : pas de téléphone mobile connu des services de police. Mais ils ont quand même repéré avec quel appareil nous étions en route. Comme arme, j’avais un baudrier et des cordes. Je viens de porter plainte contre cette nouvelle filature. Sans pour autant faire confiance et soutenir le fameux « Etat de droit » qui, en fait, est plus une illusion qu’une réalité.

Vous parlez de « police politique », de quoi s’agit-il ? Serait-ce l’équivalent en France des ex-« Renseignements généraux » ?

C’est un peu compliqué. La Staatsschutz (littéralement : «  protection de l’Etat  ») regroupe des policiers normaux aux pouvoirs normaux. Leur particularité est qu’ils sont spécialisés dans les cas « politiques », qu’il s’agisse d’enquêtes sur des délits, des infractions, des crimes, ou bien de « prévention des dangers ». Ces flics se baladent souvent en civil dans les manifs et collectent des informations, mais ils peuvent aussi procéder à des arrestations. Il ne faut cependant pas les confondre avec d’autres unités en civil qui préparent le terrain à leurs collègues en uniforme.

D’un autre côté, il y a les fonctionnaires du Verfassungsschutz (mot à mot : «  protection de la constitution  »), soit des services de renseignement intérieur. Ils n’ont pas de pouvoir de police et, en théorie, ne communiquent pas avec la police. Sauf en cas de danger pour l’Etat. Ils ont des pouvoirs de surveillance très poussés, octroyés par une loi spéciale. Il peuvent infiltrer des groupes avec des agents sous de fausses identités, procéder à des écoutes au moyen de micros et d’antennes accrochées sur un véhicule... Leur rôle est de collecter des informations sur toutes les personnes et groupes qui menacent potentiellement l’Etat. Tous les ans, il rendent un rapport public sur ces menaces, classifiées par tendances : extrémisme de droite, extrémisme de gauche, fondamentalistes religieux...
Bref, on peut être mis sur écoute par la Verfassungsschutz, mais ça ne veut pas dire que le Staatschutz est au courant ou le fait aussi. Ce ne sont pas les mêmes lois...

La procédure engagée devant la cour constitutionnelle (BVerfG) est-elle, pour un simple citoyen, une chose commune en Allemagne ?

N’importe quel citoyen peut porter plainte devant la cour constitutionnelle, s’il estime qu’un jugement ou une mesure, par exemple policière, est une atteinte à ses droits fondamentaux. C’est un droit stipulé dans la loi fondamentale allemande et dans les textes annexes.
Avant de faire appel à la cour constitutionnelle, il faut avoir épuisé tous les recours légaux communs. Sauf si cela concerne une loi votée il y a moins d’un an. Mais 99% des plaintes sont refusées d’entrée pour vice de forme, une décision arbitraire.
Pour le reste, la cour statue et ses jugements font jurisprudence. Sans avocat, il est pratiquement impossible d’obtenir gain de cause. Mon cas est exceptionnel. On estime qu’il y a de grandes chances que la cour tranche sur les questions posées, car il s’agit des questions fondamentales qui ne se sont encore jamais posées à ce niveau.
Il faut pourtant être conscient que ce qui m’est arrivé peut arriver à d’autres militants, maintenant que la porte est ouverte. D’où l’importance d’épuiser tous les moyens juridiques, jusqu’à la Cour constitutionnelle. La cour a, entre temps, annoncé que ma plainte était recevable mais seulement sur la question des conditions de détention. Sur le fond, elle l’a rejeté. Et estime donc légal que l’on enferme une personne préventivement, sans jugement, pendant 4 jours, uniquement pour l’empêcher de commettre une infraction légère...


Ailleurs :
Le Site de Cécile Lecomte
Le blog de Cécile Lecomte
Le blog de Robin Wood



1 « Castor » pour « Cask for storage and transport of radioactive material » (armure de stockage de matières radioactives). Ces convois partent de la Hague, où le combustible usé des centrales allemandes est « retraité », vers le site d’entreposage de Gorleben (Basse-Saxe). La dernière action d’envergure a eu lieu en novembre 2010. Deux liens en rapport : ici et ici. A noter que le 1er avril 2011, lors de la 11e cérémonie des Big Brother Awards Deutschland, le ministre de l’intérieur de Basse-Saxe, Uwe Schünemann, a été sacré « pire homme politique de l’année  » pour avoir déployé des drones de surveillance dans le but d’épier, en secret, les manifestants anti-Castor. Lire ici. Le 26 janvier 2011, sept militants du GANVA (Groupe d’actions non violentes antinucléaires) de Caen ont étélourdement condamnés pour s’être opposé aux convois.

2 Ils ont gagné leur procès devant le tribunal administratif en mars 2010.

3 Voir ce lien, ceci, und ce lien.

4 SIS est commun à tous les Etats de l’espace Schengen. Il gère les « interdictions de séjour ». IGAST international agierende gewaltbereite Störer en est l’émanation en Allemagne : géré par la police judiciaire (BKA), ce fichier classe les « fauteurs de troubles violents au niveau international » lors des contre-sommets européens, G8 ou G20.


COMMENTAIRES

 


  • jeudi 11 août 2011 à 11h23, par fred

    Super article assez complet sur Eichhörnchen, qui n’est pas assez reconnue en france.
    je me souviens d’une interview de son ancien entraîneur sportif qui, dépité, râlait à propos du fait que Cécile mette ses capacités physique au service de la cause anti-nucléaire plutôt que d’amener une médaille à la france...

    Pourquoi ne pas avoir donné les liens vers les soutiens financier ?

    amitiés



  • vendredi 12 août 2011 à 10h03, par fred

    Ho ho ho... connue sous l’appellation Monnaie du pape...

    Finalement, cette surveillance a été déclarée – après coup – illégale, car la loi n’était pas constitutionnelle. Depuis, elle a été revotée pour que ces filatures puissent à nouveau avoir lieu.

    Voir aussi cet article sur les Enquêteurs militants

    La suppression des accords Schengen lors des manif anti-otan à Stras...

    à la frontière France – Allemagne, les accords de Schengen seront suspendus pendant une durée de 15 jours (du 20 mars au 5 avril)[2009], ce qui rétablira pendant cette période les contrôles des douanes et de possibles contrôles opérés dans un rayon de 30 km de la frontière.

    Plus sérieusement, on parle ici des arrestations préventives et des réajustements juridiques qui se font selon les besoins des « démocraties » pour que tout se déroule au mieux dans leur « sommets ».
    De Toronto à Copenhague c’est le même refus de prendre en compte la contestation, le tout sur fond de violences policières légitimées.

    Depuis combien de temps nos politiciens véreux se complaisent dans nos « légitimes » régimes démocratiques corrompus, planquant leur fric dans des paradis fiscaux savamment entretenus à coup de sociétés-écrans. Ils font les lois, les détournent, s’arrangent des dégâts collatéraux en désignant les populations comme « pas assez compétitives », distribuant des miettes aux syndicats complaisants, singeant un hypocrite « dialogue social » en débat télévisé.

    vivement la rentrée « sociale ».

    amitiés



  • vendredi 12 août 2011 à 21h23, par un-e anonyme

     × Video de l’action contre le train Castor à la suite de laquelle Cécile a été arrêtée pour 4 jours « préventivement »

     × Article en francais sur une action escalade de blocage de train nucléaire

     × un portrait de Cécile passé à la télé allemande NDR en 2010 ou le chef de la police Monsieur Freidrich Niehörster, qui cordonne les oprérations avec plus de 20 000 policiers à ses ordres lorsqu’il y a un transport de déchets nucléairesvers Gorleben, expllique devant la caméra que Cécile est "un élement perturbateur qu’il faut stopper, qu’elle est folle parce que elle grimpe et n’obéis pas aux ordres de la police...

     × Une interview en francais sur l’occupation d’arbres à Hambourg en 2010 contre une centrale à charbon

     × une interview assez récente sur France bleue

     × undvideo encore... comment bloquer une manifs de l’extreme doite avec une action aérienne (ben oui la police voulait pas faire passer les fachos sous les cordes des deux demoiselles dans les arbres)

    • vendredi 12 août 2011 à 22h51, par j. thorel

      merci bien pour ces suppléments d’info indispensables
      jet



  • samedi 13 août 2011 à 16h05, par fred

    Une solution pour ne pas se faire décrocher de son fil, arrêter préventivement ou taillader les mains à coup de disqueuse :

    SCHOTTERN ! (comme déjà expliqué il y a quelques jours à certainEs)

    amitiés

    Voir en ligne : action Taupe

    • dimanche 14 août 2011 à 06h55, par H2

      Rien sur The England « Riots » ???

      ha, ben, ça alors !

       ???????????

      ça promet ! ( Il va y avoir un sacré reportage aux petits oignons j’imagine )......

      Et à la nuit du 4 Août à Peyrelevade, vous y étiez ?
      Non ?

      • dimanche 14 août 2011 à 13h49, par un-e anonyme

        je n’aurais pas posé la question ainsi.

        c’est quand que Thorel et hardi il intervient ?



  • dimanche 21 août 2011 à 20h10, par un-e anonyme

    Abschirmdiesnt

    Abschirmdienst



  • samedi 27 août 2011 à 10h58, par fred

    ancian article, en allemand, sur le durcissement de la justice et la création de groupes d’infiltration et l’utilisation des écoutes téléphonique, surveillance, etc... depuis 1994 :
    http://www.trend.infopartisan.net/t...

    extrait :

    2.2 Zweite Verschärfung 1997 - Ausdehnung geheimer Polizeibefugnisse und der Kontrolldichte

    (1) Legalisierung des Verdeckten Vorfeld-Ermittlers :
    Im Unterschied zu V-Leuten, die aus dem kriminellen Milieu (z.B. Drogenszene) stammen und Informationen an die Polizei liefern, handelt es sich bei Verdeckten Ermittlern (VE) um Polizeibeamte, die mit neuer, auf Dauer angelegter Legende, mit Decknamen und falschen Papieren getarnt werden, um in den kriminellen Untergrund oder in politisch verdächtige Szenen eintauchen zu können. Nach der neuen Regelung im niedersächsischen Polizeigesetz ist der Einsatz eines VE und die damit verbundene heimliche Erhebung persönlicher Daten bereits im Vorfeld von Straftaten zur Gefahrenabwehr und Straftatenverhütung zulässig. Damit ist das vage Vorfeld von möglichen Straftaten für den VE-Einsatz zum Zwecke der Vorfeldaufklärung weit eröffnet - wobei auch »Kontakt- und Begleitpersonen« , also unbeteiligte und unverdächtige Dritte, nicht verschont werden (§ 36a NGefAG).

    si quelqu’un de doué en allemand pouvais traduire !

    amitiés

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