ARTICLE11
 
 

vendredi 17 avril 2009

Le Cri du Gonze

posté à 11h47, par Lémi
9 commentaires

Courrier de l’au-delà (ou presque) : M. Chirac nous fait part de sa bonne humeur
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« J’étais humain. Malhonnête, tordu, corrompu, mais humain. L’autre, mon remplaçant, est si lisse, il n’aime que le pouvoir, il ne laisse aucune prise à la vie : comment s’identifier à lui ? Il me suffisait de quelques palpages experts au salon de l’agriculture, de quelques remarques crétines, pour conquérir mon électorat. Lui, c’est un robot, il fait peur. Sa tête finira au bout d’une pique, c’est certain. »

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Je me marre, c’est plus fort que moi. De mon exil forcé, je regarde tout ça avec une jubilation proche de l’extase. Ce n’est pas que je suis heureux de voir ce pays s’enfoncer dans la crise, ne me faites pas dire ce que je ne pense pas, mais ma revanche post-départ du pouvoir est vraiment trop parfaite, je la déguste en connaisseur. Tous ceux que je déteste, qui me détestent, s’étouffent d’indignation en me voyant plébiscité par ce bon peuple français, rugissent leur incompréhension. Bordel, que c’est bon.

Quand je suis parti, j’étais décati aux yeux de l’opinion publique. Une nouvelle garde prenait ma place, plus moderne, plus efficace, pleine d’énergie. On m’a montré la porte, et tout le monde en semblait soulagé, je partais comme un banni. Enfin, la France allait sortir de la poussière, on allait voir ce qu’on allait voir. J’étais prié de remballer mes têtes de veaux, mes rires gras et mes pièces jaunes, de disparaître à tout jamais du champ politique, Bernie dans les bagages. A l’époque, soyons franc, j’y ai presque cru. Le pays changeait, je n’étais plus adapté, je me sentais déphasé. Il n’y avait que les vieux beaufs pour me regretter, j’en croisais quelques-uns parfois, ils m’enfonçaient encore plus profondément dans le marasme : « Ah, monsieur Chirac, la société ne tourne plus rond, c’est triste à dire. Nous sommes hors du coup, nous, les vieux. » Je les croyais. Je n’étais plus qu’un vestige du passé, prié de disparaître. Fissa. Bernie, même elle, me regardait comme un dinosaure, déjà dans l’au-delà. On se desséchait à grande vitesse. Jusqu’à Paris-Match qui ne voulait plus de nous : ils préféraient Manaudou, quelle déchéance. Je cherchais mon Solutré, mon Colombey-les-Deux-Églises, et je ne les trouvais pas, même Brégançon m’était interdit. J’allais m’éteindre comme une merde, dans mon coin, sans aucune classe. La déprime rodait.

Alors j’ai expérimenté d’autres voies, cherché à exister autrement. On m’a vu à Saint Tropez, ridicule dans mon costume blanc genre Eddie Barclay, sorte d’Elvis franchouillard posant aux côtés d’une Bernadette Parishiltonisée (version aïeule) par son caniche miniature. On se cherchait encore, on croyait que pour continuer à exister, il fallait se montrer, quitte à changer de style. Qu’il fallait courtiser les journaux pour ne pas sombrer dans l’indifférence. Quelle erreur. On s’y est enlisés.

Et puis, les choses ont commencé à changer. Mon successeur, c’est vrai, a tout fait pour me remettre en selle. Bernie me le disait encore hier : « Dieu du ciel, cher ami, il aurait voulu vous remettre le pied à l’étrier, qu’il n’aurait pas fait autrement. » Grâce à lui, tout ce que les gens avaient fini par haïr en moi, ils ont commencé à le regretter : j’étais l’aimant parfait, l’Antarctique politique, l’anti-sarkozy, la bonhommie incarnée face à son hystérie quotidienne.

Et, avant-hier, j’ai pris connaissance de ce sondage. J’en suis tombé des nues. Trois ans après la fuite à Varennes, j’étais la personnalité politique préférée des français ! Enfoncée Rama Yade, la péronnelle ivoire ! Enfoncé Delanoë, le sous-Bowie des Yvelines ! Enfoncé le porteur de riz télégénique ! Enfoncés les rois des médias, les surfeurs de sondages ! Le roi était mort, vive le roi !!! Oubliés les Mururoa nucléides, les frais de bouche de la Mairie de Paris, les magouilles judiciaires à répétition, le « Bruit et l’odeur », et même les sacs à main de Bernie. On me regrettait, voire même, on pleurait ma perte. Les cons, quelle mémoire de mollusque...

Je sais très bien ce qu’ils regrettent. Je rassurais quand l’autre fait peur. J’étais humain. Malhonnête, tordu, corrompu, mais humain. L’autre, mon remplaçant, est si lisse, il n’aime que le pouvoir et ses joujous afférents, il ne laisse aucune prise à la vie : comment s’identifier à lui ? Il se veut trop haut, trop élitiste, le peuple en a marre de ce Dallas quotidien. Il ne boit même pas, ne se mêle pas aux plaisirs terriens1. Moi, il me suffisait de quelques palpages experts au salon de l’agriculture, de quelques remarques crétines2 pour conquérir mon électorat. Lui, c’est un robot, il fait peur désormais, sa politique avance de front avec son inhumanité. Sa tête finira au bout d’une pique, c’est certain. Je ne le pleurerais pas.

Et, je dois bien l’avouer, ce qui me réjouit le plus, c’est d’imaginer le dépit de mon successeur, cet ignoble Machiavel robotique qui me hait plus que tout (la réciproque est vraie). Depuis que j’ai appris la nouvelle, je ne peux pas m’empêcher, je fantasme le moment où il a appris mon retour en grâce. Je me le représente, au bord de l’hystérie face à un pays qui le lâche, perdu dans ses rêves de grandeur, hésitant, voyant son règne s’effriter. Journée morose. Et un conseiller arrive, masque des mauvais jours en bandoulière, se penche à son oreille, tremblant, pour lui apprendre l’horrible nouvelle. Ce moment, précieux entre tous, où il prend connaissance de ce sondage, combien aurais-je donné pour y assister ? Des trillions, assurément. Son dépit, sa tête ravagée par la haine, ses tics nerveux que je connais si bien… Quelle revanche !

Et finalement, je m’y plais tellement, dans ce rôle d’emmerdeur chassé par la grande porte revenant par la petite, que je me plais à imaginer un come-back. Une sorte de retour en fanfare, dans l’opposition. Pour cela, il faudrait juste que je trouve un parti suffisamment peu regardant pour m’accueillir, pour capitaliser sur mon nouveau rôle de sage regretté. Ils embauchent, au NPA ?



1 Le sexe, me rétorquez-vous ? mh, je n’y crois pas trop, sa Carla est une parure, un gadget médiatique, rien d’autre.

2 « Dans la vie il y a des hauts et des bas. Il faut surmonter les hauts et repriser les bas » ; « J’apprécie beaucoup plus le pain, le pâté, le saucisson que les limitations de vitesse » ; « Bien sûr que je suis de gauche ! Je mange de la choucroute et je bois de la bière »…


COMMENTAIRES

 


  • vendredi 17 avril 2009 à 15h05, par MARGUERITE (Blonde d’Aquitaine)

     × Meuh,meuh mon grand Jacques !!
     × AH,ta paluche sur ma croupe,j’en avais les pis qui se faisaient des noeuds.

    Une question me trotte la tête depuis un moment:toi qui a la réputation de 3 minutes douche comprise,c’est pas toi qui un soir au salon de l’agriculture est monté sur un tabouret derrière ma croupe et ton pantalon sur tes bottes en plastique, m’as lutiné ma fleur ?

    • Ah Marguerite, fougueuse enfant, je n’oublierais jamais ces moments exquis, je te le promets. D’abord, il y eut cette étreinte, certes rapides, mais tellement fusionnelle. Et puis ton fils, sa tête si savoureuse, sa chair si adaptée à ma Corona. Eleanore avait raison : « L’Aquitaine est une terre sacrée. »
      Ton Jacquot



  • Constat accablant : Sarkosy faisant regretter Chirac ! Je me demande quand même si un tel sondage, commandité il faut le rappeler par Ifop/Paris-Match _ soit Parisot/Lagardére _, n’est pas un signe avant coureur du lâchage de l’Histrion par le MEDEF ?

    • « un signe avant coureur du lâchage de l’Histrion par le MEDEF ? » Ce serait trop beau... Je pense plutôt que personne ne s’attendait à cette percée, qu’ils ont été pris de court.

      « Constat accablant » : plus j’y pense, plus je trouve ça monstrueux (ou fendard, ça dépend de mon humeur), on est tombé bien bas...



  • un soir triste de Mai 2007,je me suis dit« Putain comme il va nous manquer »CHIRAC".
    Et maintenant je me dis :

    « Chirac,tu es comme les autres,tu as préféré soutenir ce malade pourvu que tu puisses continuer de vivre paisiblement.... »
    Ton petit -fils se positionnera peut-être un jour.....
    bon courage.
    Si tu es toujours là.



  • Chirac savait à peu près se tenir alors que l’autre, là, le nabot : ce qu’il a dit sur les journalistes :
    « Les journalistes, ce sont des nullards, il faut leur cracher à la gueule, il faut leur marcher dessus, les écraser. Ce sont des bandits. Et encore, les bandits eux, ont une morale »
    et sur les autres chefs d’état :« Obama (...) n’est pas toujours au niveau de décision et d’efficience, (Angela Merkel)Angela Merkel ? « Quand elle s’est rendu compte de l’état de ses banques et de son industrie automobile, elle n’a pas eu d’autre choix que de se rallier à ma position,(Zapatero)Il n’est peut-être pas très intelligent. »ça sent le pétage de plombs complet, la mégalomanie paranoïaque, louis II de Bavière,le führer, la came, Ceaucescu, Noriega, c’est autre chose.

    Et puis avec lui on voit en gros comment ça va finir.

    • dimanche 19 avril 2009 à 23h55, par Lémi

      Oui, il me semble que l’on peu s’attendre à (espérer ?) un final en fanfare, il s’approche de plus en plus de la folie clinique. En un sens, c’est réjouissant : il y a bien un moment où ses flirts avec la mégalomanie et la psychose paranoïaque vont amener une réaction. D’ailleurs, il semble que, dans la presse française comme chez les dirigeants étrangers, on prenne de plus en plus conscience de l’ampleur de sa psychose. J’attends avec impatience le déplacement espagnol du 27/28, on a pas fini de se marrer (à défaut de pleurer)...



  • « Ah ! Comme ils vont regretter tout le monde ! Mitterrand ! Et De Gaulle ! Et même Georges Marchais ! Et même Chirac, le Brejnev du gaullisme, celui qui savait que ne rien faire est ce qui permet de mourir lentement. Du reste, Chirac, ils avaient voté pour lui, contre Le Pen. Le Pen ? Un du monde d’avant, lui aussi. Avec Casse-toi-pauv’-con et sa bande, on finira par le regretter, le vieux borgne, vous verrez. Quand il criait »hou !« , Le Pen, on avait peur une minute, on manifestait dans la joie, et tour était joué. Nostalgie ! Le Casse-toi-pauv’-con, lui, il est Président, il verrouille. »

    Alain BADIOU
    De quoi Casse-toi-pauv’-con est-il le nom ?

    (j’avais oublié... rattrapage !)

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