ARTICLE11
 
 

vendredi 3 octobre 2008

Le Charançon Libéré

posté à 11h14, par JBB
10 commentaires

Rachida Dati et les peines planchers : la madone mondaine remonte au barreau
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Des prisons surpeuplées ? Allons donc… Des juridictions traitant les petits délinquants comme de dangereux bandits ? Comme vous y allez… Une politique carcérale criminelle ? N’exagérez pas… Les choses ne doivent pas aller si mal, puisque Rachida Dati vient d’appeler ces juges et procureurs trop compréhensifs à davantage « utiliser les peines planchers ». Hop, tous en taule !

Je ne m’y connais pas spécialement en grossesse.

Mais alors : pas du tout.

Mais il me semble que la promesse d’une vie poussant sous le bedon devrait changer celle qui la porte.

L’humaniser.

Et la rendre plus sensible aux souffrances des autres.

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Je sais : ce sont là naïves idées sur la procréation et le genre humain.

Autant que signe d’une vision plutôt machiste des rôles de chacun.

J’assume.

Et même revendique cette idée que toutes les mères en devenir devraient se transformer en douces espérances d’une humanité améliorée.

Erreur, évidemment.

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De transporter un très petit prisonnier aux conditions de détention bien particulières, captive chaleur du liquide amniotique et doux barreaux du cocon maternel, n’a assurément converti Rachida Dati ni à l’altruisme ni à la mesure.

Et celle qui s’est montrée un an durant l’une des plus fidèles soutiens des dégueulasseries du régime sarkozyste n’a à l’évidence aucune envie de changer son fusil d’épaule.

Non plus que de mettre de l’eau dans le vin qu’elle ne peut plus se permettre de boire.

Chose qu’elle s’est empressée de rappeler la semaine passée, en convoquant cinq procureurs généraux, coupables de ne pas assez recourir aux peines planchers.

Et qu’elle a répété lors d’une interview à 20 Minutes, expliquant : « Je veux savoir pourquoi on n’utilise pas les peines planchers. Parfois, il ne s’agit que d’un problème d’outils statistiques, et d’autres fois, il n’y a pas assez d’appels sur des condamnations fermes requises, mais non prononcées. Dès lors, je demande aux procureurs généraux qu’il y ait systématiquement appel du parquet quand des peines planchers ne sont pas prononcées. »

Gnnniiihh…

Je vous le remets, hein : « Je veux savoir pourquoi on n’utilise pas les peines planchers. »

Ggnnniiihhh…

Problème : à l’inverse de ce que Rachida Dati affirme, les peines planchers sont (malheureusement) utilisées.

Un max même.

Chose que Bruno Thouzellier, secrétaire général de l’Union Syndicale des Magistrats, rappelait en juin dans le Nouvel Observateur : « Il est difficile pour l’heure de faire un bilan. D’après les chiffres que nous avons, des peines planchers ont été prononcées dans 60% des cas où elles auraient dû/pu l’être : cela signifie que dans les 40% restant, les magistrats ont motivé des peines inférieures à celles prévues par la loi. »

Et que Régine Barthélemy, présidente du Syndicat des avocats de France, confirmait : « Depuis l’instauration des peines-plancher, on constate une augmentation très forte du nombre de peines de prison prononcées ainsi qu’un grand désarroi des magistrats. Certes, dans quelques tribunaux, des magistrats essayent de faire de la résistance, mais pour combien de temps ? D’autant que pour passer outre les peines-plancher, le magistrat doit motiver sa décision en justifiant de conditions particulières, tandis que pour mettre des peines plus lourdes, il n’y a besoin d’aucune justification. Et cela ne va pas arranger non plus la situation des prisons. »

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Loin de ces basses considérations, jouant parfaitement un rôle de composition, la très mondaine Rachida Dati avait bien tenté, il y a quelques semaines, de s’afficher comme favorable aux mesures alternatives à l’emprisonnement.

Et était montée au créneau de l’assouplissement carcéral, agitant comme un joli hochet médiatique sa pseudo volonté de développer les peines alternatives.

Pur affichage, donc.

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Et baratin de première.

Démenti par une réalité effroyable, celle de prisons si remplies qu’elles débordent de partout avec leur 64 200 détenus (en juillet 2008) contre 51000 places, certaines maisons d’arrêt affichant des taux d’occupation de 200 %, au mépris du plus élémentaire respect dû à l’être humain.

Situation si explosive que les directeurs d’établissement, pourtant pas vraiment de fieffés gauchistes, commencent à salement renâcler et traîner des pieds.

Et que la ministre de la Justice les a récemment reçus à la chancellerie.

Sans réussir à les calmer ou à les rassurer.

Logique : ces directeurs savent qu’ils ne peuvent endiguer le flot de misère, de violence et de désespoir que des peines prononcées à la hussarde et des conditions de détention indignes provoquent déjà.

Et qu’elles provoqueront encore davantage.

« Une large application de la loi conduira à une forte hausse du nombre de détenus : des chercheurs parlent d’ores et déjà de 80 000 détenus fin 2008. Cela dégradera encore la situation dans les prisons, et les conditions d’enfermement, ce qui est un facteur aggravant de récidive », résumait ainsi le procureur Borella en juin dernier.

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Mais…

A toute chose, malheur est bon.

Et les exigences inhumaines de Rachida Dati serviront au moins à lutter (un brin) contre le chômage : l’administration pénitentiaire vient de lancer une grande campagne de recrutement.

Se payant même le luxe d’un spot vidéo.

Classe, hein ?

Oui.

Et qu’importe si cette vidéo donne à voir une prison sans détenus, saleté ou misère, un pseudo monde carcéral parfait où les matons sont de dynamiques employés d’une administration comme les autres.

Et si elle est tellement loin de la réalité qu’elle devrait être considérée comme une infâme publicité mensongère.

Outil de propagande avant que d’être de recrutement.

Et miroir aux alouettes que même les gogos les plus imbéciles ne prendront pas au pied de la lettre.

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Ce fossé entre l’effroyable réalité et l’image qu’on s’attache à en donner est au fond un révélateur de plus.

Indice parfait du monde vers lequel Rachida Dati et ses semblables nous entraînent.

Une société si dégueulasse que toute future maman devrait y réfléchir à deux fois avant de décider à enfanter.


COMMENTAIRES

 


  • vendredi 3 octobre 2008 à 19h27, par pièce détachée

    « Toutes les mères en devenir devraient se transformer en douces espérances d’une humanité améliorée ».

    Mais certainement.

    Comme par exemple ces bonnes copines de Rachida, les soldates américaines Lindy England et Sabrina Harman, que l’on a vues naguère humilier des prisonniers irakiens sous l’œil impavide de leurs collègues masculins. Des sommets jamais atteints dans l’art du porno.

    Une composante essentielle de l’engeance humaine. Douces et attentionnées, pour passer la vaseline dans le fondement de Bébé.

    Le bon Gilad Atzmon a sué d’angoisse pour nous là-dessus. Ca calme.

    « Une société si dégueulasse que toute future maman devrait y réfléchir à deux fois avant de [se] décider à enfanter ».

    Réfléchir ? Réfléchir deux fois ? Il suffit de savoir lire : « Fumer peut diminuer l’afflux sanguin et provoque l’impuissance ». Impeccable !

    • Impeccable ? Je dirais même mieux, tout en allumant ma trentième clope de la journée : l’idéal. (Même si le tabac ne doit pas nous faire oublier qu’il existe d’autres remèdes à la procréation. Personnellement, je suis assez partisan de la vasectomie, pour peu qu’elle soit pratiquée artisanalement et avec un couteau émoussé. Chacun sa méthode.)

      Pour Gilad Atzmon, j’aurais aimé dire quelque chose d’intelligent. Mais (nonobstant le fait que ça m’est naturellement difficile) je dois confesser une très mauvaise maîtrise de l’anglais. Bref : pas pu lire.

      • vendredi 3 octobre 2008 à 21h09, par pièce détachée

        Oui, hélas, il n’existe pas, sauf erreur, de traduction française des articles de Gilad Atzmon, en ligne (pensons à la chronique de Thomas Frank traduite sur le site d’Agone) ou autrement.

        Oui, deux fois hélas, il arrive qu’on oublie de mentionner que le site auquel on renvoie est en anglais.

        Trois fois hélas et pire encore, réfléchissez-y à deux fois avant de vous faire traduire l’article par un(e) camarade : c’est un travail ingrat, et le contenu vous plonge dans des abysses épouvantables qui ressemblent à Rachida en robe du soir : tout le glamour de la femme-bite avec mollet en érection. Pour ceulles qui aiment ça, c’est à leurs risques et périls.

        Bon, allez, on s’en grille une.

        • Soit, ce sera la dernière cibiche de la soirée. Mes poumons commencent à ressembler à l’âme de Rachida : noirs, très noirs.

          Pour l’anglais, ça tombe bien : je n’ai aucun(e) camarade capable de traduire ce texte. Il y a bien mon collègue Lémi (mais en fait, il ne connaît que les mots les plus basiques, comme bière, bière et bière). Bref, c’est mort.



  • Je crains fort que son état de gravidité (qui ne peut que s’aggraver) n’arrondisse guère les angles du caractère de dame Rachida. Elle arrive au stade des envies : un parquet aux ordres... pour commencer.

    A part ça, bien d’accord (comme d’habitude, quoi...) sur le tableau que tu fais de notre système pénal...

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

    • vendredi 3 octobre 2008 à 23h41, par JBB

      Moi, j’attends juste qu’elle oblige les procureurs généraux à lui ramener des fraises lors de leur prochaine comparution disciplinaire. Ça devrait les faire encore un peu moins rigoler qu’en ce moment…



  • vendredi 3 octobre 2008 à 20h38, par Trollquirigole

    Tu devrais revoir « Alien » ...

    • vendredi 3 octobre 2008 à 23h43, par JBB

      Alien ? C’est trop impressionnant pour moi. Déjà que j’ai des cauchemars avec la ministre de la justice…

      Mais c’est vrai qu’en matière de saloperie de bête enfantée, Alien se pose là. :-)



  • vendredi 3 octobre 2008 à 21h59, par Dominique

    Je vais faire encore un commentaire très personnel et régionaliste : dans ma région, il y a un collège où personne ne veut aller, le collège relégation par excellence, le collège qui fait peur à tout jeune enseignant fraîchement muté ou en remplacement, celui pour lequel on se met en congé maladie ou pour lequel on demande une délégation le plus vite possible. Il ne se trouve pas en ZEP, on ne trouve pas beaucoup d’islamistes barbus en gandouras et de fatmas voilées dans les rues de la ville, on n’y croise pas de la caillera avec la casquette à l’envers et les lacets dénoués faisant du hip-hop au milieu de la chaussée à deux heures du matin, on n’y voit pas de rodéos de mobylettes ou de skate, on n’y trouve pas de voitures brûlées tous les soirs, oui, mais... c’est le collège des enfants de surveillants de prison. Clairvaux-les-Lacs. (Admirez comment la municipalité de Clairvaux a tenté de revaloriser un peu son image par une nouvelle dénomination qui ferait oublier la centrale). C’est comme dans les collèges à forte population militaire du type Mourmelon, Suippes, Dieuze ou Bitche, juste en un peu plus pire. Les parents réclament de la discipline qu’ils sont incapables d’appliquer chez eux puisque c’était leur travail durant la journée et qu’ils sont dépassés, mais c’est toujours avec les réflexes que leur demande leur ministère.

    • Bitche, je connais bien, j’y ai bossé un temps. Et c’est vrai que côté jeunes ruraux qui se la jouent rebelles, il y a de quoi faire. Et je crois volontiers qu’un établissement accueillant la fine fleur des fils et filles de surveillants de prisons ne soit pas le collège idéal.

      Je trouve quand même ça rigolo d’imaginer que ces gens dont le travail est de faire preuve d’autorité soient incapables de l’appliquer chez eux. Il y a un petit côté revanche du destin tout à fait sympathique.

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