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jeudi 11 décembre 2008

Le Charançon Libéré

posté à 12h43, par JBB
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Quand y en a plus, y en a encore : pour Dexia, les caisses ne sont jamais vides…
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Certains - qui n’ont rien compris au système financier - se sont élevés contre le soutien de l’Etat aux banques, protestant contre des cadeaux jugés scandaleux. Juste des grincheux… Ils n’auront de toute façon pas réussi à impressionner le gouvernement, plus que jamais décidé à aider les riches et les puissants. La preuve avec un nouvel amendement en faveur de Dexia. Bravo !

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Enfant - encore jeune mais déjà malhonnête - il m’est arrivé de tenter de camoufler un mauvais carnet de notes.

Et de le dissimuler au milieu d’une liasse de courrier parental.

Pensant naïvement que mes résultats désastreux passeraient inaperçus, sis discrètement entre le dernier relevé bancaire et la carte postale de tata Yvonne.

Oui : c’était idiot.

Non parce que je tentais de passer outre une engueulade bien méritée.

Mais parce qu’il existe de bien meilleures méthodes pour échapper au couperet.

Et que celle-ci ne m’offrait guère de chance de m’en tirer à bon compte, sauf à vouloir aggraver la sanction.


Je ne sais si les membres du gouvernement sont juste aussi bêtes que je l’étais à l’époque.

Ou encore plus demeurés.

Mais je tombe des nues à chaque fois que je les vois adopter cette vieille tactique du carnet de notes.

Laquelle prouve combien ils n’ont pas le courage d’assumer leurs décisions.

Et illustre parfaitement le mépris qu’ils portent aux élus de l’assemblée et à tous les électeurs.

Une honte…


L’histoire concerne - une fois de plus - Dexia, groupe financier déjà sauvé des eaux à grands frais et à grand renfort d’argent public.

Avec ces euros mêmes qui manquent si cruellement quand il s’agit de soutenir le petit peuple ou de prendre des initiatives sociales.

Puisque - c’est un peu usant de le répéter… - « les caisses sont vides ».

Que l’Etat est « en situation de faillite ».

Et qu’il n’y a plus une thune en réserve pour quelque projet que ce soit.

Pas un rond !

Sauf que…

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Sauf que Dexia, à qui les contribuables français ont déjà refilé trois milliards d’euros, histoire de participer à la recapitalisation du groupe, et prêté 55 autres à taux préférentiel, afin de lui permettre de repartir sur des bonnes bases, Dexia, donc, a grand besoin d’un peu de flouze supplémentaire.

Et que le groupe, qui s’est décidé à vendre une filiale américaine (FSA Asset Management) si perclue d’actifs pourries qu’elle en filerait des cauchemars à n’importe quel junk-spéculateur, en appelle à la garantie de l’Etat.

Ou l’assurance que le gugusse qui rachètera cette filiale pourra se faire un max de pognon, même si ce qu’il a racheté ne vaut en fait pas un clou.

« La nouvelle direction de la banque a décidé de céder sa filiale américaine FSA Asset Management, par qui sont arrivés tous les problèmes, afin de réduire ses risques », explique un article du Monde. « Cependant, l’acheteur potentiel veut une garantie sur les actifs dits ’à risque’. Cette garantie porterait sur un montant total de 17 milliards de dollars (13 milliards d’euros). L’Etat français se porterait caution à hauteur de 37,6 %. »

Et ?

Ben… il suffisait de demander : l’amendement garantissant cette vente a été voté hier soir.

Hop !


En soi-même, la chose est déjà un scandale.

Tant l’obstination criminelle du régime à ne soutenir que les riches et les puissants est une vibrante insulte à tous ceux - de plus en plus nombreux - qui sont à la peine et survivent plus qu’ils ne vivent.

D’autant que le secteur bancaire et de l’assurance ne s’est jamais mieux porté qu’en ce moment.

Ce que rappelle Le Canard Enchaîné dans son édition d’hier, en un article intitulé « Les banques font flamber leurs marges » :

« Enfin une bonne nouvelle ! C’est un très officiel document de la Banque de France qui l’annonce, écrit le plumitif : depuis le déclenchement de la crise, à l’automne 2007, les banques ont vu exploser leurs marges sur les crédits qu’elles accordent aux clients. Et dans tous les secteurs d’activité. (…) Sur les crédits aux particuliers, la marge bancaire moyenne a augmenté de 3,75 % pour les découverts et crédit revolving, et de 19 % pour les crédits à la consommation. Dans l’immobilier, où elle était très faible, cette marge a bondi, en un an, de 486 %. Pour les prêts accordés aux entreprises, les banques ne s’en sortent pas mal non plus. Côté crédits de trésorerie, la hausse a été de 22,6 %. Côté investissement, encore mieux : 143 %. Comment ces résultats magnifiques sont-ils possibles en pleine crise ? (…) A partir de l’automne, en réponse à la crise, la politique des gouvernements et des banques centrales a consisté à ouvrir les vannes des liquidités à taux très bas pour les établissements financiers. (…) Mais ils ont juste oublié de faire profiter les emprunteurs de l’aubaine. Ce sont leurs bénéfices qui ont profité… »

Edifiant, n’est-ce pas ?

Oui.

Une parfaite illustration de cette mutalisation-des-pertes-pas-des-profits qui est le lot commun depuis quelques mois.

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Mais il y a pire : pour s’assurer que son amendement scandaleux ne ferait pas trop de vague, le gouvernement a tenté de le faire passer en douce.

Le camouflant au milieu de tous un tas d’articles additionnels, espérant que la commission des finances n’y verrait que du feu.

Façon ni vu ni connu, je t’embrouille…

Manque de pot : les députés membres de la commission s’en sont rendus compte.

Et ont chouiné un chouia à la découverte du tour de passe-passe.

« Alors que le temps était compté, quelle ne fut pas (la) surprise (des députés) de découvrir, en fin de liasse, un amendement du gouvernement autorisant le ministre de l’économie à octroyer une garantie de l’Etat de 6,39 milliards de dollars (4,9 milliards d’euros) sur les engagements de Dexia ! Incrédules, ils ont demandé quelques explications », rapporte Le Monde.

Le quotidien faisant aussi état de la réaction du rapporteur de la commission des finances, Gilles Carrez : « Honnêtement, je ne peux pas vous demander de voter ça », a reconnu ce membre de la majorité, à l’ordinaire plutôt docile.

Ce qui n’a - bien entendu - pas empêché le vote de l’amendement en question à l’assemblée, quelques heures plus tard.

Hop !


On pourrait penser qu’un gouvernement qui combine ainsi forfaiture démocratique et politique outrageusement favorable aux plus favorisés, qu’un régime prenant à ce point les citoyens pour des cons ne mérite rien d’autre qu’un bottage de fesses dans les règles.

On pourrait…

Je ne sais pas pour vous.

Mais je me sens très grec ces temps-ci…

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1 Photo John Kolesidis / Reuters.


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