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vendredi 15 août 2008

En Sueur

posté à 00h16, par PT
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Les préconisations de RSF battues en brèche par l’herbe parfumée du parc olympique
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Droits de l’homme, droits de l’homme, droits de l’homme… Depuis l’ouverture des Jeux, les envoyés spéciaux se recentrent sur l’essentiel : la course aux médailles, la traque aux émotions, les petits bonheurs et grands malheurs des champions français. Mais au fait : nos journaleux dépêchés sur l’événement ont-ils seulement le choix des armes ? Poser la question, c’est déjà y répondre.

Qui a dit : « La question des droits de l’homme n’a jamais été autant d’actualité en Chine. La politique du tout-sécuritaire et la répression engagée par les autorités à l’encontre des militants des droits de l’homme sont des sujets aussi importants que les épreuves sportives elles-mêmes » ?

Hein ?

Qui ?

Un envoyé spécial frondeur décidé à rendre compte de la face cachée des JO ?

Un chef de service atteint de zèle ?

Un rédacteur en chef portant haut et fier son matricule de carte de presse ?

Trève de plaisanterie : ces quelques lignes sont la propriété de Reporters sans frontières, invitant avant les JO, dans une courte note destinée à leur faciliter la tâche, des « milliers de journalistes étrangers qui vont se rendre à Pékin et dans le reste de la Chine (…) à s’intéresser à la liberté d’expression ».

Trop sympa, les gars. Merci pour l’invitation. Mais franchement : vous y croyiez à votre truc ? Sincèrement ?

Parce qu’on peut se retourner comme on veut, on en revient toujours à la même question (comme disait mon grand-père) : le seul gus envoyé spécial de son journal à Pékin durant les Jeux, ben il est là pour quoi ? Pour couvrir les Jeux, pardi. Vous pensiez quoi ? Que dans des rédactions décimées où le moindre projet de déplacement à l’étranger est visé par le réd’chef, la compta voire le service du personnel, les journaux français sont en état de dire : « Bon, coco, là c’est les Jeux, mais c’est plus que ça. Tu piges ? La Chine, les droits de l’homme. Je te fais pas un dessin. Donc : t’oublies tes saillies prémâchées sur les larmes de joie de Duchemol à la sortie du bassin ou la détresse de Michu au bord du tatami. Tu me suis ? Tu fais ton métier, gosse. Le monde te regarde. Trace à travers ville, cours les campagnes. Donne-nous de la chair, du vécu. Questionne, interroge, enquête. Montre-nous la Chine, les Chinois. Fais hurler leurs silences. Ne lâche rien. Mieux : lâche-toi. Nous, on s’occupe du reste. Les podiums, les athlètes français qui gazent, ceux qui se déchirent, on s’en charge. L’AFP fait ça très bien. Fonce, petit ! Fonce… »

Mouais.

On peut rêver.

Et compter sur les doigts des deux mains (il en restera de disponibles), le nombre de journaux français s’intéressant, parallèlement à l’actu des JO, à l’ordinaire du quotidien en Chine.

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Et vous savez quoi : difficile de leur jeter la pierre à ces envoyés spéciaux missionnés pour garder les yeux rivés sur les biceps des champions. Ils font leur boulot, point barre. Payés pour écrire sur du sport. A Pékin, New York ou Trifouillie-les-Oies. Pareil. Le sport n’a pas de couleur. N’a pas d’odeur.

Ou si.

L’odeur « de l’herbe délicieusement parfumée du parc olympique », ainsi qu’on pouvait le lire sous la plume enthousiasmée d’un rédacteur de la presse régionale dans un papier relatant l’ambiance pékinoise à la veille de l’ouverture des Jeux - entre autres émerveillements.

Pour d’autres, la conscience politique rôde au coin d’une chronique. Comme chez ce confrère qui tient boutique quotidiennement pour narrer la quinzaine par le bout de la lorgnette olympique. Lui n’a ni oublié de glisser dans sa valise un tee-shirt à l’effigie d’Amnesty International, ni oublié d’en informer ses lecteurs. On ne tient plus : va-t-il finir par s’afficher ainsi vêtu aux yeux de tous ?

On se moque, on se moque, mais à leur place, on n’aurait pas mieux fait. Il fut un temps, reculé, où les titres de PQR se payaient le luxe de dépêcher deux envoyés spéciaux aux Jeux. L’un rancardé sports, l’autre maraudant librement pour rapporter des tranches de vie. Gagnant-gagnant. Equitable. Epoque révolue. Budgets étranglés. On taille dans les effectifs. On fait des choix. Ou on ne peut plus en faire.

Circulez : y a plus grand-chose à voir.

Et parfois même : on louche.

Dans son édition datée de jeudi, « Le Monde » braquait ses jumelles sur les faibles affluences enregistrées par certains sites olympiques.

Même jour, « L’Equipe », tout à sa joie de célébrer l’efficacité de la belle mécanique locale, salue « des audiences télé records », mais aussi… des « stades pleins ».

Dites : ils font quelle tête chez RSF ?


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