ARTICLE11
 
 

samedi 25 octobre 2008

Médias

posté à 00h17, par PT
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Comme le suggère Arlette Chabot : à vous de juger. Eh bien d’accord, jugeons…
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A l’heure où le journalisme se morfond, englué dans sa propre crise, il est réconfortant de savoir qu’il reste dans ce pays des ambassadeurs au sang froid, qui continuent de porter haut le flambeau d’une corporation trop fréquemment raillée. Il en va ainsi de la directrice de la rédaction de France 2, Arlette Chabot, professionnelle aguerrie et minutieuse. Ainsi qu’en témoigne notre crash-test exclusif…

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Si vous n’avez pas la chance de tenir au chaud du portefeuille la petite carte tricolore rehaussée de son matricule à cinq ou six chiffres, vous ne savez pas ce que c’est. Vous ne savez pas ce que c’est que d’être journaliste, porteur de missions et d’une parole donnée aux moins savants. Vous ne savez pas les exigences du métier, les responsabilités qui en découlent, ses poids, sa rigueur. Vous ne savez pas, mais vous pourriez approcher nos réalités en flânant sur le site journalisme.com, où sous alibi d’exposer ses motifs d’exister l’association en charge du contenu établit les six commandements du journalisme, autant de balises précieuses sur les chemins escarpés d’un métier qui a vite fait de vous mener à l’embardée.

Une profession de foi sans concession, qui dessine en creux le portrait-robot du journaliste idéal, indépendant, incorruptible. Un journaliste auquel le public confierait sans sourciller un passeport pour la confiance.

Article11 va plus loin. S’emparant de ces six règles d’or (moins une), votre site préféré d’informations objectives vous propose de passer au crible l’une des figures les plus en vue de la profession : Arlette Chabot, directrice de l’information sur France 2.

L’autorité sur les JT de la chaîne, c’est elle. L’émission politique phare du service public, c’est elle aussi. Le contenu éditorial des rendez-vous d’information : encore elle. Autant dire qu’en ces temps où la dame subit les foudres syndicales et les railleries malintentionnées de la confrérie jalouse, il était temps de rectifier les vérités.

Ce à quoi nous nous employons tout au long de ce crash-test, véritable banc d’essai aux résultats scientifiquement prouvés.

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Règle n°1

Les journalistes ont en commun d’aimer passionnément cette profession mais doutent de plus en plus des conditions de son exercice.

Jolie formule, qui pose l’enjeu central de la profession : l’indépendance. Indépendance vis-à-vis des pouvoirs financiers et/ou politiques. Indépendance d’esprit également. Loin de tout calcul. Là-dessus, Arlette Chabot affiche un pedigree au-dessus de tout soupçon. Elle traîne comme un boulet son soutien à peine voilé à Edouard Balladur durant la présidentielle de 1995 ? Arlette se défend, qui expliquait au printemps dernier aux journalistes de « Bakchich » que lorsque lui était ministre de l’Economie et elle chef de service à TF1, Balladur avait cherché à la dégommer. Le truc, c’est que dans le même article « Bakchich » rendait compte d’une note de Matignon, datée de 1993, pareille à un bulletin d’évaluation des journalistes de l’audiovisuel. « A l’intérieur, Arlette Chabot est très bien [chef du service politique], ne surtout pas la mettre dans un placard car elle retournerai [sic] à TF1 », est-il écrit. « Cette note n’a aucun intérêt », réplique Arlette. Qui assurément sait garder ses distances.

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Règle n°2

Les journalistes rêvent de tous les possibles que leur offre la révolution technologique mais mesurent face à elle la fragilité de leurs exigences.

Ça tombe nickel, car Arlette Chabot, cinquante-sept ans, ne manque pas de rester furieusement dans le coup et garde par conséquent la main proche de tout ce qui nourrit les nouveaux médias. L’information sur France 2 dispose de pages internet dédiées, Arlette prend soin régulièrement de poser sa patte rédactionnelle. Comme lorsqu’en novembre 2005, au plus fort des émeutes en banlieue, elle veilla à retrancher du site maison un reportage diffusé durant le 20 Heures montrant le passage à tabac d’une jeune sauvageon par des policiers appliqués1. Arlette expliqua son geste avec aplomb, se refusant à « tomber dans la surenchère [...] au risque d’envenimer les choses ». Un geste d’une grande justesse.

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Règle n°3

Les journalistes savent que la priorité est de retrouver la confiance du public et cela les oblige à changer, sans arrogance, la relation qui les unit.

Là-dessus, Arlette Chabot ne s’en laisse pas conter. Le public, elle connaît. Elle l’invite même à assister au prime-time politique dont elle assure la présentation.

Souvent, alors, elle brille en faisant assaut de de complicité. Pro, mais proche2.


Ou comme dans cet autre extrait de la même émission, quand Arlette s’emploie, à grand renfort de « attendez une seconde », « tut tut tu s’il vous plaît… », main dressée pour apaiser l’interlocuteur frondeur, à tempérer les ardeurs du jeune homme qui s’échine à tenir tête à l’ancien ministre de l’Intérieur.


Avant d’être servi, le public a besoin d’être dompté. C’est aussi cela sa conception du service public.

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Règle n°4

Les journalistes savent qu’il n’y a pas d’autre chemin que l’indépendance, la rigueur, le temps passé à vérifier, la culture du doute, pour proposer une information de qualité.

La culture du doute, voilà bien un bagage dont Arlette Chabot n’a pas oublié de s’équiper sur les douloureux sentiers du journalisme. Le dernier exemple en date témoignant combien Arlette doute, de tout, aussi souvent que possible. On fait bien sûr allusion au récent fight entre David Pujadas et Jean-Claude Juncker, après la diffusion d’un reportage assimilant l’îlot grand-ducal à un paradis fiscal - ce qui mit le premier ministre luxembourgeois de fort méchante humeur. « Je vous demande de ne pas considérer ce reportage comme une nouvelle manifestation de l’arrogance franco-française mais plutôt comme une insuffisance professionnelle (...) La frontière entre paradis fiscal, blanchiment d’argent et secret bancaire n’était pas vraiment établie. La mise en image était facile, voire de mauvais goût », écrivit aussi sec Arlette Chabot dans une missive expédiée à Jean-Claude Juncker. « La frontière n’était pas vraiment établie », dit-elle : bref, le sujet concédait une prise au doute. Et ça, Arlette, ne pouvait le laisser passer. Méticuleuse. __3__

Règle n°5

Les journalistes n’ont pas spontanément l’idée de se rassembler, mais ils ressentent chaque jour un peu plus le besoin d’échanger. De se parler.

Certes, comme le présente lourdement sa fiche signalétique sur Wikipédia, Arlette Chabot est réputée pour son caractère autoritaire et son peu de manières. On la dit brutale, versatile, que sais-je encore.

Ce qui est partiellement inexact - tant il est vrai qu’Arlette est aussi capable de tendresse(s) - hors corporation.

Ici par exemple.


Et encore ici.


Comme quoi…

Quant « au besoin d’échanger, de se parler », la petite bafouille pondue à l’adresse de Jean-Claude Juncker en est l’illustration fidèle : mieux vaut mettre des mots sur les maux, plutôt que de s’enliser dans un silence gêné qui n’aurait eu pour effet que d’amplifier le courroux bien compréhensible du premier ministre luxembourgeois - et avec quelles épineuses conséquences, je vous laisse imaginer. Au reste, cette délicate attention n’avait pas vocation à trouver écho sur la place publique. « Monsieur Junker avait le sentiment d’être tombé dans un piège, expliqua-t-elle sur Europe 1. Il n’était pas illégitime, le lendemain, de dissiper un malentendu mais une lettre personnelle doit le rester. »

Parole de journaliste. On vous l’avait dit.

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— > Crash-test OK.



1 Petit rappel historique, entre autres friandises du même goût, à lire ici, sur le site aporismes.com

2 Article11 n’est pas l’auteur, ni le complice, des inserts qui encadrent cet extrait vidéo ; et pour cause : Article11 ne roule pour personne.


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