ARTICLE11
 
 

samedi 28 février 2009

Le Charançon Libéré

posté à 12h00, par JBB
19 commentaires

Démocratie du clic et retournement de veste : mobilisation citoyenne dans mon cul !
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Un jour oui, un jour non. Un jour blanc, un jour noir. Un jour bannière contre Hadopi, un jour pas bannière contre Hadopi. Ici, on change d’avis comme de chemise : paf, en un tour de main, engagements sans conscience et prises de position à durée limitée. Mais que voulez-vous ? Ce site a toujours eu à coeur de repousser les limites du ridicule. Et le prouve brillamment, une fois encore.

Ça fait mal au cul.

Vraiment.

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J’avais pourtant pour sûre habitude de moquer la démocratie du clic.

De cracher sur ces risibles mouvements citoyens pensant changer le monde par la grâce d’une bannière ou d’un lien, façon Free Tibet ou Birmanie-pas-beau.

Et de pointer dédaigneusement l’inanité de telles vagues de mièvrerie, refoulant les bons sentiments à dix kilomètres à la ronde comme la marée le fumet du poisson un jour de grand coefficient.

Et ?

Qu’est-ce que je fais ?

Paf : à la première occasion venue, je remise mon cerveau au placard pour sauter dans le train de la bonne conscience et danser les bras en l’air comme un mouton en rut.

Je confectionne une bannière à la volée, hop trois secondes trois dixièmes, t’as vu je suis un rebelle je me bouge les fesse, moi, les parlementaires vont en chier dans leur froc.

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Et je me dispense en sus d’écrire un billet sur Hadopi, ne donnant même pas à cette bannière posée là comme une fleur la légitimité d’un billet de fond.

Facile.

Beaucoup trop facile.

Et je ne suis pas trop fier de moi.

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J’avais déjà senti, quelques heures après mon ralliement à la cause des bouches en cœur, que la chose était un brin trop aisée.

Et la lecture de deux très bons billets m’ont définitivement fait prendre conscience que je faisais fausse route.

Celui - jubilatoire - d’Henry Michel, Black out français ou black link party ?, anticipant la crainte gouvernementale déclenchée par un tel mouvement d’opinion :

Imaginez-vous une seule seconde un membre du cabinet ministériel paniqué taper au bureau de Christine Albanel en disant :
“- Madame, c’est une catastrophe, beaucoup de blogs ont mis un gif animé noir en sidebar, et sur twitter un avatar noir !
- OMFG. Annulons la loi.”

Et celui de Maître Eolas, rappelant combien il est des combats plus essentiels pour les libertés que celui contre Hadopi, lesquels n’ont pourtant jamais eu droit à un tel combat numérique :

La loi DADVSI est passée malgré les bannières et cris d’alarme d’EUCD.info. Et la loi antiterroriste est passée en même temps comme une lettre à la poste. Grande leçon pour le législateur. Vous voulez porter atteinte aux libertés ? Faites une diversion en menaçant de priver le citoyen d’internet. Vous pourrez du coup fliquer internet sans faire tiquer qui que ce soit. Car quelle loi, selon vous, oblige les fournisseurs d’accès à conserver les données de connexion à internet et à les tenir à disposition de la police ? Une loi contre le téléchargement ? Non, contre le terrorisme. Et pourtant, elle sert dans les procédures contre les téléchargements illicites. pwned.

Donc, voilà : je me suis planté.

Sa mère la pute…

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Qu’on s’entende bien : il ne s’agit pas de remettre en cause l’excellent travail de la Quadrature du Net, site indispensable et très belle incarnation de ce que l’engagement de quelques esprits libres et désintéressés peut produire de meilleur.

Mais plutôt de s’interroger, ainsi que d’autres l’ont fait, sur l’efficacité du black out tel qu’il est proposé.

Et de souhaiter qu’un véritable black out soit mis en place, soit un, deux ou trois jours pendant lesquels les sites participants seraient réellement inaccessible.

Action beaucoup plus radicale choisie par les Néo-Zélandais auxquels le mouvement français se réfère.

Et que ce site suivra, pour peu qu’elle soit lancée dans l’hexagone.

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T’as vu ma belle veste ? Oui : classe. En plus, je peux la retourner en un tour de main…

En attendant, revirement un brin ridicule et tempête dans un verre d’eau, Article11 récupère sa bannière d’origine.

Et je bats ma coulpe en espérant retrouver un brin d’esprit critique et une once de méchanceté.

Les moins indulgents verront dans ce retournement de veste l’illustration d’une médiocre inconstance.

Qu’ils sachent que je plaide coupable.

Les plus tolérants y reconnaîtront la grâce d’internet, vivant parce qu’on s’y confronte à d’autres points de vue et qu’on est obligé d’assumer en public ses contradictions et ses erreurs.

Qu’ils apprennent que, moi aussi, j’aime le monde de Oui-Oui et les jeunes filles en fleur.

Les autres - enfin - n’en auront rien à secouer.

Et je ne peux pas leur donner tort.


COMMENTAIRES

 


  • « Ce site a toujours eu à coeur de repousser les limites du ridicule »

    Parait-il qu’il ne tue pas, alors « ne te caille pas le lait », comme dirait un vieux pote.

    Il est chic sur lui le beau gosse sur la photo. Ca donne vachement envie de réussir dans la vie !

    • « alors ’ne te caille pas le lait’, comme dirait un vieux pote. »

      Eheh… j’aime :-) Et en effet : je vais pas me le cailler. C’est désormais chose réglée.

      Mais quand même : je participerais avec enthousiasme, pour le coup, à une vraie mise en carafe des sites.

      « Ca donne vachement envie de réussir dans la vie ! »

      Un peu, mon neveu ! Des cavaliers comme ça, ça ne se trouve pas à tous les coins de rue…



  • Bah, moi je voyais dans ta bannière simplement un rappel... genre « n’oubliez pas qu’en attendant on nous fabrique des verrous ».

    Bon, ok, la loi antiterroriste est encore plus terrorisante. Mais se battre contre l’une n’empêche pas de se mobiliser contre l’autre.

    Une petite déprime en fin de semaine ? Allez, mange un lion et explose l’actu.

    • Ah oui j’oubliais un clin d’oeil : « mobilisation citoyenne dans mon cul ! » ça résonne dans mon neurone n° 34 : notre site collaboratif mon cul prod , aime bien la mobilisation.

      Il s’agit d’un site de création collaborative (musique, image et texte). Si t’as envie de décompresser, télécharge la compile 1, ça nettoie les oreilles (en même temps, ça prouve que l’absence d’autorité et d’intérêt ne nuit pas à la création, bien au contraire).

      • « je voyais dans ta bannière simplement un rappel... genre ’n’oubliez pas qu’en attendant on nous fabrique des verrous’. »

        C’était ça aussi, bien entendu. Et je reste partagé sur cette action, que je trouve à la fois plus que bienvenue et trop limitée. C’est le côté bonne conscience qui a emporté le morceau, quand je me suis rendu compte que j’avais été tout jouasse de balancer la bannière et que c’était comme si je pouvais m’en tenir là.

        « Une petite déprime en fin de semaine ? Allez, mange un lion et explose l’actu. »

        Gniark-gniark ! (Y a de ça aussi, mois de février qui n’en finit pas, impression de ne pas livrer de billets assez incisifs ou efficaces, difficulté à écrire, incessants plantages du site que je n’arrive pas à résoudre… bref, il était temps que le printemps arrive. En attendant, j’ai décidé de redevenir méchant, mort à la mélasse et à la mollesse sociale-traître !)

        « notre site collaboratif mon cul prod , aime bien la mobilisation »

        Il pète votre site (et pas qu’à cause du nom…), la présentation est aussi classe que l’idée collaborative. Je vais me plonger dedans. (T’aurais dû m’en parler avant)

        Téléchargement lancé, je vais écouter la compil cet après-midi en regardant le soleil. Merci. :-)

    • Bon, ok, la loi antiterroriste est encore plus terrorisante. Mais se battre contre l’une n’empêche pas de se mobiliser contre l’autre.

      D’autant que les dispositifs de filtrage du Net et de flicage des internautes seront tôt ou tard utilisés pour la « lutte anti-terroristes » – voire anti-contestataires.

      Tiens, et en Irlande aussi, on blackoute...
      http://www.blackoutireland.com/

      Voir en ligne : http://www.irenedelse.com



  • samedi 28 février 2009 à 15h20, par Chompitiarve

    Juste une remarque, là :

    http://aldebaran.eu.org/index.php?2...

    Bon.
    Maintenant, tu te fais toi-même panpan cucul comme si tu t’était fait arnaquer, mais non !

    N’as-tu jamais signé une pétition en pensant que « ça-ne-servait à rien-mais-que-quand-même » etc, ...c’est la même bouteille à l’encre éternelle de la discussion entre « Faut absolument voter pour faire barrage à blabla » et « Elections piège-à-cons ».

    Mais si la démarche de quadraturedunet est honnête, comme tu le dis, pas de quoi viruler :
    la méthode n’est peut-être pas la bonne, mais ça n’enlève rien à l’utilité de faire passer l’info.
    A moins que « de facto » hadopi n’ait réellement aucune chance,
    ou bien que l’Internet n’ait plus d’interêt pour s’y exprimer ...
    L’internet freinerait-il la rue en nous rendant pantouflards ?
    Possible ...
    (pas autant que TF1 ou la pharmacie, à mon avis, mais bon)

    • samedi 28 février 2009 à 15h26, par Chompitiarve

      Mon lien est mal fichu apparement

      lire le comm #31

      Voir en ligne : http://aldebaran.eu.org/index.php?2...

    • « Bon. Maintenant, tu te fais toi-même panpan cucul comme si tu t’était fait arnaquer, mais non ! »

      On est bien d’accord. Nul sentiment de m’être fait arnaquer, bien au contraire. C’est plutôt l’occasion de me donner un coup de pied à moi-même. Ou plutôt : de m’auto-foutre de ma gueule.

      « N’as-tu jamais signé une pétition en pensant que ’ça-ne-servait à rien-mais-que-quand-même’ etc, .. »

      Justement, c’est toujours freiné des quatre fers et du museau à cette idée, impression que c’était une façon de dévoyer un engagement en choisissant la solution de facilité. Et finalement, je me suis rendu compte que je reproduisais ça en plaçant une bannière et en considérant que ça réglait le problème. Mais ce n’est pas du tout une critique de l’action, juste un positionnement perso par rapport à cette question de « démocratie du clic ».

      « Mais si la démarche de quadraturedunet est honnête, comme tu le dis, pas de quoi viruler »

      Je ne suis heureusement pas le seul à le dire : ces gens sont remarquables et font un boulot d’enfer. C’est finalement peut-être à nous d’aller au bout de leur démarche en fermant nos sites pour une période donnée. Encore une fois : si un vague mot d’ordre de ce genre est lancé, je serai le premier à suivre.

      Et pour ton commentaire sur La Nouvelle Zélande, je suis d’accord : rien ne dit que ça marcherait chez nous. Mais : qui sait ?

      • « C’est finalement peut-être à nous d’aller au bout de leur démarche en fermant nos sites pour une période donnée. Encore une fois : si un vague mot d’ordre de ce genre est lancé, je serai le premier à suivre. »

        je me dis juste que si les sites « engagés » (enragés ? :) ) ferment quelques jours il n’y aura à peu près que les gens qui ne le sont pas moins (et les créateurs du projet de loi) qui seront au courant .... je ne vois pas le coté didactique ni le coté pression là dedans. me trompé-je ??

        • dimanche 1er mars 2009 à 19h03, par JBB

          « me trompé-je ? »

          Pas du tout, l’influence sera forcément limitée. Mais ça aurait sans doute le mérite de faire davantage de bruit. Et surtout, ça montrerait combien la question est prise au sérieux : quoi de pire, pour un blogueur, que de volontairement fermer son site ?



  • Fait comme ça, ça sert au moins à informer (une bannière en plus ou en moins) pour ceux qui passeraient à côté de ce que nous réserve l’État (sa mère !) ...

    • dimanche 1er mars 2009 à 19h15, par JBB

      On est d’accord. (Encore une fois, mon avis sur la question n’est pas tranché)

      Le truc, c’est que je parierais que tous ceux qui passent par ce site sont déjà informés de la question.



  • C’est vrai, ça : faut toujours se laisser démoraliser par les donneurs de leçons sur la meilleure manière de manifester. Et rien de tel que le débat sur le débat, en matière d’écran de fumée...

    Voir en ligne : http://www.irenedelse.com/

    • Je proteste : je ne me suis pas laissé démoralisé, ni ne souhaite donner de leçons à personne. J’ai juste un brin changé d’avis sur la question. Par contre, il est clair que ce n’est pas mon billet le plus heureux… :-)

      • ça c’est bien vrai ! ;)

        • mercredi 4 mars 2009 à 17h54, par pièce détachée

          Non, ce n’est pas vrai. Je trouve quant à moi ce billet des plus « heureux » — non pas qu’il transpire le bonheur, c’est le moins qu’on puisse dire, mais parce qu’il est d’une honnêteté poignante (c’est, ringarde ou pas, la sensation physique très nette que j’ai éprouvée en le lisant).

          Signer une pétition, ça sert à quoi ? Accomplir une action, verbale ou physique, qui sera peut-être dénigrée longtemps par ceux-là même avec qui on lutte, ça sert à quoi ? Et la résistance passive invisible, ça sert à quoi ?

          Parfois c’est efficace, parfois non. Quand on n’espère rien de l’engeance humaine, c’est, avant tout et très contradictoirement (on doit alors l’assumer), une question de dignité personnelle.

          Entre l’efficacité très variable et la dignité impérative, il y a parfois des couacs.

          Parfois des marées de boue devant lesquelles on est très tenté de fuir ; parfois la conscience criante que si nous pouvons encore écrire tous ces beaux commentaires, c’est parce que nos devanciers se sont battus pour faire un peu reculer ces marées (ainsi que l’écrit beaucoup mieux emcee, dans un commentaire chez Chomp [lien donné ci-dessus par Chomp soi-même]).

          Parfois, souvent, « le débat sur le débat » forme « écran de fumée » (I. Delse). Mais prendre du recul pour réfléchir à ce qu’on fait, à ce qu’on est, c’est indispensable aussi, pour agir — ou ne pas agir — avec un tant soit peu de cohérence.

          Non, Charançon n’est pas ridicule. Juste d’une sincérité désarmante, et même parfois — on le lit entre les lignes de certains de ses billets — légèrement fleur bleue. Avec Oui-Oui et les jeunes filles en fleurs. Même si l’on ne cultive pas soi-même ces goûts romantiques, c’est pour ça qu’on l’aime. Moi, en tout cas.

          • Je n’aurai qu’un mot, Pièce Détachée : grand merci à toi.

            Pour la déclaration d’amour, j’en ai tout autant à ton service. :-)

            Pour la remarque sur l’honnêteté, je pense qu’il a y un fond de vérité (même si je ne suis pas le mieux placé pour en juger…). Mais j’essayais en effet de n’écrire que ce que je pensais vraiment, quitte à être ridicule.

            Pour le romantisme et le côté « fleur bleue », je proteste avec la plus grande des énergies. Soldat de la révolution, je suis, insensible et droit dans mes bottes. :-)



  • sa mère la pute !

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