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mercredi 19 octobre 2011

Entretiens

posté à 02h15, par George Weaver & JBB
11 commentaires

Henri Simon — À propos du Mouvement contre la réforme des retraites

C’était il y a à peu près un an, cela paraît presque un siècle... De mars à novembre 2010, le mouvement social se trouvait un (éphémère) nouveau souffle, et certains se prenaient même à rêver d’une radicalisation des manifestants. Las : il n’en fut rien. Henri Simon, figure presque tutélaire du communisme de conseil (même s’il rejette l’appellation) revient ici sur cet espoir déçu. Analyse.

C’est toujours pareil quand on évoque les gens d’un certain âge - disons : au-dessus de 80 ans. Soit ils sont momifiés dans le souvenir de ce qu’ils ont été - personnages plus ou moins mythiques dont il n’est que peu d’importance qu’ils soient encore intellectuellement alertes. Soit ils ne sont plus : décédés.

Henri Simon s’en fiche, lui : il affiche pas loin de 90 printemps. Et une méchante patate, de celles qui vous poussent à maintenir haut le flambeau de l’engagement et de l’affutage théorique. Son ami Roger Berthier notait en 2002 (en la préface à la réédition d’un texte écrit par Henri Simon dans le numéro 20 de Socialisme ou Barbarie) : « Ce n’est pas rien d’arriver à son quatre-vingt-unième anniversaire en restant droit comme un i. » Quelques années ont passé, le constat reste.

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Henri Simon nous a reçu un matin chez lui, voilà quelques mois1. Un petit appartement, des livres partout, et aussi des brochures en masse - notamment Échanges, bulletin du réseau d’Échanges et Mouvement, animé par Henri Simon. À notre demande, il est revenu sur son parcours, depuis son adhésion à Socialisme ou Barbarie en 1953 jusqu’à son engagement actuel, en passant par sa vision de mai 1968 et sa temporaire proximité avec les Situationnistes - existence marquée par une fidélité jamais démentie à l’idée d’auto-organisation et par une profonde méfiance à l’égard des organisations syndicales ou de parti2. Et puis, la conversation a dérivé sur le récent mouvement de protestation contre la réforme des retraites et sur l’un de ses avatars, l’initiative « Bloquons l’économie ». C’est finalement ce passage qui est donné à lire ci-dessous.

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Photo empruntée au Flickr de Jean-Baptiste Lequere et un brin recadrée.

Henri Simon – À propos du Mouvement contre la réforme des retraites

J’ai constaté que toute une marginalité essayait de surfer sur le mouvement de protestation contre la réforme des retraites ; je pense notamment aux initiatives conduites autour du slogan « Bloquons l’économie ». C’était évidemment positif, mais j’ai eu l’impression que ces camarades, s’ils ne se polarisaient plus autour de la notion de parti, lui substituaient une notion proche. Je pense à cette idée qu’en agissant, on peut pousser un mouvement dans une direction précise.
On retrouve ici une situation et un problème qui ont été débattus depuis une éternité, qui restent fondamentalement les mêmes, alors que formes et modalités ont évolué avec l’évolution des productions, des techniques de production et de toute l’organisation de l’appareil d’exploitation.

Ce problème est celui des « minorités agissantes », de ceux que l’on appelait il y a un demi-siècle encore les « avant-gardes ». Je ne veux pas entamer ici une critique de cette notion, ce qui conduirait également à traiter de la question de la « conscience de classe »
À mon avis, ce fut une erreur de penser que, dans un mouvement basé pour l’essentiel sur des manifestations où les participants (plutôt hétérogènes) ne souhaitaient pas aller au-delà d’une pression politique, on pouvait imposer une orientation plus radicale par des slogans plus durs (et pensait-on plus adaptés), voire par des actions violentes ponctuelles très minoritaires et marginales.

Je ne dis pas que la situation actuelle ne recélait pas (et ne recèle pas encore) un fort potentiel de rejet basé sur des réactions individuelles mais aussi sur une perception globale souvent confuse des méfaits du système : il est évident que ce rejet existe. Sauf que ce n’est pas à quelques volontés individuelles ou à de petits groupes (fussent-ils parfaitement motivés et justifiés) d’impulser des orientations et des formes d’action, mais à une conscience collective. Il ne s’agit pas de rêver une révolte, mais de la vivre à plein, dans une situation de lutte partagée par une grande masse des exploités. Quand ça prend, on s’en aperçoit tout de suite : c’est une force globale qui emporte tout et, dans de tels moments, ce ne sont pas forcément les « avant-gardes » auto proclamées qui sont les agents spontanés et méconnus des actions radicales. On en était loin à l’automne 2010.

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Pour la plus grande partie de ceux – nombreux et constamment nombreux dans pratiquement toute la France – qui manifestèrent, si pour un certain nombre la question des retraites était primordiale, la protestation politique n’était pas tant dirigée contre le gouvernement actuel mais surtout, sans que cela soit clairement exprimé, contre les conséquences présentes d’un système économique en crise, conséquences davantage ressenties comme une menace individuelle que dans une mobilisation autour d’un projet quelconque d’un autre système économique et social. Parmi les « forces agissantes » autour de l’implication de cette masse confuse de manifestants, d’un côté l’ensemble des « corps constitués » politiques et syndicaux, de l’autre les « marginalités politiques et syndicales ».

Au sein de ces « forces agissantes », les unes visant à réprimer le mouvement (ou à l’intégrer, ce qui est la même chose), les autres cherchant à « l’élargir » et à « l’orienter », se tissèrent des tactiques de récupération autour d’intérêts spécifiques qui ont pu conduire à des affrontements.
De ce point de vue, les relations entre le mouvement en lui-même et ces « forces agissantes » ont évolué au cours des cinquante dernières années. On peut faire par exemple un parallèle avec les grèves de mai-juin 1968 . Au début du mouvement, il n’y avait pas de revendications précises. Chacun débrayait tout simplement avec l’impression assez vague que quelque chose était possible : il fallait y aller, sans savoir nécessairement vers quoi. Bien entendu, les organisations syndicales ont très vite canalisé cet espoir diffus, ont posé des revendications sur cet élan. Et ont tout aussi vite fait voter sur des accords d’entreprise la reprise du travail quand le cadre en a été fixé par les accords de Grenelle. L’époque était à l’organisation, il y avait très peu de gens pour affirmer qu’on pouvait s’en passer. D’un côté, les syndicats pouvaient assez aisément encadrer le mouvement (par exemple, en interdisant toutes liaison travailleurs-étudiants ou en consignant les comités d’action hors des entreprises et en pesant d’un poids indéniable pour la fin du conflit) ; de l’autre, ces « exclus » du courant organisationnel central (essentiellement des comités de grèves aux mains des syndicats) se lancèrent dans une floraisons d’organisations « d’avant-garde » trotskystes, maoïstes, et tutti quanti.
Cela renvoie à une autre réalité historique : à cette époque il n’y a pas eu réellement de mouvement autonome en France. A la différence de l’Italie, où il y avait une base, où tout un courant politique est parti d’une réalité – la jonction d’étudiants et d’ouvriers –, où l’autonomie était vraiment puissante, cela s’est limité chez nous à des gens plaquant un idéal sur une réalité n’y correspondant pas et essayant d’impulser – en pure perte – un courant.

Les choses ont depuis évolué dans le bon sens : il y a aujourd’hui beaucoup moins de tenants de l’organisation et des structures préexistantes, mais ils sont encore présents et capables de perturbations. Beaucoup de ceux qui entrent en lutte savent désormais à quoi s’en tenir ; même si cela n’apparaît pas toujours dans des aspects formels, les faits de la lutte eux-mêmes le révèlent. C’est une avancée importante : c’est ainsi que les choses doivent se faire, en fuyant l’organisation, même si cela peut parfois donner lieu à quelques dérives. L’apparition de coordinations dans les années 80, la large ouverture des lieux de grève vers l’extérieur lors des grèves de 1995, les grèves ponctuelles radicales plus ou moins sauvages pour des indemnités de licenciement de 2009 sont autant de marques de cette évolution dans la période récente
Cette tendance se confirme aussi si on se réfère aux années 2008 et 2009, avec ces mouvements très durs et isolés, boîte par boîte, ces dites « séquestrations » ou « mises à sac » de sous-préfecture ou destruction de matériel. Il y a un contraste très frappant entre cette dureté de « petits mouvements », souvent dans l’illégalité, et la mobilisation finalement très pacifique de l’automne 2010, qui n’a à peu près jamais débordé le cadre légal de la manifestation. On était finalement très loin de la détermination perceptible lors du mouvement social de 1995, alors partagée par une bonne partie de l’ensemble des travailleurs.

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L’existence de ce courant constant « autonome » dans ses différentes formes amène une réflexion autour de ce mouvement de l’automne : je crois que les syndicats avaient très bien compris, au début du mouvement, qu’ils devraient faire face à cette poussée marginale mais plus radicale. S’ils avaient su tirer la leçon des tendances que nous venons d’évoquer (l’apparition de syndicats « différents » comme SUD fait partie d’une telle intégration), le développement de « marginalités radicales » restait pour eux une inconnue. Ils ont pourtant habilement manœuvré pour l’encadrer. C’est toute la fonction des quelques blocages symboliques qui ont tenu un moment, à commencer par les raffineries : ces poches plus dures ont polarisé ce courant des « marginalités ». Et quand ces poches ont repris le travail, tout s’est effondré : il n’y avait plus rien.

Pour revenir à « Bloquons l’économie », ce slogan aussi me pose problème. Il n’y a pas cent mille façons de bloquer l’économie. Si EDF coupe le courant, d’accord : l’économie est bloquée. Si les routiers et les cheminots stoppent tous les flux, d’accord : l’économie est bloquée. Mais quelques centaines de personnes tenant temporairement un carrefour routier ou une gare, ça ne bloque rien du tout. Tu te fais plaisir – je respecte tout à fait ça – mais c’est tout. Surtout que – hors une apparence très radicale – ces actions ne l’étaient guère : face aux flics, ces camarades lâchaient tout de suite l’affaire, évacuaient. C’est un problème : si tu essayes de bloquer quelque chose d’important, la première chose à faire est de tenir et de s’opposer aux flics. C’est essentiel. Mais, pour ce faire, il faut être nombreux et être porteurs d’un certain rapport de forces. Ce qui ne fut nulle part le cas et faute de combattants, à moins d’être suicidaire, le mieux est effectivement de plier bagages.

Le slogan « Bloquons l’économie », à supposer qu’il soit totalement effectif (ce qui n’était même pas le cas pour le blocage des raffineries), peut de toutes façons ne pas être efficace du tout parce que le capital dispose d’autres armes pour contourner les effets du blocage, soit nationalement soit par la solidarité internationale au sein de l’organisation capitaliste.
Il faut rappeler que même en 1968, les fournitures d’électricité et de gaz n’ont jamais été réduites (ce qui supposait un accord - tacite ou pas - avec le pouvoir et un contrôle syndical) et que dans toute la période de pleine grève générale, il n’y a pas eu de pénurie alimentaire. Il y eut bien une temporaire pénurie d’essence, soit ; mais les pouvoirs publics ont réussi à réapprovisionner toutes les pompes pour la Pentecôte 1968, et beaucoup sont partis en week-end, ce qui a largement coupé le mouvement.

Le « blocage des raffineries » de l’automne 2010, qui polarisera les « marginalités » et sous-tendra le slogan et les tentatives sporadiques de « blocage de l’économie », s’avéra finalement presque totalement inefficace parce que le gouvernement et les compagnies pétrolières purent relativement facilement assurer les approvisionnement par des circuits parallèles. Chose que les syndicats connaissaient dès leur mise en œuvre et qu’ils se gardèrent bien de révéler, encore moins pour lancer des « piquets de blocage » vers les points faibles de ces circuits. Ce qui révèle en même temps la faiblesse « logistique » (et peut-être la méconnaissance des réalités économiques) des initiateurs de « Bloquons l’économie », réduits finalement, à l’insu de toute leur bonne volonté et de tout leur activisme, à n’être que les petits soldats des manœuvres syndicales et politiques.

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Sur le mouvement en général, il faut rappeler que tout est parti d’une revendication politique qui s’inscrivait aussi, à la marge, dans le champ syndical – notamment en ce qu’il était discuté au même moment de la représentativité des organisations. Le mouvement est resté à peu près exclusivement politique. En cela, il m’a fait songer au mouvement de 2006 contre le CPE, avec ces manifs qui s’enchaînaient aussi sans relâche ; les manifs qui se succèdent, c’est normalement fait pour épuiser les gens, mais là ça n’a pas marché. Et ça n’a pas marché parce que cela recoupait un ras-le-bol général, parce que la crise fait ressortir les injustices et que les présentes « classes moyennes », encaissent une bonne part du choc économique. C’est cette partie de la population, ne vivant pas trop mal jusqu’à maintenant, qui ressent le plus la dégradation de ses conditions d’existence. Ce sont elles qui ont été le moteur du mouvement, ce qui explique qu’il n’y ait pas eu réellement de grève, hormis en quelques points très localisés. L’ensemble de ceux qui vivent de leur salaire ne se sont pas sentis concernés par ce mouvement d’où l’absence même d’amorce d’une généralisation des grèves.

Dans ce mouvement contre la réforme des retraites, le fait que la plupart des travailleurs ont toujours défilé sous une bannière syndicale, et non par regroupement de tous les travailleurs d’une même entreprise sous une même bannière éventuellement intersyndicale, signifie beaucoup de choses. À commencer par l’absence d’unité à la base : dans tout profond mouvement social, les travailleurs défilent derrière la bannière de leur entreprise, pas sous celle d’un syndicat, d’un comité de grève ou d’une intersyndicale des sections de l’entreprise. Là, c’était symptomatique d’une réalité : il n’y avait pas de grande masse des prolétaires pour appuyer ce mouvement. Les travailleurs ne se sont pas mobilisés en tant que tels. Il y avait bien une unité au sommet pour l’organisation et le contrôle du mouvement, mais rien d’autre.

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J’ai évoqué l’utilisation du mouvement par les « forces agissantes » pour tenter de régler les problèmes spécifiques en leur sein. Du côté des forces de répression, le dialogue actuel entre le Medef, le gouvernement et les syndicats autour de la représentativité syndicale et de l’ensemble des garanties sociales (le salaire différé) a permis de surmonter, en quelque sorte, l’épreuve que constituait un mouvement que les méthodes habituelles endiguèrent sans trop de difficultés. Finalement le contrôle social que les syndicats ont pu exercer, notamment sur les « marginalités » syndicales et/ou politiques et/ou avant-gardistes, a permis de faire passer la réforme des retraites (sur laquelle ils n’exprimaient que des désaccords de détail) et a renforcé leur rôle de médiation.

Quant à ces « marginalités » outre leur présence évidente sur l’ensemble du territoire et leur possibilité de mener des actions à l’importance toute relative, leur faiblesse - indépendamment de ce que nous avons pu dire ci-dessus sur la réalité de leur action - vint d’une séparation entre ce qui fut pompeusement baptisé, le plus souvent, « assemblées interpro ». Cette nouvelle mouture des « comités d’action » du passé œuvrait pour une part dans la périphérie syndicale, pour une autre dans ces nombreux groupes informels de résistance. Ceux qui étaient plus ouverts vers la périphérie syndicale pour tenter de s’élargir se trouvèrent englués dans les débats aussi passionnés qu’académiques des organisations patentées de l’ultragauche en mal de recrutement. Les autres, qui souvent ne regroupaient guère de travailleurs, se trouvèrent pris dans un cycle « action-répression » lors de leurs actions ponctuelles pour tenter d’entraîner le mouvement vers des développements radicaux.

On peut se poser maintes autres questions à propos de ce mouvement de l’automne 2010, révélateur de tendances dans la contestation d’un système, tendances qui ne réussissent pas à vraiment s’affirmer mais qui, en raison de leur importance relative, entraînent quand même une grande confusion. D’une certaine façon, on peut s’en féliciter car cela provoque pas mal de débats et un foisonnement de publications.
Parmi ces questions l’une est récurrente : celle de la fin et des moyens. Pour en souligner l’importance dans les faits : le slogan « Bloquons l’économie » peut apparaître comme un moyen mais, sans autre précision quant aux fins, il est aussi une fin en lui-même ; je crois d’ailleurs que l’imprécision quant à cette question reflétait l’imprécision de l’ensemble du mouvement quant à la distinction entre revendications et intentions. À l’opposé, dans les conflits ponctuels plus radicaux de 2009, fins et moyens étaient nettement distincts et la précision de la revendication entraînait une quasi unanimité pour une radicalité dans l’action.

Une autre question pose également débat, et c’est aussi une question récurrente. Pourquoi tous ces courants sont restés séparés les uns des autres sans vraiment influencer le mouvement d’ensemble ? La seule réponse est que, malgré sa force apparente permettant de croire possible un dépassement, la confusion évoquée n’imposait pas d’autre orientation que celle d’un conflit politique, et que le débat qui en découlait prenait forcément la forme de débats idéologiques.



1 L’entretien a dormi un temps dans les tiroirs, faute à une certaine paresse jbbienne...

2 Pour ceux qui ne le connaissent pas, il importe de situer Henri Simon - proche du communisme de conseil même s’il n’aime pas cette étiquette. Adhérent de la CGT dans l’immédiat après-guerre, il en est exclu en 1952, après avoir refusé de s’aligner sur la ligne conciliante prônée par la direction de l’appareil syndical. Il rejoint Socialisme ou Barbarie, alors petit groupuscule (une vingtaine de membres, tout au plus), tenant du communisme de conseil et anti-stalinien ; il y côtoie notamment Cornelius Castoriadis et Claude Lefort. Il quitte Socialisme ou Barbarie suite à des divergences d’organisation, après qu’un afflux d’étudiants opposés à la guerre d’Algérie en a modifié l’équilibre interne. Avec Claude Lefort, il crée alors Informations et Liaisons ouvrières (ILO), dissous en 1962 pour devenir Informations et Correspondances ouvrières (ICO). À nouveau confronté à l’affluence d’une centaine de nouveaux militants, essentiellement étudiants et affichant un radicalisme de façade, Henri Simon n’y retrouve plus ses petits, « la réalité des luttes » ; il abandonne ICO en 1973. Et il participe à la fondation d’Échanges et Mouvement en 1975, réseau international toujours actif, avant de s’exiler en Angleterre de 1977 à 1991. Voilà pour la bio façon Wikipedia.

Pour un entretien mille fois plus complet sur le parcours d’Henri Simon, se reporter à celui publié par l’Émancipation syndicale et pédagogique, notamment repris ICI.


COMMENTAIRES

 


  • samedi 22 octobre 2011 à 18h36, par George Weaver

    Précisons tout de même que c’est JBB qui s’est tapé tout le boulot : prise de notes, transcription, choix des passages les plus judicieux… Quant à moi, je n’ai fait que servir d’intermédiaire pour la prise de contact, en attendant l’heure de l’apéro.

    On peut consulter des articles parus dans Échanges et mouvements à cette adresse.

    Voir en ligne : http://lexomaniaque.blogspot.com/



  • « L’entretien a dormi un temps dans les tiroirs, faute à une certaine paresse jbbienne... »

    Tu appliques ce « droit à la paresse » qui devrait être inscrit dans la constitution et tant mieux !



  • samedi 22 octobre 2011 à 18h40, par dominominus

    Quelques agitations ou emportements de groupuscules ne font pas une révolution, certes !

    • samedi 22 octobre 2011 à 18h42, par un-e anonyme

      Bloquer l’économie, ça peut prendre une tonalité incantatoire, mais aussi relancer des questions, à nouveaux frais. L’obstacle qui s’oppose à l’appropriation collective ce n’est pas la politique en général comme le dit Henri Simon, mais bien la politique du capital, et la rareté de la politique du côté des sans part, du quelconque. L’économie ce n’est pas seulement la production de biens que la grève générale viendrait interrompre, c’est aussi la construction de dispositions profitables. On nous présente désormais tout ce qui concourt à la reproduction de la force de travail comme une charge indue, et ceux qui dépendent de ce salaire social (allocation, minima sociaux, retraites) comme d’infâmes parasites (et compris lorsque ce dernier est concédé « en nature » : santé, éducation, logement, transports, etc.). Lors de la réforme des retraites le droit à pension de retraite a été présenté comme une forme d’assistance, trop coûteuse, et indue.

      Dans ce renversement, c’est bien la légitimité de toute forme de solidarité qui est en cause, par delà tout dispositif spécifique (voir : Dette objective et dette subjective, des droits sociaux à la dette). À tel point que le seul collectivisme réellement existant est actuellement celui de la grande bourgeoisie. Mais cela commence à se savoir... (voir le succès des ouvrages des Pinçon-Charlot, ghetto du gotha, etc.) et diverses expériences en cours tâchent de prendre en charge la fabrication de nouveaux égoïsmes collectifs, d’ouvrir à un écart d’avec « l’intérêt général », c’est à dire de faire de la politique.

      La précarisation contribue à faire de chacun un « entrepreneur de soi » ; à une société entreprise doit correspondre un individu s’assumant en tant que capital humain. On peut tenter de mettre en cause cette norme (employabilité, adaptation compétence), comme le font, par exemple des collectifs de précaires, comme le proposait la grève des chômeurs. On avancera pas sans que soient inventées des formes d’auto-organisations dotées d’une certaine continuité. Les constats d’Henri Simon n’auraient de sens qu’à condition de déterminer parmi leurs lecteurs des pratiques nouvelles dans cette perspective, que d’être ordonnées à une nécessité subjective.

      • Je trouve cette précision très pertinente.

        Je lis et apprécie régulièrement les publications de texte sur le site de la CIP-IDF. A l’occasion, je causerai bien avec vous (ou toi) autour d’une bière de quelques réalités quotidiennes qui me travaillent et ont fort à voir avec la mobilisation des subjectivités de ceux qui sont au fond du trou (et je ne parle pas de la classe moyenne qui choit).



  • samedi 22 octobre 2011 à 18h43, par bémol

    Il n’empêche que... On aura vu le président de la république virer deux de ses plus proches conseillers (Soubie et minc qui lui avaient garanti que cette réforme passerait sans problèmes) puis s’éloigner de la politique intérieure pour essayer de se mettre en valeur sur la politique étrangère à l’issue de ces grèves...

    On aura vu des leaders syndicaux et de partis de gauche électoralistes durcir le ton car ils étaient complètement débordés sur le terrain. C’est ce qui explique que les grèves aient duré aussi longtemps.

    On voit aujourd’hui que les dirigeants marchent sur des oeufs quand ils présentent les sacrifices que la population doit faire pour la crise : c’est le souvenir de ce mouvement qui les rend si prudents.

    On aura vu le parti se disant socialiste s’engager à la surprise générale à annuler cette réforme des retraites afin de laisser une porte de sortie électoraliste à cette situation très tendue. C’est d’ailleurs-il ne faut pas chercher plus loin- ce qui a permis l’arrêt du mouvement : la perspective des élections de 2012 que ce parti a de bonnes chances de gagner.

    Quant aux affirmations sur le caractère inoffensif de ces grèves elles sont fausses : le coût pour le pays a été sur évalué par le gouvernement dans un premier temps, puis caché pour dissimuler le fait que le coût de ces grèves avait dépassé de très loin ce qui avait été économisé par l’état pour les retraites. C’est ce qui explique qu’une bonne partie du MEDEF a aujourd’hui lâché ce président qui est incapable de faire passer sans trop de casse des mesures antisociales.

    C’est une erreur de sous estimer les résultats des luttes sociales parce leurs revendications ne sont pas (et là je suis d’accord) à la hauteur qu’on voudrait

    • samedi 22 octobre 2011 à 18h44, par colporteur

      Du capitalisme (ni éternel, ni immuable) dans lequel s’inscrivent ces luttes :

      « En Europe, après d’autres régions du monde, la lutte des classes se déploie et se concentre aujourd’hui autour de la dette. La crise de la dette touche maintenant les États-Unis et le monde anglo-saxon, autrement dit les pays où sont nés non seulement la dernière débâcle financière, mais aussi et surtout le néolibéralisme. La relation créancier-débiteur, qui sera au cœur de notre propos, intensifie les mécanismes de l’exploitation et de la domination de manière transversale puisqu’elle ne fait aucune distinction entre travailleurs et chômeurs, consommateurs et producteurs, actifs et inactifs, retraités et allocataires du RSA. Tous sont des “débiteurs”, coupables et responsables face au capital, lequel se manifeste comme le Grand Créancier, le Créancier universel. »

      Extrait de La fabrique de l’homme endetté, essai sur la condition néolibérale, de Maurizio Lazzarato

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