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lundi 2 mars 2015

Entretiens

posté à 17h21, par Julia Zortea
7 commentaires

De la servitude à la conquête – Entretien avec Gillian Weiss

« Utilisant la Méditerranée comme indispensable point de vue pour une étude de l’ascension de la France, (...) le livre lie le rachat des captifs à la formation d’un État - mais aussi, à l’idéologie encore vivace de l’émancipation par la conquête. » Entretien avec l’historienne américaine Gillian Weiss à propos de prisonniers qui furent tour à tour marins, brebis égarées de la France catholique, sujets royaux, supports de fantasmes et prétextes à la colonisation.

Cet entretien a été publié dans le numéro 17 d’Article11

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Dans Captifs et corsaires, L’identité française et l’esclavage en Méditerranée1, l’historienne états-unienne Gillian Weiss, rattachée à l’université de Cleveland, analyse la formation d’une « identité française » d’État à travers le sort des captifs français réduits en esclavage dans les cités corsaires du Maghreb, entre 1550 et 1830. D’abord délaissés par le royaume, parce que considérés comme des accidentés du commerce maritime, ces prisonniers au statut fragile ont ensuite fait l’objet de tentatives de rachat par l’État français. Face aux captures, ce dernier à ainsi progressivement reconfiguré ses critères d’appartenance et sa politique extérieure, jusqu’à ce que le sort présumé de ces esclaves serve de prétexte à la colonisation au XIXe siècle. Se détournant des « typologies statiques », l’ouvrage érudit et fourmillant de Gillian Weiss emprunte à l’histoire sociale, diplomatique et culturelle, ainsi qu’à l’histoire de l’art, pour montrer l’évolution des « notions de liberté et de non-liberté en France », « la nature mouvante de l’esclavage, l’association entre libération et construction d’une nation, les racines impérialiste de l’abolition ».

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Comment vous êtes-vous intéressée à la France, et plus précisément à l’esclavage en Méditerranée ?

« J’ai passé une année en France quand j’avais 15 ans. En commençant ma licence d’histoire à l’université, j’ai donc orienté mes recherches vers ce pays, notamment parce que j’en parlais déjà la langue. J’ai aussi travaillé en 1990 comme assistante d’une écrivaine et journaliste du New Yorker, Jane Kramer. C’était au moment de l’affaire de la profanation du cimetière juif de Carpentras. À sa demande, j’ai effectué des recherches historiques sur cette communauté. Et en rentrant aux États-Unis, j’ai choisi de faire mon mémoire de maîtrise sur les juifs de Bayonne au XVIIIe siècle.

Quand j’ai commencé mon doctorat à l’université de Stanford, je me suis intéressée à l’histoire des Morisques – des musulmans convertis au catholicisme en Espagne. En 1610, Henri IV a accordé à 50 000 Morisques expulsés par le royaume espagnol le droit de traverser les Pyrénées pour s’installer en France. Dans la majorité des cas, ce ne fut qu’une étape vers l’Empire ottoman.

C’est en travaillant aux archives de la Chambre de commerce de Marseille que j’ai finalement pris connaissance de ces épisodes d’esclavage en Méditerranée. Un étudiant m’a indiqué qu’il y avait là des documents sur les esclaves musulmans en France et sur les esclaves français en Afrique du Nord. J’ai rapidement compris que les traces de cet esclavage ne se réduisaient pas à quelques mentions éparses et que cette documentation contenait de véritables récits de captivité, où il était notamment question de rachat d’esclaves français retenus au Maghreb. De fait, il s’agit d’un vaste sujet, très peu étudié, surtout à partir du début du XXe siècle2 – auparavant, les rares allusions à l’esclavage des Français servaient essentiellement à légitimer la conquête d’Alger. »

Pourquoi ce sujet a-t-il été ainsi mis à l’écart ?

« Je peux imaginer les raisons pour lesquelles les historiens français du XXe siècle ne s’y sont quasiment pas intéressés. Malgré le travail de Fernand Braudel, qui a élaboré l’idée d’un ’’espace méditerranéen’’3, la France est souvent représentée et étudiée en tant que puissance moderne septentrionale, sans égard pour sa dimension méditerranéenne. Et puis, le fait que d’anciens sujets coloniaux aient pu maintenir des Français en esclavage ne plaisait pas à tout le monde... Par conséquent s’est imposée l’idée selon laquelle les ’’Barbaresques’’ se livraient à des attaques maritimes uniquement contre leurs plus proches voisins européens – Espagnols, Italiens et Portugais. »

Les provinces maghrébines de l’Empire ottoman, longtemps désignées sous le terme d’« États barbaresques », sont alors constituées de régences ottomanes en Afrique du Nord – Tripoli, Tunis, et Alger – ainsi que du Maroc, un royaume indépendant. Les corsaires sont des sujets de ces États ?

« J’ai utilisé le terme corsaire, et non pirate, pour souligner le fait qu’il s’agissait de capitaines disposant de l’autorisation de leur souverain pour agir. D’ailleurs, il y avait également des corsaires chrétiens – y compris des Français – qui s’en allaient piller les navires et les côtes du Maghreb. Sur les deux rives, on les nommait du terme arabe ’’ra’is’’. Il s’agissait d’un phénomène bilatéral, sinon symétrique. Certains corsaires barbaresques étaient même des Européens convertis à l’islam par intérêt lucratif. Par exemple, Murat Reis, connu pour avoir enlevé 800 personnes à Reykjavik, était à l’origine un Hollandais répondant au nom de Jan Janszoon. »

Devenait-on corsaire pour contrôler territorialement la Méditerranée ? Pour accroître sa fortune ? Celle de son État ?

« Les raisons étaient diverses et mixtes, d’autant que les appartenances étaient alors moins déterminées qu’aujourd’hui. L’historiographie récente a beaucoup insisté sur cette fluidité identitaire et politique de l’espace méditerranéen en tant que subversion de l’État. À l’inverse, j’ai voulu démontrer que l’État a aussi profité de cette fluidité pour se construire.

Pour leur part, les corsaires, chrétiens ou musulmans, s’emparaient des navires ennemis afin de prendre possession des cargaisons et des équipages. Les prisonniers étaient vendus comme esclaves ou retenus en captivité pour obtenir des rançons. L’argent de ces dernières a largement irrigué l’économie des villes portuaires du Maghreb, mais aussi celle de ports européens comme Livourne. Quant à la royauté française, elle a mis beaucoup d’énergie à capturer et à acheter des ’’Turcs’’, afin d’en faire des rameurs pour sa flotte de galères royales. »

La France était pourtant considérée comme un « sol libre » à cette époque...

« Cette idée existe depuis le XVIe siècle. Il ne s’agit pas d’une loi, mais d’une sorte de principe de liberté territoriale – qui implique théoriquement la libération des esclaves, y compris musulmans. Mais en dépit de la maxime ’’Nul n’est esclave en France’’, les administrateurs et les théologiens se sont ingéniés à justifier l’esclavage des Nord-Africains. Parce que Louis XIV voulait réellement posséder des rameurs turcs – au premier rang desquels les ’’Barbaresques’’. Et surtout parce que la royauté française entendait faire taire les critiques qui lui étaient adressées depuis le XVIe siècle au sujet de ses relations diplomatiques avec l’Empire ottoman. Ces rameurs faisaient ainsi fonction de symbole de sa puissance et de preuve de sa catholicité. Mais en réalité, il y avait aussi des juifs, des chrétiens et surtout des protestants sur les galères du roi de France. »

Vous expliquez que l’intérêt de l’État français pour ses sujets retenus au Maghreb a évolué. Au XVIe siècle, Henri IV ne se préoccupait guère du rachat de ces derniers, ce qui a donné lieu au développement de diverses techniques « privées » de libération…

« Un certain nombre d’historiens travaillent aujourd’hui sur le commerce des captifs en Méditerranée, à l’image de Wolfgang Kaiser4 en France. Ils ont notamment montré qu’il existait de nombreux intermédiaires dans ce commerce, souvent des marchands, qui pouvaient par exemple prêter l’argent de la rançon aux détenus. Ou bien acheter un ’’Turc’’ dans le port de Livourne – il s’y tenait un grand marché aux esclaves – pour ensuite l’échanger directement contre un esclave retenu en Afrique du Nord, ou contre un rameur des galères de France. En outre, deux ordres religieux catholiques rédempteurs (les Trinitaires et les Mercédaires) s’étaient spécialisés dans le rachat d’esclaves ; ils étaient motivés par la peur de voir ceux-ci se convertir à l’islam.

L’entraide familiale était aussi très importante. Si l’on ne faisait pas tout pour racheter un parent retenu en captivité, on n’était plus digne d’hériter. Les familles s’endettaient, les épouses missionnaient des notaires, écrivaient des lettres aux institutions régionales, etc. Le code de la famille était même exceptionnellement aménagé pour l’occasion : les femmes pouvaient aliéner leur dot, ou vendre le bien de leur mari ou de leur père pour le sauver. Quand il s’agissait de rétablir l’ordre familial, l’infériorité liée au sexe, notamment juridique, était levée. »

Vous écrivez que les exclus officiels des affaires du royaume (juifs séfarades, protestants, renégats, femmes) agissaient alors comme des agents d’inclusion dans l’État français. Cette capacité d’action internationale, mise en œuvre par des gens d’origine très modeste (pour la plupart issus de l’entourage des marins), est impressionnante…

« Daniel Hershenzon, un historien qui travaille sur l’Espagne, considère que ce sont justement les communications entre esclaves, intermédiaires et familles qui constituaient l’espace méditerranéen en tant qu’entité – plutôt que les accords diplomatiques bilatéraux entre royaumes. Cela dit, à la différence d’autres pays, la France avait dès le Moyen Âge développé des accords avec Alger, grâce à Marseille. Les États existaient bel et bien, mais le sort des captifs n’a pas toujours été leur priorité. »

Pourquoi la libération des captifs est-elle devenue une affaire d’État, notamment sous Louis XIV ?

« La libération des captifs a progressivement acquis une forte charge symbolique : être capable de libérer ses sujets correspondait à une démonstration publique de puissance. Les processions d’esclaves affranchis à travers la France et la diffusion des récits de captivité – organisée par les Trinitaires et les Mercédaires – ont ainsi pris une importance particulière sous Louis XIV. En plus de libérer, l’État et l’Église avaient aussi à cœur de montrer qu’ils acceptaient de réintégrer un sujet ’’sain’’. Soit un sujet qui n’avait pas été contaminé physiquement par la peste5, moralement par la sodomie, et spirituellement par la conversion – les trois périls barbaresques selon l’imaginaire de l’époque.

Cette ostentation de la réintégration résonne fortement avec cette tendance qu’avait la royauté des années 1680 à vouloir unifier la France catholique contre les protestants6 . En ce sens, les rachats de captifs étaient également une manière de déterminer qui était français et qui ne l’était pas. À cette époque, la monarchie a ainsi décidé que seuls les catholiques pouvaient être rachetés par l’État. Dès lors, les captifs ont dû adresser leurs lettres directement au roi, plutôt qu’aux familles et institutions de leur ville d’origine. C’était une manière de les pousser à déclarer publiquement leur appartenance religieuse et à faire allégeance au roi. »

Un tri était-il opéré lors des rachats d’esclaves ? Que devenaient les captifs protestants ?

« L’État faisait libérer en priorité les sujets les plus utiles à l’enrichissement du pays – les pères de famille, les marins de sa flotte, les jeunes mousses… Pendant longtemps, les ordres rédempteurs catholiques, considérant qu’il était inacceptable de laisser un chrétien entre les mains de musulmans, ont également rachetés des huguenots. Sous Louis XIV, les ordres religieux ont perdu leur autonomie, et cette pratique a plus ou moins pris fin. Mais les protestants disposaient aussi de leurs propres réseaux de rachat, notamment en lien avec les Provinces-Unies des Pays-Bas et avec l’Angleterre, alors en compétition avec la France pour le contrôle du Maghreb. »

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Vous réfutez l’idée - reçue - d’un affrontement continu entre Orient et Occident, entre Croix et Croissant…

« Les échanges entre les deux rives restaient généralement paisibles. Et la question de l’esclavage et de la captivité était considérée comme un simple accident dans un parcours de vie. Les marchands, de même que les communautés françaises libres installées à Alger et à Tunis, s’opposaient d’ailleurs aux efforts militaires du roi (sièges, bombardements d’Alger) pour récupérer les captifs, car ils estimaient que ces actions pénalisaient le commerce et les échanges.

J’ai trouvé dans les registres de la chancellerie de la France à Tunis des procurations de Français convertis à l’islam autorisant leur famille à vendre leurs biens, ou leur accordant une somme d’argent. Alors qu’en théorie ils avaient renoncé à leur patrie d’origine, ils ont pu conserver des liens avec la France. Cette dernière acceptait aussi assez facilement de réintégrer les renégats. On trouve ainsi de nombreuses lettres de captivité adressées au roi indiquant : ’’Je suis devenu musulman en apparence, mais je suis resté chrétien du fond du cœur.’’ Les relations et les appartenances étaient plus fluides et duales que la manière dont on les représente souvent. »

La justification de l’esclavage sur les rives de la Méditerranée est alors d’ordre religieux, mais elle se dotera d’une charge raciale au fur et à mesure du développement de la traite négrière en Afrique...

« Je veux montrer qu’il y a une continuité entre ces deux formes de servitude. Même si les historiens ont beaucoup insisté sur la différence entre les captifs, qui représentaient une valeur d’échange, et les esclaves, qui représentaient une valeur de travail. Les chrétiens détenus au Maghreb avaient effectivement la valeur de leur rançon ; ils pouvaient être rachetés et libérés. Cette forme est bien distincte de la servitude permanente et héréditaire des populations noires envoyées en Amérique.

Ceci dit, aux XVIIe et XVIIIe siècles, les termes esclaves et captifs étaient synonymes en France ; ils désignaient tous deux une capture fondée sur une différence de religion. Les musulmans du Maghreb étaient alors vus comme des ennemis, mais sans être considérés comme culturellement inférieurs aux Européens. Le développement de la traite négrière a ensuite progressivement modifié la manière de concevoir l’esclavage en Méditerranée. L’idée selon laquelle un Blanc ne pouvait plus être esclave s’est développée tout au long du XVIIIe siècle. »

Reste-t-il des esclaves blancs en Afrique du Nord au tournant du XIXe siècle ?

« Pratiquement aucun. Les derniers sont ceux qui ont des statuts ambigus : des déserteurs, des personnes qui ont perdu leurs papiers, des sujets des Républiques sœurs7… La Révolution française a associé l’idée de liberté au pays. Et cela a justifié un certain nombre de conquêtes ’’libératoires’’ : il fallait briser les chaînes partout dans le monde. Mais en réalité, il s’agissait surtout de briser les chaînes des Blancs – ou assimilés. Lors de la campagne d’Égypte, Napoléon a fait une halte à Malte, où il a symboliquement libéré les esclaves maghrébins ; dans le même temps, il ré-institutionnalisait l’esclavage à Saint-Domingue. Comme nombre de ses contemporains, il n’était pas totalement opposé à l’esclavage ; seul celui des Blancs lui semblait intolérable. Cet argument de libération, qui ne ne correspondait pourtant plus à une situation réelle dans les provinces ottomanes du Maghreb, a d’ailleurs servi de prétexte à la conquête de l’Algérie en 1830.8 »

Est-ce l’une des justifications qui en a été donnée ?

« Les causes de cette conquête sont beaucoup moins étudiées que le processus de colonisation et de décolonisation de l’Algérie. On fait souvent allusion aux dettes contractées par Napoléon auprès du Dey d’Alger trente ans plus tôt, au célèbre coup d’éventail, au désir de Charles X de se maintenir au pouvoir en se prévalant d’une victoire militaire à l’étranger, etc. Mais il faut en réalité situer cette conquête dans un temps plus long. J’ai constaté au fil de mes recherches9 que la question des captifs est revenue dans les esprits avec les guerres d’indépendance de la Grèce (1821-1830) – on prétendait alors que des femmes hellènes avaient été mises en vente sur des marchés aux esclaves par des Turcs. C’est là que la peur a changé de nature en France. Auparavant, la menace de la conversion concernait l’âme des hommes. Mais désormais, c’est le corps des femmes blanches qui était considéré comme exposé au viol et au métissage. Ce type de fantasme s’est mélangé à l’argument de l’abolition de la traite des Blancs, lui-même lié à une volonté affichée de conquête libératoire. Et tout ça a servi de prétexte à la conquête d’Alger. Sauf qu’à l’arrivée de l’armée expéditionnaire, il n’y avait que 120 captifs à Alger (et pas la moindre femme). Dans le même temps, des captifs et captives musulmans étaient encore retenus en Europe méridionale. »

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On trouve ici les racines de la mission prétendument civilisatrice de la France…

« Lors de la conquête de la province ottomane d’Alger, la France a élaboré un discours fondé sur l’idée de libération : les Français venaient libérer les Blancs de l’esclavage des Nord-Africains, les Algériens du joug ottoman, les mers de la piraterie, les terres mal cultivées par les Ottomans, le commerce, etc. Sauf que la première justification de cette expédition de conquête – la libération des captifs blancs retenus à Alger – reposait sur une réalité très largement fantasmée. »

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Vignette et illustrations : estampes à l’eau-forte de Chillida (détails).

La citation du chapeau est tirée de l’introduction de l’ouvrage.



1 Captifs et corsaires. L’identité française et l’esclavage en Méditerranée, traduit de l’anglais par Anne-Sylvie Homassel et publié en mars 2014 par les éditions Anacharsis.

2 De nombreux chercheurs ont depuis effectué des recherches sur la question.

3 Dans son ouvrage La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II (1949), l’historien Fernand Braudel conçoit l’espace méditerranéen comme une unité géographique ayant ses propres dynamiques et temporalités, lesquelles ne correspondent pas nécessairement à celles des royaumes et principautés qui le constituent au XVIe siècle.

4 Cf notamment Le Commerce des captifs. Les intermédiaires dans l’échange et le rachat des prisonniers en Méditerranée, XVe-XVIIIe siècle, Wolfgang Kaiser (dir.), École française de Rome, 2008.

5 À leur retour, les anciens esclaves français étaient mis en quarantaine au lazaret de Marseille, agrandi et modernisé pour l’occasion dans les années 1660.

6 La révocation de l’Édit de Nantes, qui reconnaissait la liberté de culte aux protestants, date de 1685.

7 États créés par le Directoire dans les pays conquis par la France, entre 1795 et 1799.

8 Dans son introduction, Gillian Weiss explique que des argumentaires avancés pour justifier la lutte contre le terrorisme post 11-Septembre aux États-Unis dressent une analogie avec la lutte mythifiée des européens contre la piraterie barbaresque. Voir Le Monde des livres du 10/07/2014, Gillian Weiss : le Barbaresque, voilà l’ennemi.

9 Notamment sur les productions picturales de l’époque.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 4 mars 2015 à 23h51, par Pram

    Je cite un extrait de l’introduction à cet excellent interview : « (...) jusqu’à ce que le sort présumé de ces esclaves serve de prétexte à la colonisation au XIXe siècle. »

    Pourquoi « présumé » ? Le sort de ces esclaves n’était-il pas bel et bien avéré..?

    Et tant qu’à y être pourquoi ne pas prétendre que l’abolition de l’esclavage aux USA n’était qu’un prétexte pour envahir le sud sécessionniste ?

    Et allons bien jusqu’au bout de cette logique. Le siège de Vienne par les Ottomans en 1683 avait-il bien pour prétexte la guerre sainte, alors qu’il s’agissait en fait de se procurer, parmi autre choses, encore plus d’esclaves blanc(he)s ?

    Bref, je n’ai pas d’objection à ce qu’on réduise l’esprit de conquête au seul esprit de lucre, mais pourquoi cela se réduirait-il à un phénomène uniquement occidental ?



  • jeudi 5 mars 2015 à 12h51, par francis

    d’accord avec Pram,
    c’était plus que présumé : esclaves et captifs existaient,
    et il est très approximatif de dire « prétexte à la colonisation »,
    car cela ne concerne que la méditerranée,
    et donc une faible part des colonies françaises



  • Merci pour vos commentaires.

    L’utilisation de « présumé » fait référence au fait que le nombre et le sexe de ces esclaves étaient largement fantasmés (comme indiqué à la fin de l’entretien) et non pas, effectivement, à leur condition de captifs, bien réelle.

    Par ailleurs, il semble assez clair que l’argument de la libération des captifs a servi de prétexte à la colonisation de l’Algérie. D’autres arguments étaient certes invoqués par l’État français, mais le travail de G. Weiss consiste à montrer combien l’idée de libération fut centrale, et surtout, combien elle le devint par le truchement d’une racialisation progressive de l’esclavage, qui justifia la colonisation.

    Après, oui, ce phénomène n’est certainement pas un phénomène exclusivement européen, mais que dire ? G. Weiss a travaillé sur la Méditerranée : son travail est profondément situé, c’est ce qui en fait la qualité.

    Pourquoi ne pas indiquer d’autres travaux du même ordre correspondant à d’autres espaces géographiques ?



  • dimanche 8 mars 2015 à 05h38, par Nous sommes légion

    "La France était pourtant considérée comme un « sol libre » à cette époque...
    « Cette idée existe depuis le XVIe siècle. Il ne s’agit pas d’une loi, mais d’une sorte de principe de liberté territoriale"

    Quoi ?
    C’est l’édit du juillet 1315 du roi Louis X le Hutin abolissant l’esclavage en France métropolitaine - dont on va d’ailleurs fêter (ou pas, en fait) les 700 ans cet été...

    A ce propos, il y a deux questions à laquelle je n’arrive pas à trouver de réponse :
     × quels étaient exactement les territoires non métropolitains, sur lesquels cet édit ne s’applique donc pas, en 1315 ?
     × est-il réellement resté en vigueur tout au long des siècles qui ont suivi ? Il y avait apparemment quelques milliers de noirs à Paris à la Révolution, la majorité sous condition servile, était-ce parce qu’ils ne savaient pas qu’ils étaient libres/qu’ils étaient serviteurs et non esclaves même si concrètement la différence était minime, ou parce que l’édit de 1315 était écorné par des exceptions ?

    • dimanche 8 mars 2015 à 05h40, par Nous sommes légion

      l’édit du 3 juillet 1315

    • Selon G. Weiss, ce concept (très flou) de « sol libre » fait plutôt référence à une maxime qui avait cours au XVIe siècle et qui était appliquée par certains tribunaux dans certaines situations - il existait par exemple une tradition municipale de libération territoriale à Toulouse, Saint-Malo et Bourges. G. Weiss ne précise pas si cette pratique (non généralisée et non inscrite dans la loi)découle de l’édit que vous citez. Dans tous les cas, tout cela ne semblait pas avoir beaucoup d’effets puisque des personnes au statut d’esclaves se trouvent sur le sol français jusqu’au XIXe siècle...

      • lundi 9 mars 2015 à 21h13, par Nous sommes légion

        Merci pur la réponse, mais elle est clairement insuffisante - pas de votre part, vous n’allez pas inventer ce que vous ne savez pas, mais de la part de Gillian Weiss...
        Vous pouvez peut-être lui poser la question directement par mail si vous avez gardé son contact ?

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