ARTICLE11
 
 

jeudi 2 octobre 2008

En Sueur

posté à 00h25, par PT
2 commentaires

Beauferies et borborygmes en prime-time : le foot vu par Thierry Roland et Franck Lebœuf
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Quand Thierry Roland et Franck Lebœuf s’installent au micro, le bon goût à la française turbine sec. Illustration lors du dernier championnat d’Europe, quitté sur la défaite des Bleus contre l’Italie. Les duettistes de M6 s’en donnèrent à cœur joie, multipliant les allusions suspectes et procédant au lynchage de l’arbitre de la rencontre. Le tout devant 13 millions de téléspectateurs. Article11 se souvient.

Juin 2008, championnat d’Europe, troisième et dernier match de l’équipe de France, obligée de battre l’Italie pour sauver sa tête. Après 90 minutes d’un non-match, les Bleus quittent piteusement la compétition (défaite 2-0 à dix contre onze). Qu’importe le chaos : pour M6 ce soir-là, c’est audience record. Jamais l’ex-petite chaîne qui monte n’avait diffusé en prime-time une rencontre de cette importance.

Au micro, c’est la régalade : M6 a désigné le duo Thierry Roland - Franck Lebœuf. Tandis que papy Roland fait de la résistance, servant sans se lasser la même soupe poujado-populiste qui fit les riches heures de la Une pendant plus de vingt ans, Lebœuf, ancien défenseur poussif reconverti en consultant gadget, enfile les inepties comme les perles. Tout y passe : les vannes les plus crasses (les Suisses sont ponctuels, les Italiens des comédiens, etc), les hululements creux, aussi bien que le démolissage en règle et systématique de l’arbitre du jour.

A écouter c’est un calvaire. A lire, une archive indispensable pour qui veut comprendre dans quelle considération les télés françaises tiennent les amateurs de foot. Un document Article11.



AVANT-MATCH

« On est en Suisse, on respecte une précision horlogère »

Les deux équipes sont dans le tunnel qui mène au terrain. Les caméras s’attardent sur les joueurs, les poignées de mains échangées.

Roland : « Tout est prêt dans le couloir. Mais on est en Suisse, on respecte une... comment dirais-je... une précision horlogère. C’est-à-dire qu’il y a une heure prévue pour rentrer sur le terrain. Et c’est exclu que l’arbitre et les joueurs rentrent avant que le feu vert soit donné. »

C’est - enfin - l’entrée des joueurs sur le terrain. A l’heure dite.

Lebœuf : « Là je peux vous dire que quand on est joueur, ça chauffe à l’intérieur. Là, ça oui. Là on pense à son match, mais on pense aussi à sa famille, on pense à la France, pour les Français bien sûr. Et euh, on prie entre guillemets pour que tout se passe bien. Parce que la beauté de ce sport c’est qu’on ne sait rien à l’avance et c’est ce qui fait peur parfois. »

Après l’exécution de l’hymne italien.

Lebœuf : « Beaucoup de respect du côté français. J’espère qu’il en de même... de pareil... que ce sera pareil. »

Et après l’hymne français.

Roland : « Belle Marseillaise ! »

Lebœuf : « Oui, qui a été un peu sifflée par le kop italien. Mais c’est pas grave... »

Roland : « Non c’est pas grave. Et puis des abrutis y en a partout. »

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PREMIERE MI-TEMPS

« Bien rajouté de la part de Cassano. Spécialité italienne. Comme les pâtes. »

Après trois minutes de jeu, première promo maison.

Roland : « C’est exceptionnel à l’occasion du match France-Italie, M6 vous propose de gagner une voiture par mi-temps. Pour tenter de gagner la première voiture, il vous suffit de répondre à cette question. Quel joueur français a marqué neuf buts pendant l’Euro 84 ? Est-ce que c’est 1) Michel Platini 2) Eric Cantona ? »

7e minute, Ribery se blesse méchamment. Partie terminée pour le milieu de terrain français.

Lebœuf : « Aïe, aïe, aïe ! Il a l’air de s’être tordu le genou. »

Roland : « Ou la cheville plutôt. La cheville gauche. »

Lebœuf : « La cheville ou le genou ? (...) J’ai peur d’une fracture. j’ai l’impression que c’est resté bloqué. Ou alors c’est le tendon d’Achille. (...) J’ai peur du tendon d’Achille. Ou alors d’une fracture. Du tibia ou du péroné. »

Premier avertissement côté français, adressé à Evra après une faute sur Cassano.

Lebœuf : « Ouais, bien rajouté de la part de Cassano. Spécialité italienne. Comme les pâtes. »

24e minute, Abidal concède un penalty aux joueurs italiens, et se fait expulser.

Lebœuf : « (s’adressant à l’arbitre) Oh là là là... il est en train de nous tuer le match, lui. (observant le ralenti) Il n’y a pas vraiment de faute. Regardez. Après y a le tacle. Si, si, y a penalty, y a rien à dire. Oh et bien sûr, Luca Toni en rajoute. »

Dans la foulée de la remise en jeu, accrochage entre deux joueurs.

Lebœuf : « Oh y va siffler faute là quand même monsieur l’arbitre ! Oh c’est quoi ça ? »

Roland : « Non mais il siffle que d’un côté. Il siffle que d’un côté monsieur Michel pour l’instant dans cette première période... »

Lebœuf : « (…) Je crois que Lubos Michel il a choisi son camp. Je l’avais trouvé mauvais en finale de la Champions League, il me fera pas mentir aujourd’hui. »

Demi-heure de jeu, le réalisateur s’attarde sur un ralenti de la faute synonyme de penalty accordé à l’équipe d’Italie.

Lebœuf : « Alors qu’on revoit le penalty. Ouais bien y a rien. Il tombe avant. Luca Toni tombe avant. »

Après une deuxième promo maison, 38e minute, faute italienne de Gattuso.

Lebœuf : « Oh ! monsieur l’arbitre ! Oui, merci, coup franc. On a tellement pas l’habitude qu’il nous siffle coup franc qu’on s’y attendait plus. »

Roland : « Oui enfin il était un peu obligé quand même. »

39e minute, nouvel accrochage entre Cassano et Evra.

Lebœuf : « Là vous avez vu le coup de coude. Y a coup de coude, y a carton jaune. L’arbitre de touche le voit et y dit rien. Ah ouais, on a pas hésité à mettre un carton rouge à Abidal mais alors... on le voit, on est à quarante mètres, l’arbitre de touche il est à dix mètres et il le voit pas. »

Arrêts de jeu de la première période. Accrochage entre Evra et De Rossi cette fois.

Lebœuf : « Là y a eu un attentat, je crois c’est De Rossi sur Evra. C’est quand même grave que l’arbitre qui a vu l’attentat arrête le jeu en plein milieu et siffle pas une faute ! Si y juge qu’y a jeu dangereux y a faute. Faut m’expliquer là. On peut m’expliquer ce qu’on veut. Si y voit, qu’il arrête le jeu, qu’y trouve qu’y a eu un joueur qui est en danger c’est qu’y a eu une faute quelque part. Regardez c’t’attentat ! C’est un attentat ! »

Roland : « (péremptoire) C’est pour toutes les décisions de ce type que le corps arbitral dans ce championnat d’Europe n’est pas bon. Vraiment le corps arbitral n’est pas bon. Y en a pas un pour racheter l’autre. »

La mi-temps approche, dernière faute italienne.

Roland : « (agacé) Et là encore ! On en a marre maintenant ! »

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DEUXIEME MI-TEMPS

« On voit jamais les actions litigieuses. Je sais pas qui réalise. Peut-être la télé italienne. »

Les joueurs quittent les vestiaires, dans l’attente du coup d’envoi de la seconde période.

Roland : « Les joueurs sont déjà en place sur le terrain, mais sont arrivés un petit peu plus tôt. Toujours cette précision suisse dont je vous parlais au début de ce reportage. Là ils sont arrivés un petit peu en avance, ça n’a pas plu. Car avant l’heure ça n’est pas l’heure ; après l’heure ça n’est pas l’heure non plus. »

55e minute, les manœuvres d’approche de l’équipe de France butent sur une défense italienne très regroupée. Un ballon semble dégagé de la main par un joueur de la Squadra.

Lebœuf : « Là il y a une main il me semble. »

Roland : « Il me semble aussi. »

Lebœuf : « Il (l’arbitre) ne voit que c’qu’il veut. »

Faute sifflée contre Boumsong pour une charge irrégulière sur l’attaquant italien Toni.

Lebœuf : « (excédé) Là il siffle même avant que Jean-Alain Boumsong fasse la faute. »

59e minute, le ballon joué par Clerc heurte - involontairement semble-t-il - le bras d’un défenseur italien.

Lebœuf : « ’(survolté) Y a une main ! Là il l’a pas vu ?! C’est pas vrai ! »

Roland : « Oh ! Il l’a vue ! Y va pour siffler et finalement y siffle pas ! Ah ça commence à bien faire monsieur Michel ! »

Dans la foulée…

Lebœuf : « Là il siffle coup franc contre Thierry Henry alors que c’est Thierry Henry qui se fait tenir le maillot par Zambrotta, il le dit lui-même. Et je suis à cent mètres de l’action, il est à dix mètres. »

Roland : « Ah non, il est assommant là. Vraiment il est assommant. »

Lebœuf : « Et vous êtes poli hein… »

Plus loin…

Lebœuf : « Et je sais pas si vous avez remarqué, mais on voit jamais les actions litigieuses. Je sais pas qui réalise. Peut-être la télé italienne. »

Roland : « Ah non je crois pas, non. »

Lebœuf : « Alors peut-être un réalisateur italien, hé hé… »

68e minute. Menée 2-0, la France jette ses dernières forces et durcit le jeu. Tacle par-derrière de Makelele sur Gattuso, qui se tord de douleur.

Lebœuf : « Claude Makelele qui est un peu exaspéré par l’attitude de Gattuso, hé hé hé… »

Roland : « Gattuso il devrait faire du théâtre. Quand il a des moments de libres en dehors du football. »

Lebœuf : « (avisant le ralenti de la faute de Makelele) Il lui a fait mal quand même. »

Roland : « Oui il a pris un petit coup, d’accord. Mais on a vraiment l’impression qu’il lui a cassé la jambe. »

70e minute, nouvelle faute française sur Cassano. La caméra s’attarde sur le visage grimaçant du joueur italien.

Lebœuf : « Comme on dit : la Commedia dell’Arte ! »

Roland : « (en train de singer l’accent italien) Hou comme zé mal ! Zouste en dessous… »

La fin de match approche. Sur une attaque, les Bleus réclament un corner, l’arbitre siffle au contraire une sortie de but.

Lebœuf : « Et voilà… six mètres… C’est n’importe quoi. Vaut mieux en rire… »

Roland : « Tout le monde, même les Italiens, voit corner là ! »

Lebœuf : « Ouais, quand on voit les défenseurs courir comme des malades pour sauver le ballon, y a même pas à réfléchir, on siffle corner. »

85e minute, l’arbitre donne un carton jaune à un Thierry Henry énervé.

Lebœuf : « Là, il (l’arbitre) siffle coup franc alors que Thierry Henry prend le ballon. Et il lui met un carton. Il est… il est… il est mauvais… y a rien à dire. Il a été mauvais en finale de Champions League, là il est encore mauvais. »

Dernières secondes…

Lebœuf : « Ouais, c’est fini là. Monsieur l’arbitre ferait mieux de siffler la fin. Ce serait la seule chose qu’il a fait de bien. »

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>> BONUS TRACK

France-Italie, le best-of Leboeufien

(avec des vrais morceaux d’âneries dedans)

« Je le sens bien Benzema. Il est entré dans la partie dès la première seconde. » (le joueur français ne cadrera pas une frappe de toute la rencontre)

« Raymond Domenech qui a l’air très serein, très confiant. »

« Je ne me fais pas de soucis sur la mentalité des joueurs qui sont sortis (du groupe). Ce sont de grands joueurs. Là, c’est l’union sacrée qui est demandée. »

« Bel arrêt de Grégory Coupet, ça va le mettre en confiance... Ah non, c’est pas Greg. C’est Claude Makelele qui sauve. »

« Luca Toni se sert de son bras pour enrôler Evra, qui fait à peu près la moitié de Luca Toni. »

« En principe un mur c’est un mur. On l’a appelé mur parce que ça bouge pas. »

« Vous savez : si les Italiens passent, je les vois bien gagner le championnat d’Europe. » (les Italiens seront battus au tour suivant)

« Personne n’aime l’injustice ; surtout de celui qui doit la rendre, la justice. »



COMMENTAIRES

 


  • Ils sont le miroir de notre société,13 millions de con(pardon spectateurs)
     × Des veaux qui votent sarko et utilisent la bagnole pour aller chercher des clopes ou des bieres.
     × Le foot ,il faut le pratiquer et s’éclater sur un terrain.

    • Clichés quand tu nous tiens. :) Quoi que il y a du vrai là dedans.

      Thierry Roland et Franck Leboeuf des beaufs ? Mais non, quel duo ! Avec un consultant qui apportait de bonnes explications sur chaque action (n’oublions pas que son rôle est de faire comprendre au téléspectateur les images qui sont diffusées) : « Oh la la, vas-y !, Pousse ! Pousse ! Pousse ! Allez », « (…) Je crois que Lubos Michel il a choisi son camp. Je l’avais trouvé mauvais en finale de la Champions League, il me fera pas mentir aujourd’hui. »
      C’est du bon Lebeauf.

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