ARTICLE11
 
 

mardi 6 avril 2010

Le Cri du Gonze

posté à 23h59, par Lémi
25 commentaires

Ben aux ordures
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Il est partout, orne les agendas de tes marmots et tes bouteilles de Beaujolais, les parapluies de ta mère et les t-shirts de ton père, s’invite dans ton quotidien vespéral, dans tes lectures sur le web et même dans TGV Mag. C’est censé être un artiste reconnu, aussi provocateur que malin, un peu rebelle, un peu Warhol, un peu Dada. Il ne crée pas, il vend. Du vide. D’où son succès.

Que je t’explique. Je n’ai jamais eu l’intention de te parler de Ben1. Pas l’envie ni la patience de me coltiner une attaque en règle, d’autres chats à fouetter. Et puis, le simple fait de prononcer ou d’écrire son nom suffit à me flanquer des boutons, alors lui consacrer un billet… Catégorique que j’étais, la hache de guerre resterait enterrée là où elle était : sous des tombereaux d’indifférence goguenarde.

Las, Ben, sous-sous-Warhol sauce côte d’Azur, fait partie de cette race d’artistes égotiques incapables de supporter qu’on ne s’intéresse pas à eux, préférant un regard méprisant à l’indifférence. Il a donc tout fait pour me harceler, me pousser dans mes retranchements, jusqu’à ce que je finisse par céder, piteusement.

Sa campagne Envahir Lémi ne date pas d’hier. Dès mon premier souffle, ou quasi, il s’est acharné sur moi. Ma mère achetait-elle un parapluie qu’il était siglé de son nom. Mon père se payait-il un t-shirt qu’il l’avait paraphé d’une phrase aussi plate que supposée géniale (car, évidemment, Ben est de ceux qui croient, à l’instar de Kurt Schwitters2, que «  tout ce que l’artiste crache, c’est de l’art »). Tentais-je de noyer mon exaspération dans l’alcool qu’il me devançait, défigurant mon saint Beaujolais de sa patte soûlante3. Partout, qu’il était. Désespéré, j’ai fini par fuir ce tropisme atterrant, quittant mes montagnes natales et basculant dans l’enfer urbain pour échapper à ses tentacules. Peine perdue : le jour même de mon installation parisienne, je découvrais, à deux pas de chez moi, son installation géante rue de Belleville. Apoplexie4.

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Pourtant, on aurait pu en rester là. Je faisais contre mauvaise fortune bon cœur, c’est tout. Quand il se matérialisait, je fermais les yeux ou me détournais. Si bien qu’au fil du temps, ma benophobie semblait presque en passe de se stabiliser. Jusqu’à ces derniers jours. Car oui, j’ai fait une rechute, il y a deux semaines. La faute à cette grande rétrospective lyonnaise consacrée à son œuvre, lancée il y a deux semaines. Depuis, les médias ne cessent de s’arracher Ben, de le consacrer ultime artiste rebelle et avant-gardeur de la mort. Impossible de lui échapper. Dans le train, dans les bistrots, sur le net, à la radio, dans les rues de Lyon, dans tous les canards de France et de Navarre, il squatte l’espace avec une ténacité de tique. Des exemples ? Pfff, j’en ai plein les bottes :

TGV Mag.5 Un entretien qui passera probablement à la postérité comme le plus vain et stupide de l’histoire de l’art6, condensé d’égotisme ronflant. Ben y déclare : « Oui je suis un avant-gardiste. Je suis pour le changement, le nouveau et l’apport.  » L’air de rien, il fustige au passage la nouvelle garde accusée de faire dans le gadget (on croit rêver) : « Je leur reproche de ne pas se poser de questions fondamentales. Ils sont dans l’astuce, le gadget.  » Et plus loin, le cuistre fait mine de s’interroger : « Et si je suis trop populaire, ne vais-je pas devenir gênant pour le pouvoir ? »

Ne vais-je pas devenir gênant pour le pouvoir ? On se pince.

Rue 89. Dans un entretien qui fera date, Ben nous raconte – c’est passionnant – ses petits marchandages mesquins en vue d’accroitre sa collection de peintures : « Il me dit mille euros, je dis c’est trop cher, cinq cent euros, trois cent euros, deux cent euros, ça va.  ». Et plus loin, fier comme un épicier maître de son poulailler, il enfonce le clou de l’insignifiance : « J’ai été le premier à acheter un Cristo.  » Wouhou. Il conclut l’entretien en distillant quelques pincées de crise de conscience factice (sa marque de fabrique) : « Même quand je dis merde à l’art, c’est de l’ego.  » Cinq minutes de déblatérage débile duquel on ne tirera qu’une seule info valable : Ben s’est comporté comme un mufle avec la veuve d’Yves Klein. À noter également qu’il joue au suicidaire comme d’autres au poker, bluff en bandoulière.

France Soir. « Je suis un cocktail, un peu Duchamp, un peu dada, un peu marketing7 », déclare le malfaisant, s’accaparant sans vergogne des artistes aux antipodes de sa démarche et de ses putasseries marketing. Plus loin, il feint la non-lucrativité quand on lui demande si sa démarche est rentable : « Je ne gagne pas d’argent avec ça. Je ne suis pas une entreprise, j’ai juste ma femme qui ne comprend rien aux affaires et donne tout gratuitement.  » Ah, dans ce cas…

On pourrait dévider ce fil pendant des heures, l’offre est pléthorique. Mais l’effet comique s’estompant rapidement pour laisser place à la déprime, je te fais grâce du reste de ses vomis médiatiques (Paris-Match, Libé, Le Figaro, L’Union, que du gros...). Exit la revue de presse, donc, et plongée dans le cambouis.

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Client médiatique parfait, Ben sait se mettre en scène, en rajouter dans l’outrance. Expert du cabotinage, il dose la rebelle attitude de manière à ne déranger personne tout en donnant l’illusion de la profondeur subversive. D’où l’invraisemblable déluge d’articles vides consacrés à son exposition. Tous ressassent la même chose, retracent à l’identique une biographie ânonnée jusqu’à l’indigestion (oui, Ben Vautier a fait partie de Fluxus il y a quarante ans, et était un pote de John Cage ainsi que d’Yves Klein ; mais depuis ?).

Digne fils de Warhol (même si beaucoup moins percutant), Ben a compris que, pour durer, il devait se glisser dans le Spectacle et se façonner un personnage médiatique, coquille en strass. Une fois son costume d’amuseur provocateur endossé, les médias viennent d’eux-même recueillir sa sainte parole illuminée, sans jamais l’interroger. Ici, impossible de ne pas citer Debord et La Société du spectacle, tant l’invasion publicitaire associée aux œuvres de Ben illustre à la perfection ses théories : « La culture, devenue intégralement marchandise, doit aussi devenir la marchandise vedette de la société spectaculaire. » Parangon ultime de cette dérive de la culture, le peintre niçois s’est dépouillé de toute personnalité artistique pour s’incarner dans une œuvre intégralement marchandise, une signature ne signant plus rien. Une démarche revendiquée : «  Je cherche systématiquement à signer tout ce qui ne l’a pas été. Je crois que l’art est dans l’intention et qu’il suffit de signer. Je signe donc : les trous, les boîtes mystères, les coups de pied, Dieu, les poules, etc. Je vais être très jaloux de Manzoni qui signe la merde8 . »

Si Ben est parvenu à ce stade de reconnaissance médiatique, c’est également parce qu’il a été adoubé par un milieu de l’art contemporain qui clapote dans la redite depuis belle lurette. Buren, Jeff Koons, Damien Hirst etc., autant d’artistes labellisés pompes à fric et ancrés dans une démarche purement commerciale, institutionnelle, antithèse de toute idée d’avant-garde. Jean-Philippe Domecq explique brillamment, dans le très conseillé Artistes sans art9, à quel point nous traversons « une crise narcissique unique de notre histoire culturelle ». Laquelle se traduit par « la lapidation méthodique de tout le legs culturel au détriment de l’invention, de la créativité et de l’humour, au détriment de l’œuvre ». Un milieu de l’art fossilisé et vautré sur son tas d’or sauce Picsou/Pinault10, dont Ben serait évidemment l’archétype, baudruche médiatique ne vendant plus de l’art, mais une simple posture d’artiste.
Et Domecq de s’interroger : « Qu’est-ce qui a pu porter tant d’esprits, tant de décisionnaires, à tous les niveaux de l’institution, régionale, nationale, internationale, à mettre en avant les pièces d’art qui sont aujourd’hui les plus célèbres ? » Concernant celui qui, comme BHL, a su incarner l’imposture en trois petites lettres omniprésentes, la réponse est évidente : quelqu’un jouant si bien son rôle d’artiste spectaculaire inoffensif ne peut être qu’une aubaine pour les boursicoteurs/collectionneurs de l’art contemporain.

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On pourrait dire « je m’en fous ». Se concentrer sur ceux qui créent et délaisser ceux qui se vendent. Mais ce n’est pas si simple. D’abord, parce qu’il y a rapt culturel, profanation : quand Machin se réclame de Dada ou de Marcel Duchamp, il les ramène à son niveau, à une dimension purement consumériste et/ou spectaculaire de l’acte artistique. Le geste de Duchamp qui, en 1917, expose pour la première fois son urinoir (Fontaine, le tout premier ready-made), se trouve ainsi rabaissé à une simple provocation, une gentille boutade pensée pour faire sensation et l’ancrer dans l’histoire de l’art. Duchamp publicitaire, en quelque sorte. Même constat quand Ben se réclame de Dada, mouvement artistique le plus féroce du 20e siècle, qu’il ramène à un joyeux bordel insouciant, oubliant dans l’affaire la dimension radicalement politique des dadaïstes et la rébellion artistique viscérale que leurs démarches véhiculaient. Aussi choquant que Blink 182 se réclamant des Sex Pistols…

Duchamp s’écria un jour : « Je leur ai jeté le porte bouteille et l’urinoir à la tête comme une provocation et voilà qu’ils en admirent la beauté esthétique ! » Ben, s’il était honnête, rétorquerait :« Je leur sers la même soupe réchauffée depuis des décennies et voilà qu’ils en redemandent ! »

Il ne s’agit pas d’opposer à son approche des arguments bas du front type mon gamin pourrait le faire, ceux que les réactionnaires ont de tout temps opposé à ce qu’ils ne comprenaient pas, des monochromes de Malevitch ou Klein aux expérimentations de Duchamp. La question n’est pas là, ne se pose pas en ces termes. Je suis même prêt à reconnaître une certaine valeur aux premières démarches artistiques de Ben, période Fluxus11, convaincu qu’à une certaine période (lointaine), il s’impliquait honnêtement dans son art et le mettait au service de l’inventivité et de la création. Ça date. S’étant de lui-même exclu de la sphère artistique pour habiter la sphère marchande, Ben est désormais la caricature absolue de l’artiste vendu au spectacle, néfaste et vampirisant. Un tue-création. L’équivalent des frères Bogdanov pour la science. « La première déficience morale reste l’indulgence. Sous toutes ses formes  », disait Debord (oui, encore lui). Dans le cas de Ben, je ne peux qu’acquiescer : le pilori, je ne vois que ça (et interdiction de le signer !).



1 Précisons d’emblée qu’il ne s’agit pas de ce Ben là, même si son heure viendra aussi...

2 Illustre et digne, lui.

3

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4 Malcolm Lowry : « Et ce fut comme si un chien noir s’était installé sur son dos, le pressant sur sa chaise. »

5 Parfois, très rarement, prendre le TGV à du bon. Non pas que ce soit sympathique de voyager dans ces tubes aseptisés dégueulasses. Mais parce que ça te donne l’occasion de parcourir le jamais décevant TGV magazine, baromètre infaillible de la putasserie humaine.

6 À noter, l’impertinence d’un journaliste n’hésitant pas à poser les questions qui fâchent à celui qui ne cesse de répéter le même geste artistique depuis des décennie. « N’êtes-vous pas fatigué de courir après la nouveauté ?  », clapote-t-il ainsi à l’intention de Ben. J’en ris encore…

7 Ça fait au moins deux choses que je ne t’autorise pas à vampiriser.

8

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9

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10 Quiconque a déjà parcouru les allées de la FIAC, raout de l’art contemporain français, ne pourra qu’opiner.

11 Pour tout te dire, je garde un bon souvenir de la visite du musée qui lui est consacré à Nice, celui qui recense ses premières œuvres.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 7 avril 2010 à 09h02, par wuwei

    « L’équivalent des frères Bogdanov pour la science. »

    Putain je l’ai jamais vu mais ça fout les jetons !

    • jeudi 8 avril 2010 à 22h52, par Lémi

      En fait, c’est plus dans le fond que dans la forme que le parallèle fonctionne. Niveau menton de la mort et ganache freakienne, personne ne peut égaler les frères Bogda, personne de médiatisé en tout cas...



  • mercredi 7 avril 2010 à 10h32, par fred

    Singeons la signature du cuistre, détournons sa calligraphie en écrivant : Ben la den.

    Recyclons la merdre spectaculaire et retournons là à l’envoyeur.

    AmiE de lutte spécialiste de photoshop, à toi de jouer...

    • jeudi 8 avril 2010 à 22h54, par Lémi

      L’idée est bonne, le jeu de mot itou, mais je pense que la chose ne ferait que servir le cuistre en question. L’omniprésence, qu’elle soit positive ou négative, est son oxygène...



  • mercredi 7 avril 2010 à 11h11, par joshuadu34

    finalement, le seul avantage, avec ce type, est pour les commerçants de la côte d’azur qu’il paie par chèque... le chèque signé a bien plus de valeur (monétaire) que ce que le montant indique... Arf !!!

    Pas mal vont finir par se rendre compte de l’exactitude des propos de Debord... Et le spectacle marchand de ce qui nous est présenté comme « art » (musical, avec les Rockeux à deux balles, les Tokyo Machin et autres Zhonny ; cinématographique, avec les blocks busters sans idées, au scénario écrits de la même matière que celle laissée sur le papier hygiénique qui coule encore dans la cuvette des chiottes ; peintre, avec l’exemple que tu donnes ici ; romanesque, avec les auteurs qui vous pondent un roman par mois, roman de la même consistance que les scénarios cités avant...), axé sur le commerce, sur le rentable, sur le copyright important puisque seul caution du droit de se faire du fric avec tous les immondices tellement rabachés comme étant de l’art que, dans l’esprit de pas mal, ils en deviennent la seule expression acceptable, surtout quand cet « art »tarte n’est surtout pas, contrairement à ce qui était avant, dérangeant pour qui que ce soit, ne ressemble plus à cet art qui gène, qui plait, qui secoue, qui vous bouffe les yeux et la tête, qui fait naitre la réflexion où tout simplement le coup de coeur, non, il est banquable, il est rentable, mais plat !

    L’artiste doit bien vivre, voilà le cri du coeur de ces défenseurs hadopiens de tous poils... Tiens, quel artiste reconnu serait près à passer sa vie dans la misère d’un Van Gogh ?... L’artiste doit bien vivre, donc il se doit de produire en série, donc il se doit de vendre, donc il se doit de protéger son oeuvre en la copyrightant, mais il le fait sans rien apporter à l’art justement, en produisant un bien de consommation comme un autre, et, comme l’idée neuve ne fait pas vendre, en copiant allègrement, en faisant ce qu’il refuse qu’on fasse avec sa production, mais jamais il n’apporte rien...

    L’artiste est devenu producteur capitaliste au sens immonde du terme, il n’est plus en dehors du système, il se complait dedans, se roule dans la fange du néant en pillant, comme tout bon capitaliste, et devient industriel du beau... Est-ce encore de l’art ?

    Voir en ligne : http://nosotros.incontrolados.over-...

    • jeudi 8 avril 2010 à 23h04, par Lémi

      L’artiste est devenu producteur capitaliste : ce n’est pas forcément nouveau, mais c’est vrai que toutes les limites sont désormais explosées, gradation affolante. C’est que la grande broyeuse spectaculaire s’est aguerrie et n’aime désormais rien tant que récupérer la subversion, la polir et l’aciduler (en passant, un des maîtres absolus à ce niveau vient de passer l’arme à gauche, Malcolm McLaren) afin que tout le monde puisse la gober sans risque de sortir du troupeau.

      Pas mal vont finir par se rendre compte de l’exactitude des propos de Debord... : oui et non. Oui parce que Debord est désormais hype, recyclé à toutes les sauces. Non parce que c’est vu comme du folklore, une analyse pertinente mais utopique, hors de la réalité.



  • mercredi 7 avril 2010 à 11h32, par J. de L’E.

    C’est marrant pour le Beaujolais (fait-il ça depuis 2008 seulement ?)... parce que, pendant plusieurs années, Ben a collaboré avec un vin de Cases de Peine (66, vers Perpignan)... Je crois que cette « aventure » s’est terminée en 2007...

    J’ai encore une bouteille à côté de moi. C’était du syrah, non coupé héhé... autant dire un vulgaire vin de table qui te décolle les gencives, comme on en boit beaucoup dans les PO... Ca s’appelait le « Jaja de Jau ». Donc Ben faisait l’étiquette (« le Jaja de Jau » signé « Ben » héhé), ce qui avait l’avantage de revaloriser de quelques euros le prix de la bouteille...

    « Le jaja c’est le mot d’argot pour le vin de tous les jours, le vin plaisir, le vin de soif. Jau c’est un des plus beaux et prestigieux domaines méditerranéens. Ben est un artiste depuis longtemps associé à la fondation d’art contemporain du Château de Jau. » (sur l’étiquette arrière)

    Voir en ligne : http://www.lille43000.com

    • jeudi 8 avril 2010 à 23h06, par Lémi

      Un bon point pour Ben : semble pas vraiment cracher sur le litron sous sa forme la plus picratique... Beaujolais, vin de table qui te décolle les gencives, à quand la Villageoise ?



  • mercredi 7 avril 2010 à 13h41, par 8119

    dans le bus une maman a poussette vient s’installer à côté de moi. puis une deuxième, alors je me décalle poliment. Puis une troisième arrive, ce qui me fait rire. soudain la voix-off de la loi surgissante et Orwelienne retentit : « nous rappelons que ce bus ne peut accepter que 2 poussettes au maximum, nous prions aux autres de bien vouloir replier leur poussette ».
    Les maman discutent « ils sont fous, on voit bien qu’ils n’ont pas d’enfants ! »
     × 
    Coluche faisait les blagues sur les arabes. A cette époque le problème de racisme était presque en voie de disparition, mais depuis sa mort, je constate que l’absence de dérision laisse un espace à remplir dont les politiciens se saisissent férocement afin de justifier leur existence.
     × 
    Bin Ben c’est pareil à mon avis il se saisi d’un espace qui rivalise avec la tendance Orwelienne de notre société. Les gens ne savaient pas comment réagir à l’annonce du haut-parleur, elles ont résisté et elles ont eu raison. L’art autorise cette résistance, et Ben, que je ne connaissais pas en fait, a l’air de s’accaparer cet espace Orwellien pour le tourner en dérision et faire voir comment les mots peuvent auto-contenir leur propre double-sens... (en quelque sorte)
     × 
    après qu’il soit vendu aux business, c’est sûr que c’est un piège, cet espace veut se faire récupérer par la pensée unique, mais ça peut aussi être un piège pour elle.
     × 
    la pub déjà à la base, et les messages orwelliens, sont des agressions. l’art de Ben est aussi une agression, mais elle est volontaire et non nuisible, tandis que l’autre agression est involontaire et nuisible. Il s’approprie donc l’espace publicitaire et fait perdre de la valeur à son impact de sorte qu’il n’en reste plus que le côté agressif, quel que soit l’humour qu’ils se forceraient à créer, et ce, en faisant pareil qu’eux mais en s’appuyant sur une arrière pensée critique au lieu d’une sous-jacence qui consiste à conditionner les réflexes.

    Voir en ligne : http://w41k.info/38108

    • jeudi 8 avril 2010 à 23h16, par Lémi

      Anecdote intéressante (et glaçante...).
      Après, je ne te suis pas sur tout. L’art de Ben est aussi une agression, mais elle est volontaire et non nuisible : pour moi, elle est encore plus nuisible que la pub, cette agression. Parce qu’elle se cache derrière le masque de la subversion, de la poésie ou de l’art, elle mutile les dernières terres d’insoumission. Sa démarche trompe, feint la légèreté, alors qu’elle n’est que tromperie. Un publicitaire est facile à démasquer, à critiquer. Un publicitaire qui feint d’être un artiste est mille fois plus nuisible, c’est le meilleur des serviteurs de cet espace orwellien dont tu parles : le système a besoin de cautions de ce genre, il ne peut trouver meilleur propagandiste.



  • mercredi 7 avril 2010 à 13h47, par Isatis

    Ouaip, peut-être bien oui, certes.............. mais il n’a pas toujours été comme ça et il ouvrait à qui voulait son fabuleux et foutraque lieu de vie sur les hauteurs de Nice. Il faisait des gags irrésistibles à la FIAC de Nice et toutes le huiles et zartistes célèbres (enfin, plus sérieux question porte-feuille que lui) s’empressaient d’essayer de l’éviter avec des accents de terreur hilarants, il gagnait tojours, le bougre, à ridiculiser un diafoirus de l’art contemporain de passage.

    Les deux phrases en cliché dans l’article, soit :

    « l’essentiel est que je communique »
    et
    « regardez moi, cela suffit »

    Si je ne les prends pas comme étant son opinion, sa réflexion, suffit de mettre ces mots dans le bec de quelques foutriquets et au premier d’entre eux pour trouver une résonance différente à ce lettrisme.

    Reste que, sur le fond, cet article est bien juste mais pourquoi ne tomber que sur le rable de Ben, il est trop présent ? Ah ? Bah ! suffit de l’ignorer ; mais si, c’est possible en allant visiter des petites galeries par exemple.

    @Fred : pour ce qui est du contestable « Ben La Den », il l’a déjà fait lui-même, pas besoin de lui courir aux basques !

    • jeudi 8 avril 2010 à 23h23, par Lémi

      Oui, je sais bien, c’est d’ailleurs une des raisons de ma virulence : Ben est un esprit fécond et bordelique, un parfait terreau à yahou. Mais il a évolué d’une manière qui, à mon sens, interdit l’indulgence. D’avoir visité son musée niçois, je connais ce que le bonhomme peut avoir de lumineux. C’est encore pire. Je pardonne à l’imbécile où au limité quand il clapote dans la compromission, beaucoup moins à celui qui disposait d’un réel talent.

      pourquoi ne tomber que sur le rable de Ben ? Je te l’accorde, ils sont beaucoup à mériter pareil traitement (mais il reste quand même symbolique d’une certaine marchandisation néfaste). Et, promis, je m’y attelle dès que possible...



  • jeudi 8 avril 2010 à 14h58, par pièce détachée

    Pour moi, Ben, ça a été dans le sens Paris-province. Après avoir supporté pendant des années, à deux pas de chez moi aussi, son installation (dont le « message » était censé devoir être changé de temps en temps...) à l’angle des rues Julien-Lacroix et de Belleville, faisant des détours pour fuir les visiteurs des portes ouvertes d’ateliers d’artistes qui en profitaient pour mitrailler à l’appareil photo la chose et tout ce qui se trouvait dans le champ, me terrant au plus profond du Kebab de Mehmet, mon préféré situé en face, pour échapper à la vision..., après tout ça, que vois-je chaque mois à la foire de Trifouillouse ? Des messages de Ben partout, du slip au T-shirt pour bébé, des chaussettes au caleçon, du débardeur à l’étui pénien (pour le portable), du bob au sac de plage, partout, il est partout.

    Ça ne m’étonnerait pas d’apprendre qu’il prépare une garde-robe total look pour Barbie.

    @ J. de L’E. :

    Je me demande si l’étiquette arrière sur la bouteille de syrah n’a pas pour but d’apprendre à parler aux enfançons : a-jaja... a-jaujau... a-bébène...

    • jeudi 8 avril 2010 à 23h28, par Lémi

      En voilà une nouvelle : nous aurions fréquenté les mêmes pâturages topographiques ? (par contre, je crains que le Kebab de Mehmet, ton préféré, n’existe plus. J’ai trop confiance dans ton jugement pour penser que l’immonde gargotte à frites molles qui fait face à l’immondice benien soit tenu par ce fameux Mehmet.)

      Pour le reste, l’invasion Machin, je compatis évidemment. Et m’angoisse à fond les ballons : Si même Trifouillouse est envahie, comment espérer un jour échapper à l’invasion ?

      • jeudi 8 avril 2010 à 23h41, par pièce détachée

        Mehmet est parti il y a au moins six ans pour des contrées Ben-free...

        • vendredi 9 avril 2010 à 00h13, par Lémi

          Je ne voudrais pas tirer des conclusions trop rapides, mais : est-ce qu’il n’y aurait pas un lien direct entre les deux, Mehmet chassé par Ben car incapable de supporter cette invasion de son espace visuel ? Ce serait un nouveau méfait à verser au dossier Ben, et pas des moindres...



  • jeudi 8 avril 2010 à 15h28, par Gramsci

    Je ne peux qu’approuver à la démonstration de l’auteur. Un « artistouille » de plus.
    Sois dit en passant, article11 me procure toujours autant de plaisir à la lecture.

    Pour rajouter une pièce au dossier, plus politique celle-la. Celle d’une inconsistance, qui veut que le dénommé Ben discute tranquilou avec les identitaires de chez Novopress, au nom de l’échange d’idées courtois. On parle d’identités en se buvant une mousse...
    Il en ressort ravi de son dialogue avec Philippe Vardon et son compère Fabrice Robert.

    Quand on sert la soupe aux fafs, mieux vaut se munir d’une très longue cuillère.
    Mieux, s’abstenir de jouer les idiots utiles et rester à barboter dans le creux conceptuel.

    • jeudi 8 avril 2010 à 23h37, par Lémi

      Merci pour l’info, j’ignorais (pour ceux qui passent dans le coin, c’est ici). Édifiant. La publicité rêvée pour les fachos new style, ou comment cautionner en faisant semblant d’interroger...



  • jeudi 8 avril 2010 à 18h36, par Alexis

    Oui, mais...
    Il n’y pas si longtemps, vous ouvriez vos colonnes à Jean-Jacques Lebel, que vous présentiez de manière dithyrambique - et sans beaucoup de recul à mon avis - comme le dernier héritier du dada anarchiste. Or les deux hommes ont biberonné aux mêmes sources, Duchamp (c’est de l’art du moment que je décide que c’en est), Fluxus, lettrisme, happenings dada et tout le toutim.
    Contre-exemple saisissant (et je ne fais pas l’apologie de l’art religieux, entendons-nous bien) : les peintres d’icônes religieuses, indiscutablement artistes mais qui ne signaient pas, car leur petite personne n’avait aucune importance. Autres temps...

    Or voilà - mais là, tout est affaire de sensibilité - Ben est, à mon sens, réellement un héritier de dada, vous ne pouvez pas lui refuser cette place. Quant au contenu politique, halte au sketch... La posture politique, si ça consiste comme JJLB à se proclamer anar envers et contre tout, à virer Raffarin de son immeuble et à s’en vanter sur A11... passons. Toute forme artistique qui pour exister a besoin de crier haro sur le bourgeois est à mon sens bien limitée et ne vaut guère mieux que sa cible. Une certaine forme de recherche artistique va naturellement contre l’ordre établi, c’est une évidence dès lors qu’on met les mains à la pâte. Pas de quoi s’en faire une légion d’honneur.

    Après, tout est affaire de talent et de sueur. Les mouvements artistiques, ça va bien vers 20-30 piges, si à partir de 60 on continue à s’en réclamer, c’est qu’il y a un problème de fond, à mon avis. Chez Ben, ni talent, ni sueur, c’est évident, il trait la vache à lait et il y a toujours des gugusses pour acheter de peur de passer pour des béotiens - attitude qui avait été très bien croquée par Reiser en son temps, je ne sais plus dans quel album.
    C’est le problème de ces « mouvements » et autres -ismes qui personnellement me polluent l’air, tous sans exception, parce qu’ils ont toujours donné à des médiocres paresseux maniant bien les concepts et l’air du temps l’occasion de se faire mousser (Ben, bien sûr ; on pourrait aussi citer Broothaers ou, dans un autre genre, Isou, dont je n’ai jamais compris ce qu’on pouvait lui trouver - mais je veux bien qu’on m’explique). En gros, à mon humble avis, le revers de la médaille de mouvements comme dada (qui au départ ne devait pas en être un), c’est qu’ils donnent une légitimité à la merde. Est-ce le prix à payer ?

    Ben n’est qu’un symptôme.

    Amicalement,

    Alexis

    • vendredi 9 avril 2010 à 00h06, par Lémi

      Je comprends votre point de vue. Et d’ailleurs, je dois avouer que, croisant dans le métro quelques publicités - déguisées en poèmes -pour le festival polyphonix du sieur Lebel, je me suis itou interrogé sur la pertinence de ses positions : pactiser avec la RATP n’est pas vraiment un gage d’insoumission. Malgré tout, je reste convaincu qu’il y a un monde entre lui et des vendeurs de soupe comme Ben, qu’il est de l’autre côté, à sa manière (mais, comme vous dites, tout est affaire de sensibilité).

      Une certaine forme de recherche artistique va naturellement contre l’ordre établi, c’est une évidence dès lors qu’on met les mains à la pâte. Pas de quoi s’en faire une légion d’honneur. : là je suis mille fois d’accord. Si je m’attaque à Ben, c’est parce qu’il s’est exposé en dehors de son art, n’est plus artiste mais publicitaire. Certains y voient une forme de création, il le présente d’ailleurs comme ça (le geste Warhol par excellence, envahir le monde d’images, blablabla), mais je pense que c’est simplement une abdication. Et, si Ben est réellement un héritier de dada, c’est dans le mauvais sens du terme : il s’en revendique mais massacre ce qui en reste. Il y avait une violence dans Dada, un désespoir, un crachat absolu, une beauté pressée et liée à l’époque, loin de la pose. Il n’y a qu’un vide chez Ben, le geste fait, refait, rerefait, épuisé et singé, reproduit jusqu’à l’overdose pour la galerie globale.

      En gros, à mon humble avis, le revers de la médaille de mouvements comme dada (qui au départ ne devait pas en être un), c’est qu’ils donnent une légitimité à la merde. Est-ce le prix à payer ? : vous inversez le problème, concernant dada en tout cas. Ce n’est pas eux qui ont donné une légitimité à la merde, c’est ceux qui s’en sont réclamés par la suite après passage du rouleau compresseur.

      Ben n’est qu’un symptôme. Mille fois d’accord. Mais c’est un des plus saillants et vampirisants, d’où ce billet...

      • vendredi 9 avril 2010 à 09h53, par Alexis

        En gros, à mon humble avis, le revers de la médaille de mouvements comme dada (qui au départ ne devait pas en être un), c’est qu’ils donnent une légitimité à la merde. Est-ce le prix à payer ? : vous inversez le problème, concernant dada en tout cas. Ce n’est pas eux qui ont donné une légitimité à la merde, c’est ceux qui s’en sont réclamés par la suite après passage du rouleau compresseur.

        Vous avez raison, petit loupé de ma part... Je reconnais bien volontiers une préférence pour les francs-tireurs, d’où certainement cette charrue mise avant les bœufs.

        En tous cas, longue vie à Article 11 ! Des sites de cette qualité, c’est pas dur, je crois que c’est le seul ! _ :)

        Amicalement,

        Alexis

        • vendredi 9 avril 2010 à 16h00, par ZeroSpleen

          Sex Pistols = boys band.



  • vendredi 9 avril 2010 à 18h01, par pièce détachée

    Trouvé ce matin : Dany-Robert Dufour, « Créateurs en mal de provocation », dans le Monde diplomatique en papier d’avril (on peut lire le début ici). J’espère que le Diplo ne m’en voudra pas de citer quelques autres bribes, pas encore en ligne sur le site, de ce très bon article :

    « Essentielle, [la négativité que porte l’art] tient à sa capacité à se défaire des certitudes les mieux ancrées, à la seule fin de relancer la quête du sens, c’est-à-dire la recherche de sens nouveaux. L’art ne se réduit pas à un discours, un message, il dit ce que l’on ne sait pas encore, il rend visible ce qui n’était pas encore répertorié, il ajoute au monde connu. / Or cette quête révolutionnaire se trouve désormais, dans l’art contemporain officiel, réduite à de la simple innovation, cette caractéristique de la production capitaliste, très logiquement exigée par le besoin de créer de nouveaux désirs. Il s’ensuit une confusion majeure entre la simple innovation et la quête du sens. / [...] [La fausse subversion] ne consiste qu’à affirmer le principe libéral fondamental : il n’existe aucune autre réalité que celle de l’individu. [...] L’alter ego n’est donc plus compris comme la condition de la réalisation de chacun, mais comme un risque permanent d’empêchement : art et civilisation du « tout à l’ego », revendiquant sourdement qu’il n’y a pas de limite à ce à quoi l’individu a droit. Quelle belle subversion, qui veut confondre l’aliénation même et la libération ! »



  • mardi 13 avril 2010 à 19h55, par tlön

    Finalement Ben est le parangon de l’art contemporain, nul besoin de savoir-faire. Un simple déversement d’ego - un tout à l’ego comme a dit qq1 dont je ne me rappelle pas. Un artiste sans cadre ni école ni mouvement, un créateur tout puissant, un artiste « libre » qui, de ce fait-par peur de brasser un peu trop d’absolu ?-, se restreint à lui seul. Ben pousse loin la logique, mais chapeau l’artiste ! Ca marche ! Pourquoi changer ? Ben est le mec qui a tout compris...les seuls imbéciles sont ceux qui lui permettent de continuer la mascarade. Quant à lui, il a juste un profond mépris pour l’art et l’artiste, son « oeuvre » aurait pu faire naître un soupçon, mais il n’est pas venu...
    Les toiles de Ben ont en plus une incroyable vanité (c’est drôle avec Ben les deux sens du mot fonctionnent ! Mais ici plus au sens de « vide ») : son principal ressort est de jouer sur les mots, les expressions, or quand on lit sur une règle qu’il a signé « Il faut savoir tirer un trait » on est surpris que ce jeu ne consiste en fait qu’à appliquer à la lettre des expressions populaires qui se sont justement métaphorisées...Ben a une démarche exactement antipoétique et bien sûr antiartistique.
    Par contre, dans les deux photos insérées dans l’article (qqch comme « l’important est que je communique » et « il suffit de me regarder ») j’ai tout de même bien l’impression que c’est de la dérision, justement du second degré qui parodierait la tendance actuelle, une espèce de vernis d’engagement car rappelons nous bien que Ben pourrait géner le pouvoir s’il devenait populaire...
    Je crois que c’est ce qu’il objecterait s’il pouvait se défendre ; à ce propos il est amusant de voir que toutes les rencontres qu’il fait tournent à l’autodéfense...comme un besoin de se justifier ...c’est quand même suspect...

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