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vendredi 24 mai 2013

Entretiens

posté à 20h54, par Antonin
7 commentaires

Morgane Merteuil, porte-parole du Strass : « Je fais ce que font tous les travailleurs en lutte »

Les 1er et 2 juin auront lieu à Paris les Rencontres nationales des travailleurs et travailleuses du sexe, organisées et animées par le Strass, syndicat autogéré de la profession. L’occasion parfaite de revenir sur une lutte trop souvent incomprise ou caricaturée, en compagnie de Morgane Merteuil, porte-parole du syndicat.

Morgane Merteuil est la porte-parole du Strass, jeune syndicat autogéré des travailleurs et travailleuses du sexe, créé en France en 2009. Une organisation qui défend « les droits des personnes exerçant un travail sexuel, c’est-à-dire toute forme d’activité rémunérée engageant directement la sexualité de la personne qui l’exerce  »1. La charte précise que les activités professionnelles de travail sexuel concernées sont nombreuses : le syndicat entend non seulement défendre les droits des prostitué.e.s et des escorts, mais aussi ceux des hôte.sse.s, des acteurs et actrices pornographiques, des opérateurs et opératrices de téléphone rose, et des masseurs et masseuses érotiques. Revendiquant l’application du droit commun2 pour les travailleurSEs du sexe, le Strass réclame le droit à exercer un travail sexuel en disposant d’un égal accès aux droits sociaux et économiques dont jouissent l’ensemble des travailleurs.

J’ai contacté Morgane via son copain. Après un simple coup de fil sur son numéro « dont elle se sert aussi quand elle bosse », nous avons convenu d’un rendez-au café, en plein après-midi, finalement décalé à cause d’un client de dernière minute. « J’ai assez peu de boulot durant certaines périodes, je ne peux vraiment pas me permettre de refuser », m’a-t-elle rapidement expliqué. Puis ce dernier l’a lâchée sans crier gare. « Ça arrive tout le temps, un client te fait courir et puis disparaît  », soupire-t-elle. On a donc re-décalé, et on s’est installés pour discuter une petite heure.

*

Lorsque l’on entend parler du Strass, on constate vite la place importante que tu y occupes : tu es souvent en première ligne.

Je suis arrivée il y a presque trois ans. Ma place au sein du Strass était d’abord celle d’une prostituée qui demande à se syndiquer : je voulais être entourée. Mais il fallait que quelqu’un soit visible, et j’ai rapidement assumé le rôle de porte-parole. C’est une décision qui peut sembler difficile à prendre, parce que beaucoup de gens ne veulent pas que leurs proches, leur famille soit au courant de leur activité de prostitution. Ce n’était pas mon cas : je n’avais pas de réticence à me montrer, d’autant que la médiatisation est venue petit à petit. Par contre, accepter une telle fonction suppose de libérer beaucoup de temps. On passe plusieurs heures par semaine à répondre à des entretiens, rédiger des tribunes, suivre les activités du syndicat3...

Tu as dit de tes prédécesseurs qu’ils étaient moins légitimes auprès des associations abolitionnistes. Pourquoi ?

Les porte-paroles précédents du Strass étaient soit des transsexuels soit des hommes. De nombreuses associations abolitionnistes ne les considéraient donc pas comme des interlocuteurs valables pour parler de la prostitution. Le travail du sexe est en effet dénoncé par les associations abolitionnistes ou prohibitionnistes comme une violence ne concernant que les femmes. Dans la pratique, ces portes-paroles étaient moins audibles.

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Aujourd’hui, combien êtes vous ? As-tu une idée du taux de syndicalisation ? Une prostituée de Belleville, ou une prostituée noire de la Goutte d’Or peut-elle adhérer au Strass ?

Nous sommes encore une petite structure, qui compte environ 500 personnes à jour de leur cotisation. Mais le travail du Strass touche bien plus de monde : le syndicat est présent aux côtés de beaucoup de travailleurSEs du sexe qui ne vont pas forcément se syndiquer car elles ont d’autres priorités. Par exemple, nous sommes en contact avec les Chinoises de Belleville qui se prostituent faute de mieux, notamment parce qu’elles sont dans une situation irrégulière. Le marché du travail leur est fermé. Nous menons des actions collectives avec Médecins du Monde : nous les informons sur leurs droits et les accompagnons dans certaines démarches. Pour elles, l’essentiel est d’abord de se protéger, de quitter ce statut contraint, et puis de récupérer leurs papiers.

Le syndicat est encore très jeune et n’est pas organisé en sections. Notre objectif est que partout en France des travailleurs du sexe puissent s’organiser pour défendre leurs droits. Mais nous n’en sommes pas là : aujourd’hui, le mouvement est surtout présent à Paris et en région parisienne, même si un groupe auto-organisé et membre du Strass est aussi actif sur Limoges4. Il faut également mentionner le soutien des associations de santé communautaire, notamment à Lyon et à Toulouse.

Quelle forme prend ce travail militant ?

Le travail externe passe par deux axes. On cherche d’une part à avoir une visibilité dans les médias pour faire entendre notre discours. Et on mène d’autre part un travail de lobbying : il s’agit de faire pression pour obtenir des modifications législatives sur les textes traitant du proxénétisme, du délit de racolage et de la pénalisation des clients. Dans les deux cas, c’est très difficile.

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Dans le premier parce que l’on a peu d’alliés, tandis que les associations prohibitionnistes telles que le Nid5 ont un très large écho et reçoivent d’importants financements. Le discours des groupes féministes anti-putes que l’on dénonce au Strass et dont je parle dans Libérez le féminisme6 est très puissant. Nos alliés sont plus associatifs, et moins liés au gouvernement.
Et dans le second cas, c’est encore plus galère ! Nous avons par exemple été reçus par Vallaud Belkacem au ministère du Droit des Femmes aux côtés des associations abolitionnistes en juillet dernier, mais c’était plutôt un acte de rupture qu’une avancée. Nous y sommes en effet allés pour entendre le discours pro-pénalisation de la prostitution de la ministre, sans espoir de voir abrogées les lois que l’on dénonce, telles le racolage passif.

Une alliance syndicale pourrait-elle vous permettre de renforcer vos moyens ? Des intersyndicales vous ont-elles contacté pour vous inclure en leur sein ?

Il y a eu des contacts et divers démarches, mais pour l’instant rien n’a abouti. Ce n’est pas parce qu’une section d’un syndicat national est disposée à nous accueillir en son sein que tout le monde y est favorable. Nous avons ainsi été en discussion avec la CNT et Solidaires, mais il n’y a pas de processus d’inclusion en cours. De toute façon, nous sommes pour l’instant trop peu organisées sur le territoire pour intégrer une intersyndicale. Mais cela n’empêche pas de se voir dans la rue et de défiler parfois ensemble. Et nous travaillons aussi avec certaines associations, en particulier Act Up7. C’est par exemple avec elle et le Pink Bloc que nous avons défilé lors de la manif pour l’Égalité.

Nous participons également au collectif « 8 mars pour toutes ». Il s’est formé pour faire entendre un féminisme autre que celui institutionnel du CNDF8, qui joue notamment sur la division en refusant toute ouverture sur le sujet de la prostitution. Et nous collaborons ponctuellement avec le Planning familial.

Venons en aux opposants politiques principaux du Strass : les mouvements abolitionnistes. Tu as l’air de n’accorder aucune valeur aux propositions avancées par les abolitionnistes, tels que les Ateliers Dagobert9 du mouvement du Nid. Il n’y a vraiment aucun débat possible ?

C’est très difficile. Aucune des propositions portées par le mouvement abolitionniste ne me paraît valable. Surtout, la question de la reconversion est omniprésente dans les discours abolitionnistes d’aide aux prostituées

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Or, le problème tient avant tout au fait que ces initiatives de « reclassement » pathologisent les travailleurSEs du sexe et hiérarchisent leur activité comme moins valable que des travaux manuels non qualifiés – par exemple, fabriquer des boites en carton pour l’Oréal pour un salaire de misère. Le débat sera possible quand la discussion ne posera pas comme préalable que le travail sexuel est à la base inférieur à tout autre type de travail. Et comme il s’agit du fond de pensée des abolitionnistes, le débat est forcément difficile !
De toute façon, avec un gouvernement qui opte pour l’austérité, il serait naïf de penser que les moyens nécessaires à une véritable réorientation des personnes souhaitant arrêter de se prostituer seront mis en place.

Celles qui ont choisi vs celles qui sont victimes de violences : voici la dichotomie avancée par tous les détracteurs de la réglementation de la prostitution. Tu en parles comme une distinction simpliste. Pourquoi ?

Parmi celles qui sont supposées avoir choisi, personne n’a le même parcours de vie. Tout dépend de l’âge, du lieu où tu travailles, en outdoor ou indoor : les conditions sont franchement différentes. Lorsque les mouvements anti prostitution en appellent à cette distinction binaire, c’est une façon de nous décrédibiliser, nous, travailleurs du sexe organisés en syndicat. Tenir ce discours revient en effet à dire que le Strass ne défend pas dans l’absolu les droits des prostitués, mais seulement d’une minorité d’entre eux. Selon eux, nous ne défendons que nos membres. C’est un discours dangereux. Et aberrant. On s’en rend compte immédiatement si on l’applique à tout autre secteur du marché du travail.

Tu tiens un discours axé sur l’autodétermination, avec ce refus catégorique de laisser d’autres militants déterminer à ta place ce que doit être l’émancipation. En réponse à ça, certains10, en arrivent à t’accuser de défendre ton business !

Dans un sens, c’est vrai que je cherche à protéger mes revenus. Mais quand quelqu’un comme Le Doaré m’attaque violemment sur ce point, elle cherche avant tout à décrédibiliser tout discours émanant du Strass. D’où un conflit intense.

Quoiqu’il en soit, ces accusations ne tiennent pas. Je fais ce que font tous les travailleurSEs en lutte : défendre leurs emplois, leurs conditions de travail, et leurs salaires. Eux, on ne leur reproche pas de défendre le capitalisme, leur industrie ou le principe du salariat. Et il faut avoir conscience que la précarisation entraîne aussi des dangers en terme de sécurité et de santé : moins de clients, ça veut dire prendre plus de risques pour continuer à s’assurer un revenu décent. Par exemple, aller avec/chez des clients qu’on sent pas trop. Ou bien accepter des pratiques qu’on pouvait jusqu’ici se permettre de refuser – je pense notamment aux fellations non protégées. Autre point fondamental : être démuni pousse à s’en remettre à des intermédiaires, ce qui va favoriser notre exploitation...

Clémentine Autain déclarait dans Libération en janvier 201211 : «  Je suis abolitionniste, vendre son corps n’est pas un métier comme un autre : ça touche aux normes sociales. Je pense qu’il faut sortir la sexualité du rapport marchand. Il y a quelque chose d’utopique dans l’abolitionnisme, mais les utopies sont des boussoles. En même temps, je ne suis pas prohibitionniste et je me bats contre tout ce qui rendrait plus difficile encore la vie des prostituées. »

Il y a des abolitionnistes pas connes ; Clémentine Autain en fait partie. En disant cela, elle maintient en fait la position originelle des abolitionnistes : des féministes qui défendent toutes les femmes, travailleuses du sexe ou non. Son discours est valable puisqu’elle affirme que toutes les femmes sont égales, et que l’on doit protéger les travailleurs et travailleuses du sexe. Ici l’abolitionnisme vient comme critique sociale, pour dire que ce n’est majoritairement pas voulu de se prostituer. Et c’est vrai ! Plutôt que faire l’escort, si j’avais la possibilité de rester dans mon salon et de gagner la même somme, bien sûr que je le ferais ! Si un mouvement abolitionniste maintient son point de vue dans une perspective de combat de la précarité au travail, alors certains arguments sont valables. Mais de notre côté, pour combattre la précarité des travailleurs du sexe, nous n’appelons pas à l’abolitionnisme, mais bien à l’organisation en syndicat des travailleurs. Question de point de vue.

On peut distinguer plusieurs courant chez les abolitionnistes. D’un côté, citons celles et ceux qui pensent qu’il n’y aurait pas de prostitution dans un monde idéal, mais qui sont assez pragmatiques pour ne pas prendre le problème à l’envers : ils ont compris que ça ne sert à rien de réprimer la prostitution en tant que telle, car ça nuit aux premières concernées. C’est par exemple la position du Planning Familial. Mais d’un autre côté, certaines personnes se disent abolitionnistes alors qu’elles sont en réalité prohibitionnistes. Elles considèrent qu’il faut réprimer la prostitution en tant que telle. Bien sûr, elles ne le disent pas ainsi, elles préfèrent poser qu’il faut réprimer les clients plutôt que les putes, et qu’importe les conséquences néfastes sur les putes. Pour elles, la disparition de la prostitution à long terme vaut bien le sacrifice d’une ou deux générations de putes en fait ...

Les déclarations de soutien du Strass aux minorités sexuelles et aux migrants irréguliers sont courantes. Sur le terrain, comment cela se passe ? Y a t il déjà eu des actions groupées du Strass et de collectifs de sans-papiers ?

Oui. Nous défilons parfois ensemble – par exemple, lors de la manif pour l’égalité, des membres de la CSP 75 (Coordination Nationale des Sans Papiers de Paris) ont marché avec nous. Mais cela ne coule pas de source. Tous les migrants sans papiers ne sont pas pro travailleurs du sexe, ils ont d’autres combats prioritaires et c’est légitime.
Qu’importe, lorsque nous défilons avec Act Up, notre slogan commun dénonce l’homophobie, la putophobie et la xénophobie, et nous revendiquons des papiers pour tous. C’est un mécanisme de regroupement de mouvements minoritaires qui, s’ils n’ont pas forcément de liens directs dans leurs revendications, se battent tous pour un statut, et contre la répression étatique et policière.
Après, concernant les sans-papiers, le rapprochement nous semble particulièrement opportun parce que de nombreux.ses travailleur.SE.s du sexe ont la « double casquette » : pute et sans papiers. Mais encore une fois, cela va plus loin que ça : au vu du peu de soutiens politiques dont nous disposons, les regroupements associatifs et entre minorités ont du sens. Nous nous battons contre les discriminations de manière générale, qu’elles soient fondées sur l’orientation sexuelle, l’origine, le statut administratif ou les pratiques sexuelles.

Le PS avec une ministre ouvertement abolitionniste, le FDG défendant la pénalisation du client, le NPA sans position précise depuis 2011…le salut des travailleurSEs du sexe ne semble pas se trouver dans les partis politiques de la gauche électoraliste.

Il existe en fait de profonds clivages à l’intérieur de chaque parti, avec souvent une majorité abolitionniste, mais aussi des personnes qui cherchent vraiment à défendre la dépénalisation à l’intérieur.
Le Strass n’attend en définitive pas grand-chose des partis, sinon une prise de position en soutien à nos revendications et à nos luttes. Mais nous ne pouvons nous empêcher de noter combien il apparaît paradoxal que des partis d’extrême gauche défendent des solutions répressives. Et combien les mêmes se fourvoient en distinguant la question de la prostitution de celle de l’exploitation dans le travail de manière générale. Nous attendons finalement d’eux qu’ils appliquent au travail sexuel ce qu’ils appliquent aux autres travailleurSEs : un soutien dans la défense de leurs droits, avec pour principe que c’est le meilleur moyen de lutter contre l’exploitation.

Le Strass revendique la redéfinition du terme de proxénétisme. Qu’est ce que ça signifie ?

Ni plus ni moins que la disparition pure et simple du mot de proxénétisme ! Des lois condamnent déjà la violence, l’exploitation, l’esclavage ou la traite : tout un corpus législatif existe. Et la loi sur le proxénétisme y ajoute seulement le délit de solidarité et de soutien – ce qui à mon sens cause plus de mal que de bien. Si on veut condamner l’exploitation, il y a des lois pour ça ! Sinon on crée un rapport d’exception, on légitime le fichage, un contrôle accru des putes, et on nous isole encore davantage.



1 La charte du Strass est consultable sur leur site internet, ICI.

2 Le Strass se refuse à défendre une ligne dite « réglementariste » où la prostitution est autorisée et sa pratique encadrée par l’État. La terminologie autant que le projet politique du réglementarisme sont dénoncés par le Strass comme hygiénistes, visant à contrôler un « mal nécessaire ». Dès lors, le syndicat considère que le réglementarisme vise à canaliser la prostitution dans un souci d’ordre moral et sanitaire, «  pour éviter la contamination tant des maladies vénériennes que de l’immoralisme. (…) Les prostituées doivent être inscrites sur un fichier sanitaire et social, elles sont contraintes à des visites médicales régulières et l’exercice de la prostitution est limité à des lieux déterminés. Le réglementarisme est donc le contrôle du travail sexuel par l’État et va à l’encontre de la liberté et de la capacité d’agency des travailleurSEs du sexe  ».

3 Les 1er et 2 juin auront lieu à Paris les Rencontres nationales des travailleurs du sexe, organisés et animées par le Strass. Au programme, des ateliers réservés aux travailleurs du sexe et traitant des conditions de travail, de suivi juridique, d’accompagnement de travailleur du sexe migrant.e.s, et de nombreuses réflexions sur l’auto organisation et la réponse à la répression de la prostitution. Plus d’infos ICI.

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4 Lors de la venue à Limoges de Najat Vallaud-Belkacem en septembre 2012, la fédération Strass de Limoges et l’association Les Myriades Trans avaient organisé un rassemblement afin de dénoncer la volonté de la ministre des droits des femmes d’abolir le travail sexuel.

5 Le Mouvement du Nid est une association visant à «  abolir le système prostituteur, agissant sur les cause et les conséquences de la prostitution ». Farouchement abolitionniste, donc. Le Strass s’oppose fréquemment à ses prises de position en faveur de la pénalisation des clients. L’association explique aussi « accompagner les personnes prostituées dans leurs démarches d’accès à la justice, aux soins, ou encore à la sécurité sociale. Et lorsque les personnes prostituées entreprennent des démarches pour quitter la prostitution, (le Mouvement du Nid) est également présent à leurs côtés. »

6 Libérez le féminisme !, L’Editeur, Paris, 2012.

7 Le Strass et Act Up militent régulièrement ensemble, les positions de l’association historique de lutte contre le sida étant très proches de celles défendues par le Strass. On retrouvera d’ailleurs dansl’onglet « SEXWORK » du site d’Act Up de nombreux articles communs au Syndicat des Travailleur.es du Sexe portant sur l’abrogation du délit de racolage passif, et la critique de la pénalisation des clients.

8 Collectif National pour les Droits des Femmes, association féministe défendant, entre autres, une ligne abolitionniste.

9 Les Ateliers Dagobert visent à réinsérer et réorienter des personnes « victimes du système prostituteur » dans le marché du travail, hors du travail sexuel.

10 Ou certaines, en particulier Christine Le Doaré, responsable jusque juin 2012 du Centre LGBT de Paris IDF, et virulente abolitionniste. Act Up s’est à de nombreuses reprises élevé contre des propos tenus par Mme Le Doaré, allant parfois jusqu’à demander sa démission.

11 L’entretien est à lire ICI.


COMMENTAIRES

 


  • J’avais commis un papier il y a un peu plus d’un an pour CQFD sur la question. A l’époque il s’agissait de réagir face à la volonté du gouvernement de pénaliser les clients. Du coup, j’avais largement donné la parole au Strass. Et fichtre, la virulence de certains commentaires m’a laissé sur le cul !
    Pour celles et ceux que ça intéresse, c’est ici :
    http://www.cqfd-journal.org/Sur-le-...



  • si le travail « dit » du sexe est un travail comme un autre,alors,il sera travail obligatoire à Pôle emploi, et comme en Allemagne,on propose aux jeunes chomeu SES de travailler dans un bordel.sinon on coupe les allocations.
    C’est cela que vous voulez ?



  • Merci pour cette interview qui m’a permis de comprendre certains aspects de la lutte initiée par le STRASS et que j’avais appréhender un peu de loin.



  • Merci pour cet article qui donne un peu plus de visibilité au STRASS, ainsi qu’à la pertinence de ses idées et de son combat. Bonne continuation et bonne lutte à ce syndicat !!



  • dimanche 9 juin 2013 à 18h32, par Martin Scriblerus

    « L’occasion parfaite de revenir sur une lutte trop souvent incomprise ou caricaturée », osez-vous écrire.

    Il se trouve que les féministes radicales affirment, arguments à l’appui, que la prostitution n’est ni du travail, ni du sexe, mais d’abord et essentiellement une manifestation des rapports de domination des hommes sur les femmes, et un élément essentiel au renforcement et à la perpétuation de ces rapports.

    Fort heureusement, ni le Strass, ni ceux qui lui donnent complaisamment la parole – que ce soit l’extrême gauche façon « Libération » ou le réformisme façon « Article 11 » ne se laisseraient jamais aller à méconnaître, ignorer ou pire, caricaturer, les critiques féministes radicales, leurs critiques matérialistes des rapports de sexes. Aucun ne se laisserait aller à réduire cette critique radicale au seul abolitionnisme, voir à un prohibitionnisme. Surtout pas au nom de grossières resucées libérales.

    Ce n’est effectivement pas un hasard si le Strass, organisation où les hommes prostitués sont plus que surreprésentés, a opté pour une représentante. « Les porte-paroles précédents du Strass étaient soit des transsexuels soit des hommes. De nombreuses associations abolitionnistes ne les considéraient donc pas comme des interlocuteurs valables pour parler de la prostitution », avoue benoîtement Morgane Merteuil. En omettant de dire que ces hommes n’étaient pas non plus considérés comme des interlocuteurs valables par aucune militante féministe.
    Pour être efficace, la poudre aux yeux de son discours libéral - « le Strass réclame le droit à exercer un travail sexuel » - prétendument « syndicaliste » de défense du masculinisme et de son système prostitueur se doit d’avoir le bon genre. Mettre en avant des hommes était ballot : les inégalités de sexe existent aussi parmi les personnes prostituées.

    C’est qu’il faut être capable d’entendre un minimum la critique féministe radicale du masculinisme pour que l’entourloupe au syndicalisme classique et aux « travailleurs en lutte » qui réclament le droit de se faire leurs propres prostitueurs soit remise dans son contexte : celui de rapports de domination où les hommes sont en position dominante, où la sexualité de tous et toutes est définie par les rapports de domination de genre, par le masculinisme.
    Le Strass paraît ainsi pour ce qu’il est : d’abord un outil au service du masculinisme dominant. Mais un outil contemporain, mis à jour pour contribuer à rendre inaudible la critique matérialiste des rapports de sexe,de la « sexualité », de ses « besoins », de ses « fantasmes », etc. Un outil pour contribuer à rendre invisible la critique féministe radicale. Ce n’est certes pas le seul. Cela explique la complaisance de l’accueil qui lui est réservé partout où l’on se pique benoîtement d’un goût superficiel pour la liberté en matière de sexe – allez savoir pourquoi, les féministes radicales semblent dépourvues de ce goût. Les plus audacieux envisagent depuis une vingtaine d’années au moins que ces féministes pourraient être anti-sexe, voir de tristes moralistes. On n’ose plus dire mal-baisées, mais on pourrait y revenir. Quelle critique puissante !

    Bien sûr, les personnes qui constituent le Strass ont le droit de s’organiser, de définir elles-même dans quel but elles le font - et de s’efforcer de survivre dans le contexte que nous connaissons tous et toutes.
    Mais il est une chose que l’on ne peut laisser le Strass prétendre : qu’il « défendrait les personnes prostituées » sans lui opposer un démenti. Le Strass défend certainement la prostitution en tant que secteur de marché, considérée comme simple activité économique – mais il ne défend pas les personnes prostituées, parce qu’il ne veut pas savoir que ce marché se nomme aussi système prostitueur, et n’existe que par la domination de genre. Cela n’a rien de surprenant d’ailleurs. Tout comme il n’y a rien de surprenant à le voir prétendre qu’en défendant la prostitution il défendrait d’abord les personnes prostituées. Il montre ainsi crûment à l’intérieur de quel horizon il se tient : celui des rapports de domination de genre comme celui des rapports de domination économique.
    C’est là une caractéristique des discours intégrés à la domination.

    A ceux qui, sur d’autres sujets, prétendent plus volontiers vouloir en finir avec les rapports de domination, ou même seulement combattre leur emprise sur nos vies, il est important de rappeler que, tout comme on ne peut prétendre défendre les ouvriers d’EADS ou de Matra ET en même temps justifier et cautionner l’existence du complexe militaro-industriel qui leur fournit leur emploi sans se trahir illico, l’on ne peut pas plus prétendre défendre les personnes prostituées et en même temps le système prostitueur qui garantit leur « emploi » et leurs revenus : et en premier lieu, ceux des prostitueurs qu’il est de bon ton de désigner sous l’euphémisme pudique et si commercial de « clients ».

    D’autant plus qu’il y a une différence considérable entre les intérêts financiers de multinationales et un comportement dominateur et masculiniste assumé par « monsieur tout le monde » - y compris à gauche, voir à l’extrême gauche.

    Article 11 peut bien sûr donner la parole au Strass.
    Mais seuls des masculinistes peuvent croire que son combat est un combat émancipateur.



  • lundi 23 septembre 2013 à 06h03, par emmanuelle fabre

    Avoir une activité professionnelle avec comme outil de travail son sexe, ce n’est pas un emploi. L’utopie n’est pas du côté des abolitionnistes,la société en elle-même est régie par l’utopie capitaliste patriarcale ( une anarchie de droite en quelque sorte ) qui prône que tout peut se vendre et s’acheter , au mépris de l’être humain, de sa santé, physique et mentale. Le Strass fait parler de lui, des tribunes dans de nombreux journaux lui sont offertes. Est-ce pour autant qu’il est représentatif de la grande majorité des femmes prostituées ? Combien de ces femmes souhaiteraient sortir de cet engrenage qu’est la prostitution ? Ce n’est pas en essayant de nous faire croire que la liberté de disposer de son corps ( argument de gauche) signifie que ce corps peut être violenté plusieurs fois par jour par des personnes s’acquittant d’une bonne conscience par la délivrance en échange d’argent, que le crime sera effacé.Dans la réalité des faits, nombre de personnes sont contraintes à la prostitution, prises dans des réseaux, elles sont victimes de menaces, tortures et violences en plus des viols commis par les clients prosti-tueurs. Le projet progressiste et non réactionnaire comme celui de considérer cette aberration comme un travail serait dans l’éradication de ce phénomène tout en proposant des alternatives viables et décentes pour ces femmes. De l’argent pour débloquer des budgets pour des formations, des emplois, des logements etc..il y en a. Il circule également entre des mains sales qui font leur beurre sur le dos de l’esclavagisme moderne qui ne dit pas son nom.



  • vendredi 15 novembre 2013 à 05h03, par Nous sommes légion

    C’est quand même un signe impressionnant des abysses dans lesquelles est tombé la réflexion militante que de penser que quelqu’un qui gagne 200 euros de l’heure peut représenter les putes à 1 euro la passe...

    Sans oublier que le développement du concept de travailleurs sexuels n’avait absolument pas pour objectif de légitimer l’industrie du sexe, mais de rappeler que la question n’était pas théorique pour des milliers de prolétaires surexploitées au plus intime d’elles-mêmes, et qu’en attendant l’abolition il fallait au minimum défendre les droits concrets des travailleuses concrètes.

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