ARTICLE11
 
 

mardi 24 novembre 2009

Sur le terrain

posté à 09h50, par Lémi & JBB
27 commentaires

Bobigny : les naufragés de la Préfecture
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Ce sont deux files qui s’étirent, presque sans fin. Il est 7 h, plus de 500 personnes attendent l’ouverture des guichets de la préfecture de Bobigny, pour des démarches relatives à leur titre de séjour. Certaines ont pris leur place dans la file la veille, d’autres patientent depuis le milieu de la nuit. Toutes ont l’habitude de se casser les dents sur une administration qui n’a aucun égard pour elles. Reportage.

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Préfecture de Bobigny, 9 h du matin. Une longue file humaine se termine en un goulot d’étranglement : deux employées de l’administration préfectorale « trient » ceux qui patientent. L’une d’elles :

Voix revêche : « Monsieur, on présente les papiers correctement ! Moi aussi, j’ai un problème, mais ce n’est pas une raison pour ne pas présenter les papiers correctement. »

(Ouvre les papiers et les retourne en tous sens.)

Plus énervée : « Non, Monsieur, amenez-moi un certificat médical ! NON, amenez-moi un certificat médical, MONSIEUR ! »

(Rend les papiers, se campe sur ses ergots.)

Carrément excédée : « Un certificat médical, vous comprenez ? Ou alors, est-ce qu’il faut un policier pour vous expliquer ? Au revoir, Monsieur. AU REVOIR, j’ai dit ! »

(Vérifie que l’intéressé tourne bien les talons ; passe au suivant dans la file.)

Tranchante : « Il fallait venir avec un justificatif. Vous PARTEZ et vous revenez avec un justificatif. ALLEZ, vous sortez de la file ! »

(À nouveau, le suivant.)

S’adoucissant un brin : « Vous avez un récipissé, Madame ? Oui ? Allez-y, guichet deux. »

(Sent une présence derrière elle et se retourne ; découvre le carnet de notes et le stylo qui s’agite ; interpelle sa supérieure, qui observe l’opération de tri.)

Plaintive : « Madame Anne, MADAME ANNE. Vous pouvez faire partir le journaliste ? »

(Échec ; se retourne vers le scribouillard ; aboie.)

Très agressive : « Reculez, MONSIEUR, ou je porte PLAINTE contre vous ! »

(Échec derechef ; se recule de quelques mètres pour ne plus être entendue ; continue son office ; trie.)

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Ordinaire préfectoral

Tous le confirment. Ceux des étrangers qui n’en sont pas à leur première visite et ont eu déjà maille à partie avec les employés de la préfecture. Et ceux des militants qui ont pu observer le déroulement de l’opération. Unanimes à pointer la façon infecte dont on les traite. « Les gens de l’administration se comportent pis que des flics. Et encore, ils se sont améliorés ces derniers jours en raison de notre présence. D’ordinaire, c’est pire, les habitués le disent tous », explique une membre du Réseau Éducation Sans Frontières (RESF).

D’ordinaire ? Comprendre : quand le réseau ne pointe pas le bout de son nez, tentant d’attirer l’attention sur le traitement réservés aux étrangers de Seine-Saint-Denis souhaitant se mettre en conformité avec la loi (demande de titre de séjour, renouvellement et délivrance). Quand il n’organise pas une conférence de presse sur le sujet, aussi2. Et quand ses militants ne font pas office d’observateurs des tristes usages de l’administration, enfin.

L’ordinaire, ce sont ces hommes qui accostent les gens, à quelques centaines de mètres de l’entrée de la préfecture de Bobigny, pour vendre des places - gardées à cet effet par d’autres - dans la file : « 20 €. Je te vends place, 20 € ». Ce sont ces deux files qui s’étirent dans la nuit, depuis l’entrée des bâtiments jusqu’à loin, loin derrière. Ce sont ces gens qui patientent dans le froid, debout, calmes, immobiles : patients. Ce sont ces hommes et femmes qui commencent à attendre la veille, à 20 h pour les premiers, à quatre-cinq heures du matin pour un grand nombre, afin d’être sûrs de pouvoir approcher un guichet et de faire avancer leur dossier. Ce sont - enfin - ces quelques employés de l’administration opposant visage fermé (sourire ? Parler humainement ? Et puis quoi encore ?) et gant de fer en réponse à la détresse de ceux qui, insignifiants, n’ont aucun moyen d’exiger un minimum de respect.

Leur Nuit blanche

On dit que l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt. Dans la France d’après, les cartes de séjour ne sont accessibles qu’à ceux qui se lèvent très très tôt ; voire qui ne se couchent pas du tout :

Je suis arrivé à 23 heures, explique au petit matin Montaga, le Malien, l’un des premiers de la file. C’est la quatrième fois que je viens, et à chaque fois ça ne sert à rien : je passe dix minutes dans la salle d’attente et on me dit que mon titre de séjour n’est pas prêt, que je dois revenir un mois plus tard. Je reviens et c’est pareil.
La nuit ici, c’est bizarre. C’est impossible de dormir, à cause du froid et des conditions. Il y a des bagarres, quelquefois entre ceux qui attendent, parfois à cause de jeunes de Bobigny qui viennent chercher la baston. Alors, on attend, et on se garde les places quand quelqu’un veut aller faire un tour.
Tu sais : si ça se trouve, j’ai perdu encore. Si ça se trouve, il faudra que je revienne une cinquième fois.

Si ça se trouve ? À 9 h 10, Montaga ressort de la Préfecture. Invité une nouvelle fois à revenir plus tard - dans un mois, deux ou trois, qui sait ? - pour retirer son titre de séjour. Contraint de recommencer alors cette longue nuit d’attente et de froid. Il n’est pas le seul : une bonne partie de ceux qui patientent n’en sont pas à leur première tentative (et ceux qui décrochent le sésame reviendront dans quelques mois, un an au plus, faire renouveler leur titre). À l’image de Diara, Malien aussi :

C’est la cinquième fois que j’essaye. Je reviens et je reviens, c’est mon patron qui veut que je me mette en règles. Revenir, c’est obligé : beaucoup de gens viennent dix fois. Ici, c’est la merde.
Il y a une fille à l’intérieur, ce n’est même pas la peine… Si tu te mets contre elle, ce n’est même pas la peine… Elle prend ton dossier et le jette par terre. Même si tu as tout, hein.
On attend tous. On s’assoit, on fatigue, on va marcher un peu. Et puis, on sait que la journée aussi est perdue : je n’irai pas travailler aujourd’hui, pas après une nuit blanche et alors que je ne sais même pas à quelle heure je vais être reçu.

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Naufragés solidaires

Chaque nuit, les files s’étirent. Et personne n’en a cure, sinon RESF. Du 16 au 20 novembre, les militants du réseau ont observé les conditions d’accueil des étrangers en préfecture de Bobigny. Ils en ont tiré quelques chiffres : du lundi au vendredi, ce sont 290 personnes par jour - en moyenne - qui attendaient au petit matin l’ouverture des portes de la préfecture dans la « file Un » (celle des premières demandes de titres de séjour et de renouvellement). Un tiers de ces administrés - en moyenne toujours - ont été refoulés3 : pas de tickets pour eux, donc pas de possibilité d’entrer dans les locaux préfectoraux, même pour poser une bête question. « Il n’y a bien sûr jamais assez de tickets pour tout le monde. C’est rigolo, d’ailleurs : on a remarqué que le nombre de tickets distribués le matin était calculé pour qu’il n’y ait plus personne dans la préfecture à 16 h 45, heure de la fermeture des bureaux… », remarque une militante du réseau.

Face à la froide machine de l’administration, les présents conservent un peu de bonne humeur. Sourient gentiment quand on les interroge, pas dupes : « C’est pour TF1 ? ». Ébauchent entre voisins de file, au coude à coude, des formes de solidarités. S’entraident, gardent la place du voisin quand un besoin urgent se fait impérieux. Et surtout se liguent contre ceux qui tentent de passer devant tout le monde : les apprentis resquilleurs sont vite éjectés, souvent dans la colère, parfois dans un éclat de rire collectif - « Il s’est cru où, celui-là ? »

Vers 8 heures, RESF a la bonne idée de distribuer cafés et gâteaux, les visages reprennent des couleurs après la nuit glaciale, des clopes s’échangent, des sourires s’esquissent : le plus dur est passé.

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Sollicités, les naufragés de la Préfecture discutent volontiers, racontent sans en faire des tonne, dignement. Juste, ils ne comprennent pas pourquoi on leur inflige un tel traitement. Un jeune turc s’indigne : « Pourquoi est-ce que ça se passe comme ça ? Dans d’autres préfectures, ils traitent les gens autrement, mais ici c’est l’horreur, ça fait quinze ans que ça dure, et ça devient de pire en pire. » Son voisin intervient : «  Pourquoi on nous traite comme du bétail ? C’est pas humain de faire vivre ça aux gens. »

Les témoignages s’enchaînent, kafkaïens. Tournis : jusqu’où la dégueulasserie administrative peut-elle aller ? C’est peut-être ce jeune malien, très remonté, emmitouflé dans une couverture léopard, qui résume le mieux les choses : «  On vit dans un monde d’hypocrites, dans un pays hypocrite. Comment ce genre de choses peut se passer dans le pays des droits de l’Homme ? » Bonne question.


En images

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Par ailleurs, une manifestation, pour dire « Non à l’immigration jetable », partira le dimanche 29 novembre, à 14 h 30, du métro Luxembourg.



1 Tu peux le voir : sur cette photo, une personne a été « rosifiée ». Il s’agit de l’une des employées de la Préfecture, citée au début de ce billet. Pourquoi la flouter ? Simple : quand elle s’est aperçue qu’elle figurait sur quelques-unes de nos photos, elle a demandé à l’un des policiers présents de saisir la carte-mémoire de l’appareil. Constatant que l’uniforme en question ne comptait pas faire de zèle, elle a ensuite affirmé qu’elle porterait plainte en cas de diffusion de la photo. En clair, on a préféré ne pas prendre de risques inutiles.

2 Conférence de presse à laquelle ne s’est pointé aucun journaliste en titre, avec carte de presse dûment tamponnée et tribune ouverte dans un média « officiel ».

3 Pas de « refoulés pour la »file Deux", celle des délivrances de titres de séjour et informations sur les dossiers en cours : sur rendez-vous, celle-ci a vu patienter, du lundi au vendredi, de 160 à 270 personnes.


COMMENTAIRES

 


  • mardi 24 novembre 2009 à 10h46, par Mathieu Colloghan

    Bon boulot, Lémi et JBB !
    Evidemment, on pourrait rajouter une montagne d’autres détails qui, accumulés, rendent tout ça insupportable : les justificatifs demandés qui changent d’une préfecture à l’autre, la mauvaise volonté des employés de la pref’ (mais dans le fond ils ne font que répondre aux consignes de la hiérarchie, et ces consignes sont régulièrement en contradiction avec la loi), le mépris, les familiarités, l’arbitraire à tous les étages.

    Si c’est si pourri en Seine-saint Denis c’est sans doute parce qu’il y a cumule : beaucoup d’étrangers dans un département de pauvres.
    La démocratie, c’est comme l’air qui se raréfie en altitude : plus on s’éloigne du pouvoir et de l’argent, moins il y a de démocratie.
    En tout cas, trop loin pour que des journalistes ne viennent y regarder (à part Article 11 bien sur !).
    A nouveau : bon boulot !

    • mardi 24 novembre 2009 à 11h15, par Karib

      Tenez, un souvenir, comme ça... j’accompagne un jour un ami malien à la préfecture pour un renouvellement de carte de séjour. Il craint qu’en fait de renouvellement, on ne lui offre un aller simple pour Bamako. Cela fait dix ans qu’il est là, avec des cartes de trois mois en trois mois... Derrière le guichet, un avorton fier de sa position de pouvoir de vie et de mort chicane : « Là, monsieur, je ne vois pas la quittance d’électricité du mois d’août 2001... » Ca fait vingt minutes que le minus habens épluche le dossier, alors qu’en 2008 (au moment de cette saynète), mon ami a eu une infinité de renouvellements de son titre de séjour, donc qu’on a estimé, jusque là, qu’il avait le droit de rester sur le territoire. J’ai envie de bondir par-dessus le guichet, de saisir l’avorton à la gorge, de lui taper la tête sur le bureau. Mon ami me retient en souriant : « laisse, c’est toujours comme ça. Je vais lui parler. » Il lui parle, en effet, lui explique que la quittance d’électricité, elle est là, plus loin, parce qu’il avait déménagé. Le minus se radoucit. Finit par ranger le dossier et le jeter derrière lui. « Vous recevrez une notification par voie postale. »
      Nous repartons...
      Alors je profite lâchement de l’espace d’Article XI pour rappeler que depuis cinq semaines, des milliers de travailleurs sans papiers (5000 à ce jour) se sont mis en grève et occupent leurs lieux de travail pour obtenir leur régularisation. Finies les jérémiades sur le thème « les pauvres Africains si malheureux et tellement méritants, tellement nécessaires à notre chère économie » ! Maintenant, c’est la revendication, l’exigence ! On bosse ici, on veut les mêmes droits que tout le monde.
      Les tribunaux ordonnent leur expulsion ? Les flics ou les vigiles interviennent pour les virer ? Pas grave, ils vont ailleurs !
      Il faut aller les voir, tailler des bavettes avec eux, participer aux manifestations, et, si on le temps ou le courage, prendre un sac de couchage, et partager des nuits d’occupation. Et donner du fric dans les caisses de grève. Plus d’un mois sans salaire, ça devient difficile pour payer le loyer et faire manger les gamins. Les blogs, c’est bien, la parole en vrai, la chaleur, les poignées de main, les rigolades, les discussions c’est encore mieux.

      • mardi 24 novembre 2009 à 18h38, par JBB

        @ Mathieu Colloghan : comme dirait je-sais-pas-qui, il faut rendre à César ce qui lui revient. En l’occurrence, si « bon boulot » il y a, c’est grâce à toi (et à P.) : merci de nous en avoir parlé, donc.

        Pour le reste, je fais comme d’habitude : je suis tout d’accord avec toi. Surtout quand tu dégaines de si jolies maximes que « La démocratie, c’est comme l’air qui se raréfie en altitude… »

        @ Karib : tout « squattage » de cet espace de commentaire pour rappeler que des sans-papiers mènent un massif et courageux mouvement de grève est plus que bienvenu : salutaire.

        « Les blogs, c’est bien, la parole en vrai, la chaleur, les poignées de main, les rigolades, les discussions c’est encore mieux. »

        Oh que oui.

        « Le minus se radoucit. Finit par ranger le dossier et le jeter derrière lui. »Vous recevrez une notification par voie postale."

        C’est ça. Il y a cette toute-puissance de bureaucrates et guichetiers se retrouvant avec un immense pouvoir sur ceux qui leur font face. Libres d’en user à leur convenance pour peu que ces derniers ne plient pas exactement dans le sens souhaité.

        • mardi 24 novembre 2009 à 19h23, par lémi

          @ Mathieu :

          J’abonde dans le sens JBBesque : merci pour l’impulsion !

          @ Karib :

          Normalement, le sujet devrait être abordé en ces pages dans un laps de temps pas trop long. wait and see. En tout cas, je t’invite à réitérer les « squattages » de ce genre, certains sujets le méritent amplement...



  • mardi 24 novembre 2009 à 11h33, par ubifaciunt

    Super taf, chapeau les gens !

    Et surtout tendres pensées pour ceux-elles qui se galèrent et les autres qui portent un peu ce poids avec eux-elles...



  • mardi 24 novembre 2009 à 13h42, par De Guello

    Merci,pour cet excellent reportage.
     × Les autres « journalistes »s’attardent sur la difficulté d’avoir des cartes grises....

    • mardi 24 novembre 2009 à 17h50, par pièce détachée

      Et d’autres « journalistes » encore — ou les mêmes, sur ces inquiétantes cartes blanches aux mariages gris...

      Superbe reportage, en effet. Les photos sont, comment dire et ce n’est pas du tout un reproche, presque trop belles (cette vieille question de l’esthétique de la misère).

      Il y a des bagarres, quelquefois entre ceux qui attendent, parfois à cause de jeunes de Bobigny qui viennent chercher la baston.

      Que tout le monde ait tendance à s’énerver à cause de ce qu’il faut endurer, je comprends. Que d’autres « viennent chercher la baston », non et non, et meeerde, on n’en sortira donc jamais ?

      • mardi 24 novembre 2009 à 18h18, par JBB

        @ De Guello : ne serait le triste sujet dudit reportage, on en rougirait presque. Merci.

        (En même temps, c’est vrai que ça a l’air d’être le bordel pour la file des cartes grises, un peu plus loin sur le parvis. Rien de comparable, quand même : une quarantaine de personnes qui attendent.)

        @ pièce détachée : « Que d’autres « viennent chercher la baston », non et non »

        Oui. Le mec qui nous en a parlé disait qu’il s’agit d’une dizaine d’ados cherchant des noises pour des prétextes idiots. Ça peut arriver partout, mais c’est vrai que ça a un côté désespérant d’imaginer des ados assez débiles pour s’en prendre ainsi à ceux qui sont déjà dans la merde.

        (Pour les photos, je dénonce sans aucun scrupule : c’est Lémi le responsable)



  • mardi 24 novembre 2009 à 13h54, par Isatis

    C’est terrible l’attitude de ces modestes employés de préfecture ! Croient-ils donc que la république a si besoin de leur morgue pour qu’ils la dispensent généreusement à de pauvres gens à la recherche d’une vie décente ?

    Comment comprendre leurs haïssables façons devant un « public » fragile et facile à impressionner par trois mots jargonesques à la con ?

    Mais ça ne changera donc jamais ! Toujours plus de Papon que de Moulin........ arf et merde à Vauban, dégoût gerbage et envie de meurtre.

    • mardi 24 novembre 2009 à 17h59, par JBB

      « C’est terrible l’attitude de ces modestes employés de préfecture ! »

      Oh que oui.

      C’est très difficile à comprendre, tant ça ne changerait pas grand chose pour eux d’adopter un ton plus humain. Je ne vais pas dresser d’hypothèses sur des trajectoires personnelles pouvant expliquer autant d’aigreur et d’insensibilité. Mais il est évident que l’air du temps, celui de la dénonciation de l’étranger et de l’exaltation nationale, ne peut que les encourager à se comporter de façon aussi indigne.

      « Toujours plus de Papon que de Moulin........ »

      Toutes proportions gardées, ça fait penser à ça, oui. Cette étonnant capacité à se retrancher derrière son travail et à invoquer les circonstances pour justifier ses propres travers…



  • mardi 24 novembre 2009 à 17h22, par Guy M.

    Bravo les frangins !

    Ça valait le coup de vous lever tôt...

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

    • mardi 24 novembre 2009 à 17h52, par JBB

      Pour t’avouer, on est définitivement pas du matin : on se traînait comme deux misérables larves.

      Mais voir des mecs passant leur quatrième nuit dehors parce que c’est le bon vouloir de l’administration te fait relativiser la petite souffrance d’un réveil un peu plus matinal que d’habitude.



  • mardi 24 novembre 2009 à 19h01, par tgb

    reportage saisissant - terrifiant - cette déshumanisation...j’ai des contacts avec les sans papiers de la Samsic...tout aussi déprimant - bienvenue dans un monde sans pitié - en effet l’homme n’est pas une marchandise comme les autres elle est moins considérée encore

    Voir en ligne : http://rue-affre.20minutes-blogs.fr

    • mardi 24 novembre 2009 à 19h42, par tgb

      lire : il est moins considéré encore - bien sûr

      • mardi 24 novembre 2009 à 22h47, par JBB

        Oui. C’est déjà le cas en temps normal, par le simple exercice de l’ultra-libéralisme. Mais quand en sus de ce dernier s’ajoutent les dérapages officiels et les discriminations institutionnelles du régime sarkozyste, la « valeur » de l’homme tombe très bas, pour peu qu’il ne soit pas pourvu de papiers en règle.



  • mardi 24 novembre 2009 à 20h11, par un-e anonyme

    c est un vrai desastre les gents soufrent pour avoir juste un petit renseignement ou bien un formulaire j etai s presente le jour que ces photots etait prise je soufre tout les années pour avoir juste un formulaire et les pieces a fournir pour renouveller mon titre de sejour il faut que ca changent et pour celui qui a dit bravo les frangins ca vallait le coup...... je crois que tu n est pas un etre humain ou bien t es un membre du f.n pour dire ca . on a jamis creuvé de faim a nos pays d orignes on a vecu dans des meilleurs conditions mais juste les circonstances qui nous ont jeter ici....

    • mardi 24 novembre 2009 à 22h29, par JBB

      « bravo les frangins ca vallait le coup...... je crois que tu n est pas un etre humain ou bien t es un membre du f.n pour dire ca »

      Il y a maldonne. Guy disait « bravo les frangins » en s’adressant à lémi et moi, qui avons rédigé le billet et pris les photos : nous sommes réellement frères. Et Guy est le premier à dénoncer la façon dont la France traite ceux qui rêvent d’un avenir meilleur.

      Bon courage à toi, surtout. Il faut espérer que - un jour - ce pays finisse par changer, en bien.



  • mardi 24 novembre 2009 à 23h33, par Liliane, fais les valises, on rentre à Paris !

    Bravo pour le reportage.

    Tout se paiera.

    • mercredi 25 novembre 2009 à 16h13, par JBB

      J’espère aussi.

      C’est clair qu’y en a qui mériteraient franchement de passer une éternité à se faire brûler les pieds par Satan en personne. Limite, je serais prêt à commencer à croire en Dieu, le paradis et l’enfer s’il y avait une petite chance que ça arrive.



  • mercredi 25 novembre 2009 à 07h52, par v/

    @JBB : tout ça pour nous faire croire que toi aussi tu te lèves tôt, franchement, c’est un peu abuser.

    @Isatis : disons que les Jean Moulin se mettent la tête contre les murs depuis qques temps déjà, ou peut-être qu’ils sont dans la file d’attente, ou peut-être qu’ils sont plantés là comme autant de cariatides figés dans l’ombre d’un nuage que l’histoire reconnaitra enfin comme une pierre afin que tu puisses les reconnaitre, va savoir.. il y a tant de nuages, il y a tant de moulins à « emmouliner » . Jean Moulin, c’est toi, si tu considères la vérité de certains comme une utopie, et l’utopie de tes rêves comme la réalité. Suffit de dire non et t’y tenir, tout simplement, et te voilà toi aussi porteur de nuages, éternel emmoulineur à tourner en rond. Cdt, v/



  • jeudi 26 novembre 2009 à 00h33, par AL

    BONSOIR,

    Membre du RESF même constatations dans d’autres préfectures. Que ce soit celle de Paris ou celle de Créteil que je connais hélàs très bien ! Attentes interminables dans des files très longues. Mêmes attentes, mêmes errances, mêmes ralbols et mêmes traitements hélàs ! DES CHIENS, les migrants sont traités comme des moins que RIEN ! La France terre d’asile ? La france pays des droits de l’homme ?

    Heu ? j’en doute pour le vivre tous les jours dans les aéroports, les commissariats, les préfectures c’est NON !

    Merci d’avoir souligné que quand le RESF était présent les choses étaient un poil different, malgré tout, nous avons le sentiment en tant qu’observateurs(trices) du quotidien que les choses s’agravent et de jour en jour ...

    AL.naufrages quotidiens des prefectures ;



  • jeudi 3 décembre 2009 à 14h26, par un-e anonyme

    On peut remarquer un bon travail des associations pour ne pas informer les demandeurs de titre de sejour.

    1) On peut faire une demande de carte de sejour par courrier en lettre recommandee avec accuse de reception ;

    2) Sans reponse sous 4 mois apres la reception de la lettre (date J), c’est un refus implicite. Il faut demander la motivation par lettre recommandee avec accuse de reception (loi 79-587). Sans reponse sous 1 mois c’est un defaut de motivation. Le refus est donc illegal ;

    3) Saisir le tribunal administratif de Montreuil (http://montreuil.tribunal-administr...) d’un recours en exces de pouvoir contre la decision implicite de J+4 mois. Pas besoin d’avocat.

    4) En cas de rejet, il faut saisir la cour administrative d’appel. Il faut demander un avocat au titre de l’aide juridictionelle. Puis Conseil d’Etat et Cour europeene des Droits de l’Homme pour violation de l’article 8 de la Convention.

    5) Cela n’empeche pas parallement d’essayer d’acceder a la prefecture en se presentant aux heures d’ouverture. En cas d’impossibilite d’acceder au guicher, c’est un « refus de guichet » et on peut l’attaquer immediatement au tribunal administratif de Montreuil d’un recours en exces de pouvoir.

    Voir l’experience de Lille : http://www.pole-juridique.fr/presse.php



  • mercredi 23 décembre 2009 à 13h51, par un-e anonyme

    J’en reviens aujourd’hui, pour accompagner ma femme, pour son renouvellement et ... c’est toujours autant la merde, y’a pas d’autres mots...

    Autant je pourrai comprendre qu’on fasse subir un parcours par possible à des étrangers qui viennent en France sans aucune racine, pour avoir une meilleure vie ou changer d’air, car sans être raciste, pour avoir quelque chose dans la vie il faut se battre.

    Mais je comprends pas qu’on fasse chier autant de monde pour un simple visa étudiant, un renouvellement de visa couple, un renouvellement de carte 10 ans... aucunes différence n’est faite, la queue est la même et le bordel le même !

    Simplement séparer correctement le type de demande simplifierait tout ça !

    Sans oublier que chaque renouvellement il faut refaire tout un dossier... ça veut dire faire la queue 1x pour avoir un ticket et retirer son dossier, revenir et faire la queue une 2e fois pour déposer son dossier (sauf si on a de la chance et qu’on bénéficie de l’envoi postal...) et revenir une 3x fois, pour l’ultime queue pour retirer son titre... (ça serait pas plus simple de l’envoyer directement à domicile ? Voir dans la mairie de son domicile ? ...)

    C’est franchement un monde de merde les préfectures, EN FRANCE, alors que dans bien d’autres pays, tout se passe si bien et si vite !



  • dimanche 19 septembre 2010 à 04h05, par Ashih

    1980, préfecture de...

    La file d’attente interminable, les heures à t’attendre, la peur au ventre...
    Comme hier, j’arrive à la préfecture. J’espère avoir un ticket. Ce ticket, c’est un peu comme les tickets de rationnement que l’on nous donnait pendant la guerre. On était pas sûr d’avoir de la nourriture. Aujourd’hui, j’en ai eu un. Je le serre dans ma main. Mon regard se perd dans les chiffres. Attendre, encore attendre. Plus que cinq personnes, quatre, trois,...la dame se lève. Une voix crie : le guichet est fermé, revenez demain. C’est l’heure, déjà l’heure !

    La file d’attente interminable, le jour à t’attendre, la peur au ventre...
    Enfin, j’arrive devant le guichet, le ventre vide et les jambes fatiguées de cette longue journée d’attente. Dès l’aube, j’avais rejoint les étrangers, ceux que l’on fait attendre, ceux que l’on parque pour une histoire de papier. Le guichet m’attrape. Je lui dis bonjour et je balbutie quelques mots. La dame parle très vite et me regarde en chien de fusil. Je ne comprends pas, je lui demande de répéter. Elle parle encore plus vite, nerveusement, sèchement...Je ne sais pas. Je lui parle en français...elle ne comprend pas...en anglais...elle ne comprend toujours pas. Elle n’est pas encore européenne. L’Europe n’existait pas encore. Les gens s’impatientent, le gars derrière moi m’insulte. Et elle crie : « Au suivant ».

    La file d’attente interminable, la nuit à t’attendre, la peur au ventre...
    Enfin, j’arrive devant le guichet, le ventre vide. Mon corps tremble. Il souffre de cette nuit d’attente, nuit de menace et de désarroi. Assis sur le sol glacé, il l’a accueilli froidement. J’ai faim et j’ai soif. Je me sens épuisé, sans forces, le coeur révolté. Le guichet nous guette, il se rapproche, heures après heures. J’ai réussi à avoir un ticket. Je salue et je tends mon papier, ce papier que j’ai préparé hier soir avec soin pendant deux heures, les yeux rivés sur le dictionnaire, ce papier qui peut me sauver. Le stress et l’émotion m’étouffent. Elle le parcourt des yeux, secoue négativement sa tête. Avec un regard méprisant, elle crie : « Au suivant ».
    Je pars. Je rentre chez moi et je pleure.

    La file d’attente interminable, encore une nuit à t’attendre, la peur au ventre...Il me manque un papier. je reviendrai.

    2010, préfecture d’un pays européen
    Je les regarde. Je les vois ceux qui passent la nuit à attendre, le ventre vide, les yeux cernés, rabougris par la violence administrative.

    Agnès Roussel Shih, septembre 2010

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