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samedi 10 octobre 2009

Entretiens

posté à 13h16, par JBB
44 commentaires

Mathieu Rigouste : « Il existe des lieux et des moments où les bêtes traquées se croisent, s’arrêtent et se tournent vers le chasseur. »
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C’est une très fouillée et méthodique démonstration. En L’Ennemi Intérieur, le chercheur Mathieu Rigouste décrit comment une stratégie militaire totale, cette Doctrine de la guerre révolutionnaire mise en œuvre par la France dans ses guerres coloniales, a progressivement contaminé les champs politique et médiatique, jusqu’à devenir une pratique officieuse de maintien de l’ordre social. Il en reparle ici. Entretien.

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Il est tapi. Prêt à bondir. Affairé à saper les bases de la société française, bacille sournois dissimulé en son sein. Il affiche le teint basané, vient d’une autre contrée, affiche des convictions politiques jugées radicales, fréquente la Mosquée, lit des livres pernicieux, porte un jogging et des baskets, est dangereux, vit en communauté, participe aux poussées de violence urbaine, est la cinquième colonne, les germes du désordre, la chienlit, la montée des périls. Il est fellagha, bolchévique, immigré post-colonial, gauchiste, révolutionnaire tiers-mondiste ou anarcho-autonome. Il est…

Il est tout cela à la fois, et puis rien du tout. Il est l’ennemi intérieur, figure qu’il conviendrait de purger, bouc émissaire désigné à la vindicte générale pour légitimer la coercition et rationaliser le contrôle social. Cette création fantasmée du pouvoir s’est vue institutionnaliser par la Doctrine de la guerre révolutionnaire, théorie et pratique de la terreur conçues par l’armée française pendant les guerres coloniales - à commencer par la guerre d’Algérie - , doctrine d’État un temps officielle (de 1953 à 60) avant que d’être désavouée mais de continuer clandestinement à irriguer les mondes militaire, politique et médiatique. Corpus idéologique complet autant que codification des pratiques - de l’emploi de la guerre psychologique à l’usage de la torture en passant par le quadrillage militaro-policier du territoire, les assassinats ciblés et la mobilisation de l’ensemble du corps social - , la Doctrine de la guerre révolutionnaire a profité du contexte de la Guerre Froide pour se répandre partout, plébiscitée par les militaires anglo-saxons dans les années 60, mise en œuvre contre les mouvements de libération et les tentatives d’émancipation dans l’Amérique Latine des années 70 et 80. En France-même, son officielle mise à l’encan par De Gaulle ne l’a pas empêché de continuer à prospérer, idéologie officieuse du maintien de l’ordre sous tous les régimes. De la tuerie du 17 octobre 1961 à la répression post-68 par Marcellin. De la première mise en avant de la « menace migratoire » au plan Vigipirate. De l’agitation de la menace terroriste à la lutte contre l’islamisme. De la guerre dans les quartiers au très récent péril anarcho-autonome.

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Tu as compris - sans doute - que je souhaitais te parler de l’excellent livre de Mathieu Rigouste, L’Ennemi Intérieur, la généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France coloniale2. Tu me pardonneras - j’espère - cette introduction un tantinet poussive, tant il n’est pas simple de résumer en quelques lignes un travail remarquablement fouillé et argumenté. Tu mettras - surtout - les éventuelles obscurités de ce préambule sur mon compte, quand l’ouvrage de Mathieu Rigouste est lumineux et cohérent, démonstration magistrale de cette contamination des cercles du pouvoir par la Doctrine de la guerre révolutionnaire. S’appuyant sur le fond d’archives (encore jamais exploité) de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale (IHEDN), une structure « civilo-militaire chargée de promouvoir l’esprit de défense », ainsi que sur des publications de la presse militaire - Défense Nationale, Défense et La Revue de l’IHEDN - , il démontre parfaitement comment cette figure de l’ennemi intérieur, imaginée par les hommes en armes, est récupérée par les champs politique et médiatique. Il fait travail d’historien, de chercheur, et décrit nos mondes passé, présent et à venir, extension généralisée du contrôle et main-basse croissante sur nos vies. Il en parle mieux que moi, surtout3. Donc :


La publication de ton ouvrage, début 2009, n’aurait pu « mieux » tomber : l’affaire de Tarnac est venue comme une parfaite illustration de ton travail. Dans la logique de création de l’ennemi intérieur, tu penses que les manipulations étatiques de ce genre vont se multiplier ?

En fait, la publication est tombée juste après un nouvel essai de réglage de la fonction bouc-émissaire : sur la figure de « l’anarcho-autonome ». Mais ce mécanisme de la machine à purge continue depuis bientôt vingt ans à fonctionner sur un double réglage : les figures de « l’islamo-terroriste » et du « barbare de cité ». L’affaire de Tarnac ne fait que reformuler et appliquer exceptionnellement, pour l’instant, un type de montage habituellement réservé aux non-blancs pauvres et de manière permanente. Comme la logique sécuritaire, qui tend à reformuler et appliquer en continu à « la population » des méthodes de guerre conçues contre « les populations colonisées ». S’il y a manipulation, il faut le comprendre dans un sens technique, comme un ajustement. Les montages médiatico-politiques sont des utilisations particulières de machines de pouvoir qui fonctionnent en permanence, reliées aux machines économiques et industrielles. Tant qu’une forme de pouvoir est en place, ses machines évoluent, mais elles continuent de fonctionner et de dysfonctionner.

L’actualité récente a remis en avant l’incrimination d’« association de malfaiteurs en vue d’une entreprise terroristes », déjà utilisée contre les suspects prétendument islamiques dans la deuxième moitié des années 1990. L’instrumentalisation du droit est une facette de la guerre contre-révolutionnaire ?

L’instrumentalisation du droit et de la justice est normale. Ce sont des institutions, des instruments de gouvernement, des appareils d’État. Ils reflètent nécessairement l’état des rapports de forces. Bref, même sans les doctrines contre-subversives, les institutions judiciaires et juridiques sont l’expression d’un modèle de domination et d’un rapport de classe. Mais tout un pan de la doctrine de la guerre révolutionnaire, dès l’Indochine, c’est-à-dire avant même d’être vraiment formulée comme doctrine, consiste effectivement à dire, au gouvernement et à l’OTAN : pour mener une guerre dans la population, il faut libérer l’armée des contraintes « démocratiques », créer des régimes d’exception dans le droit voire déléguer à l’armée l’autorité civile et la police. C’est vraiment en Algérie que les « libertés publiques » ont posé un problème à ce qui devenait l’antiterrorisme, parce que l’Algérie, à la différence de l’Indochine, c’était des départements français. Il fallait inventer un régime de la guerre intérieure qui ne déstabilise pas l’ensemble du pays et puisse s’appliquer à une partie seulement du territoire et de la population. Un nouveau « régime » de fonctionnement pour les chaines de production de l’ordre.

«  Même sans les doctrines contre-subversives, les institutions judiciaires et juridiques sont l’expression d’un modèle de domination et d’un rapport de classe.  »

Ça a été l’œuvre de la Ve République. La cinquième constitution, créée par de Gaulle, consacre la possibilité de s’octroyer en permanence les pleins pouvoirs, et la déclaration d’État d’urgence permet de faire la guerre intérieure, sur une partie du territoire. Bien évidemment sur les territoires d’exception. Le fait qu’il a été décrété une nouvelles fois en Nouvelle Calédonie en 1986, puis appliqué aux « zones sensibles » pendant les révoltes de l’automne 2005, semble indiquer que les quartiers populaires sont considérés comme les nouveaux territoires de la guerre intérieure, les nouveaux laboratoires du commandement, au même titre que les anciennes colonies.

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Tu présentes la guerre coloniale comme « une matrice institutionnelle » des pratiques de maintien de l’ordre passées (après la guerre d’Algérie, donc) et actuelles. Cela explique le silence autour de la question coloniale, le peu de cas qui en est fait dans les débats politiques et historiographiques ?

Ce silence a commencé à être rompu au début des années 1990, justement quand l’idéologie identitaire et la pensée contre-subversive ont remplacé les dogmes (et les réseaux qui les portaient) qui s’étaient installés dans la guerre froide, contre l’ennemi soviétique. Dans le même temps, une nouvelle génération est apparue dans le monde universitaire et sur la scène politique, qui mettait en cause certaines continuités du colonial dans la France d’aujourd’hui. La question postcoloniale a bien été posée, même si elle est toujours bouillante. Et comme pour l’armée qui n’a plus rien à voir avec une Grande Muette et qui communique en permanence, je crois qu’on assiste à un mouvement de réhabilitation de l’expérience coloniale plutôt qu’à du silence. Voir la loi sur le rôle positif de la colonisation ou l’importance du lobby d’historiens et de militants qui disent « s’opposer à l’idéologie de la repentance » lorsqu’ils parlent des études postcoloniales. Voir toute l’idéologie humanitaire qui permet de mystifier les rapports de domination néocoloniaux.
Il vaut toujours mieux imposer une représentation que ne rien dire, c’est la base de l’action psychologique et de toute propagande. Et on peut, dans de nombreux cas, considérer les politiques culturelles comme des formes particulières de propagande d’État.

La doctrine de la contre-subversion est finalement l’un des rares succès à l’exportation de la France… Tu évoques sa grande résonance aux États-Unis, son importation au Rwanda ou en Algérie, son utilisation en Amérique Latine. Notre pays est devenu un moteur de la mise au pas de la contestation mondiale ? Avec une réelle influence ?

Non, plus aujourd’hui, ou disons : pas tellement plus que d’autres. Les influences sont désormais éparpillées et chaque pays, lorsqu’il expérimente une méthode de maintien de l’ordre au cours d’un conflit, devient le centre d’un intérêt international. Les « retours d’expérience » qui seront réalisés pourront avoir une influence sur l’évolution des doctrines et des techniques nationales et internationales.

Mais les modèles français gardent une renommée, on reconnaît à la patrie des droits de l’homme une certaine expertise pour mener la guerre dans et contre le peuple. Dès le milieu des années 1950, l’armée française a commencé à transmettre son expérience de la contre-subversion à ses armées alliées. A cette époque, elle a réellement eu une influence déterminante. La guerre d’Algérie, avec pour vitrine la bataille d’Alger, a constitué le premier laboratoire dans lequel a été réalisée la synthèse des techniques débouchant sur la mécanique contre-subversive. Les complexes militaro-industriels internationaux se sont emparés de cette technologie révolutionnaire à la fin des années 1960 et se les étaient appropriées à la fin des années 1970. Depuis, la France est l’un des grands pôles d’influence, parmi d’autres. La répression des émeutes de l’automne 2005 et du CPE a tout de même été considérée dans les instituts privés et officiels étrangers, comme un retour de la France parmi les experts incontestables du maintien de l’ordre.

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La participation de la population aux opérations de pacification est un point essentiel, expliques-tu, de la doctrine de la contre-subversion. La mise en place d’un service volontaire citoyen de la police ou le récent appel aux habitants de l’Essonne à envoyer par mail des informations aux forces de l’ordre s’inscrivent dans ce mouvement ?

Oui, mais comme toute la dynamique sécuritaire. Le sécuritaire est une forme de pouvoir organisée autour de l’idée que « la population » est la matière qu’il faut protéger (la chair du corps national) et le milieu dont il faut se protéger (un milieu bactériologique). Il faut alors faire en sorte que la population contrôle la population. C’est lié à la rencontre de la bio-politique et de la guerre froide, du commandement colonial et de la société du spectacle. Étant confronté à des insoumissions massives et répétitives, le pouvoir ne peut pas positionner un flic ou un soldat derrière chaque personne. Il apparaît donc une question de rentabilisation du quadrillage. Il faut faire sous-traiter le contrôle de « la population » par « la population » elle -même. Il faut transformer des éléments de celle-ci en courroies de transmission.

«  Il faut alors faire en sorte que la population contrôle la population. C’est lié à la rencontre de la bio-politique et de la guerre froide, du commandement colonial et de la société du spectacle.  »

La fonction bouc-émissaire, la peur en général, le libéralisme économique et politique, avec le soutien des mass-media, construisent « l’autre » comme un concurrent, une menace potentielle. Cela permet de dissocier « la population » et incite à collaborer avec l’encadrement, l’État devient un protecteur, le pouvoir une médecine, vivre devient un risque permanent, ton voisin un ennemi probable. Toutes les technologies spectaculaires permettant d’avoir accès aux « âmes et aux cœurs » vont alors être orientées dans ce sens : diffuser l’esprit de défense, diffuser l’esprit de sécurité, avec cette idée que la chair du corps national, « la population », va absorber ce vaccin idéologique et participer à l’immunisation de la nation et résister à la subversion.

À la fin de ton ouvrage, tu évoques la tentation de « militarisation du maintien de l’ordre », notamment dans les quartiers populaires. À Pittsburgh, les rares protestataires se sont vus opposer un « canon à son », dernier-né de la technologie de contrôle des manifestations et jusque-là seulement utilisé en Irak. De telles machines de guerre vont peu à peu remplacer les CRS ?

Elles pourront être employées, si des gestionnaires de l’ordre les considèrent intéressantes. Si une volonté de puissance s’en empare. Mais ce sont des machines, jusqu’ici elles ne remplacent pas les humains, elles n’en sont que des prolongements. Le flash-ball et les drones étaient des technologies militaires employées pour le contrôle des foules en contexte de guerre urbaine.
La militarisation n’est plus une tentation. Il y a hybridation effective dans plusieurs domaines. Des techniques, des personnels et des matériels issus des mondes policiers et militaires s’échangent et/ou fusionnent. L’un des catalyseurs principaux, ce sont les forces de gendarmerie. Dans tous les domaines, on distingue de moins en moins bien les domaines de la guerre et ceux du maintien de l’ordre. La globalisation du capital, c’est par définition ( matérialiste s’entend), une globalisation de la guerre. Elle transforme tout ce dont il se saisit, de la conquête spatiale à celle du génome, de Bagdad vers Pittsburgh, d’Abidjan vers Villiers-le-bel.

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Autant que par la droite, le modèle de contre-subversion a été mis en place par la gauche, avec notamment les précieux concours de Mitterrand et Jospin. En ce domaine (aussi), PS et UMP ne sont que les deux facettes d’une même médaille ?

Les idéologies ont leur part dans les manières de gouverner et vont orienter les façons d’utiliser les machines contre-subversives et tous les dispositifs sécuritaires. Mais elles n’interviennent pas, à ce qu’on observe, dans le fait d’employer ou non ces machines. Lénine a repris la machine à terreur de Robespierre, Mitterrand les machines de contre-insurrection qui étaient là et qu’il avait déjà participé à rôder dans la guerre d’Algérie. D’autant que la plupart de ces dispositifs font partie des répertoires policiers et militaires, du coup les gouvernements passent mais les fonctionnaires restent, avec leurs psychoses et leurs techniques. Les principes de la guerre anti-subversive ont fourni les bases de nouvelles « pièces et règles conventionnelles du jeu politique ».

De ton ouvrage, il ressort une cohérence globale, une logique qui va de la bataille d’Alger à Julien Coupat, des premières révoltes des banlieues à la criminalisation des mouvements sociaux. Cela appelle une riposte collective ? Habitants des quartiers populaires et contestataires main dans la main ?

Je ne crois pas tellement à l’idée de promouvoir une lutte « main dans la main ». Ça ne se décrète pas. En plus « main dans la main », ça désigne deux mondes irréductibles. Il faudrait plutôt envisager que des gestes et des pratiques s’échangent et résonnent. Des gestes et des pratiques d’insoumission et de rupture. Et c’est ce qui se passe d’ailleurs, tandis que des formes d’auto-organisation émergent un peu partout, sous différents aspects. Les mondes sont compartimentés et le pouvoir ne s’applique pas de la même manière dans chacune des enclaves sociales qu’il entretient, justement pour diviser ces forces et parce qu’il les consomme à des régimes différents. Si des mondes opprimés ne s’associent pas, c’est que l’un des deux au moins n’y peut trouver de voie pour développer sa puissance, sa résistance.
Il n’y a aucun jugement de valeur là-dedans mais très sincèrement, la situation de multiple oppression et de sur-discrimination qui est imposée dans les quartiers n’a rien à voir avec ce qu’ont subi les interpellés dans l’affaire de Tarnac. Il faut bien comprendre que la France postcoloniale s’entretient sur une ségrégation économique, politique et sociale de quartiers entiers, où le simple fait d’habiter et de ne pas être très blanc t’amène à être contrôlé, parfois plusieurs fois par jour, où la violence policière et le carnage néo-libéral rongent toutes les expériences d’autonomie, où plus de 200 personnes ont été abattues par la police depuis les années 1970, où rompre l’ennui doit se faire dans le peu d’espace et de temps qui restent entre le chantier et la prison.

«  La situation de multiple oppression et de sur-discrimination qui est imposée dans les quartiers n’a rien à voir avec ce qu’ont subi les interpellés dans l’affaire de Tarnac.  »

Mais il existe, de manière chaotique, donc probabiliste, des « points d’impact des colères », des lieux et des moments où les bêtes traquées se croisent, s’arrêtent et se tournent vers le chasseur. Je crois que toute transformation importante de la situation dans les quartiers ne pourra advenir que par les luttes de ceux qui y habitent. S’il y a une rupture aussi importante entre les « contestataires », j’imagine que tu veux dire « les militants, le mouvement social… » et les quartiers, que les militants se demandent pourquoi ils ne partagent plus le même territoire. En tout cas, la compassion, les conseils et les jugements sur les bons moyens de libérer les quartiers ne sont que des grandes tapes dans le dos. La domination postcoloniale et sécuritaire a créé un tel fossé entre les opprimés et les sur-opprimés, entre le peuple et le sous-peuple, qu’il n’existe plus aucune autre raison de se joindre dans un même combat, à moins de partager un territoire commun à libérer. Et ce partage abolit du même coup la dissociation entre un « monde contestataire » et un « monde des quartiers ». Dissociation aussi stérile qu’impropre puisqu’elle laisse supposer que les quartiers seraient des territoires non contestataires alors que le quotidien s’y caractérise par la nécessité de s’insoumettre constamment.

En une interview donnée à ce site, Armand Mattelart affirmait que la résistance face à la globalisation de la surveillance «  est le devoir de tout citoyen ». Tu le penses aussi ?

La résistance existe, par principe. C’est le contre-pouvoir, la marge d’opposition que le pouvoir tolère pour fonctionner. Comme dans une machine, des forces s’opposent à des résistances, des espaces laissés vides permettent à des rouages de s’articuler. Les résistances sont là, en permanence et partout.
Mais quand et comment naissent les offensives ? Il faudrait appliquer les principes de la théorie quantique aux sciences sociales pour le savoir, et même dans ce cas, on ne déterminera jamais que des probabilités chaotiques d’événement. Sinon, je crois que le citoyen est la chose, l’objet, la matière de l’État-nation, le sujet républicain. Le « devoir du citoyen » est donc, et c’est ainsi qu’il est défini dans les textes politiques fondateurs, de respecter la loi, son gouvernement, d’aller voter quand on lui demande, de travailler la majeure partie de sa vie, de se soumettre à la méritocratie, de tout donner pour la compétition, de participer à la sécurité du territoire et à la défense de la nation, de vivre et mourir pour la patrie et donc notamment de soutenir la surveillance, la répression et toutes les formes de coercition visant à protéger l’ordre de toute forme de subversion. Je ne comprend pas ce que Mattelart a voulu dire…

Tu crois en l’efficacité d’une contestation violente ?

D’abord, je crois que contester c’est déjà reconnaître une légitimité à son gardien, c’est lié à la résistance, c’est indispensable mais ça semble encore largement insuffisant. D’autre part, il me semble que la vie est une circulation intensive de forces donc de violence. Qu’est ce que veut dire « contestation non violente » ? La violence n’est pas une quantité de sang, de bleus, d’armes ou de souffrance. Je crois que faire passer l’idée qu’il existerait du politique sans conflit, qu’on pourrait s’émanciper sans allier la tendresse à la violence, appartient à l’idéologie qui domine ce monde actuellement. Choisir entre des fleurs ou des fusils, appartient aux raisons et aux passions de ceux qui se lèvent à ce moment-là et du contexte dans lequel ils se lèvent. Un sit-in avec des fleurs, si ça bloque des chars, c’est efficace, c’est une forme de violence, il suffit de voir comment le pouvoir réagit aux « occupations pacifiques » vraiment perturbantes.

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La question de la violence ne peut pas se poser ainsi, parce que lorsqu’une résistance passe à l’offensive, qu’elle sort des marges que le pouvoir tolère, lorsqu’elle devient dangereuse et réellement menaçante pour le pouvoir en place, ce dernier envoie sa police, et si ça ne suffit pas il met en marche son armée et ouvre ses camps puis ses fosses communes. Ça fait cinquante ans que ça dure, de cette manière, partout où des États font face à des insoumissions populaires massives. La résistance irakienne fait face à ce type de pouvoir en guerre, par exemple, et j’aimerais bien voir quelqu’un aller leur conseiller des « tactiques non-violentes ». Au mieux, on le paierait d’un large éclat de rire.
De plus, la question de l’efficacité me paraît appartenir à ceux qui veulent régir et gérer, rationnellement, gouverner. Une technique n’est efficace que si son emploi convient à celui qui s’en sert et en fonction de ce qu’il veut faire. Un marteau est efficace si l’on veut planter un clou, pour tricoter beaucoup moins. Avec un marteau, tu peux faire travailler quelqu’un ou casser le genou de celui qui te fait travailler. Si tu veux te libérer, utilise tous les moyens à ta disposition, de toute façon ils seront considérés comme trop violents par ceux qui te désavouent. Tandis que leur désaveu et le monde qu’ils protègent ne seront jamais taxés de « violents » envers toi.

L’un des axiomes de la contre-subversion, démontres-tu, est de mettre en scène le désordre pour mieux prétendre ramener l’ordre : le pouvoir n’a t-il pas intérêt à toute radicalisation de la contestation ? Parallèlement, n’a t-il pas tout autant intérêt à ce que cette contestation reste dans de gentils clous ? Bref : on est perdant quoi qu’il arrive, non ?

Le pouvoir n’a pas vraiment d’intérêt, il est, il fonctionne, c’est un rapport de forces dynamique. En revanche, les fractions de classe qui sont aux commandes des machines de contrôle et de séduction trouvent un intérêt à rester en place et à faire du profit. La limite se pose là. Tant qu’un phénomène de « résistance » reste dans les cadres d’un contre-pouvoir tolérable par le pouvoir, alors il lui sert de prétexte et de support. L’enjeu réside dans notre créativité, dans l’invention de formes de vie et de rupture ingouvernables, c’est-à-dire qui ne se laisseront pas saisir comme « contre-pouvoirs » ou « contestation », qui ne se laissent jamais saisir du tout.

De toute manière, le pouvoir tente de s’approprier tout ce qui bouge, un acte n’a pas de valeur en soi dans le schéma sécuritaire, une émeute peut tout autant servir la contre-insurrection que la fragiliser. On retrouve parfois des agitateurs policiers et de sincères activistes qui soufflent sur les mêmes braises. Il faut garder en mémoire que la logique interne du système auquel nous faisons face est de maintenir la légitimité du souverain auprès de ses sujets et de préserver l’ordre économique et social qui emploie le vivant comme une matière première de la production de profit. La question des moyens se pose à ce niveau, pas en fonction de l’instrumentalisation possible. Il faudrait selon moi créer des formes de vie autonomes, auto-organisées, libres, solidaires et heureuses, offensives face à ce système et nous permettant d’exister par nous-mêmes, au-delà de lui.

«  Il faut garder en mémoire que la logique interne du système auquel nous faisons face est de maintenir la légitimité du souverain auprès de ses sujets et de préserver l’ordre économique et social.  »

Sur ce site toujours, Éric Hazan liait l’affaire de Tarnac, les révoltes dans les quartiers populaires et les émeutes grecques pour dresser ce constat : « Le pouvoir pète de trouille. » Pour toi aussi, la peur est - d’une certaine façon - dans leur camp ? De façon plus large, la peur serait la seule raison de la construction de l’ordre sécuritaire ?

Je ne crois pas que « le pouvoir » ait des émotions, pour les mêmes raisons qu’au-dessus. En revanche, les fractions de la classe dominantes en ont, et de ce point de vue, je ne suis pas persuadé qu’elles pètent de trouille même si, c’est lié à leur position, elles passent leur temps à se protéger et se défendre. Elle sont dans une posture narcissique, c’est normal.

L’ordre sécuritaire est basé sur une gestion rationnelle, médiatique, industrielle des peurs collectives. C’est une des fonctions indispensables à sa conservation. Comme toutes les formes de pouvoir, il est en fait la rencontre de deux rêveries dans l’inconscient des fractions de classe dominantes : la peur du chaos, de l’incontrôlable et de l’imprévisible qui les destituerait et un désir de puissance sans limite ; la rencontre d’une paranoïa et d’un exhibitionnisme. Est ce qu’on n’ est pas à la fois « paniqué », « mégalo » et « exhibo » lorsqu’on monte sur scène ? Sur la scène du commandement, il y a des paniqués, des mégalomanes, des exhibitionnistes, des psychopathes… On se perd en se demandant s’« Ils ont peur de nous ». Gardons à l’esprit que le maintien de l’ordre a objectivement besoin d’inspirer la peur et de la distribuer entre les gouvernés. Et rappelons-nous que nous perdons chaque fois que nous avons peur, qu’ici commence l’auto-sujétion, pilier de l’ordre médiatico-sécuritaire.

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En ton introduction à l’ouvrage de Marighella, le Manuel du guérillero urbain4, tu expliques qu’il y a eu une circulation paradoxale de ce livre, que les conseils de l’auteur ont très vite été récupérés par ceux qui menaient la guerre contre-révolutionnaire, en Amérique Latine et ailleurs. Est-ce qu’il ne nous reviendrait pas de faire la même chose, retourner les armes de l’ennemi contre lui ? Comment ?

Les armes de la contre-insurrection ? Non, je ne crois pas. Ce que j’essaie de dire dans cette introduction, c’est justement que si une guérilla, comme celle de Marighella, entre dans un rapport de concurrence mimétique avec son ennemi, c’est-à-dire, emploie ses armes, elle finit par lui ressembler. Du coup, soit elle reconstruit un État, une structure autoritaire et hiérarchique, soit elle finit écartelée. Parce qu’en vérité, elle court après la conquête du gouvernement.
Ce qui s’invente de radicalement nouveau au Chiapas, par exemple, c’est la possibilité de créer des formes de vie plus justes, plus libres, plus heureuses, justement parce qu’on a décidé de ne pas s’employer à prendre l’État. Lorsque le partisan Marighella organise des moyens spéciaux pour traquer les infiltrés dans son organisation, il met en place des structures spéciales, secrètes, où des gens ont plus de pouvoir et d’importance… et qui vont se constituer en avant-garde de l’Organisation. En se réappropriant les armes de la contre-insurrection, il laisse émerger un proto-État. C’est là que recommence l’État. Il semble que celui qui copie son ennemi, s’il réussit, finit par prendre sa place.

«  Ce qui s’invente de radicalement nouveau au Chiapas, par exemple, c’est la possibilité de créer des formes de vie plus justes, plus libres, plus heureuses, justement parce qu’on a décidé de ne pas s’employer à prendre l’État.  »

«  Si tu combats avec les armes de ton ennemi, tu finiras comme lui », disait Nietzsche. En tout cas, s’il se trouve des armes à piller chez l’ennemi, il faut sans aucun doute les réajuster et s’en servir différemment. Du coup, ce ne sont plus vraiment les mêmes armes. Si je considère les formes de pouvoir hiérarchiques et autoritaires comme une partie essentielle du problème, je ne peux pas tenter d’inventer autre chose en reprenant les formes de ce qui m’étouffe. S’organiser en reproduisant des hiérarchies et des rapports autoritaires, c’est commencer à participer à la continuation de ces pratiques. Si l’on parle bien du même ennemi, disons l’oppression et l’aliénation sous toutes leurs formes, que peut-on bien trouver d’autre dans cet arsenal que des techniques d’oppression et d’aliénation ?
Pour ma part, je cherche des armes de libération et des formes de vie épanouissantes. Je crois dans la rupture, dans l’insoumission, dans l’autonomie et la solidarité, dans la multiplicité des tactiques et l’entraide. Je crois que l’ensemble du problème continue de tourner autour du travail et du système de production. Qu’il faut créer les moyens d’arrêter de travailler pour cet ordre des choses et de commencer à œuvrer collectivement pour le bonheur et l’émancipation du vivant. J’imagine des communes libres et auto-organisées, librement fédérées entre elles et qui coopèrent pour se défendre face à tout ce qui voudrait les dominer et dominer à l’intérieur de chacune d’elles.



1 Tu n’as pas manqué de noter, j’en suis sûr, que tu peux retrouver les œuvres de l’ami Tristan, auteur de cet excellent dessin, sur son blog, ICI.

2 Aux éditions La Découverte.

3 Interrogé par mail, Mathieu Rigouste a longuement répondu. Qu’il en soit très chaleureusement remercié.

4 Dont je te parlais ICI, le monde est quand même bien fait… Note surtout que les éditions Libertalia ont eu la bonne idée de republier ce grand classique des années 70, enrichi d’une introduction de Mathieu Rigouste.


COMMENTAIRES

 


  • Très bel ouvrage, je vous le conseille !



  • Je me souviens avoir été impressionné par le bouquin de Mathieu Rigouste, par sa rigueur, sa lucidité et surtout par l’absence de cette fascination qu’aurait pu exercer sur lui l’objet de son travail (et que l’on sent si souvent chez les spécialistes de ces questions). Cet entretien me permet de mieux comprendre le pourquoi...

    Et plus que jamais, la lecture de son livre est indispensable.

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com



  • C’est tout bien noté !
    Entretien passionnant, merci JBB.



  • Un gros grain de lucidité auquel il faut dire merci, mais aussi une immensité de rêverie... car je ne vois pas comment, notamment en France, on peut rechercher un micro milieu de vie indépendante et libérée du système sans que la police nous tombe dessus quand toute association est immédiatement répertoriée et déposée sur des listes louches à utiliser pour tout nouveau Tarnac... utile.

    Je suis entièrement d’accord pour ne pas utiliser les armes de l’ennemi mais l’alternative n’est pas de rêver.

    Pourtant, cet article fait plaisir... car on parle enfin du BON sujet.

    • Davantage que cette sortie (individuelle ou communautaire, avant que d’être générale) du système, je retiens surtout de Mathieu Rigouste sa façon d’interroger les pouvoirs (qu’ils soient étatiques ou contestataires) et de refuser d’entrer dans leurs jeux. C’est cela, pour moi, qui est le plus primordial dans ce qu’il écrit. En sus de son épatante recherche historique, bien sûr.

      « car on parle enfin du BON sujet »

      Je plussoie avec force.



  • Tu me pardonneras - j’espère - cette introduction un tantinet poussive, tant il n’est pas simple de résumer en quelques lignes un travail remarquablement fouillé et argumenté

    Tu es tout pardonné car tu fais une excellente présentation d’un livre qui ne l’est pas moins. De toute façon avant même d’entrer ici on sait que la bonne surprise est derrière la porte.



  • Prachanda a été porté au pouvoir au népal avec et par 19000 combattants mais sans perspective économique pour ceux ci autre que leur intégration à l’armée nationale , qui échoue , de quoi vivent ils désormais ( ont ils grossi les effectifs de la police ) , il démissione ; caractéristique aussi de l’impasse économico bordélique des séparatismes islamiques « en perfusion » (par ex :balkaniques ) - ou immigrationistes - ou naxalistes ( pan pan sur les cadres communistes ?) - ou panachés , d’ou l « ennemi intérieur » doit correspondre à un resserement du maillage illégaliste ; à noter que dans la conception contre insurectionnelle de l’armée en algérie ( avec l’impossibilté du droit de guerre ) l’émancipation économique des masses musulmanes faisait parti d’un arsenal progressiste ! ! ( mais Delouvrier dans la tradition st simonienne resta limité à la volonté de de gaule sur la scene internationale ) !

    • Euh…

      Je ne te cache pas que j’ai pas tout suivi, là…

      • à voir la propagande proxénete de ces 30 dernieres années , je me demande s’il n’y a pas contre sens , une des figures de cet « ennemi intérieur » devenant le gendre que vous aimeriez avoir dans le « devine qui vient diner » ! l’ennemi intérieur ne serait il pas devenu l’opposant à la politique d’émulation des naturalisés naturalisables (quels que soient ses motifs d’ailleurs !) ! enfin , que je sache , il n’y a pas de prototypes de rasés dans la classe préparatoire au concours externe de l’Ecole nationale d’administration , et pourtant , cet ami intérieur à qui il n’est offert que du matériel idéologique prohibé n’aurait il pas autant besoin de représentants et de formation ? ( et alors dans la wilaya d’amirouche , la bleuite c’était la st valentin ?) (sans avoir besoin de lire le bouquin ! )



  • bonsoir art.11 et JBB

    A la lecture de l’article et de l’interview, je me dis que j’aimerais bien avoir l’aisance/intelligence d’écriture de certains...bon, deux-trois idées comme ça :

    Il ne faut pas oublier que nous descendons tous et toutes du chasseur-cueilleur...l’instinct est toujours là au fond de chacun de nous...ce n’est pas parce qu’on mange avec une fourchette depuis quelques dizaines d’années que l’animal qui sommeil en nous est mort.

    A travers ce livre et l’interview, je me demande si le sombre fantôme des « évènements d’Algérie » va arriver un jour livrer ses secrets...

    Le 17 octobre approche à grand pas...allons-nous commémorer celui de 1961 ?
    Quel silence autour des civils morts et disparus...que les portes des archives sont lourdes...

    Plus (+) les forces de police usent de répression avec violence, plus (+) les jeunes (surtout les lycéens) vont être habitués à faire avec ou contre. Il faut un temps pour que la résilience opère.
    Le tout étant de pouvoir s’adapter, non pas pour dominer, mais pour que cette idée d’ « œuvrer collectivement pour le bonheur et l’émancipation du vivant » continue son chemin.

    Il ne faut pas oublier que les forces sécuritaires ne sont pas là pour penser, ou alors uniquement pour auto-alimenter leurs fantasmes et faire croire à la nécessité de leur présence.
    Agir uniquement sur ordre use, frustre, dépersonnalise, déresponsabilise...Ne ressemblent-ils pas de jour en jour à une armée de robots ? Bientôt ils ne pourront plus faire la différence entre leur propre corps et leurs équipements. Ce surenchérissement et cette débauche de matériel de plus en plus sophistiqué créent une dépendance irréversible.
    Mais que deviennent ces machines sans donneurs d’ordres ?

    bon week-end.

    • curieux , il est encore dur de convenir que la manifestation était organisée à l’égide d’un parti séparatiste pronant la lutte armée ( en terrain adverse donc ) et interdite et comme l’a montré l’histoire : cela ne devait pas etre sans conséquences .

      • @ e-fred : « je me dis que j’aimerais bien avoir l’aisance/intelligence d’écriture de certains.. »

        Tout d’accord avec toi. Quand je lis les réponses de Mathieu Rigouste, je m’affole un brin en pensant à tout ce qu’il me manque en puissance d’analyse et références. Bref : faut qu’on bosse dur :-)

        « Le 17 octobre approche à grand pas...allons-nous commémorer celui de 1961 ? »

        Nous serons beaucoup, j’espère, à y songer. Pas une commémoration, mais un souvenir qui ne meurt pas, un symbole qui ne s’efface pas.

        « Ne ressemblent-ils pas de jour en jour à une armée de robots ? Bientôt ils ne pourront plus faire la différence entre leur propre corps et leurs équipements. »

        C’est exactement ça. C’est peut-être notre chance, d’ailleurs, que d’attendre le jour où ils seront incapables de se reconnaître dans un miroir.

        @ YM : « cela ne devait pas etre sans conséquences . »

        C’est le moins qu’on puisse dire, oui…

        De là à légitimer les dizaines de morts (c’est du moins ainsi que je comprends ton commentaire, peut-être à tort) parce que la manifestation (pacifique) était organisée par le FLN, y a comme un fossé…

        • merci de rendre attentif à ce que j’écris...j’ai encore tendance a utiliser des termes sans faire vraiment attention.. ;effectivement « commémorer » ce n’est pas vraiment ce que j’ai voulu dire.

          je me suis amusé à faire un petit compte rendu sur les infos de cet évenement à poitiers qui colle pile poil avec cette notion « d’ennemi intérieur ».

          http://probe.20minutes-blogs.fr/arc...

          comme je le faisais déjà remarquer, les posteurs amènent vraiment de très bons éléments de réflexion et d’information (bleuite). j’ai chercher sur le net, c’est impressionnant...

          l’article sur Agone est excellent !

          • «  »commémorer« ce n’est pas vraiment ce que j’ai voulu dire. »

            T’inquiète. On va pas se prendre la tête pour un terme, on voulait dire la même chose.

            « je me suis amusé à faire un petit compte rendu sur les infos »

            Nickel. On y trouve les différentes réactions sur la manif, c’est très complet.

            « les posteurs amènent vraiment de très bons éléments de réflexion et d’information »

            Sais-tu ? Je suis totalement d’accord avec toi. :-)

        • la manifestation était pacifique ? ou l’est devenue du fait d’un rapport de force mal évalué ? en tout cas instrumentalisée , « l ’ennemi interieur » dans ce cas n’est plus une image d’épinal , sinon dans le front le plus avancé d’une guerre de libération dument déclarée , l’ennemi n’avait d’intérieur que sa position , pas de second degré là !
          Légitimer ? non , mais d’ un soit disant inadmissible , insuportable ( en plus sous le registre de l’événement dont on ne parle jamais et sur lequel on revient tout le temps ) - assez usé d’ailleurs comme outil de domination - abordons l’histoire d’un fait .



  • Il ne faut pas condamner complètement la méthode de l’état d’urgence (le transfert de l’autorité à l’armée) : il y a des cas d’insurrection populaire où la chape de plomb, solution temporaire, sauve le peuple de sa propre violence.

    • YM, pourrais-tu faire l’effort d’écrire un français plus simple, plus accessible aux péquenots que nous sommes ?
      Mais enfin, pas complètement analphabète non plus, j’ai relevé dans tes messages des noms et des références à la guerre d’Algérie que je connais, mais qui sont peut-être inconnues de certains. Pourquoi, par exemple, ne pas expliquer qui était Delouvrier, gouverneur général de l’Algérie, chargé de faire passer (trop tard) des réformes destinées à sauver la domination coloniale de la France ? Pourquoi ne pas expliquer ce qu’était la « bleuite » ? A savoir une magistrale opération d’intoxication de l’ALN par les services d’action psychologique de l’armée française (et notamment du capitaine Léger), qui a abouti à d’incroyables massacres au sein des maquis, où des paysans méfiants, illettrés, profondément pieux, ont torturé et abattu des milliers de maquisards étudiants, lycéens, des jeunes filles, qu’ils croyaient à tort envoyés pour les infiltrer.
      Des précisions de ce genre permettraient de mieux comprendre tes propos, qui, pour le reste, me restent largement incompréhensibles.

      • @ Anonyme : là, je suis très dubitatif…

        @ Karib : merci pour les précisions. Je ne connaissais pas du tout la « bleuite », ça éclaire en effet le propos de YM. Mais pas totalement non plus… :-)

      • Pour être un peu taquin :

        1) La contestation est un marché comme un autre : La Découverte fait partie du groupe Editis, partie de l’ancien Vivendi Universal Publishing, appartenant maintenant au groupe transnational espagnol Planeta ;

        2) L’État qui maintient un certain ordre social accepte de payer des chercheurs qui remettent en question des points noirs à éclater dans sa manière de fonctionner. Est-ce une stratégie que de laisser des espaces d’expressions libres pour qu’un semblant de critique de l’ordre social triomphant puisse s’exprimer ?

        3) Au-delà de la déconstruction systèmique et systématique en règle ou en sommes nous de la construction ? Au-delà d’entreprises localisées fragmentées, n’ayant que pour seul horizon de vie l’échelle micro et largement idéalisée ?

        • Hum... que les éditions La Découverte appartiennent à tel ou tel groupe capitaliste ne prouve pas que les propos de Mathieu Rigouste soient d’avance récupérés. On trouve les oeuvres de Marx dans la Pléiade, collection des éditions Gallimard qui ne passent pas pour un éditeur révolutionnaire.
          Quant au positif, tu as raison de poser la question. Mathieu Rigouste, lui, a répondu à sa façon en militant à la CNT....

          • @ Olive : en ce qui me concerne, peu importe la couverture (ou pas loin) pourvu que le propos soit passionnant. En l’occurrence, La Découverte édite Mattelart ou Rigouste, fait vivre la collection Zones, et je ne te cache pas que je trouve ça très bien, même si je n’ai aucune sympathie pour Editis non plus que pour la politique de concentration qui a laminé le monde de l’édition.

            Sur ce genre de question, il y a ce très bon billet sur le blog des éditions Agone (que tu as peut-être déjà lu). Un argumentaire plus que recevable (même si une partie des bouquins d’Agone sont édités avec le soutien de la région Paca et du Centre national du livre, ce qui ne correspond non plus à une totale indépendance), mais qui n’est assurément pas ma ligne : je me contente d’apprécier les très bons bouquins, quel que soit leur éditeur.

            @ Karib : décidément, j’aime bien tes réponses :-)

            • il y a ce très bon billet sur le blog des éditions Agone

              Moi je le trouve trop dur et un tantinet injuste ce billet. Parce que autant rappeler qui détient quoi dans le monde de la publication c’est de la salubrité publique, autant le coté dénonciation comme suppot du capital de gens publiant des livres relativement subversifs au sein d’une grosse boite d’édition, c’est limite.

              Surtout que comme tu le rappelles, Agone palpe des sous d’organisme étatiques.

              • « Surtout que comme tu le rappelles, Agone palpe des sous d’organisme étatiques. »

                Je le rappelle justement parce que je trouve aussi ce billet très dur. Mais quand même très bon, aussi.

                Le billet est très bien écrit et soulève un débat intéressant, je trouve. Mais je ne partage pas la vision qui y est développée, cette exigence d’une pureté absolue.

                • mardi 20 octobre 2009 à 15h35, par un-e anonyme

                  « Surtout que comme tu le rappelles, Agone palpe des sous d’organisme étatiques. »

                  Sur la question des subventions, je vous renvoie à la position du Tigre sur ce point : http://www.le-tigre.net/La-charte-du-Tigre.html, partie Recettes, sous-partie Subventions.

                  Il y a trois arguments : 1° l’argent public est également le nôtre (même si on ne paie pas l’IR, il y a la TVA, les impôts locaux...), 2° les subventions ne sont pas forcément connectées au contenu, 3° de toutes façons il existe des aides indirectes, donc où commence la vraie et totale indépendance ? (le taux de TVA réduit à 2,1% pour la presse a son équivalent avec les 5,5% du livre -> par rapport à un marchand de yahourts, un éditeur est donc aidé par l’administration fiscale).

        • La contestation est un marché comme un autre

          Je sais plus qui disait que les capitalistes vendraient la corde destiné à les pendre.

          L’État qui maintient un certain ordre social accepte de payer des chercheurs qui remettent en question des points noirs à éclater dans sa manière de fonctionner. Est-ce une stratégie que de laisser des espaces d’expressions libres pour qu’un semblant de critique de l’ordre social triomphant puisse s’exprimer ?

          Non, c’est pas une stratégie diabolique, c’est le résultat de plusieurs siècles de luttes. Après c’est sur que le peu d’impact de ces publications (et de la subversion d’ordre, disons culturelle) sur l’ordonnancement du monde aide pas mal.

    • « sauver le peuple de sa propre violence » par l’usage de l’armée ???
      Très amusant mon adjudant.

      « Sauver le peuple » ? C’est quoi, « sauver » un peuple ?... à part reconstituer une hiérarchie pour s’assurer de le contrôler...

      « Le violence du peuple » ? Et la violence de ceux qui se prennent pour une élite, euphémisée et adoucie par l’absence de comportement violent ? Par ses conséquences, une simple signature peut être bien plus violente qu’un attentat.



  • Un bon exemple est l’article du (mi)Figaro sur l’émeute de Poitiers et les commentaires des lecteurs

    http://www.lefigaro.fr/actualite-fr...

    • Rhôôôô… malheureux ! Il ne faut jamais lire les commentaires du Figaro… :-)

      J’adore celui-ci, surtout :

      "Je ne pense pas que ce soit l’extrême gauche.Besancenot est bien trop fûté pour se decrédibiliser,, de cette façon.Ce sont des anarchistes ( voir l’histoire),des gens sans foi ni loi,sans aucune idéologie ;bien plus dangeureux.
      Leur crédo:détruire
      ."

      En beaucoup plus intelligent, il y a ce mail des organisateurs du rassemblement qui tourne sur Infozone. Hop, je le copie-colle :

      Nous , collectif contre la prison de vivonne, tenons à revenir sur les événements qui se sont déroulés lors de cette journée anti-carcérale du 10 octobre lancée à notre initiative. Avant toutes choses, il nous paraît important de rappeler à tous nos détracteurs que la manifestation n’était
      pas le centre de la journée. Nous invitons ainsi tout le monde à relire le programme de cette journée qui appelait outre la manifestation festive à des débats avec intervenants extérieurs sur des thèmes tels que le sécuritaire ou les luttes anticarcérales... ainsi qu’à des concerts le
      soir même. Par ailleurs les débats qui ont eu lieu avant la manifestation, contrairement au reste de la soirée qui a été annulé par les forces de l’ordre, montrera peut être par les apports qui en sortiront que la réflexion sur le sujet n’était pas exempt de la journée. Les déclarations
      de tous les “citoyens” et “journaleux” qui ont pris hâte de faire passer ce collectif comme un prétexte pour organiser une “émeute” et étant “une cellule d’ultra gauche” nous paraît donc d’une stupidité sans nom, d’un mensonge et d’une volonté politique des plus réactionnaires. Encore une
      fois nous assistons à l’utilisation d’outils médiatico-politique récurants ces derniers temps au même titre que les étiquettes “d’anarcho autonome” et “d’ultra gauche organisée”.

      Bien que solidaire de tous les interpellés et n’ayant aucun interêt à juger en bien ou en mal les actes commis, nous pouvons toutefois dire que les pratiques utilisées ne correspondaient pas à nos attentes et qu’un bilan de la stratégie politique emmanera de ces evenements. Nous rappelons que, bien qu’ayant appelé à cette manifestation, nous ne sommes en aucun
      cas responsable des actes qui y ont été commis. Mais parler d’une violence à sens unique nous paraît inexact en vue de la gestion policière qui a suivi la manifestation : occupation policière massive de tout le centre ville (mise en place d’un quasi “couvre-feu”), arrestations arbitraires,
      opération policière au numéro 23 de la porte de Paris (local culturel), où devait se dérouler la suite de la journée, digne d’une ère ancienne ... Le numéro 23, qui n’avait aucun lien avec les événements de la manifestation a ainsi vu une perquisition des plus violentes. Les personnes présentes ont ainsi subit diverses violences (coups de tonfas), humiliations (face contre terre les mains sur la tête) et contrôle abusif des identités (photos et question...) pendant près de 4h ! De plus les policiers présents ont volontairement dégradé le matériel sono loué ou prété pour l’occasion (estimation à plusieurs miliers d’euros) !!!

      Ainsi il nous semble que le moment n’est pas à la dénonciation mais bel et
      bien à la solidarité avec les militants inculpés !

      Libération des manifestants en garde à vue !

      Le collectif contre la prison de vivonne.

      • ouf, je m’attendais à une condamnation en bonne et due forme, genre ce sont de jeunes casseurs désœuvrés (cf le commentaire du maire).

        Ce qui est marrant (en lisant les commentaires du figaro), c’est qu’ils associent immédiatement ce genre d’évènements au PCF et à Besancenot.

        « A la fête de l’huma, à poitiers aux expressifs. Le totalitarisme de gauche, la dictature d’une minorité. Besancenot tu es enfin démasqué. »

        le rapport !? :)

        Moins marrant c’est peut être les commentaires du genre « bon il ne reste plus qu’à voter FN pour ramener l’ordre ».

        « s’il te plait marine viens nous sauver, ils sont devenus fous ! »

        Au sujet du matos, j’ai lu que les flics versaient de la bière sur les platines et le matériel son. On sent bien la frustration de ne pas avoir su réagir.

        Je me demande si ce genre de rassemblement aura tendance à se multiplier

        • Marrant moi je craignais plutôt un soutien inconditionnel d’une action qui me parait d’une stupidité crasse.

          • Alors je trouve le communiqué bien foutu

          • Par contre le communiqué de non fides ne me deçoit pas http://www.non-fides.fr/spip.php?ar...

            • Le militantisme, stade suprême de l’aliénation

              http://www.claudeguillon.internetdo...

              • @ Captain Obvious : ce coup-ci, on est pas d’accord, camarade. Enfin, un peu : je partage quelques points de vue développés dans le communiqué de l’Organisation communiste libertaire du Poitou (la dénonciation du côté « on-joue-aux-gros-méchants-et-aux-gros-durs, notamment, ainsi que celle de slogan débile façon »La plus belle jeunesse est dans les prisons" (sans déconner…)), mais je goûte beaucoup d’autres points du billet de Non-Fidès. Je sais : c’est un peu facile de ne guère se positionner. Mais bon…
                Une chose de sûre : j’aurais été présent à Poitiers, j’aurais suivi le mouvement. Ne serait-ce que pour le plaisir de jouir de l’effet de surprise et de cavaler dans les rues. :-)

                @ SL : je connaissais pas ce texte, merci. Je m’y plonge dès que j’ai une minute.

                • A propos de Non fides, je serais plus critique que JBB. Il y a chez eux cette position d’extra-territorialité absolue, de surplomb systématique, de surenchère perpétuelle dans la radicalité qui finit par devenir lassante. On a bien compris : Ils sont dans la radicalité ontologique, inquestionnable. Tous ceux qui ne pensent pas comme eux sont des anarcho-flics, des donneurs de leçons, des soutiens du système existant. Toute organisation est pour eux contre-révolutionnaire par définition, par nécessité. En résumé : Plus radical que moi, tu meurs.
                  On a connu ce genre de rhétorique sous d’autres cieux politiques : Les adversaires de ces gens-là étaient nommés « hyènes dactylographes », « vipères lubriques », « anarcho-flics » (tiens, tiens !), hitléro-trotskystes, etc.
                  La pratique de l’insulte peut parfois être réjouissante lorsqu’elle est maniée par les surréalistes ou les situationnistes. Elle devient lassante et ordurière lorsque les disciples s’en emparent : Quoi de plus attristant que les insultes réchauffées dont s’accablent entre eux les pro-situs ?
                  Non Fides tombe dans ce travers qui ne signe finalement que leur arrogance. Réfugiés sur l’aventin de l’ultra-radicalité, ils ne craignent plus personne et accablent d’anathèmes les malheureux qui n’ont pas la présence d’esprit de penser comme eux.
                  Pourtant, sur l’affaire de Poitiers, ces casseurs de vitrines à coups de clavier me semblent moins pertinents que les organisateurs de la journée anti-carcérale, ou l’OCL du Poitou, qui, elle, se dit fatiguée de ces éternels cambrioleurs de manifestations.

                  • Je comprends fort bien ton point de vue. Ils m’horripilent pour ces raisons que tu donnes. Et me plaisent pour les mêmes. (je sais, c’est un peu facile) :-)

                    Que je m’explique un brin. J’aime la forme - souvent classe - de leurs textes. Et ne me sens pas gêné outre-mesure par cette posture de l’ultra-pureté (que tu décris fort bien) justement parce qu’elle n’est que l’expression de quelques-uns. Leur position serait plus répandue que je l’apprécierais beaucoup moins. Mais ce n’est pas le cas et je les prends - en ce qui me concerne - pour l’une de ces voix diverses qui, en s’ajoutant les unes aux autres, permettent de dégager une forme de vérité.
                    Au fond, c’est parce que je ne suis pas assez doctrinal - et que cela ne me gêne pas de piocher (en ce qui concerne Poitiers) un peu chez Non-Fides, un brin chez l’OCL, un autre dans le communiqué des organisateurs, un un peu partout et en moi aussi. Au fond toujours, c’est aussi parce que j’aime trop les mots bien maniés et que les leurs pètent parfois avec un sacré éclat. Bref, si je les apprécie (sans tout partager), ce n’est sans doute pas pour les bonnes raisons ; à leurs yeux, encore moins, j’imagine.



  • Superbe interview JBB, merci à toi et à Rigouste.

    Je suis tout de même un petit peu étonné qu’aucun commentaire ne reprenne cette seule phrase vraiment positive de Rigouste, que tu avais mis en gras d’ailleurs : « Ce qui s’invente de radicalement nouveau au Chiapas, par exemple, c’est la possibilité de créer des formes de vie plus justes, plus libres, plus heureuses, justement parce qu’on a décidé de ne pas s’employer à prendre l’État. »

    Les zapatistes ont mis en place une résistance propre, ils ne sont pas contre l’Etat mexicain en soit mais pour l’autonomisation des communautés indigènes du Mexique. L’axe n’est pas directement la lutte contre l’Etat oppresseur, mais celle-ci est une conséquence de l’incapacité du pouvoir central à leur laisser une marge de manoeuvre.
    Voir le très bon bouquin « L’Autonomie, axe de la résistance zapatiste » de Raúl Ornelas Bernal
    ici http://www.lekti-ecriture.com/editeurs/-Rue-des-Cascades,228-.html

    Ce que disent aussi les zapatistes, c’est que leur manière de lutter leur est propre, qu’elle ne peut être copiée ailleurs, qu’elle a ses spécificités, que par contre tout le monde peut s’en inspirer pour trouver chez soit une forme propre d’autonomisation à développer. La résistance à ce moment là n’est elle pas de créer un repli dans la couverture du contrôle par le pouvoir en reprenant par là même l’idée bien connue de la TAZ ?

    Chez le même éditeur il y a un autre bouquin que je viens de commencer : Le rendez-vous de Vícam de Joani Hocquenghem. Il relate une réunion en 2007 de différentes représentations des peuples indigènes d’Amérique invités par les zapatistes au Chiapas. Je suis juste à la moitié là, mais outre le constat que, comme les noirs à une époque, les « indiens » sont entrain de s’émanciper et qu’on ne reviendra plus en arrière, il y a aussi en filigrane le modèle de lutte que ces derniers sont entrain de développer après plus de 500 ans de résistance (plus ou moins) passive. Et ce modèle c’est celui décrit dans cette phrase de Rigouste « la possibilité de créer des formes de vie plus justes, plus libres, plus heureuses » et pour les communautés indigènes cela signifie retrouver le respect de la nature, remettre les choses importantes en avant, retrouver leur philosophie de vie qui a été saccagée par la Conquista.

    A méditer tout cela.

    • quid de l’indigénéité dans l’hexagone ? ( circulez ..etc) sans existence puisqu’il n’y a que des couches laissées par des vagues successives d’envahisseurs , de colons ?

      • Justement, je donnais l’exemple de populations qui tentent vaille que vaille de conserver leur(s) culture(s) face à son écrasement par plusieurs pays successifs, mais comme je le dis dans le post et comme en parle les zapatistes, ce ne sont là que des exemples d’organisation, on peut s’en inspirer pour faire résonner chez soit sa propre histoire mais pas les copier ni les transposer, cela ne servirait strictement à rien.

        Dans l’hexagone, et ailleurs en Europe, il y a foule d’indigènes...



  • mardi 20 octobre 2009 à 09h53, par Collectif génocide made in rance

    Exercice pratique.

    Paris le 19 octobre 2009
    Communiqué de presse du collectif Génocide made in France

    500 MILLIARDS D’EUROS POUR LES RESCAPES DU GENOCIDE DES TUTSI

    Hubert Védrine réclame 2000 euros pour son manteau en cachemire et 1 euro pour préjudice moral, mais combien compte-t-il verser aux rescapés du génocide ?

    Se basant sur les indemnités versées par une assurance vie lors du décès du souscripteur, le collectif Génocide Made in France estime à au moins 500 milliards d’euros la somme qu’Hubert Védrine*(1) et ses complices*(2) devraient verser aux rescapé/e/s du génocide des Tutsi.
    En outre, tous ces criminels contre l’humanité devraient aussi être destitués de leurs biens, de leurs droits civiques et condamnés à perpétuité à assurer des soins quotidiens aux survivant/e/s. Voilà ce qu’il faudrait plaider lundi 26 octobre 2009 au Tribunal de grande instance de Paris affirme le collectif Génocide Made in France, tandis qu’Hubert Védrine réclame 2000 € pour faire nettoyer sa parure cachemire Lanvin.
    Mais ce 26 octobre 2009 au Tribunal de grande instance de Paris, plus de quinze ans après l’implication directe de ces hauts représentants français dans le génocide des Tutsi qui fit périr plus d’un million de personnes, ce ne sera pas ces français présumés coupables du crime de génocide ni même le collectif, qui les dénonce qui seront jugés. La cible est un des participants ponctuels aux travaux du collectif, dont le seul tort est d’avoir été, à l’occasion, porte parole d’une action dénonçant l’implication d’Hubert Védrine dans ce crime d’Etat* (3).

    Rappel des faits : Une implication qui fait tache.
    Le 8 novembre 2007, tandis qu’Hubert Védrine se rend au Cercle des armées pour dispenser un beau discours sur l’éthique ou l’amour des peuples, le collectif Génocide Made in France l’accueille avec une banderole Védrine Génocide Made in France. Un symbolique tapis rouge fait de colorant alimentaire délébile se prépare mais entache finalement l’homme de l’ombre. Hubert Védrine saura utiliser les services de police judiciaire pour traîner en justice deux manifestants pris au hasard, Mariama Keïta, finalement relaxée et Xavier Renou, ancien membre du collectif qui a fait appel du verdict du 3 décembre 2008*(4).
    En dépit de la nature rigoureusement politique de cette action du collectif, la défense d’Hubert Védrine manœuvre pour réduire les faits à un acte de délinquance. Stratégie d’autant plus grotesque et ridicule que le plaignant abandonnera sa plainte pour diffamation. Plainte qui aurait ouvert un débat judiciaire sur le fond de l’affaire dans laquelle il ne cesse pourtant de plaider l’innocence de son pays, donc de sa personne*(5).

    Depuis, Hubert Védrine redouble d’énergie à se rendre présent dans les médias et colloques variés. Dans cette campagne, il tente de charmer l’opinion tout en minimisant son rôle dans la collusion génocidaire franco-rwandaise*(6). Au passage, jouant le petit poisson porté par le grand courant de l’Histoire, il attire l’attention sur ses camarades, les ministres de la cohabitation et les militaires*(7). Pourquoi moi et pas les autres ? Hubert Védrine demeure cependant un fervent défenseur de la France du génocide, qui n’aurait rien à se reprocher. Il était pourtant le bras droit du Président, “le second personnage du pays”*(8).

    Hubert Védrine patauge car l’Histoire se rapproche de la vérité. Notamment sur la présence militaire française pendant le génocide que Védrine a toujours niée*(9).
    Dans un article de Politis*(10), Hubert Védrine lâche du terrain sur ses mensonges et reconnaît enfin cette présence militaire française active pendant tout le long du génocide -Oups !- il préfère utiliser le mot mercenaire*(11). Encore une ruse françafricaine auto absolutrice où les partenaires d’hier deviennent d’incontrôlables et condamnables inconnus, heureux fusibles de la république. Fausse révélation, vraie diversion.

    En 1993, en violation des accords d’Arusha que la France dit pourtant promouvoir*(12), les livraisons d’armes - l’aide publique au développement de la patrie des droits de l’homme - perdurent. Les militaires français continuent leurs interventions sur la ligne de front, mais des soldats français ont l’ordre de se déguiser en soldats belges, leurs papiers d’identité sont confisqués le temps de chaque opération. En cas de capture par le FPR ils ont l’ordre d’indiquer qu’ils sont mercenaires*(13). Les accords d’Arusha ont toujours été considérés bidons par le général Quesnot*(14).

    Pendant cela, les charniers de Tutsi se multiplient aux quatre coins du pays*(15). Il y a bien un double jeu de la France. Publiquement faire mine d’être acteur de la paix à Arusha en Tanzanie, et dans l’ombre assister une organisation génocidaire sur les plans économiques, diplomatiques, logistiques et militaires, car l’Afrique demeure un laboratoire pour cette guerre secrète françafricaine*(16). Pour mémoire, les chefs d’état-major de fait de l’armée rwandaise étaient le lieutenant-colonel Chollet puis le lieutenant-colonel Maurin*(17). Cherchez l’erreur !

    Grâce à Képi blanc*(18), la revue de la Légion étrangère, le prochain mensonge auquel Védrine pourrait renoncer concerne l’exfiltration des génocidaires par la France. En effet ces légionnaires décomplexés racontent sans détour leurs rôles dans le sauvetage du gouvernement intérimaire rwandais.
    Dernièrement, le rejet par l’OFPRA et le Conseil d’Etat de la demande d’asile d’Agathe Habyarimana*(19), exfiltrée pendant l’opération Amaryllis, ainsi que l’arrestation fortuite du docteur Eugène Rwamucyo*(20) planqué à Maubeuge, papiers en règle, protégé en haut lieux, mais recherché par Interpol, ne sont que quelques exemples parmi une longue liste*(21) de bonnes fréquentations françafricaines.

    Ce n’est pas le décorticage de l’opération Turquoise qui pourra venir à la rescousse d’Hubert Védrine. Pas plus que la piste fumeuse des juges espagnols ou la thèse du juge Bruguière. Rétractation après rétraction de témoins instrumentalisés*(22), cette pseudo enquête qui s’est terminée en fiasco s’est révélée être une manigance orchestrée dans les coulisses de la raison d’Etat.

    Après que des militaires français aient été décorés au printemps 2009 de la légion d’honneur pour leur rôle dans le génocide de 1994*(23), alors que Hubert Védrine est pressenti pour présider l’Europe, l’enjeu des 3500 euros requis contre Xavier Renou pour dégâts matériels, amende et frais d’avocat, tout comme celui de cet euro symbolique pour préjudice moral n’est pas simplement de rappeler un militant à l’ordre hiérarchique mais bien d’asseoir l’omerta nécessaire à tout crime d’Etat. Il est nécessaire que les responsables français impliqués soient jugés pour crime de génocide et que leur peine ne les isole pas dans une prison dorée mais mette l’intégralité de leurs biens et ce qui leur reste d’existence au service des victimes dans la réalisation des tâches les plus ingrates nécessaires à la survie de ceux-ci.

    Contacts Presse
    Bruno Boudiguet, tel : (33) 6 25 05 76 04
    Antonin Wattenberg, tel : (33) 6 26 21 2000
    email : contact [at] genocidemadeinfrance.com

    Notes
    1 Secrétaire général de l’Elysée de 1991 à 1995, Hubert Védrine est l’un des responsables politiques français à avoir rendu l’Etat français co-auteur du génocide au Rwanda dans lequel périrent plus d’un million d’innocents.
    2 http://izuba.info/Nuitrwandaise/spip.php?article98
    3 http://www.genocidemadeinfrance.com/spip.php?article88
    4 http://www.genocidemadeinfrance.com/spip.php?article96
    5 http://www.genocidemadeinfrance.com/spip.php?article93
    6 « Sur ces questions africaines, le secrétaire général que j’étais n’avait pas de rôle primordial. Il y avait une cellule africaine, et tout se passait entre le Président et les ministres concernés, l’état-major des armées et l’état-major particulier de l’Elysée. Le secrétaire général était informé, mais il n’avait pas le poids décisionnel qu’il peut avoir sur les autres sujets, à fortiori pendant une cohabitation où l’Elysée n’a pas les moyens d’une action distincte du gouvernement. » Politis n° 1060 du 9 juillet 2009.
    7 « Après 1993, et donc en 1994 au moment du génocide, c’est un gouvernement de cohabitation : Mitterrand est président, Balladur Premier ministre, Juppé ministre des Affaires étrangères avec Villepin comme directeur de cabinet et Léotard ministre de la Défense. » « Il y avait une cellule africaine et tout se passait entre le Président et les ministres concernés, l’état-major des armées et l’état-major particulier à l’Elysée. » Politis n° 1060 du 9 juillet 2009.
    8 C’est la définition du secrétaire générale de l’Elysée donnée dans Claude Guéant de Christian Duplan et Bernard Pellegrin, Editions du Rocher, 2008.
    9 « Au début des massacres, mis à part les 450 parachutistes français envoyés pour aider au rapatriement des français, et les assistants militaires déjà cités, qui étaient sur le point de partir, il n’y avait donc sur place que des forces de l’ONU, essentiellement belges. » La lettre de l’Institut François Mitterrand n°8 juin 2004. Rwanda : les faits.
    10 Nous ne saurions que trop recommander l’écoute des commentaires de Michel Sitbon, éditeur de La nuit rwandaise, à propos de l’interview d’Hubert Védrine dans Politis http://bitin.fr/deux/hubert-vedrine-s-explique.html
    11 « Il est possible que des mercenaires français, ou autres, aient été mêlés à cet attentat (on a parlé de Belges ou d’Israéliens), mais je n’en sais rien, et l’on ne peut donc pas surinterpréter cela. » « Il y a beaucoup de soldats perdus en Afrique, de spéculations et de paranoïa. Cela ne prouve rien sur la politique des Etats. De toute façon, je n’en sais rien » Politis n° 1060 du 9 juillet 2009.
    12 La nuit Rwandaise n°3, avril 2009. Arusha - Le « chiffon de papier » http://www.scribd.com/doc/19923893/Arusha-Le-chiffon-de-papier- 13 Révélation à paraître dans le prochain numéro de La nuit rwandaise http://izuba.info/Nuitrwandaise/
    14 Enquête sur la tragédie rwandaise 1990-1994, auditions p 340. Hubert Védrine a déclaré « l’accord d’Arusha a mis le feu au poudre » selon le Figaro du 14 janvier 1998.
    15 http://www.scribd.com/doc/8939558/Rapport-FIDH-Mars-1993
    16 Complices de l’Inavouable. Patrick de Saint Exupéry, Les Arènes 2009 http://www.arenes.fr/spip.php?article1404
    17 La nuit rwandaise, l’implication française dans le dernier génocide du siècle Jean-Paul Gouteux Editions l’esprit frappeur, 2001. p 484.
    18 Képi blanc, octobre 1994. Voir Noir silence. François-Xavier Verschave, Editions les arènes, page 525.
    19 http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-40647371@7-40,0.html
    20 http://www.lemonde.fr/societe/article/2009/10/16...
    21 http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution...
    22 http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/international/afrique/200908...
    23 http://www.africaintelligence.fr/C/module...

    Voir en ligne : Communiqué - 500 milliards d’euros pour les rescapés du génocide

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