ARTICLE11
 
 

mardi 18 janvier 2011

Invités

posté à 21h47, par Jean-Pierre Garnier
21 commentaires

Petit lexique techno-métro-politain
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Les mots du pouvoir sont rarement innocents. Ceux qui accompagnent les évolutions urbaines actuelles n’échappent pas à la règle. Une novlangue métro-techno-politaine est mise au service de l’ordre urbain, social et technologique imposé par les classes dominantes. Pauvre et répétitive, cette sémantique matraquée jusqu’à la nausée n’en est pas moins arme de guerre sociale.

Le langage basique des aménageurs à l’heure de la « métropolisation » des « eurocités » est à la fois succinct et infra-théorique. Ce qui peut se comprendre : l’action doit primer sur la réflexion. Mais cette action, pour être menée à bien sans susciter d’opposition, suppose un formatage de l’opinion. C’est pourquoi le verbe n’est pas seulement descriptif mais aussi roboratif : il doit susciter l’adhésion - voire l’enthousiasme. Cependant, à la différence de la propagande des régimes dits totalitaires, où la politique était « au poste de commande » dans le choix du vocabulaire, c’est la technique qui sert de référent ultime à celui-ci, garante d’efficacité et d’objectivité. Présentée comme une seconde nature, la technique imprime aux décisions prises le sceau de l’inéluctabilité : il ne s’agit plus de gouverner mais de gérer.

On aurait pu croire que les critiques dont l’idéologie technocratique fit l’objet à la belle époque de la « contestation du système » avaient laissé des traces. Il n’en est rien. À la faveur de la dépolitisation massive consécutive à la succession d’« alternances » politiciennes sans alternatives politiques, le scientisme et le technicisme ont opéré un retour en force dans les discours des gouvernants et de leurs servants, chercheurs en sciences sociales compris. Pour la plupart, ces derniers n’ont rien trouvé de mieux que de faire écho aux gouvernants en se bornant à enrober les stéréotypes langagiers en usage parmi la technocratie aménageuse de circonlocutions plus pédantes que savantes pour les parer des plumes de la scientificité.

De ce verbiage éminemment consensuel, les exemples fourmillent. De même que, parallèlement, on s’évertue à nier le caractère oligarchique du pouvoir local en place en adjoignant au terme « démocratie » censé le définir l’épithète pléonastique « participative », auquel on ajoutera parfois, pour faire bon poids, celui de « citoyenne », on parlera à nouveau de « prospective », comme au temps des soi-disant « Trente glorieuses », mais en précisant qu’elle sera désormais « partagée ». Par qui ? On ne le sait. Seuls les mauvais esprits feront remarquer qu’elle ne le sont que par une minorité de « décideurs ».

En ces temps interminables de « crise », où la morosité a gagné une bonne partie de la population, il faut user de mots susceptibles de lui redonner espoir. C’est pourquoi le « futur », l’« avenir » ou, plus littéraire, le « devenir », ont repris du service dans les discours dominants - évidemment dépouillés de la connotation pessimiste, sinon nihiliste, que leur avait insufflée la mouvance « punk » puis « destroy » dans les années 70. Si l’on se garde de promettre « radieux » les temps à venir comme s’y était risquée la propagande stalinienne, ils sont néanmoins présentés comme souriants grâce aux innombrables « révolutions » scientifiques et techniques (télématique, informatique, communicationnelle, bio- et nano-technologique…) qui jalonneraient plus que jamais l’évolution de l’humanité dans sa marche en avant guidée par le « progrès ». Ainsi qualifie-t-on d’« avancée » n’importe quelle « innovation », quand l’expérience prouve qu’elle peut être synonyme de régression. Tout ce qui évoque le « mouvement  » est, par conséquent, empreint de positivité, le mouvement du capital et ses effets de plus en plus délétères n’étant, bien entendu, jamais mentionnés.

Dans le champ urbain, comme ailleurs, cet aggiornamento linguistique fonctionne selon deux principes : la fabrication de néologismes plus oxymoriques ou pléonastiques les uns que les autres et le recyclage sans fin de termes anciens. Ainsi en va-t-il du vocable «  technopole  » — ou «  technopôle  » — mis sur orbite dans les années 80 du siècle dernier, et de celui de « métropole », qui connaît une nouvelle vogue depuis le début du siècle.

Le succès du terme « technopole » en France est contemporain de la période où la gauche institutionnelle parvenue au pouvoir remisait au grenier à chimères les idéaux socialistes aux nom desquels elle l’avait conquis, pour se rallier à l’entreprise, au marché et au profit subsumés sous le sceau de la « modernisation ». Laquelle, au cours des deux décennies précédentes, avait déjà servi de signe de ralliement à la technocratie gaulliste lorsque Georges Pompidou était Premier ministre, puis aux promoteurs du « libéralisme avancé » quand Valéry Giscard d’Estaing occupa l’Élysée. Mais le contexte avait changé. Décentralisation aidant, il revenait dorénavant aux élus locaux « de gauche » des grandes villes, non plus de mettre en œuvre de l’« autogestion » sur le plan local dans une perspective de «  rupture avec le capitalisme », mais de « moderniser la France » en faisant de ses villes des « pôles d’excellence » résultant de la combinaison gagnante enseignement supérieur/recherche/industrie, baptisée « synergie » pour donner du tonus à cette fructueuse collaboration.

Ainsi naquirent, au moins sur le papier, les « technopoles », dotées chacune d’un ou plusieurs « technopôles » spécialisés selon la branche d’activité (informatique, biotechnologie, médecine, etc.) et qui allaient rivaliser entre elles, et pour certaines, avec leurs homologues des pays voisins, dans la course à la « compétitivité » et à l’« attractivité ». Dans les campagnes de marketing urbain, c’est à qui se targuerait de mériter le plus le label « technopolitain », sans voir ou en feignant d’ignorer que dans la technopolis, la Technique, adulée comme une nouvelle divinité, a fini par dissoudre le sens que l’histoire avait donné au mot « Cité ».

Plus d’une vingtaine d’années plus tard, ce modèle urbain n’a pas changé, mais l’échelle s’est élargie. Dans les discours, qu’ils soient médiatiques ou pseudo-scientifiques, la technopole s’est transmuée en « métropole ». Que s’est-il passé ? Tout simplement, la centralisation et la concentration des fonctions directionnelles, des services afférents et des catégories sociales correspondantes se sont poursuivies, et l’espace central où elles avaient pris place s’est révélé trop petit. Du coup, le cœur des agglomérations ne pouvait plus se limiter au centre-ville. L’urbanisation devait acquérir une dimension régionale. Les géographes ne parlaient-ils pas de « région urbaine » ? D’où l’exhumation de la notion de « métropole », mais pourvue d’un sens positif qu’elle avait fini par perdre durant le siècle dernier où l’on ne discernait plus en elle que gigantisme, massification, robotisation, anonymat, « foule solitaire »… Qu’à cela ne tienne : il suffira, comme le veut la novlangue dont Georges Orwell avait exposé la logique, de reprendre le même mot tout en changeant sa signification. Ce qui différencie aujourd’hui la « métropole » des villes de taille inférieure, ce n’est plus tant la grandeur que la hauteur dans la hiérarchie des valeurs  : «  hautes technologies », « hautes qualifications », « hauts revenus », équipements « hauts de gamme » et, impératif écologique aidant, « haute qualité environnementale ».

Cette folie des hauteurs, contrairement à ce que l’on serait tenté de croire, n’est pas le propre des classes supérieures, c’est-à-dire des bourgeois, mais de celles situées à un échelon immédiatement inférieur, la petite bourgeoisie intellectuelle et scolairement dotée, dont les représentants tiennent les leviers de commande au niveau régional, départemental et municipal. Ingénieurs, cadres, universitaires, chercheurs constituent le vivier principal dont sont issues les nouvelles élites locales, encartées, pour les plus ambitieux, dans les partis dits « de gouvernement » afin de donner un tour démocratique, via l’élection, à leur irrésistible ascension. « Le néo-petit bourgeois se doit de parler au nom des petits pour devenir grand », estimait Pierre Bourdieu à l’époque où la petite bourgeoisie intellectuelle française se réclamait du prolétariat, de la classe ouvrière ou du «  peuple de gauche » pour mettre, avec leur soutien, « l‘intelligence au pouvoir », c’est-à-dire elle-même. Enfin parvenue à ses fins, l’air des cimes l’a comme grisée.

D’où ces proclamations ronflantes des maires, des présidents de Conseils généraux ou régionaux, relayés par les médias et les têtes pensantes diplômées qui leurs sont inféodées. Chacun vantera-t-il ainsi, avec d’emphase, les « atouts » du territoire qu’il a pour mission de « dynamiser », de faire « rayonner » et de rendre « attractif » aux yeux des « investisseurs » et de la « matière grise ». Et ce dans le cadre européen de «  la concurrence libre et non faussée » qui, pour ne pas avoir été inscrite dans le projet de constitution rejeté par le peuple, n’en régit pas moins désormais les rapports entre « métropoles », comme les rapports sociaux en général.

Environ 80 substantifs, une quinzaine de qualificatifs, à peine une trentaine de verbes composent le lexique techno-métropolitain. Une liste assez courte, à l’instar de la pensée qu’elle résume. Mais elle suffit, pour les raisons évoquées plus haut, à résumer les grandes lignes de la vision du monde urbain véhiculée par les promoteurs de la technopolisation ou de la métropolisation. Décortiquer ce que recouvre cette vision, mettre au jour les intérêts qu’elle dissimule, dégager les logiques, les processus et les mécanismes sociaux des politiques urbaines qu’elle inspire nécessiterait, certes, le recours à une foule de concepts et d’arguments puisés dans la théorie critique. Ce que s’entêtent à faire une poignée de penseurs « radicaux », héritiers de Karl Marx et de Henri Lefebvre, tels le géographe anglais David Harvey ou le sociologue étasunien John Bellamy Foster, lesquels n’ont de cesse de dévoiler les tenants et les aboutissants de l’urbanisation du capital. Ce n’est évidemment pas là le propos des apologistes de la technopolisation, qu’ils en soient les « acteurs » ou les commentateurs autorisés.

« Décideurs » et chercheurs, même combat : il ne s’agit pas de penser au-delà de ce qui est indispensable à l’action, et encore moins de critiquer cette dernière, mais d’« impulser », de « catalyser » et de « motiver ». Tout au plus pointera-t-on les « dysfonctionnements » qui peuvent en résulter, afin d’être en mesure de les éliminer. On parlera alors de « tensions » ou de « distorsions », métaphores empruntées à la physique, c’est-à-dire à une « science dure » non suspecte de mollesse à l’égard de l’« idéologie » - anticapitaliste, faut-il le préciser - qui porte à les appréhender en termes de contradictions et à y discerner les manifestations spatiales d’une domination sociale.

Avec des idées simples en forme de slogans, on s’attachera donc à exalter l’accession de villes triées sur le volet au «  club très fermé des technopoles », pour reprendre l’une des expressions favorites de feu le maire de Montpellier, Georges Frêche, et au rang de « métropoles » pour celles qui auront le plus phagocyté leur environnement rural. Ce qui donnera, par exemple, dans la prose d’un groupe de chercheurs parmi tant d’autres : « Dans la plupart des classements internationaux, x… [n’importe quelle « ville européenne », voire « globale », au choix] gagne des places, ce qui est sans doute l’élément le plus significatif de sa capacité actuelle d’attraction et de rayonnement ». Ou encore : «  La gouvernance métropolitaine met à profit une relative convergence d’intérêts publics et privés pour faire du développement économique sa priorité, et favoriser le placement de x… [idem] dans la concurrence entre villes nationales européennes voire mondiales »1.

En peu de mots, on ramasse ainsi une pensée qui n’en requiert pas plus, dissuadant de s’interroger sur la signification politique des phénomènes et des pratiques qu’ils désignent pour, au contraire, les « valoriser » et les « promouvoir », comme le veut toute propagande en faveur de l’ordre établi, fût-il urbain, comme c’est le cas ici.

On trouvera ci-après les mots-clefs de la novlangue techno-métropolitaine sans prétendre à l’exhaustivité, encore que la liste proposée soit bien près de s’en approcher.

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1 Ces citations sont extraites de Sociologie de Lyon, ouvrage collectif pondu par quatre sociologues du cru (La Découverte, 2010).


COMMENTAIRES

 


  • mardi 18 janvier 2011 à 23h10, par JCharles

    Article créateur valorisant l’excellence de G. Orwell et optimisant les flux d’information... :-)
    En tous cas, une petite piqure de rappel pour illustrer 1984 ne peut qu’être bienvenue, merci pour l’article !

    Par contre (pour les tenanciers du taudis article11), la bannière clignotante « abonnement » attire trop l’œil et gène la lecture (enfin, selon moi)

    • mercredi 19 janvier 2011 à 00h01, par J. Bonnot

      Ouais, pleinement d’accord pour la bannière, même si je trouve l’article ultra-complaisant, tendant parfois vers les préceptes des universitaires socio-libéraux.

      • mercredi 19 janvier 2011 à 00h04, par Stéphanie

        Oui, c’est vrai, d’ailleurs on croirait presque lire une chronique de Pierre Tévanian des Mots sont importants.

        • jeudi 20 janvier 2011 à 22h24, par un-e anonyme

          Que Tévianan, c’est intéressant, nan ?
          mais il faut avouer que pour apprécier il faut se trouver plongé dans la vie, loin du centre de Paris - 10 bornes disons ..., et qui revenant - des vivants - l’on entend toutes ces merdes des petits bourgeois de gauche, un peu ethno-centristes et pleinement centristes.

          • jeudi 27 janvier 2011 à 10h30, par un-e anonyme

            plongé dans la vie, loin du centre de Paris - 10 bornes disons

            10 bornes ? Môssieur habite Chatou, Môssieur fait partie de la haute...

      • mercredi 19 janvier 2011 à 05h32, par Jean-Pierre Garnier

        Il n’est pas besoin d’être bac+5 ou 7 pour voir autre chose dans mon topo qu’une charge contre la sociologie urbaine alignée et, plus généralement, contre la novlangue managériale ou entrepreneuriale venue des milieux économiques capitalistes et qui a envahi les autres sphères d’activité. « Complaisant » ? C’est la meilleure ! Mes ex-collègues et ennemis « sociaux-libéraux », les groupies du sociologue Alain Touraine et leur gourou, par exemple, me considèrent depuis des lustres comme un « extrémiste sectaire », un « gauchiste invétéré », un « paléo-marxiste », un « néo-stalinien », etc.
        L’auteur de ce commentaire devrait quand même savoir que Article 11 n’est pas ouvert aux suppôts de l’ordre établi. Sauf à ranger dans cette catégorie l’autre gourou de la socio. française auquel je me réfère dans ce « papier », à savoir feu Pierre Bourdieu (sans faire partie pour autant des inconditionnels de la pensée bourdivine), alors qu’il fût l’un des ennemis les plus détestés de la gente sociale-libérale.

        J’ignore la relation qu’entretient l’auteur du commentaire avec la sociologie, les sciences sociales en général voire, et c’est plus grave, la langue française. Mais, je préfère ne pas le savoir.

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      • jeudi 20 janvier 2011 à 20h36, par Frédéric

        Il ne faut vraiment n’avoir jamais lu J.-P. Garnier auparavant, pour oser trouver cet article ultra-complaisant. Et même sans l’avoir lu auparavant, il faut ne pas savoir lire un texte : citez donc une seule phrase, une seule expression, un seul mot à l’appui de ce que vous prétendez. Mais vous ne le ferez pas, parce que vous ne pouvez pas.

    • mercredi 19 janvier 2011 à 05h05, par Jean-Pierre Garnier

      En fait, ce n’est pas la mot « bannière » qui aurait dû être utilisé, mais celui d’« enseigne » : les bannières ondoient, tandis que que les enseignes (au néon, notamment) peuvent clignoter. Mais j’ai trouvé rigolo de qualifier le site de « taudis », et Lémi et Jean-Ba de « tenanciers ». Encore que cela me paraisse assez gratuit et pas du tout justifié. Le terme « taudis » s’applique à un habitat dégradé et mal tenu, et celui de « tenanciers » aux gérants pourris de maison de jeux ou de passes (comme on disait jadis). Or, je trouve au contraire — et je ne suis pas le seul — très accueillant le site article 11 et au-dessus de tout soupçon de corruption ceux qui l’animent. Il est vrai que je ne suis pas impartial puisque je compte parmi les gens qui y sont accueillis. Comme l’auteur de la remarque, d’ailleurs.

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      • mercredi 19 janvier 2011 à 09h17, par JCharles

        Les honorables gérants de ce noble lieu sauront certainement y voir ce que l’on appelle - dans le langage courant - du deuxième degré...

        Par contre, pour « enseigne » au lieu de « bannière », c’est noté !!

      • samedi 22 janvier 2011 à 20h58, par Frédéric

        Vous avez raison : s’agissant de ces trucs, clignotants ou non, le mot enseigne serait plus approprié. Mais il y a longtemps que le mot bannière, traduction paresseuse de l’anglais « banner », s’est imposé, et je doute que cela change.
        On observe le même phénomène avec le terme « activiste », calque de l’anglais « activist », qui est très souvent utilisé en lieu et place de « militant » depuis un certain nombre d’années.
        Je me souviens de mes cours d’anglais au collège, où l’on apprenait qu’il fallait se méfier des faux-amis...



  • mercredi 19 janvier 2011 à 12h45, par El manu

    Intermède :

    Je passe peut-être de la coke à l’âne(ries), mais vous trouvez pas ça insupportable cette histoire de «  Révolution de Jasmin » qu’ont inventée ces ânes bâtés de journalistes !!!

    Ces crétins croient pouvoir circonscrire ce mouvement révolutionnaire inouï qui leur fait peur, avec des niaiseries pseudo-poético-orientalisante ! (ce qui signifie beaucoup sur leur condescendance vis à vis du peuple tunisien qui, bien-sûr, n’a pas changée depuis la semaine dernière : on désignait par exemple, il y a 10 jours sur France-Intox, les manifestants comme des « casseurs » (donc des voyous de droit commun...)).

    Quel contraste avec les paroles inventives et pertinentes d’un peuple trop longtemps habitué à se taire !! Cela, les merdias dits libres & démocratiques n’ont pas réussi à nous le cacher !!!

    • mercredi 19 janvier 2011 à 14h03, par Jean-Pierre Garnier

      Je réponds puisque le message s’ajoute aux autres.
      C’est dommage que le Plan B ait disparu (mais la rumeur court selon laquelle il va réapparaître sous de nouveaux atours). En tout cas nos journaleux sont effectivement la lie intellectuelle de l’humanité. Mais il faut voir comment on (dé)forme ces « larves », comme les appelaient les meneurs de la Sardonie, dans les écoles de journalistes ou à Sciences Po. Leurs profs ne sont autres que les guignols qui plastronnent de temps à autre dans les média-qui-mentent en tant qu’« experts » en n’importe quoi. Et les voilà qui rêvent tous d’une « révolution du jasmin » à l’image des « révolutions de velours » ou « orange » dans les pays du « socialisme réellement (in) existant », patronnées par la CIA et financées par le milliardaire Georges Soros.
      En fait, il y a, comme d’hab., une division du travail en matière de contre-révolution. D’un côté, M-A-M qui propose à un dictateur le « savoir faire » de nos troupes de choc, acquis dans la répression des révoltes dans l’hexagone ; de l’autre les plumitifs casqués charger de formater chez nous les esprits pour neutraliser toute velléité de solidarité avec la lutte d’un peuple contre l’exploitation et l’oppression.

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    • vendredi 21 janvier 2011 à 09h50, par HN

      Avez-vous vu « Oui-Oui fait du journalisme » l’autre jour qui se demandait, sur France Télévision il me semble, si sa profession avait bien fait son travail parce qu’il s’apercevait que les français n’avaient jamais entendu parler de dictature en Tunisie ??
      Et si les politiques n’avaient pas été trop complaisants avec le régime de Ben Ali...

      Ils sont en roue libre ces connards de journalistes. Ils nous ont tellement bouffé le cerveau pendant des décennies qu’ils s’étonnent que les gens soient aussi cons et mal informés...

      « IDIOCRACY » : Un film pas très drôle et assez bête mais criant de vérité.



  • mercredi 19 janvier 2011 à 16h43, par pièce détachée

    En version techno-ruralo, cela donne, par exemple, une chronique dominicale dans le Journal du Centre, visant à dénier la situation no future des bourgs et villages de régions sinistrées, dans un style ahurissant. Par exemple :

    « [La petite ville de P.] se tourne alors désormais vers la forêt version vert pays et non plus carbonisation [industrielle] pour le charbon de bois. Place à la coulée verte ! [...] Une petite balade agréable pour rejoindre le supermarché. / Eh oui ! [P.] est en capacité de proposer ce type de magasin [...]. / Aujourd’hui, [P.] entre dans le second tome de son histoire dans laquelle l’intercommunalité est devenue l’un des protagonistes afin de s’adapter à l’évolution de la ruralité. » — 16 janvier 2011, par S. Anibal (la charité laisserait cela dans l’anonymat, mais la déontologie impose de citer ses sources).

    • vendredi 21 janvier 2011 à 08h35, par un-e anonyme

      Un bon exemple de discours promotionnel visant à maquiller la réalité par le verbe. On rebadigeonne en vert écolo la grisaille d’une région en perdition pour enfumer la population. Une fois de plus, il s’agit d’euphémiser des réalités qui pourraient apparaître sous de nombreux aspects comme peu reluisantes. Dans les milieux doctes, en particulier, règne la consigne implicite de ne pas appeler les choses (et les gens) par leur nom quand cela contrevient aux usages et aux intérêts qui prévalent dans ces milieux.

      En linguistique, l’euphémisation vise, etymologiquement, à « positiver » le négatif. Dans le discours politique, médiatique ou pseudo-scientifique, elle consiste principalement, par le biais d’artifices langagiers, à dissimuler, atténuer ou relativiser une violence sociale, et ainsi rendre l’inacceptable acceptable et même imperceptible. Ce qui implique, pour tous les gens décidés à ne pas s’en laisser conter, de rester vigilant sur le choix et l’usage des termes. La majorité de ceux mis sur le marché hexagonal depuis une bonne trentaine d’années sont des pièges parce qu’ils ne résultent plus de la lente élaboration par les êtres humains de mots qui représentent des réalités créées par eux et l’expérience qu’ils en ont, mais sont fabriqués « en haut » par les dominants, leurs experts et leurs conseillers de com’, relayés par des intellectuels de cour ou des chercheurs inféodés, et diffusés par les médias pour imposer une certaine vision du monde. Il s’agit, en fait, d’une corruption du langage. Ce qui est nouveau, c’est le caractère systématique de cette opération.
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      • vendredi 21 janvier 2011 à 22h56, par pièce détachée

        Et quand le lexique sort de terre, voyez : « ah... que le bonheur est proche ! ».

        • dimanche 23 janvier 2011 à 11h48, par Karib

          Réuni en séance ordinaire, le tribunal révolutionnaire de la Commune de Paris, après une longue dégustation de rosé pour certains (les moins avertis de la chose viticole) et de Vosne Romanée confisqué au ci-devant Bolloré, a condamné le dénommé Jean Nouvel, architecte de son état, à demeurer jusqu’à la fin de ses jours dans l’immeuble qu’il a construit à Boulogne Billancourt.
          Les camarades Pièce détachée et Jean-Pierre Garnier sont autorisés, quand il leur plaira, à jeter des pierres dans le double vitrage certifié HQE du condamné.
          Défense leur est faite, pourtant, et en dépit de leur souhait, de pendre le ci-devant Nouvel avec les tripes de Jean-Marie Messier.

          • mardi 25 janvier 2011 à 18h38, par un-e anonyme

            Jean-Nouvel, comme nombre de ses confères de la même génération soixante-huitarde (Christian de Portzamparc, Antoine Grumbach, Roland Castro…) qui avaient mis l’École des Beaux-Arts en ébullition à la belle époque de la « contestation », allant jusqu’à frayer avec nos maoïstes hexagonaux pour « construire avec le peuple », fait maintenant partie de ces « starchitectes » vassalisés dont la renommée est allée de pair avec leur servilité à l’égard des pouvoirs en place, qu’ils soient publics ou privés. Mais il n’y a pas là de quoi s’étonner.
            Si l’on pressait ces « archistars » de rendre des comptes sur ce qu’ils ont fait de l’espace urbain, ils répondraient sans doute, avec le cynisme qui leur tient lieu de franchise, ce qu’avait rétorqué Mis van der Rohe, l’un des papes du mouvement moderne en architecture avec Le Corbusier (qui s’est, lui,bien accommodé du régime de Vichy) dans les années 30-50, à ceux qui lui reprochaient sa complaisance passée envers le nazisme : « Vous n’êtes pas sans savoir que les artistes ont toujours travaillé pour les puissants ». Certes, Mis van der Rohe n’était pas Albert Speer. Et pour cause ! Bien que le premier ait promis aux autorités du IIIe Reich la réouverture d’un Bauhaus (le berceau allemand de l’architecture moderne) expurgé de ses signes hébraïques, « hautement nuisibles », selon lui, c’est le second qui fut préféré par Hitler pour la reconstruction de Berlin. Et c’est par dépit que le premier décida d’émigrer aux États-Unis pour servir d’autres « puissants ». Non plus ceux du « Reich millénaire », mais d’un capitalisme postulé pérenne.
            Plus que jamais, l’architecte reste au service du Prince, et peu importe l’habillage démocratique dont celui-ci aime parfois à se revêtir, qu’il soit aujourd’hui Président de la République, du conseil d’administration d’un holding (François Pineau, Bernard Arnault, etc), ou encore « premier magistrat » d’une commune. Tous ces « hommes (ou femmes) de l’art » s’efforceront de mener à bien la mission qui leur incombe : faire en sorte de marier les lieux du pouvoir avec le pouvoir des lieux pour rendre ceux qui les occupent plus glorieux.

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            • lundi 7 février 2011 à 10h23, par Frédéric

              Intéressant cet aperçu historique sur l’architecture et ses stars. Ca me fait songer à une autre star mondiale de l’architecture, Ricardo Bofill, qui prétend réaliser une « architecture pour le peuple ». J’ai longtemps habité à l’ombre d’une de ses réalisations, les « Espaces d’Abraxas », que l’on trouve à Noisy-le-Grand, dans le 93, un monumental ensemble de HLM déguisé en « Arc », en « Théâtre » et en « Palacio ». Ou comment les lieux symboles de la bourgeoisie servent de décor en carton-pâte, ou plutôt en béton armé, aux habitations populaires.
              Ce n’est pas sans raison que cet ensemble a servi de décor à l’univers totalitaire du film de Terry Gilliam Brazil, inspiré pour partie du 1984 d’Orwell.

              Quand cet ensemble a été construit, la municipalité était tenue par le PCF. C’est pourquoi ces « Espaces d’Abraxas » sont situés place des Fédérés, en référence à la Commune de Paris. Quand on sait que lesdits fédérés, acculés par les Versaillais, n’ont pas hésité à faire flamber quelques palais parisiens, on mesure toute la distance entre cette prétendue « architecture pour le peuple » et ce que le peuple est capable de faire de cette architecture en certaines occasions.

        • mardi 25 janvier 2011 à 18h53, par un-e anonyme

          Tu ne crois pas si bien dire. Dans un ouvrage apologétique consacré à Renzo Piano, l’ancien maire d’Amiens, Gilles de Robien, alors ministre de l’Équipement et des Transports dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et celui de Lyon, le SS (socialiste sécuritaire) Gérald Collomb, tressaient des lauriers à cette star italienne de l’architecture internationale, ex-militant gauchiste proche de « Lotta continua » quand il était encore étudiant. Selon eux, il aurait su contribuer à « rendre la ville heureuse ».
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  • vendredi 28 janvier 2011 à 18h28, par Le Poisson Rouge

    Ci-dessous, une sorte d’écho à votre article, salutations de la bande du Poisson Rouge !

    Voir en ligne : Pour la réhabiliture de la langue française

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