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lundi 13 décembre 2010

Inactualités

posté à 21h48, par Serge Quadruppani
32 commentaires

Lettre à un jeune révolutionnaire
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On n’est pas sérieux quand on a 14 ans ? Ça dépend : « Karl », jeune militant radical, est très sérieux ; à juste titre tant les idéaux politiques ne sont pas choses qui se traitent à la légère. Serge Quadruppani, qui croise régulièrement le jeune homme, a senti quelques souvenirs personnels se réveiller à son contact. Il en a tiré une lettre, aussi émouvante qu’instructive.

À un âge (14 ans) où j’en étais encore à tenter de créer une tendance anarchiste chez les scouts de France, il a déjà eu l’occasion de faire une garde-à-vue et de refuser son ADN. Il a bloqué son lycée, n’a pas raté une manif dans le mouvement contre la réforme des retraites, je lui ai présenté mes amis tarnacois et il a conspué comme il se doit les dîneurs du Siècle. Pour ses parents, il est source de bien des inquiétudes mais aussi d’une certaine fierté. J’ai eu envie de lui écrire la lettre qui suit (évidemment, j’ai changé son prénom).

.
Cher Karl,

À l’époque où l’on commence à se construire une pensée autonome (entre 14 et 18 ans, disons), j’ai été confronté à deux affirmations qui, sur le moment, m’ont laissé à peu près sans voix. La première émanait de ma mère, ouvrière agricole et femme de ménage qui a élevé seule quatre enfants. Comme je lui balbutiais quelques idées politiques, elle a soupiré : «  Il y a toujours eu des riches et des pauvres, et il y en aura toujours. » Le deuxième propos, c’est, un peu plus tard, une prof de philo que j’aimais bien, qui l’a tenu. On s’était un peu agités dans le lycée (grève avec occupation, affichages et graffitis) et à la reprise, elle avait recommencé son cours sur Hegel comme si de rien n’était puis tout d’un coup, au bout de quelques minutes, elle avait eu l’air de s’énerver toute seule et elle avait lancé : «  Mais qu’est-ce que vous croyez ? qu’est-ce que vous attendez de la vie ? La vie, c’est aller dans un salon de thé, prendre un thé avec des gâteaux, et voilà, on est content, c’est ça, la vie.  » Je peux dire que toute ma vie, j’ai essayé de donner tort à ma maman et à ma prof.

Identifier l’insupportable et rester son irréductible ennemi, c’est cela qui doit orienter ta vie, Karl. Ce que Badiou appelle, il me semble, «  les points à tenir ». Je pense qu’il est bien utile, à partir de sa propre expérience, de mettre en quelques phrases ce contre quoi on a envie de se battre, et de tenir sans cesse cette belligérance ouverte, de s’agripper à la certitude de ce qu’on ne veut pas, comme on tient une forteresse d’où on repart sans cesse à l’assaut. À condition que la forteresse ne soit pas bâtie sur des slogans creux et des certitudes trop faciles.

En 1968, j’avais 16 ans et dans les discussions qui entouraient les événements et auxquelles je participais comme si ça allait de soi, j’étais étonné quand j’entendais (mais ça n’arrivait pas souvent) quelqu’un parler de ce qui se passait en invoquant les « jeunes ». Je n’avais pratiquement pas de culture politique, mais il me semblait évident que le bouleversement en cours impliquait toutes les catégories - d’âge, de sexe, d’activité. Ce n’est qu’au bout de quelques années, quand ce qu’il y avait de plus neuf dans le mouvement a commencé à être digéré par le corps social, que j’ai commencé à remarquer les différences d’âges entre tous ceux qui étaient, pour moi, indifféremment des « camarades » ou des « copains » (car il était hors de question de distinguer entre l’amitié et la politique). Pendant ces quelques années qui ont suivi 68 (disons jusqu’en 73), les discussions m’avaient transmis une part de cette culture qui me manquait, et j’ai lu pas mal de livres qui circulaient dans le milieu où j’avais des affinités. La quête de la révolution a été mon université. Au contact des textes (les situs, le courant communiste anti-léniniste, Marx), et surtout des gens, j’acquérais donc un savoir révolutionnaire « par infusion », un savoir « infus » mais en même temps, ce milieu où j’étais, sous l’effet de l’évolution politique et sociale et du recul de la perspective révolutionnaire, avait tendance à se refermer. Et à se montrer d’autant plus arrogant qu’il se refermait.
Par ailleurs, j’étais à un âge (la fin de l’adolescence) où l’on est soit mégalomane, soit écrasé de timidité, soit les deux. Moi, c’était plutôt les deux. Résultat : mon arrogance occupait le vide de mon ignorance et, convaincu d’avoir la science infuse grâce au petit groupe de clairvoyants que je fréquentais, j’avais tendance à mépriser beaucoup de mouvements et de gens pour des raisons qui, théoriquement, n’étaient pas toujours fausses, mais qui, pratiquement, me confinaient à un micro-milieu, toujours plus micro, qui se perdait dans des querelles toujours plus éloignées du réel. C’est comme ça que je suis passé à côté de toute une série d’expériences, dont je voyais les limites avant même d’y entrer, mais au nom de ces limites, je me dispensais d’aller y voir de plus près, ce qui m’aurait entraîné à réfléchir à toutes sortes de questions sur lesquelles ma pensée était très rudimentaire. Parce que « c’était juste un mouvement démocratique  », je me suis par exemple dispensé de m’intéresser de près à la révolution portugaise (1974) qui aurait pu m’aider pourtant à réfléchir à l’autogestion, au rôle de la paysannerie et de l’armée. De même en 1981, je suis resté à l’écart de la marche des beurs, qui aurait pu m’aider à avoir une réflexion plus approfondie sur la place de l’immigration et de sa progéniture dans la société. Pour ne pas parler de l’ignorance dans laquelle je suis resté longtemps par rapport aux mouvements italiens des années 70. La science infuse et l’arrogance ont beaucoup fait pour rendre extrêmement stérile la fréquentation de ce qui est devenu, au fil des ans une ultra-gauche en pantoufles, confinée dans les querelles de microchapelles et le commentaire plus ou moins méprisant d’événements sur lesquels elle n’a aucune prise (et ne cherche pas à en avoir puisque l’essentiel de son message pratique est qu’il va falloir attendre).

De tout cela, je tire le sentiment que nous n’avons aucune espèce de pureté théorique ou pratique à défendre, et qu’il ne faut pas avoir peur de se mêler sans cesse au réel impur. Ce qui ne signifie pas se perdre dans l’activisme écervelé : je regrette que certains de mes amis, à qui j’avais proposé, après Gênes, de mener une réflexion commune, aient préféré s’adonner à plein temps au soutien de causes successives (de MacDo aux sans-papiers en passant par les Roms) sans prendre le temps de réfléchir au sens de ces actions et à la possibilité qu’elles s’intègrent dans un mouvement général de remise en cause du Vieux Monde.

Si la colère contre l’insupportable est indispensable nous ne changerons pas la vie avec la colère seule, et encore moins, avec nos aigreurs. « La vraie vie est ailleurs  » : celui qui se convainc de cela en voyant la pauvreté de ce que nous propose la société capitalisée touche une vérité du doigt mais s’il s’arrête là, il sombrera dans la stérilité. Le refus de s’intéresser à autre chose qu’à transformer le monde risque d’aider à le maintenir, si on ne met derrière cet intérêt que des questions de stratégies et de tactiques. Il faut se poser aussi la question du contenu, et donc s’ouvrir, ici et maintenant, aux richesses sensibles, humaines et naturelle du monde : on ne bâtira un monde nouveau qu’à partir des richesses existantes. Certes, il faudrait en détruire beaucoup parce que trop imprégnées de la fausseté des besoins capitalistes, mais beaucoup d’autres aussi pourraient être plaisamment détournées et certaines, menacées par le « progrès », mériteraient d’être récupérées. S’enthousiasmer pour l’archéologie, la littérature, la musique, la culture des carottes, l’escalade, la menuiserie ou le savoir sous toutes ses formes, c’est, pour chacun de nous, donner à sa propre subjectivité une épaisseur capable de mieux affronter les dangers de la langue de bois qui menace sans cesse les radicaux et autres révolutionnaires professionnels, et c’est, pour nous tous, commencer à poser en pratique la question centrale, celle des vraies richesses.

Car c’est seulement quand on aura commencé à la résoudre – à travers mille luttes et leurs convergences - qu’on commencera à donner tort à ma maman et à ma prof.


COMMENTAIRES

 


  • lundi 13 décembre 2010 à 23h15, par H2

    Superbe ! Rien à ajouter. Ou disons que ce serait trop long. Je serais donc bref.



  • mardi 14 décembre 2010 à 00h12, par ZeroS

    Tout est dit.

    Prenons-en de la graine pour nos soirées autonomie rosée.



  • mardi 14 décembre 2010 à 06h53, par HUBERT

    Je vais plomber l’atmosphère sympathique de cette lettre à Karl,mais je viens de lire(dans le "Bref été de l’Anarchie) la lettre de Simone Weil(la philosophe)retrouvée dans le portefeuille de l’écrivain Georges Bernanos,et ça ma foutu le moral à zéro...

    En une phrase,c’est l’histoire d’un gamin de 15 ans engagé dans les rangs franquistes et fusillé par les « rouges » et surtout on trouve DURRUTI mèlé à tout celà.

    Queque temps plus tard,en musardant dans une librairie ,je tombe sur la revue XXI et l’histoire de ce petit Phalangiste est bien plus passionnante que la lettre de weil peut nous raconter.

    Vous pouvez conseiller à Karl de lire ce reportage fait par Phil Casoar et Ariel Camacho.

    • mardi 14 décembre 2010 à 16h29, par Quadru

      je te conseille de lire :
      http://gimenologues.org/spip.php?ar...

      où Durutti est exonéré de cette affaire par l’examen d’archives franquistes. Ce seraient d’autres membres de la CNT qui auraient fusillé le gamin contre l’avis de Durutti. L’ héroïque comportement du garçon n’est pas attesté par ces sources (dont son père) qui pourtant, auraient tout intérêt à le faire, si cette version glorieuse avait été un tant soit peu répandue à l’époque. J’incline à croire que le gamin est mort comme nous tous le ferions sans doute en pareil cas : en tremblant.
      L’histoire est triste mais c’est très loin d’être la pire dans les événements de la Guerre d’Espagne. Et surtout, surtout, je ne vois pas le rapport avec ma lettre à Karl. Que je sache, je ne l’incite à aucune sorte d’héroïsme et encore moins face à la mort ! Toutes les martyrologies me débectent.

      Voir en ligne : http://quadruppani.blogspot.com/



  • mardi 14 décembre 2010 à 08h26, par le journal des tueursnet

    « Je lutte des classes… Tu luttes des classes… Elle lutte des classes. »
    Avec une opinion à la masse
    Un pouvoir à la ramasse
    Et la sourde menace
    De se retrouver dans l’impasse.
    Je lutte des classes…Tu luttes des classes…elle lutte des classes
    Tous et toute de guerre lasse…Une fois… hélas !

    http://www.tueursnet.com/index.php?journal=Balle%20de%20classe

    Voir en ligne : je lutte des classes



  • mardi 14 décembre 2010 à 10h06, par un-e anonyme

    s’engager pour une cause c’est très bien, mais peut-être faudrait-il mettre au fronton de tous les mouvements révolutionnaires cette parole de Confucius : « la vérité à quatre coins, je t’en donne un, à toi de trouver les trois autres. »
    Par exemple, le mot « riche » doit-il être systématiquement rangé dans la catégorie négative du vice et de l’exploitation ? où encore, est-ce que la haine constitue en soi un programme politique ?

    • mardi 14 décembre 2010 à 10h21, par ZeroS

      Et si la vérité est un cercle, un ovoïde, une droite, un lacet, etc. : où sont les coins ?

      • mardi 14 décembre 2010 à 10h39, par sabbah

        rien n’est vrai... ;)

      • mardi 14 décembre 2010 à 12h26, par un-e anonyme

        ah ah ah ! petit farceur, « coin » = point de vue donc Confucius souligne par une image simple la multiplicité des opinions et pour aller un peu plus loin, il indique que « LA Vérité » absolue n’existe pas, pour nous la vérité ne peut être que relative... Vaste sujet !!

        • mardi 14 décembre 2010 à 13h44, par ubi

          sur 10 proverbes, 5 sont vrais

          • mardi 14 décembre 2010 à 15h12, par Wroblewski

            Je me reconnais bien dans cette lettre que je trouve belle et pertinente, le genre de texte à lire et relire pendant mes méditations quotidiennes. Bon, moi, en plus de l’arrogance de la jeunesse et de la radicalité, j’étais tout le temps bourré. Du coup j’ai pas duré longtemps et j’ai dû apprendre l’humilité par la force des choses.

            Y a-t-il un rapport entre cette lettre et le texte d’insulte qui circule (par exemple dans le Jura libertaire) à l’encontre de la demande de solidarité des tarnacois et de leur Commune ? C’est vrai que la lettre d’insulte est un genre agréable dont les surréalistes avaient fait un des beaux arts, les situs, et d’autres. Mais là je trouve sa cible et son procès peu pertinents. On peut expérimenter une vie sortie autant que possible de l’économie, tout en étant acteur dans la lutte sociale... Bref.

            • mardi 14 décembre 2010 à 16h39, par Quadru

              Je connais le texte auquel tu fais allusion, c’est un bel exemple de crétinisme radical, de mauvaise foi et ou d’ignorance crasse : ils n’ont pas l’air de savoir, par exemple, que l’assemblée du Plateau s’est pas mal démenée pendant le mouvement de novembre et ils parlent comme si le seul but des Tarnacois était de mener une petite vie pépère. Mais les copains de Tarnac n’ont pas besoin de moi pour se défendre - d’autant que je ne suis pas sûr de ne pas avoir des désaccords importants avec eux. Ce qui n’empêche ni l’amitié ni la solidarité.
              Mais ma lettre à Karl n’a rien à voir avec les tempêtes dans le verre d’eau croupie de la radicalite parisienne. Elle était juste motivée par l’affection et l’envie de transmettre quelque chose à un garçon dont la vitalité me donne la pêche.

      • mardi 14 décembre 2010 à 21h14, par pièce détachée

        Tu me l’ôtes du clavier, ZeroS. Et même si la vérité a un(s) coin(s), ce n’est peut-être pas sur le doigt de Confucius qu’il faut s’user les yeux.

      • mardi 14 décembre 2010 à 21h42, par pièce détachée

        ...sans parler du fronton...

    • mardi 14 décembre 2010 à 16h44, par Quadru

      2 choses (sur Confucius, je passe mon tour) :
       × où as-tu vu que j’incite quiconque à « s’engager pour une cause » ? Je ne parle de « cause » que pour critiquer la limitation de l’activité à l’activisme.
       × sans vouloir être désagréable, je suis obligé de te dire que tu m’as lu un peu vite. tu devrais relire le dernier paragraphe, il contient la réponse à ta question sur la richesse. J’y reprend en effet le problème des « vraies richesses », qui, à mon sens, est central.

      • mardi 14 décembre 2010 à 16h46, par Quadru

        pardon, on aura compris que le message précédent n’est pas pour W. mais est à destination de l’intervenant qui cite Confucius.

        • mardi 14 décembre 2010 à 17h20, par yelrah

          « je regrette que certains de mes amis, à qui j’avais proposé, après Gênes, de mener une réflexion commune, aient préféré s’adonner à plein temps au soutien de causes successives (de MacDo aux sans-papiers en passant par les Roms) sans prendre le temps de réfléchir au sens de ces actions et à la possibilité qu’elles s’intègrent dans un mouvement général de remise en cause du Vieux Monde »
          ça me fais penser à ceci :
          http://www.laviedesidees.fr/Est-il-...

            • mercredi 15 décembre 2010 à 09h20, par Quadru

              le lien ne fonctionne pas

            • mercredi 15 décembre 2010 à 12h43, par ZeroS

              A. de Tocqueville a été utilisé par R. Reagan lors de ses multiples discours sur la citoyenneté et la tradition associationiste américaine, afin de déligitimer toutes formes de politiques réellement sociales. Merci à lui. G. Bush père, B. Clinton et G. Bush fils ont fait exactement de même par la suite.

              En France, de nombreuses grandes structures associatives portent le discours suivant : « Nous ne sommes ni de droite, ni de gauche ; seulement un espace de débats où différentes tendances s’affrontent. » Ils oublient seulement de préciser qu’ils s’inscrivent avec allégresse dans des dispositifs pensés par des lobbies néolibéraux toujours proches du pouvoir (d’ailleurs de droite comme de gauche). L’idéologie en acte comme dirait S. Zizek.

          • mercredi 15 décembre 2010 à 11h39, par ZeroS

            Vaste programme...

      • mercredi 15 décembre 2010 à 13h01, par un-e anonyme

        Ma citation était d’ordre général et elle m’est venue à l’esprit parce que pour moi, un révolutionnaire est quelqu’un qui s’engage pour une cause (ou un ensemble de causes). En fait je suis d’accord avec l’esprit de ta lettre mais dès que l’on veut trouver des réponses collectives pour passer de l’état actuel de la société à un autre on se heurte à la réalité des moyens à mettre en œuvre et au problème de la durée nécessaire à la mise en place du nouveau système.

        • mercredi 15 décembre 2010 à 14h10, par un-e anonyme

          c’est toi qui me tape sur le système, hé !!!

          « À condition que la forteresse ne soit pas bâtie sur des slogans creux et des certitudes trop faciles. »

          genre qui donne l’impression de gens qui se battent

          genre ça, con, une fois

          • mercredi 15 décembre 2010 à 15h16, par ZeroS

            Ce n’est pas pour quémander une meilleure répartition des richesses qu’il faut se battre, mais bien une appropriation collective de celles-ci et une réévaluation de ce qui compte vraiment. Sans être capable de proposer des alternatives concrètes, nous nous en remettons systématiquement à ceux qui était déjà là avant.

            En Guadeloupe, le rapport de force a seulement été repolarisé, mais en aucun cas inversé. La même élite reste en place. Il fallait qu’elle soit ex-propriée. Cette tare est systématique dans l’essentiel des mouvements populaires et sociaux, même les plus radicaux : l’impression d’un manque de confiance, presque d’un complexe d’infériorité pathologique.

            Un partage collectif des biens communs réduirait potentiellement le temps contraint par le travail, ou le transformerait radicalement. D’autre part, le vivre ensemble ne passe pas que par de grandes concepts abscons dont les agencements mécaniques changeraient la donne, mais surtout par des relations humaines, des rencontres et un respect mutuel, de l’organique et du sensible ! Sans cette incarnation des mécanismes complexes, nous nous engoncerons dans les mêmes travers que les sociétés dites « communistes » passées.

            • mercredi 15 décembre 2010 à 18h57, par un-e anonyme

              ZeroS,
              je t’avais répondu, mais y’a un mec bourré qui supprimé le message.

            • samedi 5 février 2011 à 00h02, par Adrien Du katanga

              Je pense qu’il faut inverser ces topiques. Il s’agit moins d’une appropriation collective que d’une création collective. La richesse est le produit d’une création, pas d’une appropriation. La richesse qui est le produit d’une appropriation, c’est la richesse dans les moments de recul de la civilisation, lorsqu’elle n’est plus capable de faire, qu’en défaisant autre chose, en s’appropriant.

              La création collective est à la portée de tous et ne demande pas de faire des révolutions, sauf bien sûr, là où elle est interdite, où chacun se voit assigner des tâches obligatoires, comme dans la société démocratique et capitaliste actuelle.

              Il faut donc se libérer du travail obligatoire, fut-il déguisé en travail libre, pour commencer. Il faut du chômage, mais il faut une autre politique du chômage.

              La création collective, c’est ce que certains appellent l’auto-organisation ou l’auto-production, un mixte des deux. Le danger, c’est évidemment, une fois qu’on a créé des richesses, de se les faire piquer par des capitalistes, qui dissimulent sous leur libéralisme dogmatique leur propension à commettre des abus, à en vivre, à faire de l’abus la seule règle acceptable, ce qui correspond bien à la situation à laquelle nous sommes confrontés.

              Voilà. N’abusons pas à notre tour.

              P.S. : Merci à S. Q. dont la lettre m’a beaucoup plu, même si je m’en veux un peu de l’avoir fait parvenir à un gamin de 14 ans qui va certainement me prendre pour un dingue.

              Voir en ligne : Article sur l’auto-organisation



  • mardi 14 décembre 2010 à 19h27, par tom

    J’aime beaucoup l’avant-dernier paragraphe, car il souligne quelque chose qu’on n’entend pas beaucoup. Quand on parle d’engagement politique, on a souvent tendance à insister sur le marasme ambiant pour conclure qu’on doit cesser d’être des « abrutis de consommateurs individualistes » pour mener (enfin) une vie de petit soldat de la révolution, pure de l’impur du monde tel qu’il est, sans se soucier de ce qui peut faire la richesse d’une vie humaine, qu’on aura de toute façon le temps d’expérimenter après (genre Walter Benn Michaels : « La classe ouvrière ou les pauvres peuvent bien entendu produire la plus haute littérature – simplement, ils n’y parviennent qu’en surmontant l’obstacle que constitue leur appartenance à la classe ouvrière ou leur pauvreté. En niant que la pauvreté soit un obstacle, on nie du même coup l’existence et l’importance de l’inégalité entre classes ». Oh les mecs, écrivez les bouquins que vous voulez, mais attendez un peu qu’on soit débarrassés du capitalisme, merde !)

    A part ça : 14 ans et déjà révolté... et après on nous dit qu’il y a un « déficit d’orientation » des jeunes ?



  • mercredi 15 décembre 2010 à 14h41, par josé

    Avec de telles lettres, nul doute que le jeune Karl grandisse rapidement.
    Merci pour ce beau texte plein d’à-propos.



  • jeudi 16 décembre 2010 à 22h23, par Gilles Delouse

    Pauvre Quadru,
    Malgré toute son expérience militante, il y a une chose qu’il n’a pas encore comprise, bien qu’il en soit le parfait exemple : tout ce qu’on nous assène à 14 ans, on passe notre vie à essayer d’y donner tort.
    Du coup, ça va être un peu contre-productif toute cette lettre...

    Je taquine évidemment. C’est un très beau texte, et j’adhère complètement à la fin de l’avant-dernier paragraphe, qui est pour moi une des choses importantes que la gauche doit défendre.
    Dans son film sur Manouchian, Guédiguian lui fait dire à un moment « nous sommes le parti de la vie ». Il me semble que ça résume bien tout ça.

    Voir en ligne : Poisson Rouge

    • jeudi 16 décembre 2010 à 23h04, par Quadru

      Ben non, cher poisson rouge, entre 14 et 18 ans, je me suis souvent indigné mais aussi souvent passionné, je me suis heurté à beaucoup de pesanteurs idéologiques mais on m’a aussi transmis beaucoup de savoirs, d’idées, de pratiques qui m’ont aidé à me transformer, me construire une réflexion et une pratique autonomes, à sortir du narcissisme inévitable de la jeunesse, à m’ouvrir aux rencontres. Nous ne sommes rien d’autre que la somme de nos rencontres.
      Si j’écris cette lettre, c’est que je crois à la nécessité de la transmission. Après, ce que « Karl » en fera ne dépend plus de moi.

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