ARTICLE11
 
 

mardi 19 mai 2009

Sur le terrain

posté à 12h34, par Margot K.
9 commentaires

Don Quichotte : avec les bleus, qu’est-ce qu’on se marre !
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Quelques heures, et puis s’en vont. Installé vendredi après-midi, le campement parisien des Don Quichotte a été démonté dans la foulée par des forces de l’ordre qui n’y sont pas allées avec le dos de la matraque… Margot K était sur place. Et raconte comment la désormais traditionnelle opération montée par Augustin Legrand n’a pas fait long feu, étouffée dans l’œuf par la police.

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Les enfants de Don Quichotte organisaient vendredi dernier une journée d’action nationale. En ce qui concernait Paris, le rendez-vous était à 18 h place de la Concorde, sous la grande roue. Hormis le détail que cette fameuse grande roue, si chère à la perspective Pyramide du Louvre - Grande arche de la Défense, avait disparu depuis près de quatre mois, il était assez difficile de se perdre…

Un peu les mains dans les poches et le nez dans les Mémoires de Louise Michel, je m’y suis rendu histoire de filer un coup de patte. À ma grande surprise, nous étions peu sur la grande place qui regorgeait de cars tristement tricolores. On ne comptait plus les journalistes, légions armées qui d’un appareil à téléobjectif, qui d’un magnéto… Il paraît qu’il paraît que c’est le jeu… Un chuchotis circule : le campement a été monté sur le quai rive droite, il faut s’y rendre par petits groupes. Ah ! La jolie stratégie ! Tout doucement le flux se met en place. Comme par enchantement arrive Augustin Legrand (mais si, mais si ! Une sorte de géant à la gueule cassée, porte parole virulent des Enfants de Don Quichotte ! Vous voyez bien que vous savez !). Le mégaphone au poing, il jette : « Le campement est monté sur le quai, il va falloir faire vite. Dépêchez-vous ! », et tout le monde de se mettre à courir sous les yeux effarés des flics, Gros-Jean comme devant.

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Pour ce qui me concerne, l’agacement commençait à poindre devant la horde en furie des rapaces aux objectifs imposants2. Je décidais donc de doubler le peloton de tête pour aller à la rencontre des tentes vertes et rouges un peu avant le raz-de-marée.

Une centaine de tentes, liées les unes aux autres pour plus de stabilité, avaient été montées, faisant joliment face à l’ancienne gare d’Orsay. J’y trouvais plusieurs amis (le monde engagé est assez petit…) et une ambiance joyeuse et enlevée. La première phase du plan avait marché comme sur des roulettes. Bien sûr, le reste de la mobilisation eut tôt rejoint la rive et, fidèle comme un bon toutou, son ombre policière itou. On parlementa. Assez tranquillement, d’ailleurs. Et l’on fut d’accord pour nous laisser passer la nuit dans cet espace qui, après tout, est public (que je sache…).
Fort bien : nous nous installons. Le soir tombe, on partage une soupe, un peu de pain et d’eau, nous nous distribuons les tentes et que vogue la galère !

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C’est joli, non ? Vous le voyez ce gentil tableau ? Deux cent personnes qui partagent un repas dans une fraîche nuit de mai, réunies autour d’une cause commune, sur un quai baigné de lumières parisiennes, guitares, bouquins et palabres toutes voiles dehors ? Vous le voyez bien ?

Alors maintenant vous ajoutez un mégaphone qui tout d’un coup s’exclame : « Les flics vont charger d’ici un quart d’heure ! » . Et voilà. Fini la rigolade, c’est le branle-bas de combat, tentative de résistance tant bien que mal, charge par les gendarmes devant (et oui, maintenant qu’ils sont rattachés au ministère de l’Intérieur…) et la police nationale derrière (difficile de faire plus cauchemardesque, comme partie fine…). Bref, vous connaissez la chanson.
On a pu tenir jusque 23 heures. Les tentes ont été détruites par les forces du ministère, avec une minutie qui les distingue une fois de plus dans l’art d’exécuter bien-e-xac-te-ment ce que dit le chef. La tête dans les boucliers et faisant corps avec les trente personnes qui se trouvaient encore là, j’avais encore le sourire aux lèvres et c’était bien la première fois. Pourquoi, nom d’un drapeau noir ? C’est assez basique, en fait : jamais encore le ridicule de ces situations ne m’avait autant crevé les yeux. Trois pelés et un tondu, une centaine de tentes sur un quai, et voilà que la police établit un plan stratégique impliquant parjure et mobilisation d’une force considérable ; franchement il y a de quoi se marrer ! Comme ce moment d’anthologie où le chef de la brigade, au mégaphone, nous a lancé : «  Ne résistez pas ! »… Mouaahaharf !
Comme pour me pousser plus loin dans le fou rire, la belle équipe a montré sur la fin, par une série cocasse d’ordre et de contrordres lancés en même temps, une ingérence proche du burlesque (« Vous avancez maintenant ! », « On ne passe pas ! », « Allez rejoindre vos camarades ! », « On les sépare ! »). Elle a surtout jugé très dangereux que nous récupérions les tentes rescapées du carnage… Et grand bien lui en a pris : on aurait pu commettre d’atroces actes de terrorisme avec… Ah ! Tentus fugit ! Voilà une révolte bel et bien matée.


Retrouvez Margot K sur son blog, ICI.



1 Margot n’ayant pas pris de photos, les trois clichés utilisés dans ce billet sont ceux de photographes professionnels, piqués au mépris de toutes les règles du copyright. Eheh…

2 Lesquels n’ont pourtant pas été - eux non plus - à la fête quand l’évacuation policière fut lancée : voir cette protestation du Syndicat national des Journalistes contre « les brutalités, confiscations de matériel de prise de vue, et interpellations » dont ils ont été victimes.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 20 mai 2009 à 11h15, par Brainwashing

    Ola !

    Cette brêve incursion hispanisante s’arrêtera là, étant donné mes carences dans la langue de Cervantes. Je m’étonne un peu qu’Article XI, que je lis régulièrement et qui souvent me redonne du courage, se laisse aller à si peu de sérieux ces derniers jours. Certes, il est de bon ton ces temps-ci de définir une ligne éditoriale sur le mode de la girouette, et les parutions contestataires n’échappent pas à cette tendance. Mais vous...
    Je pensais que vous étiez à l’abri de cette dérive. D’abord, Reclaims the clown, qui fait allusion à un mouvement qui apparemment n’a pas assez lu Debord : se réclamer du spectacle pour le dénoncer sous couvert de dérision (ou d’autodérision car on ne sait plus vraiment si ce sont les militants ou le pouvoir qui est réellement visé). J’avoue que j’ai du mal à saisir les ressorts de cette rhétorique clownesque, n’ayant, à ma décharge jamais saisi non plus les ressorts comiques de ce personnage. Peut-être le clown est-il une référence implicite au Ca de Stephen King, mais à ce moment là je doute de la portée du message.
    Mais il s’agissait ici de revenir sur votre article à propos des Don Quichotte et autres intermittents du spectacle. Je pense qu’entre deux performances humanitaro-bienpensante, à tonalité catho, les membres des enfants de Don Quichotte devraient un peu moins montrer leur gueule et passer un peu plus de temps dans les bibliothèques. Pour aller à l’essentiel, je leur conseille l’excellent livre de Michel Surya, Portrait de l’artiste en supplétif de la domination. Vous avez peut-être entendu parler de cet ouvrage, qui fait suite à Portrait de l’intellectuel en animal de compagnie.
    Si ce n’est pas le cas, je vous le conseille. Car je ne considère les contributeurs d’Article XI ni comme des animaux de compagnie, ni comme des supplétifs de la domination. Et j’aimerais continuer à le penser. Je ne pense pas qu’en lisant des articles soulignant qu’avec des comédiens reconvertis dans l’exploitation de la misère pour en faire une entreprise de divertissement pour médias on se marre, je puisse m’en acquitter.
    Bien cordialement,

    Brainwashing...

    • mercredi 20 mai 2009 à 12h06, par un-e anonyme

      Reconverti dans l’exploitation de la misère.

      Ah ouais ! Et ça gagne combien ? Bien plus que la banque d’affaires, la multinationale et le CAC 40 ! Bien mieux que la retraite chapeau, les stocks options et les cinq cents smics mensuels avec appartements et châteaux et voitures et avions de fonction ! Du moins c’est ce que j’imagine à la lecture de ce commentaire.

      Et puis j’imagine que, selon l’auteur, si Besancenot, Mélenchon, Glukstein ou Laguiller (ou Surya ou qui tu voudras) causent ou écrivent de temps à autre, ce n’est pas pour ce qu’ils disent mais parce qu’ils palpent eux aussi l’oseille à pleines charrettes.

      En lisant ce genre de conneries consternantes Parisot et ses copains rigolent. Peuvent dormir tranquilles...

      • mercredi 20 mai 2009 à 12h29, par Brainwashing

        Apparemment, cet internaute anonyme (ou est-ce l’auteur de l’article, je n’ai pas bien saisi) n’a pas vraiment compris que cette exploitation n’est pas pécuniaire. Je cherche toujours l’association entre des hommes politiques tout ce qu’il y a de plus encartés (que j’exècre) et le directeur de la revue Lignes. Ce que récupère Augustin Legrand, qui n’a apparemment pas reçu ce prénom par hasard (« Qui est imposant, respectable, digne de vénération »), c’est la capacité de la misère à créer de la compassion. Compassion qui attriste nos semblables, créant de la pitié : cet infâme sentiment humain permet de se rassurer sur sa propre condition, piteuse mais plus honorable que ces « pauvres gens », transformant la colère de la révolte en bienveillance crasse. Aidez les enfants de Don Quichotte à réparer la casse du gouvernement. Et continuez à le faire, malgré ce foutage de gueule ostentatoire des forces de l’ordre qui, à mon humble avis, rigolent autant que vous sinon plus...
        Je ne prolongerai pas plus longtemps cette charge qui va finir par devenir agressive, énervé que je suis par la simplicité déconcertante du commentaire dudit internaute.

        • mercredi 20 mai 2009 à 14h22, par JDifool

          Quel dédain ! Voilà la marque du véritable intellectuel ! :p

          JDifool (qui n’est pas l’auteur message vilipendé)

      • mercredi 20 mai 2009 à 12h34, par JBB

        @ Brainwashing : déjà, tu me permettras de regretter que ce débat-ci vienne polluer le billet de Margot. Elle n’a pas grand chose à y voir.

        Ensuite, tu parles de « ligne éditoriale ». Tu vas être surpris : nous n’en avons pas. Sinon une : à bas l’esprit de sérieux. On moque qui ont veut quand on veut, on défend itou, seuls comptent l’envie de vraiment changer les choses et le refus d’appartenir à une chapelle ou de défendre une ligne doctrinale. Notre ligne, puisque tu en parles, c’est d’abord celle de la vie, de la révolte et du rejet de tout dogmatisme. Vagenheim powa, quoi.

        Pour nous (je parle au nom des autres, ils me corrigeront s’ils ne sont pas d’accord), il n’y a rien d’inconciliable à aimer à la fois la Brigade activiste des clowns et les Black blocs, à respecter tout autant les autonomes que les activistes de la fiesta. Pour moi (tout seul, ce coup-ci), il n’y aura de vrai espoir de changement que quand toutes les composantes de la contestation défendront les mêmes barricades : clowns, tekno-activistes, militants de la cause des sans-papiers, tenants de l’action violente, membres du NPA, militants anarchistes et libertaires, post-situs alcooliques, littérateurs enragés, etc… La révolution pure et parfaite, j’y crois pas une seconde. Et même : ça me ferait bien chier de participer à une révolte qui enverrait chier ceux qui aiment porter un nez rouge, ceux qui croient que danser peut changer le monde ou ceux qui portent les cheveux longs.

        J’ai un peu de mal à saisir - aussi - d’où te viens cette haine des clowns. Autant je comprends tout à fait ta méfiance vis-à-vis des mouvements prétendant récupérer les médias à leur profit (Désobéissants, Pelle et la Pioche et tous ceux qu’on retrouve dans le billet de Lémi sur le bouquin Les Nouveaux Militants), autant il me semble que les clowns sont à part. Je les croise sur énormément de manifs et ils ne sont pas là pour faire les beaux devant les caméras. Ils ont la classe, simplement.

        Dernier truc, ta position sur Legrand. Là-aussi, je suis plus que sceptique : je vois pas trop ce que ce bonhomme gagne personnellement à se décarcasser le cul. On peut être rétif à sa façon de jouer avec les médias - c’est tout à fait compréhensible - , mais dire qu’il « exploite la misère » me semble bidon. En l’occurrence, il est sincère.

        @ Anonyme : « si Besancenot, Mélenchon, Glukstein ou Laguiller (ou Surya ou qui tu voudras) causent ou écrivent de temps à autre, ce n’est pas pour ce qu’ils disent mais parce qu’ils palpent eux aussi l’oseille à pleines charrettes. »

        Clair ! Les salauds… :-)

        • mercredi 20 mai 2009 à 13h54, par Margot K.

          Bonjour !

          je suis prise de court en sortant des limbes de ma couette (elle est si merveilleuse !)...

          Merci JBB pour ta jolie tirade !!

          Salut Brainwashing ,
          je ne crois pas (bien que le sieur Legrand puisse être critiqué à plein d’égards, qu’il puisse être taxé de manipulateur de la misère d’en bas. L’usage des médias dans les luttes fait polémique et je suis plutôt gênée en général par ce procédé, surtout vu la peine que les médias ont ris dei par chez nous.

          Et puis, ce billet était plus un récit transversal qu’une analyse des moyens employés. Certes tu m’objecteras à raisons que j’aurai pu le faire...

          En fait, j’évite plutôt de me marrer triste, je trouve ça frustrant.

          Ah oui, une dernière chose, quand je poste un commentaire... je le signe !

          • mercredi 20 mai 2009 à 14h49, par Margot K.

            Mieux réveillée je constate mon bégaiement du clavier...
            je voulais écrire « vu la pente que les médias ont pris de part chez nous » .
            ouf !

        • mercredi 20 mai 2009 à 17h27, par Anonyme2

          « @ Anonyme : »si Besancenot, Mélenchon, Glukstein ou Laguiller (ou Surya ou qui tu voudras) causent ou écrivent de temps à autre, ce n’est pas pour ce qu’ils disent mais parce qu’ils palpent eux aussi l’oseille à pleines charrettes.«  »

          Surya palpe de l’argent ? Mort de rire : http://www.liberation.fr/portrait/0...

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