ARTICLE11
 
 

mercredi 24 novembre 2010

Le Cri du Gonze

posté à 23h06, par Lémi & Ubifaciunt
14 commentaires

Des espaces autres : l’hétérotopie selon Foucault
JPEG - 21.6 ko

Certains textes invitent à la dérive mentale, au grignotage désordonné. Les Hétérotopies, conférence de Michel Foucault datant de 1966, fait clairement partie de cette catégorie. On croit le prendre par un bout, il ressort par un autre, on choisit un angle, il se déforme illico. Bref, une analyse en bonne et due forme semble hors de portée. Tant pis. Ne pas figer, ici, c’est rendre hommage.

Michel Foucault, 1966. Première partie de la conférence radiophonique abordée dans cet article. La deuxième est écoutable ici, la troisième aqui.

Quelque chose dans la voix et dans la diction qui, instantanément – bing –, titille les neurones, lève l’oreille du cortex assoupi. Un art du tricotage oral qui relève du slalom, les mots dévalant la pente du discours en zigzaguant précisément entre les balises du sens – zip zip. Pour un peu, l’auditeur mal réveillé ou endormi pourrait écouter cette conférence de Michel Foucault sans en saisir le propos, bercé par les ronrons aiguisés du philosophe. Étrange envoûtement. Il n’y a que Deleuze, son ami et contemporain, pour avoir si magnifiquement traduit à l’oral la profondeur d’une pensée tout en la modelant pour la rendre accessible, musicale. Comme le formula le lumineux Scutenaire dans ses Inscriptions : « Mes pensées ne divaguent jamais. Elles font tâche d’huile. » Autre temps, autre trempe. Cela pourrait faire l’objet de ce billet : rebondir sur la sécheresse stérile (sans vie) des penseurs actuels, de Badiou à Jameson1, mais non. Le texte de Monsieur Foucault cuvée 1966 est trop beau (aux oreilles et aux yeux) pour bifurquer distraitement, mérite amplement focalisation.

Pour être honnête, votre serviteur est absolument incapable de proposer une analyse poussée de la conférence en question, de la rattacher à l’œuvre philosophique de Foucault ou de la faire entrer dans un espace intellectuel bien défini2. Se frotter à un exercice universitaire ou pseudo exhaustif dévoilerait l’imposture, le batifolage en terres étrangères, sans boussole théorique. Par contre, naviguer à sa surface, rebondir sur les multiples invitations formulées par le philosophe et sa voix, oui, pas de contre-indications. Voire : c’est surement la meilleure manière d’aborder un texte qui se voulait vulgarisateur (brrr, horrible mot) et fut même diffusé sur France Culture.

Avant de plonger dans le cœur du sujet, une évidence : Les Hétérotopies est d’abord un texte littéraire, un texte qui transporte. Pas étonnant qu’il brille à l’écoute3 : chaque mot semble ciselé, fait pour la scansion ou la lecture envoûtée. Ainsi de ce passage consacré au jardin persan traditionnel : « On a peut-être l’impression que les romans se situent facilement dans des jardins : c’est en fait que les romans sont sans doute nés de l’institution même des jardins. L’activité romanesque est une activité jardinière.  » Venu quérir en ce texte des enseignements politiques ou philosophiques, l’heureux lecteur/auditeur se retrouve embarqué dans des passages limpides sur l’évolution historique du cimetière ou sur la puissance de la maison close chez Aragon. Tour de force littéraire qu’on retrouve dans Le Corps Utopique, conférence prononcée 15 jours plus tôt et qui commençait sur ces mots : « Ce lieu que Proust, doucement, anxieusement, vient occuper de nouveau à chacun de ses réveils, à ce lieu là, dès que j’ai les yeux ouverts, je ne peux plus échapper. […] Mon corps, « topie » impitoyable. » Limpide et poignant, le reste à l’avenant.

JPEG - 71.6 ko

Les Hétérotopies. Mot savant, joliment tarabiscoté, qui très vite s’éclaircit. Il y a les utopies - des pays sans lieu et des histoires sans chronologie ; des cités, des planètes, des continents, des univers, dont il serait bien impossible de relever la trace sur aucune carte ni dans aucun ciel, tout simplement parce qu’ils n’appartiennent à aucun espace - qui relèvent de l’imaginaire pur, et les hétérotopies, qui sont des formes d’utopies réalisées, ancrées dans le réel. Une notion large, qui englobe aussi bien les cimetières que les Club-Med, les bordels que les cirques ambulants, les colonies jésuites au Paraguay que le lit des parents/trampoline pour l’enfant. Des lieux qui, de manière sporadique ou continue, se font contre-espaces, espaces autres projetant un imaginaire (issu d’un pouvoir ou d’un individu). Des lieux pour habiter le monde, pour le parcourir4 ou le jardiner, pour s’en extraire, voire pour en être dépossédé (asiles, prisons).

Si Foucault forge cette notion d’hétérotopie5, c’est d’abord en réaction à un vide analytique. Dans le savoir universitaire ou généraliste, la complexité de l’espace, des espaces, serait battue en brèche, globalisée et affadie. Erreur d’envergure : «  On ne vit pas dans un espace neutre et blanc ; on ne vit pas, on ne meurt pas, on n’aime pas dans le rectangle d’une feuille de papier. On vit, on meurt, on aime dans un espace quadrillé, découpé, bariolé, avec des zones claires et sombres, des différences de niveaux, des marches d’escalier, des creux, des bosses, des régions dures et d’autres friables, pénétrables, poreuses.  »

Cela dit, le grand angle n’implique pas la naïveté. Pas question de fantasmer ces hétérotopies comme des micro-mondes merveilleux insérés dans un macro-monde terne et gris. Si Foucault les met à jour, ce n’est pas pour en vanter la valeur politique (à l’inverse d’un Hakim Bey, par exemple, posant les Zones d’Autonomie Temporaires - TAZ - comme derniers espaces de liberté d’une humanité cadenassée) ou esthétique, c’est surtout parce qu’il estime qu’elles méritent d’être étudiées, disséquées, pour ce qu’elles révèlent des sociétés humaines : «  Eh bien, je rêve d’une science - je dis bien une science - qui aurait pour objet ces espaces différents, ces autres lieux, ces contestations mythiques et réelles de l’espace où nous vivons. Cette science étudierait non pas les utopies, puisqu’il faut réserver ce nom à ce qui n’a vraiment aucun lieu, mais les hétéro-topies, les espaces absolument autres ; et forcément la science en question s’appellerait, s’appellera, s’appelle déjà « L’hétérotopologie ».  »
L’important, pour Foucault, c’est d’abord la reconnaissance d’un état de fait : «  Il n’y a probablement aucune société qui ne constitue son hétérotopie ni ses hétérotopies.  » Elles sont là, elles existent, en bien ou en mal (prisons, colonies, Disney-land...), elles méritent qu’on s’y attarde, qu’on les cartographie. Lui pose les premiers jalons, espérant une relève, une contagion d’intérêt.

Si Foucault donne une conférence assez proche de celle-ci en 19676 devant un parterre d’architectes, ce n’est évidemment pas une coïncidence. Il ne s’agit pas pour lui de jeter le bébé théorique (Bauhaus, Le Corbusier) avec l’eau du bain, mais d’ouvrir des horizons, d’inciter un corps professionnel à repenser son approche, à prendre conscience du pouvoir de l’environnement urbain dans la construction d’une société et de son imaginaire. Penser l’utopie et sa version matérialisée, c’est dézinguer les cadres, laisser entrer l’imaginaire dans le béton. Dangereux, maybe, mais porteur d’autre chose, d’un pouvoir de transformation, d’amélioration. Comme si Lewis Caroll expliquait à une assemblée d’écrivains made in sixties qu’il est temps de plonger le Nouveau Roman et ses ânonnements mécaniques dans un bain de vie.

JPEG - 149.5 ko
Guy Debord, « Guide psychogéographique de Paris », Édité par le Bauhaus Imaginiste, 1956

Au final, difficile d’analyser cette conférence sans tomber dans l’enthousiasme primaire (la voix, les mots, le rythme, le Grand Style) ou l’interprétation politisée à contre-emploi (corsaire powa). Foucault ouvre des boîtes spatiales et temporelles, les dissèque avec délice, mais sans donner de mode d’emploi. Contrairement à Marc Augé voyant dans les Non-lieux (des espaces que l’on ne peut habiter, que l’on traverse seulement) un produit de la sur-modernité, bien défini, il analyse les hétérotopies comme des espaces intemporels et contradictoires, mouvants et statiques, accessibles et fermés, éternels et contingents, libérateurs et oppresseurs. Sac d’anguilles. Point commun avec la Dérive et la psychogéographie des Situationnistes : il ne s’agit pas de bouleverser ce monde (pas en premier lieu, en tout cas), mais déjà de le parcourir pour en faire émerger les espaces de signifiance condensée. C’est la douceur des utopies basculée dans le réel, avec son lot de contre-utopies uniformes (prisons, clubs de vacances), mais aussi de possibles, de fenêtres démultipliées. Ce «  désordre qui fait scintiller les fragments d’un grand nombre d’ordres possibles  »7, il serait stupide de le déplorer frontalement ou de souhaiter l’agencer sur le court terme. Simplement : il faut le regarder en face, sans œillères simplificatrices. Ensuite, seulement, il sera possible de le travailler au corps pour en expurger les corps oppressants et concrétiser cette injonction de Guy Debord (1956) : «  Il ne s’agit plus de délimiter précisément des continents durables, mais de changer l’architecture et l’urbanisme.  »


JPEG - 57.6 ko

Edit 25 novembre / 00h15 : Article 11 étant une machine aux rouages bien huilés et un tantinet incestueux, je vous copie-colle ci-dessous les réactions de l’ami Ubifaciunt à la même conférence, écrites il y a quelques temps et arrivées par mail express. Autre regard, autre ouverture :

J’écoutais Michel Foucault, hier soir. Ça fait du bien, sacrément du bien, une petite pause d’intelligence et de « bon sens », comme dirait l’autre abruti. [...]

Foucault, donc. Les Hétérotopies et Le Corps utopique, deux conférences radiophoniques diffusées sur France Culture les 7 et 21 décembre 19668. À l’époque où France Cul, ça voulait dire quelque chose. Pas avec Alexandre Adler qui chronique au matin... Un peu comme y a quelques années quand arrivaient enfin les émissions de la nuit, les rediffusions d’entretiens improbables ou les conférences sur les statues de sable en Mésopotamie. Ces rediffs qui commençaient par un jingle hallucinant où un mec disait : «  il y a les régions ouvertes de la halte transitoire (gares, cafés..) et les lieux fermés du repos et de chez soi  ».

Ce mec des régions ouvertes de la halte transitoire, c’est Foucault, au début de sa conférence sur les hétéropies. Ça commence comme ça : «  Il y a donc des pays sans lieu et des histoires sans chronologie  ». Tout ce qui naît dans la tête des hommes et dans l’interstice des mots.

Arrive une splendide exemple des contre-espaces, ces lieux détournés de leur usage, ces utopies localisées : plus que le fond du jardin ou le grenier, c’est le grand lit des parents. Pour les gosses, c’est l’océan puisqu’on peut y nager, c’est le ciel puisqu’on bondit sur les ressorts, c’est la nuit puisqu’on peut devenir fantômes entre les draps, c’est «  le plaisir enfin, puisqu’à la rentrée des parents, on va être punis  ».

[...]

Je zappe un peu la suite, manque de m’endormir (il est tard, je suis fatigué) et sursaute à l’écoute de la conclusion, une merveille absolue de clôture, de style, d’ouverture, d’intelligence, de perfection. Je la réécoute, encore et encore. Putain que c’est beau :

«  On voit pourquoi le bateau a été pour notre civilisation, depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours, à la fois non seulement, bien sûr, le plus grand instrument de développement économique, mais surtout la plus grande réserve d’imagination. Le navire, c’est l’hétérotopie par excellence. Les civilisations sans bateaux sont comme les enfants dont les parents n’auraient pas un grand lit sur lequel on puisse jouer ; leurs rêves alors se tarissent, l’espionnage y remplace l’aventure, et la hideur des polices, la beauté ensoleillée des corsaires.  »



1 Ramzig Keucheyan dixit, dans un entretien publié dans Article11 papier n°1 : «  Les principaux penseurs critiques actuels – des gens comme Alain Badiou, Frederic Jameson, Perry Anderson – sont fascinants et construisent des pensées politiques extrêmement intéressantes, mais ils ne te donnent en aucun cas les moyens de construire un autre monde.  »

2 Bref : exégètes de Foucault, féroces universitaires, passez votre chemin.

3 Pour les accrochés, il existe une récente version CD comprenant deux conférences : Les Hétérotopies et Le Corps Utopique.

4 «  Le navire, c’est l’hétérotopie par excellence. Dans les civilisations sans bateaux les rêves se tarissent, l’espionnage y remplace l’aventure, et la police, les corsaires. »

5 Pour la caractériser plus précisément, il a posé six principes de base :  × Les hétérotopies sont présentes dans toute culture.  × Une même hétérotopie peut voir sa fonction différer dans le temps.  × L’hétérotopie peut juxtaposer en un seul lieu plusieurs espaces eux-mêmes incompatibles dans l’espace réel.  × Au sein d’une hétérotopie existe une hétérochronie, à savoir une rupture avec le temps réel.  × L’hétérotopie peut s’ouvrir et se fermer, ce qui à la fois l’isole, la rend accessible et pénétrable.  × Les hétérotopies ont une fonction par rapport aux autres espaces des sociétés : elles sont soit des espaces d’illusion soit des espaces des perfections.

6 au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967, intitulée « Des Espaces autres » (à lire ici).

7 In : Les Mots et les choses, 1966.

8 CD, INA mémoire vive, réf : IMV056 NT92


COMMENTAIRES

 


  • jeudi 25 novembre 2010 à 16h38, par un-e anonyme

    Histoire d’insister sur un des liens judicieusement proposés par le papier ci-dessus, allez donc voir, si ce n’est fait, Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde , et pour des infos plus récentes, regardez .

    On trouve aussi pas loin d’autres textes de Foucault



  • vendredi 26 novembre 2010 à 20h13, par pièce détachée

    Si la couverture d’Article11 « dit » quelque chose de très singulier, ça ressemble beaucoup au contenu et au ton de ce billet. Je trouve d’ailleurs un air de famille entre la tête de Foucault (photo du bas) et celle du journal.

    Des imaginaires qu’on croyait anéantis et qui se remettent à clignoter comme les lanternes sourdes des corsaires, c’est beaucoup mieux que les crèmes-pour-tuer-le-temps : ça vous fait tout soudain la tronche d’une gamine de dix ans. Quel ravissement.

    • vendredi 26 novembre 2010 à 20h48, par ZeroS

      Parce que je suis un chieur et que j’aime bien Foucault... à lire la revue L’autre coté pour une critique de la critique (postmoderne). Certaines choses sont à conserver. Baci napoletani !

      • samedi 27 novembre 2010 à 12h39, par pièce détachée

        @ ZeroS :

        Merci pour la référence. On peut lire en ligne l’éditorial (et l’index foisonnant) de L’autre côté.

        Moi aussi j’aime bien Foucault — mais pas trop certaines façons de s’en servir pour clamer en pontifiant de très haut que « rien n’est vrai » (j’abrège honteusement ; pour plus et mieux, voir Bouveresse, Semprun et al.).

        Le plaisant de ce billet, c’est son côté « corsaire » : se bouger le cul pour prendre le savoir là où il est et se tailler avec, pour vivre, foutrebleu ! TanTanTaan...

        • samedi 27 novembre 2010 à 18h02, par Ubifaciunt

          @ pièce détachée : c’est sûr que le côté corsaire, c’est tout de suite plus frétillant que les premières pages -pour brillantes qu’elles soient- des Mots et les Choses...

          @ZeroS : putain, t’es chiant, encore un nouveau truc à devoir lire !!!

          • dimanche 28 novembre 2010 à 19h34, par pièce détachée

            Ubi dixit : « c’est sûr que le côté corsaire, c’est tout de suite plus frétillant que les premières pages -pour brillantes qu’elles soient- des Mots et les Choses... »

            Rhôô lui... tout de suite la fin de la récré...

          • lundi 29 novembre 2010 à 14h10, par ZeroS

            Pour résumer brièvement les deux critiques centrales faites par Jean-Marc Mandosio et L’autre côté.

            Michel Foucault se joue des identités - en mode queer avant l’heure - et pourtant il a bien une identité : mandarin du monde universitaire, toujours pas très loin des lieux de pouvoir, et qui suit les tendances politiques en mode radical chic, maoïste le lundi et copains avec les nouveaux philosophes le dimanche.

            L’autre côté dresse le parallèle avec Judith Butler. The Queen Queer est a-identitaire à l’exception du fait que tous ses propos (extrêmement alambiqués) suintent le communautarisme, et qu’elle tire ses revenus d’un des piliers de l’économie néolibérale : le système universitaire américain. L’antithèse de l’éducation populaire.

            Pour l’un comme pour l’autre, quand il s’agit de parler de propositions concrètes, au mieux ils se taisent, au pire ils proposent des solutions de centre gauche libéral.

            Personnellement, romantique, j’aime les lire, ils m’offrent du rêve. Des romanciers de génie.

            Au sortir d’un séjour napolitain et du croisement d’une belle hétérotopie, idéaliste, je peux toujours me dire : « Ils n’ont rien, se débrouillent de tout, de vrais artisans de la flibuste. Je les admire. Cependant, derrière, les milliards continuent de couler à flot, et personne, hormis quelques nantis camorristes, ne goute à l’eau. »



  • samedi 27 novembre 2010 à 00h48, par Docteur Ska

    Wow, merci

    Moi rien que d’entendre dans la même conférence « jardins », « tapis volants » et « bateaux pour traverser les océans » ca me met en joie !

    Tout ca pour dire... Je pense pas qu’on puisse étudier ces « hétérotopies » de manière toute distante et objective. Forcément que ca fait gigoter quèqu’chose au fond du bide...
    Plutôt qu’une science de l’hétérotopie (même sociale), moi je verrais bien une « poétique de l’hétérotopie », entre Foucault et Hakim Bey.

    « poiesis », c’est création et en même temps c’est une petite prise de distance...
    Un discours poétique sur les TAZ qu’on fabrique autour de nous, et qui leur permettrait d’accéder à un autre niveau d’existence, un truc un peu moins « temporaire », comme ces fameux pirates et corsaires qui nous font encore rêver et nous inspirent après plus de 300 ans !

    La légende de nous-mêmes !

    • samedi 27 novembre 2010 à 01h53, par H2

      Post-scriptum

      Nous pouvons témoigner du fait que les CRS assignés à la protections des nantis, des puissants et de leurs larbins sont de mauvais camarades de jeux. En effet, alors que nous n’étions là que pour nous amuser avec insouciance et cotillons dans cette cours de récréation si bien nommée qu’est la Place de la Concorde, nous avons constaté de visu, et subit pour certains et certaines d’entre nous, les coups bas suivants :
       × tirages des cheveux des filles par derrière avec arrachage de mèches entières,
       × croche pieds aux journalistes pour qu’ils tombent et cassent leur caméra et appareils photos,
       × coups de matraques inopinés sur la tête avec déchirement du cuir chevelu et saignements abondants,
       × coups de matraques sournois dans le visage avec cassages de nez et autres contusions,
       × jets de bombes lacrymogènes dans le yeux à bout portant pour faire pleurer les garçons,
       × plaquages au sol intempestifs à trois contre un avec rouages de coups,
       × interpellation musclée avec étranglement,
       × tordages de doigts et de poignets juste pour faire mal.
      Il est vrai que le Commissaire Principal du XXe arrondissement nous a avoué que le capitaine de l’équipe des CRS manquait un peu d’expérience et de sang froid, mais tout de même, nous sommes un peu déçus par ce manque de fairplay.

      — — — — — — — — — — — — — — — — — —— — — — — — — — — — — —
      À bas le Parti de la Presse et de l’Argent !

      Espace autre / Place de la concorde citoyenne :

      Communiqué de presse du Collectif Fini les Concessions
      CFC BAP – Branche Armée… de Patience / Jeudi 25 novembre 2010

      http://www.homme-moderne.org/societ...

      • samedi 27 novembre 2010 à 17h25, par un-e anonyme

        c’est bien ce que je me disais. ( dans la video, Foucault parle pas de Disney land )

        • samedi 27 novembre 2010 à 18h06, par Ubifaciunt

          @Doctor Ska : Oui, oui, d’ailleurs, de mémoire, ça m’étonne que le Hakim ne fasse pas référence à ce texte hétérotopique quand il écrit sur les TAZ. Je vais voir dans ma bibli et je reviens...

          @H2 : C’est vrai qu’on était au Crillon en mode touriste (c’est-à-dire qu’on n’a pas pondu d’article dessus, et que les flics étaient hallucinament chauds ! Cela dit, joie de la soirée, un groupe d’une vingtaine de personnes à réussi à forcer la nasse policière, juste en poussant. Le bonheur, quoi !

          • dimanche 28 novembre 2010 à 22h20, par pièce détachée

            Chieuse rabat-joie déclare :

            Les flics, même tout chauds face aux camarades remontés, n’auraient-ils pas reçu la consigne de se laisser un peu pousser dans la nasse sans dégainer illico le flash-ball à TAZ (Tir Aux Zyeux) (hinhin...) ? C’est qu’en matière d’espaces autres, la Concorde, c’est pas les Quartiers. Dans un cas, la violence d’État dans un espace sinistré ne fait dégueuler que de la sous-bouffe, elle-même issue de dégueulis, par des mal-sapés qui de toute façon, bouche amère ou pas, ne savent pas causer. Dans l’autre, — vous n’y pensez pas ! son spectacle aux fenêtres ferait régurgiter par des Saint-Jean Bouche-d’Or des mets exquis sur de la dentelle d’Alençon, en cette place de la Ville-Lumière dont les pots d’échappement détruisent chaque jour le pivot : l’obélisque, mémoire volée, pillage de guerre. C’est quand qu’on entarte Napoléon ?

            Burp.



  • lundi 29 novembre 2010 à 18h26, par ZeroS

    Plutôt qu’écrire diffusé sur France Culture avec le timbre d’un cynisme amer, ne faudrait-il pas souligner produit par ? J’dis ça, j’en sais rien, je n’ai pas vérifié, mais ça pourrait adoucir l’amertume.

    Aussi, Michel Lussault (un ami de Bruno Latour) dans L’homme spatial n’interprète pas du tout les non-lieux de Marc Augé comme certaines personnes proche de la gauche critique peuvent le faire (ah... la fameuse versatilité des concepts !), mais bien comme Marc Augé l’entend, c’est-à-dire des lieux à part entière. M. Lussault souligne d’ailleurs que le titre de M. Augé est de l’ordre du jeu rhétorique. Je n’irai pas jusqu’à dire que M. Lussault entend que les aéroports, les gares et les centres commerciaux sont les lieux de sociabilité d’aujourd’hui... avec un a priori, pour ainsi dire... positif. D’ailleurs, j’imagine qu’il claque aux Halles tout son salaire de Professeur à l’ENS lorsqu’il vient de Lyon en TGV ou avion pour intervenir à Ulm.

    Je me souviens, au plus fort d’une tension au sein d’un squat toulousain précédemment évoqué (les Pavillons Sauvages), que s’opposaient quasi-idéologiquement deux courants. Le premier, héritier de Hakim Bey à fond dans les TAZ - dans les deux sens du terme -, se foutait radicalement de l’avenir du lieu, des liens créés, des croisements d’énergies, soit un mélange de nihilisme post-poétique à la J. Baudrillard et d’individualisme ontologique rigoureux version R. Boudon pour le meilleur de l’organisation collective. De l’Hakim Bey en quelque sorte. Le second avait quelques désirs de pérennité et de réalisation d’un travail de terrain hors les murs en mode écologie radicale et pragmatisme mou de circonstance. Au final, la tension persiste. L’arbitre à ce jeu-là n’est pas le plus fort des deux... mais le tierce intervenant : les tenants de l’Ordre (municipalité et consorts).

    Il me semble que les sociologues Pinçon-Charlot terminait une interview sur leur dernier bouquin en disant que les puissants et les riches sont très organisés, et que peut-être il fallait faire de même à la base pour lutter et parfois gagner... Ça permet de ré-interroger l’enchantement du réel et le romantisme en post proposé par certains philosophes critiques.

  • Répondre à cet article