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mardi 11 juin 2013

Entretiens

posté à 15h41, par Manu X
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« La voiture de la Sainte Inquisition vous attend, Monsieur Galilée »

Au 17e siècle, à Padoue, un certain Galilée tenta de faire valoir la justesse de la thèse de Copernic, qui avait affirmé que la terre n’était pas le centre de l’univers. Scandale, procès, hallali. Trois siècle plus tard, Berthold Brecht écrivait une pièce intitulée « La Vie de Galilée », relecture moderne et politique de l’événement. Aujourd’hui, la petite Compagnie du Grand Soir en propose une belle adaptation. Rencontre.

La Vie de Galilée est une pièce centrale dans l’œuvre de Berthold Brecht. Écrite avec Margarete Steffin en 1938-1939 pendant son exil au Danemark, retravaillée et peaufinée par le dramaturge allemand jusqu’en 1955, elle retrace le combat de Galilée contre l’obscurantisme religieux au 17e siècle. Métaphore des tourments et des engagements de Brecht, elle n’a rien perdu de sa force de frappe – « Celui qui ne connaît pas la vérité, celui-là n’est qu’un imbécile. Mais celui qui la connaît et la qualifie de mensonge, celui-là est un criminel. »

Brecht y dit aussi que «  la plus grande partie de la population est maintenue par ses princes, ses propriétaires terriens, ses prêtres, dans un brouillard nacré de superstitions et de vieilles formules qui masquent leurs machinations. Ces hommes égoïstes et violents ont senti l’œil froid de la science braqué sur une misère millénaire mais, artificielle, qu’il est manifestement possible d’éliminer. Pourquoi placent-t-ils la Terre au centre de l’univers ? Pour que le saint Siège soit au centre de la terre ! ».

La pièce originale dure quatre heure, avec près de cinquante personnages. Son adaptation avec une poignée d’acteur sur un format court sans trahir le texte est un bel exercice de style. Une bonne raison – entre autres – d’applaudir la démarche (très politique) de La Compagnie du Grand Soir, qui la joue actuellement au Lucernaire (dans le VIe arrondissement parisien). Sur scène, cinq acteurs galopent avec l’énergie du bel espoir, interprétant sans temps mort cette version actualisée du combat de Galilée. Un projet inspiré par le théâtre festif et politique de la compagnie Jolie Môme, ainsi que – de manière plus anecdotique – par la profondeur et la subtilité de la pensée d’un certain... Alexandre Adler.

L’ami Manu a vu ladite pièce et il a beaucoup aimé. Il nous a donc concocté une reportage radiophonique des plus croustillants, composé notamment d’un entretien avec l’un des trublions de la troupe, Régis Vlachos, qui interprète Galilée sur scène. Le voici :

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« Galilée devant le Saint Office », peinture de Joseph-Nicolas Robert-Fleury (19e siècle)

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Extrait choisi – Rencontre avec Monsieur Adler

« Cette semaine là, sur France Culture, il y avait Alexandre Adler qui faisait sa chronique. C’était un monument de la propagande libérale, grotesque, qui était fait pour le théâtre. On l’a encore un petit peu dans la pièce. « Mais ceux qui critiquent le système, les altermondialistes, qu’est-ce qu’ils veulent ? Pourquoi ils critiquent ? Ils veulent quoi ? Le retour du mur de Berlin ? Cuba ? Une autre URSS ? Les millions de morts du Goulag ? » Il a dit ça ! « Critiquer le capitalisme, c’est vouloir le goulag  ! » Je me rappellerai toujours d’une autre phrase : « Il faut souligner et féliciter l’opiniâtreté de Georges Bush en Irak ! ». Il disait ça ! Et personne pour le contredire vu que c’était sa chronique. Et tous les jours c’était ça. Pendant une semaine j’ai tenu, j’ai écouté ça sur France Culture.
C’est un peu de là qu’est venue l’idée faire quelque chose autour de Galilée, de l’idéologie. Ceux qui critiquent au XVIIe siècle le géocentrisme, c’est dingue, c’est l’autorité, c’est le pouvoir qu’ils attaquent... On ne peut pas changer le monde, c’est pas possible, c’est l’histoire de Galilée... [...] ça tombait parfaitement, la critique de l’idéologie, comment les gens sont aliénés et comment faire en sorte que le peuple reprenne en main son destin avec la confiance dans les nouveaux outils de la modernité, de la science, qui doit chercher à libérer les gens... C’était l’espoir du communisme, enfin, d’un certain communisme, et l’espoir de Brecht qui le retranscrivait chez Galilée. » (Régis Vlachos)

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« - Que pensez-vous de la crise Monsieur ?
- Et bien Claire, j’en pense que...
- Non ! Laurence.
- Écoutez, cette crise n’existe pas. C’est une invention médiatique, c’est comme un gros rhume...
- Le logement, par exemple, vous en dites quoi ? 
- Le logement, les gens qui couchent dehors ! Encore une invention de l’esprit. Personnellement, je suis logé, tous mes amis ont un appartement, j’en ai même un qui vient d’acheter pour pas grand chose un petit pavillon, certes, petit, mais pavillon quand même, et pourtant, il gagne moins que moi !
- Ceux qui n’ont pas assez...
- Les pauvres vous voulez dire ? Et bien, ceux-là, excusez-moi, n’ont qu’à travailler. C’est pas le boulot qui manque ! Il suffit de chercher. Ils ont le RMI, le RSA, qu’on ne me dise pas qu’il y a une crise du capitalisme, le monde est comme ça, on ne va pas le faire tourner autrement !
- Votre nouveau spectacle s’appelle Fillon 2017, n’est-ce pas un reniement de vos anciens spectacles plus rebelles ?
 »
(Extrait de la pièce)

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Voir la pièce

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La Vie de Galilée, à l’affiche au Lucernaire du mardi au dimanche, spectacle prolongé jusqu’au 22 septembre1.
La compagnie du Grand Soir présentera également La Vie de Galilée au festival la Belle Rouge organisé par la compagnie Jolie Môme, à saint-Amant-Roche-Savine (63), près d’Ambert, les 26, 27 et 28 juillet.
Programme du festival à consulter ICI.
Infos pratiques ICI.



1 Mise en scène : Christophe Luthringer. Avec : Régis Vlachos, Charlotte Zotto, Aurélien Gouas, Jean Christophe Cornier en alternance avec Gilles Vincent Kapps, Philippe Risler. Durée : 1h10.


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