ARTICLE11
 
 

samedi 6 juin 2009

Sur le terrain

posté à 14h56, par Antimollusques
12 commentaires

AF 447 : Terre des hommes, cieux du Capital ?
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Quand un avion tombe, la parole s’engage sur une piste ascendante. Les communicants communiquent et les politiques se gardent d’en parler, si ce n’est pour évoquer pudiquement le terrorisme qui « menace nos démocraties ». Au-delà de la construction des « causes probables de l’accident », empruntons les couloirs terrestres de l’industrie aéronautique et des assemblées. Welcome on board.

Le premier lundi du mois de juin 2009, le vol Air France 447 Rio de Janeiro-Paris disparaît des champs auditifs et visuels, il peut entrer dans le champ médiatique.

« 1er juin, 14 h 25. L’hypothèse la « plus vraisemblable » est que l’Airbus A330 disparu lundi entre le Brésil et la France « a été foudroyé », a déclaré à la presse François Brousse, directeur de la communication d’Air France. »1

S’agissant du séquençage de l’apparition de l’accident dans le champ médiatique du 1er juin, il procède ainsi : l’avion disparaît des écrans de contrôle ; on relève l’absence de communication entre l’appareil et les tours de contrôle ; l’appareil disparaît des radars ; la cellule psy est mise en place à Roissy ; les causes probables de l’accident sont annoncées : la foudre est la première d’entre elles ; la panne électrique succède à la foudre ; la nationalité des passagers est révélée ; s’ensuivent l’annonce du statut des passagers2 puis l’intervention d’ « experts » en aéronautique ou en météorologie.

On assiste alors à une oscillation entre les champs techniques et affectifs dans le discours médiatique, en d’autres termes à une double incarnation technique et corporelle de l’événement ; un mouvement entre compréhension et empathie, un dosage généralement recevable dans le poste.

Ce phénomène procède d’une incarnation corporelle du « dehors » : s’il y a disparition des corps, on donne à montrer les corps liés aux disparus (dans les terminaux E et F de Roissy, l’enregistrement des corps visibles, eux)3. Apparaissent ensuite dans le champ médiatique les corps de ceux qui auraient pu être des corps disparus (corps qui fonctionnent sur le mode d’un « nous n’avons pas pris cet avion, nous sommes des miraculés »)4. Les médias actualisent alors la volonté d’incarnation de l’événement invisible par la production de corps « à montrer »…5

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Carte météo de la NASA datant du 1er juin 2009 montrant la ZCIT (zone de convergence intertropicale) au niveau de l’Atlantique et de l’Équateur, entre l’Amérique du Sud et l’Afrique. Les zones rouges correspondent aux perturbations les plus fortes.

Ce n’est que tardivement que l’on assiste à l’apparition dans le champ médiatique de ce que l’on appelle la « Zone de convergence intertropicale » (ZCIT), autrement appelée « Pot au noir » (via la publication en soirée d’un bulletin de Météo France ). Si le « Pot au noir » a été mentionné il y a 80 ans par Saint-Exupéry au sujet du crash de Mermoz dans cette zone dans Terres des hommes, il n’apparaît que tardivement dans le discours explicatif de l’accident. En d’autres termes, il s’agit d’une zone de hautes turbulences connue.

Le phénomène de sélection, de hiérarchisation et de simplification des facteurs explicatifs par les acteurs économiques (Air France via son directeur de la communication)6 et politiques (ministres français) participent de ce que l’on pourrait appeler d’un discours de l’« à-côté ».


De l’avantage du contingent dans le monde, et sa fabrication

L’apparition de la « foudre  » dans le discours inaugural de l’événement, participe de ce discours de l’« à-côté ». « A-côté », car la foudre ne peut expliquer en tant que cause unique la « disparition  » (terme utilisé à cette phase) de l’avion. La carlingue d’un avion constituant une cage de Faraday7, le discours des acteurs économiques et politiques est scientifiquement inexact et c’est précisément le choix de réponses « à-côté » qui permet de saisir beaucoup plus clairement le « centre ». Le choix de voies de contournement dans les explications publiques participe d’une stratégie d’occultation du « centre ». En d’autres termes, bien que ces voies aient été démenties ou du moins précisées par des « experts en aéronautique  »8, elles nous en apprennent finalement beaucoup sur les stratégies d’évitement mises en œuvre par les principaux intéressés.

Les discours d’Air France et des politiques sont intéressants car ils convoquent tout deux un « extérieur » respectivement météorologique ou conspirationniste, en d’autres termes, ce « quelque chose » qui ne dépendrait pas d’eux : d’un côté la foudre, de l’autre le terrorisme (ce qui nous « frappe » de façon imprévisible et contingente) : l’imprévisible et le contingent comme mode d’explication d’une prise de risque calculée. La foudre a ceci de pratique qu’elle apparaît à peu près partout sur la planète, à la différence par définition des Zones de Convergence Intertropicale (ZCIT), là où se produisent généralement les perturbations météorologiques les plus importantes. Si l’avion a été « foudroyé  » selon le directeur de la communication d’Air France, il a été « frappé  » par une action terroriste selon le ministère des Armées : le 1er juin Dominique Bussereau, secrétaire d’Etat aux transports, se montre relativement circonspect à ce sujet ; le 2, le ministre de la Défense Hervé Morin fait alors son apparition par un discours explicatif en avançant de façon beaucoup moins nuancée la « piste terroriste  ». Selon une dépêche reprise sur le site de LCI, citant les propos du ministre de la Défense :

« Toutes les hypothèses doivent être examinées. »
« On n’a pas le droit d’exclure par définition l’acte terroriste, puisque le terrorisme c’est la menace principale pour l’ensemble des démocraties occidentales. »

Ni Jean-Louis Borloo, ministre de l’Écologie, ni Dominique Bussereau n’ont avancé cette hypothèse. Mais ce qui importe surtout ici, au-delà de la captation de l’audimat et de la concurrence discursive interministérielle, c’est l’instrumentalisation qui est faite de cet événement aérien. Même s’il n’y croit pas lui-même, le ministre de la Défense réaffirme à cette occasion ce qui serait la « menace principale » pour « l’ensemble des démocraties occidentales ». Le primat du profit sur l’intérêt général n’est peut-être alors qu’un tout petit danger face au Grand Autre que constitue le terrorisme aérien supposé.

Au-delà de la capacité du directeur de la communication d’Air France d’associer la foudre à la dégringolade d’un aéronef quelque part au-dessus de l’Atlantique et l’instrumentalisation de la dégringolade à des fins sécuritaires, ce qui apparaît clairement c’est l’évacuation des dimensions économiques et politiques de l’accident dans les discours officiels et le traitement médiatique qui ont suivi9.

La question de la détermination des routes aériennes a été évacuée par les détenteurs du discours de l’ « à-côté » (acteurs politiques, économiques et médiatiques). En effet, si la zone de survol est connue pour sa dangerosité objective (la ZCIT dans le cas présent), pourquoi y laisser s’engouffrer des coucous ?


De la « sécurité » dans le transport aérien : marge de déroutement et marges tout court

Quand on regarde d’un peu plus près les structures qui jouent un rôle direct ou indirect dans la détermination des routes aériennes empruntées par les vols dits commerciaux (le parcours d’un avion via des couloirs aériens), on est en présence de quatre acteurs principaux : les instances nationales ou transnationales qui édictent les normes en matière de sécurité aérienne (la FAA aux Etats-Unis et la JAA en Europe10), les compagnies aériennes (Air France par exemple), les avionneurs (par exemple Airbus ou Boeing) et les fabricants de moteurs11.

Les routes aériennes ne sont pas déterminées par la FAA ou la JAA. Les deux instances régissent les normes de sécurité aérienne, en fonction desquelles les compagnies déterminent le parcours que leurs aéronefs emprunteront pour rejoindre deux points donnés. La FAA et la JAA sont donc des instances de détermination indirecte des routes aériennes. La principale règle en matière de transport aérien porte le doux nom d’ETOPS12. Ce règlement s’applique plus particulièrement aux bi-réacteurs (l’Airbus 330-200 par exemple) et détermine la durée maximale qui peut séparer en cas d’urgence un avion en vol d’un aéroport. Par exemple, un avion qui obtient auprès de la FAA ou de la JAA une certification « ETOPS 180 » peut se trouver à trois heures maximum (soit 180 minutes) d’une piste d’atterrissage – dit aussi « durée de détournement  ».

Tout l’intérêt des compagnies réside, lors de l’achat d’un appareil auprès d’un avionneur (Airbus ou Boeing par exemple), dans l’achat de moteurs capables, lors de la certification auprès de la FAA ou de la JAA (pour des compagnies basées respectivement aux États-Unis ou en Europe), de lui assurer une valeur ETOPS maximale (207 en l’occurrence, cf. infra)13. En d’autres termes, pour réaliser un vol long-courrier Rio-Paris, il s’agit pour les compagnies aériennes de tracer la ligne la plus directe entre les deux points, soit la « route aérienne » via certains couloirs, quitte à passer par des zones de turbulences actives (et connues) pour minimiser les coûts énergétiques (le kérosène en l’occurrence).

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Le monde selon ETOPS 180 (les zones en bleu clair correspondent à un ETOPS 120, le bleu plus soutenu à un ETOPS 180, le bleu foncé à la zone d’exclusion)14.
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Les principales routes aériennes15.

La détermination des critères ETOPS est donc éminemment stratégique, pour tracer le chemin le plus droit entre le point de départ de l’avion et son point de destination, et abaisser accessoirement les coûts liés à la consommation de carburant.

« Les compagnies ont tout intérêt à acheter des avions qui leur garantiront la meilleure certification ETOPS possible. Elles doivent tracer la route la plus droite, explique un ingénieur aéronautique, interrogé sur le sujet. Dans le cas du ‘Pot au noir’, pour l’éviter, il faudrait que les compagnies fassent un détour minimum de 400 kilomètres. Elles veulent faire des économies, clairement. »

Les liens qui unissent motoristes, avionneurs, compagnies aériennes et instances nationales (FAA) ou transnationales (JAA) s’incarnent joliment, notamment dans ces petites histoires :

 × En 1988, alors que la valeur de l’ETOPS maximal était fixée à 120 (soit une « durée de déroutement » maximale de 2 heures), la FAA accorde aux compagnies aériennes un ETOPS 180, ce qui leur permet de fait de disposer d’un espace aérien équivalent à 95 % de la surface du globe16. En d’autres termes, cette augmentation de la valeur ETOPS permet une massification des vols (plus d’espace disponible, plus de couloirs aériens, plus de vols, on connaît la suite…). La JAA adopte cette extension peu de temps après.

 × Dès son entrée en service, un avion obtient une certification ETOPS 120. Pour voir sa valeur ETOPS augmentée à 180 (donc pour pouvoir effectuer des trajets plus directs et mettre un peu plus de pétrole dans la lampe), l’avion ne doit pas avoir connu de problèmes techniques pendant sa première année de mise en service. Sauf que, selon la page anglophone de Wikipédia consacrée à l’ETOPS, «  Boeing a convaincu la FAA qu’il pouvait livrer un appareil disposant d’une valeur ETOPS 180 dès sa mise en service. Ce procédé est qualifié de ETOPS avancé. Ainsi, le Boeing 777 a été le premier avion à entrer en service avec un ETOPS 180. La JAA a cependant désapprouvé cette certification et a accordé une certification européenne ETOPS 120 lors de l’entrée en service de l’appareil. »17

 × Toujours au sujet du Boeing 777 : « Quelques ajustements récents ont ouvert les routes (…) ETOPS 207 sur le Pacifique Nord (en cas de fermeture des aéroports des Aléoutiennes), en grande partie sous la pression de Boeing pour assurer le succès de son B777 sur le Pacifique. Le JAA n’a pas approuvé cette extension. »18


« Business effectiveness », dit-elle : orientation au Nord des politiques de transport aérien

La question de la détermination des routes aériennes (via la réglementation ETOPS) permet de reconsidérer plus précisément le rôle des compagnies aériennes : les bénéfices qu’elles peuvent tirer de leurs activités dépendent d’un côté de l’industrie (qui leur fournit des moteurs performants, en vue de la certification ETOPS) et de l’autre des instances régulatrices. Instances qui sont des émanations directes des États (détenant eux-mêmes une partie du capital des compagnies aériennes, voire des constructeurs)19 :

« Les autorités européennes de l’aviation sont une émanation de la Conférence Européenne de l’Aviation Civile (CEAC), qui représente les autorités régissant l’aviation civile des pays européens qui ont choisi de coopérer en vue du développement et de l’application de normes et de procédures de régulation communes en matière de sécurité. Cette coopération est destinée à mettre en place au niveau européen des normes de sécurité maximale et un ’terrain de jeu’ de qualité (sic…) et compétitif. Les efforts de la JAA se portent également sur l’harmonisation de ses règles avec celles des Etats-Unis. »

(…)

« Efficacité économique : réaliser un système de normes de sécurité rentables afin de contribuer à l’efficacité économique de l’industrie de l’aviation civile.  »20

Il ne s’agit ici nullement de documents circulant « en interne » mais de la page web de présentation de la JAA, instance traitant de sécurité aérienne en Europe.

Si ces quelques lignes précisant l’essence de la mission dévolue à la JAA laissent rêveur, il reste qu’elles permettent d’établir le lien qui unit la fonction de régulation à celle de la production de masse (carlingues et voyages).

« Le 18 mars 2008, la FAA a ordonné à ses inspecteurs d’apporter la confirmation que les compagnies étaient en conformité avec les règlements fédéraux, suite aux révélations selon lesquelles Southwest Airlines exploitait une douzaine d’appareils sans avoir effectué l’intégralité des contrôles réglementaires.

De nombreux experts de la FAA ont émis des critiques au sujet de ce qu’ils considèrent comme étant un des problèmes fondamentaux de la FAA en matière de contrôle des compagnies et des pilotes, à savoir la conception selon laquelle, aux dires mêmes de la FAA, les compagnies et les pilotes seraient des clients. Joseph Gutheinz, (…) qui occupa le poste d’agent spécial au département des transports auprès de l’inspecteur général et à la FAA, est un l’un de ceux qui critique le plus ouvertement la FAA. Au lieu d’applaudir la décision de la FAA d’infliger une amende de 10,2 millions de dollars à Southwest Airlines pour la non-exécution de contrôles obligatoires lors de l’année 2008, voici ce qu’il raconte dans une histoire relatée par Associated Press : « Les pénalités à l’encontre des compagnies qui enfreignent les règlements de la FAA devraient être plus sévères. A 25 000 dollars le délit (les 10,2 millions de dollars étant un chiffre cumulé) (…), les compagnies préfèrent tenter le diable et courir le risque de se faire prendre. » Gutheinz rajoute que la FAA est « trop prompte à céder aux pressions exercées par les compagnies et les pilotes ». »21

A travers la FAA et la JAA, on peut lire l’histoire des relations confraternelles unissant industries et politiques publiques. Keep the customer satisfied…

« La mission des autorités de l’aviation civile a commencé en 1970 (…). Initialement, elle avait pour unique objectif de produire des codes de certification communs pour les gros-porteurs et les moteurs. Ceci dans le but de répondre aux besoins de l’industrie européenne particulièrement en matière de produits manufacturés issus des consortiums internationaux (par ex : Airbus). »22

En d’autres termes, il fallait vendre des Airbus et les exporter. Il a fallu ensuite leur permettre de se déplacer dans les airs, ce qui signifie densifier les voies aériennes.

Les compagnies américaines ont dû attendre l’arrivée de Jimmy Carter pour se voir accorder quelque chose de totalement inédit jusqu’alors : la détermination par leurs soins des routes aériennes.

« Dans un premier temps, le gouvernement de Jimmy Carter vote une loi le 9 novembre 1977 pour la libéralisation du trafic intérieur de fret. Près d’un an après, c’est l’Airline Deregulation Act qui est signé le 24 octobre 1978. C’est la libéralisation totale du transport aérien, du moins aux États-Unis dans un premier temps. Chaque compagnie se voit attribuer la liberté de choisir sa route, de définir ses tarifs et ses horaires. »

(…)

« En 1980, les Etats-Unis accentuent la déréglementation en imposant l’International Air Transportation Competition Act au niveau mondial. C’est en fait la politique de « ciel ouvert » (open sky) que refusera d’adopter la France pendant de nombreuses années, car elle trouvait que ces accords étaient beaucoup plus avantageux pour les compagnies américaines que pour les compagnies européennes. Les principales conséquences de la déréglementation aux États-Unis fut d’abord la suppression des lignes les moins fréquentées (plus de suppressions de lignes que de créations) et les moins rentables, et l’entrée en concurrence sur les lignes les plus fréquentées. Les tarifs ont alors diminué sur ces lignes puisque que les compagnies entraient en guerre tarifaire, alors qu’ils augmentaient sur les lignes peu rentables. Puis de nouvelles compagnies à faible coût et à rentabilité non négligeable sont apparues sur le marché avec, entre autres, la compagnie Southwest23, à l’origine du phénomène des compagnies « low cost ».  »24

Si les États-Unis de Jimmy Carter ont été le champ d’expérimentation de la déréglementation dans le transport aérien, ils ont été suivis dix ans après par l’Europe qui a également mis en place la politique dite de « l’open sky »  :

« Après la déréglementation américaine de 1978 et la libéralisation européenne de 1992, l’accord dit « ciel ouvert » parachève la déréglementation du transport aérien dans l’Atlantique Nord. Signé lors du Sommet Union européenne - États-Unis du 30 avril 2007, il entre en vigueur le 30 mars 2008.
Il prévoit une ouverture totale des liaisons transatlantiques aux compagnies aériennes européennes et américaines : dès son entrée en vigueur, toutes les villes américaines pourront être desservies par les compagnies européennes, et les aéroports des 27 États membres de l’Union européenne par les compagnies américaines. « Cet accord ouvre une période de libéralisation sans précédent dans un domaine qui couvre 60 % du trafic de l’aviation civile dans le monde », a déclaré la secrétaire d’État des États-Unis, Condoleezza Rice. Selon le commissaire européen aux transports, Jacques Barrot, l’accord représenterait, en termes économiques, des bénéfices de 12 milliards d’euros et la création de 80 000 emplois. »25

Il serait intéressant de savoir lequel des deux objectifs a été le plus rapidement atteint. S’agissant précisément de la notion de calcul, et également des passerelles existant entre les politiques et l’industrie, les États-Unis et l’Europe constituent en la matière un «  terrain de jeu de qualité et compétitif  » : Frits Bolkestein, l’auteur de la célèbre directive, finalement retoquée et adoptée en 2006 par le Conseil de l’Union Européenne, a pris un vol direct à destination du conseil d’administration du groupe Air France-KLM26. De l’autre côté de l’Atlantique Nord, Marion C. Blakey, l’administratrice de la FAA entre 2002 et 2007, a été nommée la même année à la tête de l’Association de l’Industrie Aéronautique (Aerospace Industries Association en anglais), groupe de pression constitué des avionneurs (civils et militaires) et des compagnies aériennes27.

Nul doute que Marion C. Blakey a brûlé les dossiers de son précédent « open space » avant de partir.

« Nous espérons que vous avez joui de l’envolée.  »28


1 Chronologie de l’accident empruntée au site Rue89.

2 A ce sujet, le site web d’Europe 1 cale le 1er juin entre les explications techniques supposées et la nationalité des passagers des démentis ou des confirmations de la présence à bord de VIP de la finance, de l’industrie ou de la royauté déchue : « 15 h 30 : On certifie qu’il n’y a aucun dirigeant de la BNP Paribas qui se trouvait dans l’avion disparu », a déclaré une porte-parole de la banque dont l’action était en baisse à la bourse suite à des rumeurs.

« 17 h 52 (heure de Paris) : trois responsables de Michelin étaient à bord de l’avion, selon une porte-parole de l’entreprise.  »

« 18 h 23 : le président de la filiale au Brésil du sidérurgiste allemand ThyssenKrupp était à bord du Rio-Paris, indique un membre de l’entreprise à Reuters.  »

« 22 h 08 Un héritier du trône impérial brésilien, Pierre-Louis d’Orléans-Bragance, figure parmi les passagers du vol d’Air France, qui a disparu au dessus de l’Atlantique.  »

Notons que le traitement médiatique du statut des passagers, s’il a été abordé initialement sur le mode du dévoilement des statuts jugés dignes d’intérêt, s’est orienté ensuite vers le populeux via l’histoire de petites gens parties s’encanailler au Brésil (les commerciaux méritants ayant gagné un voyage dans l’hémisphère sud, notamment).

3 La ’Une’ du Parisien du 3 juin est à ce titre digne d’intérêt : on peut y voir les photos de quelques disparus, leur visage, on peut s’y projeter. Les enregistrements des corps des familles - visibles - liés aux corps des disparus dans les aéroports de Paris et Rio étant accompagnés des commentaires de journalistes appelant de façon concomitante à la « pudeur  » et au « respect des familles ».

4 Voir au sujet des « miraculés  » les articles foisonnants - que je ne référencerai pas ici - relatifs à l’histoire d’un couple de Français à Rio n’ayant pas embarqué à bord du vol AF 447.

5 Voir à ce sujet les travaux de la philosophe américaine Judith Butler, notamment Precarious life : The powers of mourning and violence (2004), et Frames of war : when is life grievable ? (2009).

6 La compagnie aérienne Air France appartient au groupe Air-France KLM, qui est le « 1er groupe mondial en termes de chiffre d’affaires  », selon Wikipedia.

7 Cage de Faraday : « Enceinte utilisée pour protéger des nuisances électriques et subsidiairement électromagnétiques extérieures ou inversement empêcher un appareillage de polluer son environnement.  », résume Wikipedia.

8 Pour écouter Pierre Sparaco interviewé par Le Monde, ICI.

J’ajoute qu’en matière de discours de l’« à-côté », la question de la « panne électrique  » qui a succédé à «  la foudre  » a été traitée par les médias de façon fort approximative. En effet, par «  panne électrique  » dans un avion, on entend plus précisément la perturbation des systèmes électriques et électroniques. Par exemple, l’action du champ électromagnétique (question d’ailleurs absente dans les médias) dans la ZCIT peut entraîner l’arrêt des boîtiers de contrôle des moteurs, dits EEC (de l’anglais : electronic engine control), qui peuvent être comparés au « cerveau » de l’appareil.

9 Il s’agit bien ici de la question de la place de l’économie dans les discours. Les bourses ont quant à elles bien répercuté les « conséquences » de l’accident. Voir à ce proposl’article entre ciel et terre de JBB.

10 La FAA, Federal aviation administration, « est une agence gouvernementale chargée des réglementations et des contrôles concernant l’aviation civile aux Etats-Unis. Elle dépend du Département des Transports des Etats-Unis (United States Department of Transportation)  », selon Wikipedia.Quant à la JAA, Joint aviation authorities, c’est une association d’organisations européennes de réglementation aéronautique.

11 Pour être plus précis, l’achat des moteurs, qui constituent les pièces les plus chères d’un avion, s’effectue via les motoristes, les quatre principaux étant : General Electric. (Aircraft Engines) (US), Rolls-Royce plc (GB) et Pratt & Whitney (US) et la SNECMA (France). Ces quatre motoristes fournissent également l’industrie militaire.

12 L’ETOPS, Extended-range Twin-engine Operation Performance Standards, est « un règlement de l’OACI (Organisation de l’aviation civile internationale) permettant aux avions commerciaux équipés de deux moteurs d’utiliser des routes aériennes comportant des secteurs à plus d’une heure d’un aéroport de secours donc, en particulier, les parcours océaniques », toujours selon Wikipédia.

13 Pour les « nerds » façon Mermoz, voici la chronologie fort intéressante des extensions ETOPS, ICI (en anglais).

14 Source, ICI.

15 Source, ICI.

16 Source, ICI.

17 Traduction par mes soins.

18 Extrait de la page francophone Wikipedia consacrée aux ETOPS, passage mis en gras à mon initiative.

19 À propos de la participation des États dans le capital des compagnies aériennes : la France détenait au 31 mars 2009 15,7 % des parts du groupe Air France-KLM, et selon mes calculs environ 11,5 % du capital d’EADS (dont dépend Airbus). La France siège dans le même temps à la JAA. Voir ICI et .

20 Traduction que j’ai effectuée à partir du site anglophone de la JAA. Voir ICI pour m’envoyer éventuellement un Collin’s dans la face.

21 Traduction que j’ai effectuée à partir de la version anglophone de l’article FAA sur le site Wikipédia. L’envoi d’un dictionnaire est toujours le bienvenu.

22 Traduction effectuée à partir dusite anglophone de la JAA.

23 Compagnie Southwest qui, comme on l’a vu plus haut, réalise joyeusement l’équation sécurité/rentabilité.

24 Source, ICI.

25 Source, La Documentation française.

26 Source, ICI.

27 Pour consulter le parcours de la dame, voir cet article très intéressant du Washington Post.

28 Phrase-type, plus délicieuse qu’un plateau-repas dans les airs, servie généralement au sol par les hôtesses d’Air Canada.


COMMENTAIRES

 


  • samedi 6 juin 2009 à 16h37, par wuwei

    Chapeau, article très chiadé !

    « Ni Jean-Louis Borloo, ministre de l’Écologie, ni Dominique Bussereau n’ont avancé cette hypothèse. »

    Qu’a dit Fadéla Amara ?

    • dimanche 7 juin 2009 à 21h44, par Antimollusques

      Merci !

      (Une dépêche Reuters nous apprend que Fadela Amara ne fera aucune déclaration tant que son planeur n’aura pas touché terre.)



  • samedi 6 juin 2009 à 22h25, par l’amicale du plateau-repas

    Merci pour cet article instructif et brillant !

    • dimanche 7 juin 2009 à 21h48, par Antimollusques

      Merci beaucoup. Pour la peine, nous ne vous ferons pas l’affront de vous confronter à la douloureuse question du « beef or chicken ? » lors de votre prochaine envolée. Une coupe dans le cockpit pour l’Amicale !



  • samedi 6 juin 2009 à 22h26, par pièce détachée

    Il n’y a pas de « plus-belle-langue-du-monde » (c’est absurde), mais le québécois fait de bien jolies tourloupettes avec les traductions littérales (déjantées, forcément) :

    « Nous espérons que vous avez joui de l’envolée. »

    Les spécialistes, je ne sais pas, mais le bel ouvrage de ce billet — conception, choix des matériaux, technique, bâti, humour minimaliste, suspense, rigueur glacée (fait pas chaud là-haut, dites-donc) — a ravi jusqu’au ravissement les membres du Club des Mermozets & Nerds Associés.

    Pour le Collins dans ta face, Mermozette vérifiera, quand l’heure viendra d’affronter les monstres en V.O. (tout le monde n’a pas la sainte acharnerie round-the-clock d’Antimollusques ou d’emcee).

    La vigie signale une promo en vue : produits de la mer sauvage, provenance Atlantique. Tout ce qui est dans ce billet, on va pouvoir le manger. Miam !

    Cerise sur la terre des hommes : « Je suis d’autant mieux persuadé de l’excellence de mes calculs et de son insubmersibilité, que, selon mon habitude invariable, nous ne naviguerons point sur l’eau, mais sur la terre ferme. » — Alfred Jarry, Faustroll, VI (via J. Dars et l’histoire de la marine chinoise).

    • dimanche 7 juin 2009 à 22h02, par Antimollusques

      Oui, les cousins du blizzard ont un sens de la formule particulièrement heureux, ce qui a le grand mérite de m’amuser en tabarnark’.

      Sur le même mode, l’Association « Emancipation et bi-valves » se réjouit de l’intérêt joliment porté à ses activités par le bien-nommé Club des Mermozets et Nerds associés.

      Merci pour la cerise, elle a été dégustée avec grand plaisir.



  • samedi 6 juin 2009 à 22h45, par Solveig

    Article très intéressant

    Je voudrais ajouter que le chemin le plus court entre 2 points du globe n’est pas toujours la ligne droite qu’on voit sur un planisphère.
    Sur un planisphère, la route la plus courte est tracée avec un cap fixe. On appelle ça la route loxodromique ou loxodromie.

    La terre étant une sphère, la route la plus courte pour aller d’un point A à un point B forme un arc de cercle, du diamètre de la terre (encore appelé ’arc de grand cercle’).
    En ce cas, la plus courte est appelée route orthodromique ou orthodromie.

    Pour visualiser un peu mieux, il faut prendre un globe terrestre et tendre un fil entre deux points (Los Angelès - Paris par exemple) pour avoir la représentation de cette route orthodromique.
    La route la plus courte passe ... par la Scandinavie.

    Distance Loxo=9 833,68 km
    Distance Ortho= 8 834,97 km

    • samedi 6 juin 2009 à 22h52, par Solveig

      Merdoum me suis gourrée avec mes projections de bouts de ficelle : la route la plus courte passe par le Pôle.

      • dimanche 7 juin 2009 à 03h04, par pièce détachée

        Loxodromie : « courbe suivie par un navire lorsqu’il coupe les méridiens sous un même angle. » Orthodromie : « Route d’un navire, d’un avion qui suit la voie la plus directe sur le globe terrestre, c’est-à-dire un grand arc de cercle. » (loxos, « oblique », orthos, « droit », dromos, « course »). — Le Grand Robert en papier, s.v.

        Merci Solveig pour les mots-et-merveilles inconnus, qui vont droitement dans le cercle et obliquement sous le même angle (décidément, le Club des Mermozettes ne s’arrange pas). Allons faire des rêves courbes avec des ficelles plein les poches.

    • dimanche 7 juin 2009 à 22h09, par Antimollusques

      Très juste, je m’incline et m’en vais de ce pas reconsidérer mon globe en plastique lumineux...

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