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samedi 18 octobre 2008

Le Charançon Libéré

posté à 11h52, par JBB
9 commentaires

Du bonneteau, le patronat international connaît toutes les ficelles. Qui c’est les pigeons ?
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Que la crise change quoi que ce soit à la façon de voir le capitalisme ? Allons donc… Qu’on introduise un peu de régulation dans le système ? Soyez sérieux… Pour le G5, réunion tupperware des cinq organisations patronales les plus puissantes d’Europe, nulle remise en cause ne s’impose. Pourquoi se gêner ? Ces joueurs de bonneteau hors-pairs ont déjà vidé votre porte-monnaie…

Ceusses d’entre vous qui ne vivent pas à la campagne ont déjà dû assister au fascinant ballet des joueurs de bonneteau.

Margoulins sans envergure qui, dans les rues des quartiers populaires ou les travées des marchés aux puces, retournent un carton pour s’en servir comme table.

Tentent d’attirer le chaland, tournant et retournant des cartes ou des plots au milieu d’une petite foule de complices.

Les manipulent doucement, pour que le passant curieux et un peu naïf sente l’affaire à sa portée.

Et distribuent très régulièrement des billets à leurs comparses, hommes et femmes faisant semblant de jouer pour mieux montrer la simplicité tentante du gain à celui qui hésiterait à investir quelques argents sur une évidence calculée.

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Quelquefois.

De temps en temps.

Un passant s’arrête, mordant à l’hameçon, son sort déjà scellé.

Et c’est miracle de voir à quelle vitesse il se fait délester de ses mises, le jeu s’accélérant tandis que les comparses se regroupent autour de l’infortuné joueur pour mieux lui mettre la pression.

Quelques biftons changent de poche.

Puis le passant s’en va.

Et le jeu bidon reprend son alléchant rythme de croisière, jusqu’à la prochaine poire décidée à se faire plumer.

Un spectacle rigolo.

Même s’il n’a rien de très glorieux.

Le bonneteau étant à l’arnaque de rue ce que le Rapido, jeu compulsif et arnaque d’Etat, est à la Française des jeux

Pigeon méritant de se faire voler, assez bête pour n’avoir pas décelé le piège ni saisi d’un seul coup d’oeil combien le jeu était truqué.

Et arnaqueur ne méritant pas de gagner, bateleur sans prestige entouré de comparses aussi patibulaires que mauvais comédiens, tous prêts à sauter sur le pauvre hère qui pariera un billet pour lui en extirper davantage et l’empêcher de protester.

Bref : tous dans le même sac, volé et voleurs.

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Selon les lieux et les milieux, le bonneteau connaît quelques variations.

Mais le principe reste le même.

Et il est frappant de constater combien cette arnaque se pratique un peu partout.

Jusque dans les supposées plus hautes strates de la société et du pouvoir.

Ce tour de passe-passe universel, aux ficelles grosses comme des câbles d’amarrage pour super-tankers, étant alors paré du vernis de la respectabilité.

Histoire de rendre l’arnaque moins insultante.

Et le vol moins évident.

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Jeu de bonneteau planétaire.

La crise économique aura finalement été le plus beau coup de ces margoulins.

Arnaque mémorable en forme de gigantesque coup de bluff par lequel financiers mondiaux et investisseurs multinationaux ont fait main basse sur la manne publique.

Sauvetage d’Etat dont tout citoyen payera les pots pas cassés.

Chacun mettant à la poche pour éviter cette ruine et cette désolation dont on nous a abreuvé à tous crins.

Et dont les complices, acteurs de la finance ou simples exécutants, ont joué et surjoué toutes les scènes.

Mimant l’affliction, la panique et l’effroi à qui mieux-mieux pour bien faire sentir combien le sauvetage d’un système ne profitant qu’à quelques-uns se devait d’être l’affaire de tous.

Et enchaînant les coups de pression, tous réunis pour hurler de concert et faire accroire la nécessité d’interventions massives pour les renflouer.

Et ?

Ben… le bluff a payé.

Evidemment.

Enormément.

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Dès lors que ces joueurs de bonneteau ont eu ce qu’ils voulaient, ces arnaqueurs à la grande semaine n’ont pensé qu’à une chose : mettre les voiles.

Se tailler à très grandes enjambées, le pas alerte et seulement ralenti par des poches tellement pleines qu’elles pesaient comme cent ancres marines ralentissant la dérive d’un trois-mats pris dans la tempête.

Se séparer et renouer les fils de leur vie d’avant, comme si le plus grand coup de tous les temps ne venait pas d’être effectué sous nos yeux naïfs de pigeons de première.

Prendre un air innocent, dégagé, celui de tout voleur un tant soit peu professionnel soucieux d’échapper à la méfiance policière.

Et ne surtout pas se sentir coupable ni se montrer redevable.

Au contraire…

Ainsi de l’appel lancé hier par une Laurence Parisot si impudique et malhonnête qu’elle en pulvérise la notion même de décence.

La présidente du Medef appelant, à l’issue d’une réunion du G5, meeting de haute teneur qui est aux rassemblements patronaux ce que le concours international des mangeurs de hamburgers est au tout-venant de la clientèle des fast food, soit le congrès tupperware de l’élite du capitalisme, Laurence Parisot appelant, donc, les Etats à la mesure et à la retenue.

Tant s’il « était bon, (s’)il était nécessaire, (s’)il était utile que les Etats interviennent » contre la crise financière.

Il ne faudrait pas non plus que ces « interventions durent trop longtemps », sauf à courir le risque de « ralentir le retour de la croissance » et de pousser les citoyens à se faire de fausses idées sur le capitalisme.

Ce que les collègues de dame Parisot, aussi cons que fraternels, ont confirmé en insistant « sur les bienfaits apportés par l’économie de marché » et en s’inquiétant de ce que les gens puissent s’imaginer que « le capitalisme, c’est fini ».

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En bref, les arnaqueurs se sauvent en courant, une fois leur coup effectué.

S’élèvent contre tout contrôle ou toute mainmise liés à l’onction de ces milliers de milliards d’euros.

Et s’opposent à toute tentative de régulation.

Il n’est guère de mots pour qualifier une telle attitude.

Sinon à y reconnaître le culot de joueurs de bonneteau d’exception.

Tandis que nous ne sommes que d’éternels blousés.

Et de très très gros pigeons.


COMMENTAIRES

 


  • Avec Mme Parisot, c’est un peu comme avec les girouettes : elle annonce toujours où va aller le vent. Mais le comble c’est d’entendre tous ceux qui (suivez mon regard...) vantaient la mondialo-globalisation, qui donnaient le magnifique système économique anglo-saxon comme modèle unique, ceux-là n’ont pas (pour le moment) de mots assez durs contre tous ces inconscients financiers ... Aligner les mots ça ne mange pas de pain. Mais combien y aura-t-il de gens, demain qui n’en mangeront pas non plus du pain...

    Voir en ligne : http://repvblicae.wordpress.com/

    • Article révélateur de l’ampleur de la bêtise de nos... euh... élites :

      http://www.rue89.com/2008/10/18/un-...

      • samedi 18 octobre 2008 à 19h22, par JBB

        Je suis d’accord avec toi : au moins, Parisot est fidèle à elle-même, logique dans son comportement. Bien pire (enfin, ça dépend…) sont ces anciens adorateurs du veau d’or qui d’un seul coup, en quelques heures ou quelques jours, se font dénonciateurs du même.

        [J’ai bien l’impression de savoir vers qui porte ton regard… :-) ]

      • Ce qui est exemplaire, c’est que l’on retrouve dans le fond du classement Mulhouse dont le maire Bockel était depuis vingt ans le champion des fonds de pension et des crédits hypothécaires à l’anglo-saxonne au nom de son prétendu blairisme (affiché par souci d’image). Et maintenant il est passé de la gauche à la droite pour ces considérations absurdes alors qu’il n’arrivait à rattraper qu’un pour cent du PS lors des votes de motions. Tout le monde savait que c’était pourri et il était le seul à le défendre au PS (avec l’inepte Edith Cresson, il faut le dire) et on voit ce que cela donne sur sa gestion locale aussi. Cela ne me fait pas rire : je perdrai des sous à cause de lui et de sa confiance dans l’économie de marché sous la main invisible, et puis je connais des gens qui voteront encore plus à droite à cause d’un type de gauche qui menait une politique libérale dite blairiste. Il a vendu sa ville à la droite et à la droite extrême par tous ses thèmes sécuritaires au long des années.



  • C’est Rosa Lusemburg qui disait « ceux qui ne bougent pas ne sentent pas leurs chaînes ». Vous avez du remarquer que cela fait un grand moment que les pigeons ne bougent plus, illusionnés par les manips du maitre de jeu. Vont tous finir plumés sans s’en rendre compte, ces cons !

    • samedi 18 octobre 2008 à 19h23, par JBB

      Exactement.

      En même temps, ça a quelque chose de tellement facile de se laisser porter, d’avoir peur quand on nous le dit et de se sentir soulagé itou. En suivant le Cac40, quoi.



  • dimanche 19 octobre 2008 à 20h53, par Jean-Marie Belgique

    A quand un blocus de Monaco, du Luxembourg, du Lichetestein...?
    Le nouvel esclavagisme : « l’usure » ou « l’intérêt » !
    Voir sur bankster.tv : « l’argent dette » ou comment les banquiers n’ont pas fini de s’enrichir !



  • lundi 27 octobre 2008 à 14h33, par Yves David

    Svp, faites un peu de pédagogie. J’aime bien ce genre d’article mais il présente un défaut majeur. C’est que l’auteur part du principe que le lecteur est autant initié que lui à la finance (parce que de la crise des subprimes, des hedge fonds, aux conséquences sur les banques françaises on a besoin d’un bref rappel si on ne lit pas la Tribune tous les jours).
    Par exemple :
     × J’aimerais bien savoir quelle est pour vous cette faramineuse arnaque « dont tout citoyen payera les pots pas cassés. » ?
     × j’aimerais bien savoir également qui sont « ces arnaqueurs à la grande semaine n’ont pensé qu’à une chose : mettre les voiles. ». Car s’ils ont mis les voiles les arnaqueurs ne sont donc pas les banques, ce que j’ai toujours pensé. Des noms !!
    C’est bien les billets d’humeur aux beaux effets de style mais pensez également au lecteur lambda. A moins que votre blog soit réservé à une élite. Et dans ce cas je dis : « respect » et m’en vais lire ailleurs.

    • lundi 27 octobre 2008 à 17h59, par JBB

      Je comprends fort bien vos remarques et ne peut vous donner tort : il est quelquefois très facile de cultiver l’entre-soi, de ne parler qu’à quelques personnes qu’on sait initiées, de ne pas faire l’effort de s’adresser à davantage de monde.

      Mais, juste deux remarques à mon tour :

       × « l’auteur part du principe que le lecteur est autant initié que lui à la finance ». Ce n’est malheureusement pas vrai, je ne suis qu’un piètre connaisseur du monde financier. Par contre, il me semble évident que personne, tout au moins parmi les gens qui s’intéressent aux blogs et s’y rendent régulièrement, n’ignore le montant des différents plans de sauvetage, non plus que les critiques les plus importantes qui y ont été apportées.

       × Il est d’autres billets plus argumentés. Mais le seul intérêt de celui-ci (si tant est qu’il en ai un…) réside essentiellement dans la mise en forme de ce qui a été dit ailleurs. En clair : je me contente de proposer une vision simpliste et un brin scénarisée de ce que j’ai lu dans la presse. Parce qu’il me semble évident que lecture des blogs et des médias traditionnels sont complémentaires.

      Plus prosaïquement, mais il me semble que ce n’est pas le vrai sujet de votre commentaire : l’arnaque réside évidemment dans les différents plans de sauvetage, injections massives de liquidités pour sauver quelques-uns, dans la préparation de terrain effectuée par les médias, politiques et institutions privées pour exagérer la crise et faire pressentir à chacun la nécessité d’une intervention, dans le comportement de ces financiers de tous poils (AIG, Fortis…) qui montrent qu’ils n’ont rien retenu de leur sauvetage, etc…

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