ARTICLE11
 
 

mercredi 13 octobre 2010

Sur le terrain

posté à 11h31, par Lémi & JBB
18 commentaires

Premières (petites) flammes
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Il suffit parfois d’un rien pour te redonner (un peu) la foi. Un brin de vie et de rébellion là où tu ne les attendais pas, un chouïa de résistance quand tu n’en espérais plus. Comme - même si c’est resté très modeste et maladroit - à la fin de la manifestation parisienne contre la réforme des retraites, hier soir autour de la Bastille. En attendant mieux.... Vive le feu !

Pas de quoi pavoiser. Une demi-heure après le début de l’échauffourée, une bonne moitié des manifestants étaient pris en tenaille et embarqués, piégés comme des bleus par les bleus1. Mais voilà, en temps de disette, on s’accroche à ce qu’on peut. Et ces quelques minutes, en fin de manifestation sur les retraites, où une centaine de motivés parcourait la rue de la Roquette en hurlant son dégoût, montant quelques très fragiles barricades pour l’occasion, allumant de petits brasiers avec tout ce qui traînait sur la voie publique - poubelles, palettes et bouts de carton - et criant « Paris, Paris, réveille-toi », avait quelque chose de sympathique. Comme un début de quelque chose. On ne va pas se mentir : c’était gratuit et inutile, et la fin écrite d’avance. Mais malgré tout. Quelques instants d’envolée, de bordel incontrôlé au milieu de flammes éparses, suffisent parfois à reconsidérer les choses d’un autre œil. À cent, c’est un peu minable. Mais à cent fois plus ?

Avant ça, il y avait eu un cortège classique (et joyeux). Une pause à la la Bastille. Quelques poubelles brûlées en toute innocence, cinq cents personnes traînant sur la place et n’ayant aucune envie de s’en tenir là. Et des flics matraquant à tour de bras (même les imprudents pacifistes, cf photos), la gazeuse en embuscade - les appointés des médias seront nombreux à en faire les frais, gazés à chaque fois qu’ils s’approchaient un peu des CRS pour filmer ou prendre des photos (pour preuve cette vidéo d’un journaliste se faisant matraquer par les CRS2) - afin de déloger ceux qui s’attardaient à Bastille et souhaitaient (un brin) en découdre. Ordinaire ? Sans aucun doute. Sauf que ça sort - quand même - du morne ordinaire de ces derniers mois, plan-planisme et ennuyant respect des chemins balisés.

Ce sont les étincelles qui importent : celles-ci se multiplient. Échauffourées à Caen, à Rouen, légers affrontements à Saint-Nazaire, blocage de lycées un peu partout, manif sauvage agitée à la gare d’Austerlitz, multiplication des AG et piquets de grève3... Il n’en faudrait pas beaucoup plus pour que la sauce prenne... un peu4. Encore un effort, camarades.

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Après...
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1 La vieille technique du flic en civil (ou apparenté) criant « tous à gauche », et envoyant une bonne partie d’un maigre cortège décidé à en découdre en un cul-de-sac, a encore fait des siennes.

On ne sait ce qu’il est advenu de la cinquantaine (environ) de personnes ainsi prises dans la nasse policière - c’était rue Froment, a priori. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a eu des arrestations lors de ces échauffourées, même si les médias n’en mentionnent aucune.

2 Pourtant, certains prenaient leurs précautions, brandissant leurs cartes de presse...

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3 En ce qui concerne les blocages et piquets de grève, le site Owni a réalisé une très utile carte dynamique ; c’est ICI.

4 On en trouvera confirmation dans la ridicule tentative des autorités de nier la petite poussée de fièvre de Bastille. Contactée par Le Post, la préfecture de police ose affirmer « n’avoir pas eu connaissance « pour l’instant » d’échauffourées dans ce quartier de Paris, mardi soir ». Sans déconner ? Bien entendu, il s’agit là de ne pas donner corps au (prétendu) mauvais exemple. Quitte à nier l’évidence.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 13 octobre 2010 à 15h39, par Karib

    Mouais, bof.... ploum, ploum, tralala, anarchie vaincra.....
    Pan sur le casque ! Paf sur le bouclier ! Tiens, prends ça ! Aïe ! Cours, camarade, le bacqueux est derrière toi ! Saleté de poubelle, trop humide pour prendre feu... j’vais essayer l’autre....

    Pour sûr que partis comme ça, le capitalisme va s’effondrer sous peu, que l’alternative communiste et libertaire est en route et que la grande masse des exploités, trouducufiés, bernés, empaillés, emmerdiatifiés, et j’en oublie sûrement, eh bien que tout ça va bouger, que d’autres rapports à la production et à la distribution des biens, que d’autres rapports à l’art, au corps, à la pensée vont surgir.

    C’est sûrement le bon moyen.

    Presque aussi bon que les manifs-procession religieusement programmées par les syndicats garde-chiourme.

    Presque aussi bon que d’attendre qu’à la suite des élections gagnées par le NPA et le Front de Gauche, les classes dominantes, contrites mais bonnes enfants, remettent les clés du royaume aux nouveaux gestionnaires de l’Elysée et de l’Assemblée Nationale (ex Chambre des putes.)

    Je ne sais pas pourquoi, mais je suis un peu dubitatif. Pourtant, je suis encore plutôt bon à la course à pied et ne dédaigne pas jouer des poings à l’occasion, mais là.... comment dire... un doute me prend.

    • mercredi 13 octobre 2010 à 16h18, par Lémi

      @ Karib

      Oui, avec le recul, et même sans, je partage pas mal ton point de vue. Gendarmes et voleurs.
      Disons que parfois, on (je parle en mon seul nom) cherche à mettre du sens et de l’espoir là où il n’y en pas forcément, question de carburant. Par contre, sur le dernier paragraphe, ce constat d’une multiplication des incidents de ce genre (ou approchant), je reste convaincu que c’est significatif.

      • mercredi 13 octobre 2010 à 17h14, par un-e anonyme

        Mouais...

        Mais significatif également des choses assez différentes, simultanées et... complémentaires
         × Le blocage de secteurs stratégiques de l’économie : pétrole surtout
         × L’entrée en mouvement d’une partie des lycéens : ça donne une autre tonalité.
         × Des tentatives locales de développer des AG de villes inter-catégorielles ou « populaires », avec des opérations de blocage symbolique... et le maintien d’un agitation quotidienne.

        et sans doute le fait que ce mouvement sur les retraites a une autre signification qui va bien au delà... et qu’il peut cristalliser bien des mécontentements. Et des raisons d’être mécontent, on ne les compte plus...

      • mercredi 13 octobre 2010 à 17h16, par karib

        Oui, que la multiplication de ces incidents soit significative, je suis d’accord avec toi. L’essentiel est de savoir ce qui sortira des innombrables assemblées générales qui se tiennent un peu partout, et si « la base » saura déborder les directions syndicales, élément essentiel du dispositif étatique. Il y a des signes encourageants (par exemple le fait que place de la Bastille, à Paris, des blocs de manifestants cégétistes aient bloqué des CRS partis à la chasse aux manifestants autonomes et que les pandores aient dû rebrousser chemin sous les quolibets,) la grogne de nombre de syndicats, unions locales et même fédérations CGT qui jouent ostensiblement l’unité avec les éléments plus radicaux, en porte à faux avec les consignes prudentes des Thibault et cie. et appellent à la grève reconductible, aux grèves tournantes, au blocage de l’économie. On attend aussi avec quelque impatience l’arrivée des étudiants, des lycéens et apprentis, en espérant qu’ils sauront redonner de la vie à des défilés souvent boy-scouts (voir la CFDT et ses affligeants « Si t’es pour l’emploi des jeunes tape des mains (bis) » youkaïdi, aïdi, aïda....

        • mercredi 13 octobre 2010 à 17h53, par un-e anonyme

          la CFTC avec les mecs en chasubles qui passent Boney M, ça vaut le coup, je regrette hein !

          • mercredi 13 octobre 2010 à 19h12, par Sébastien Fontenelle

            Quelqu’un ici a quelque chose contre Boney M ?

            • mercredi 13 octobre 2010 à 20h01, par un-e anonyme
            • mercredi 13 octobre 2010 à 20h07, par un-e anonyme

              L’existence même de ces échanges sur la, les tactiques sont déjà un emmerdement pour le pouvoir (et il dispose de préposés chargés de faire de ce mal un bien), ce qui emmerde le pouvoir et les dominants c’est que la grève s’étende (par d’innombrables actions d’innombrables nous en constitution), que le mouvement s’approfondisse.

              Parmi les logans d’hier :

               × Grève , grève, grève ! Jusqu’à la retraite !

               × La retraite avant l’arthrite !

               × Ce monde est vieux, ce monde est pourri, minimum vieillesse dès 16 ans !

              Bon, très rapidement, quels sont les points forts (au point de coïncer les directions syndicales et politiques ?) de la lutte actuelle ? Que faire maintenant ?

              La reconduction de la grève dans les transports. (cela veut dire une gare déjà en grève... pas la peine de « bloquer » Austerlitz, mieux vaut faire autre chose ou y passer à l’ag pour proposer/élaborer des actions à réaliser de concert), mais il est probable que l’action de ces salariés n’ira pas, cette fois -à l’inverse de ce qui eu lieu en 1995 (des observateurs ont pu parler de « gréve par procuration ») - jusqu’à en faire les acteurs centraux du conflit en cours.

              Bien qu’il s’agisse aussi, pour partie, d’annuler une loi quasi adoptée, ce n’est pas, ce n’est plus le CPE... La question se posait alors pour les zétudiants d’aller bloquer autre chose que des facs (dont les gares). Elle se repose évidement aujourd’hui pour les étudiants qui commencent à entrer en lutte (à suivre les lycéens), comme pour tous les autres, mais il s’agit d’autre chose : à part des raffineries et des trains, quelle activités économiques de la société entreprise peuvent maintenant être bloquées par les salariés qui y taffent ? Quelles entreprise (avec ou sans grève « internes ») peuvent peuvent et doivent bloquées par tous ceux qui entrent en lutte ?

              L’entrée en lice des scolarisés, c’est à dire de la population de la plus grande usine capitaliste, l’école (voir L’école, atelier de la société-usine, Dix Thèses sur l’Université Productive) peut s’avérer décisive pour la prise en charge de cette question posée au mouvement.

              Tout comme la disponibilité à la lutte d’innombrables précaires et chômeurs, qui ont pour particularité d’être déjà "exclus du droit à la retraite (sauf si le minimum vieillesse accessible à 65 ans perdure), comme le sont les générations d’entrants dans le salariat, et ont à trouver une manière de s’associer à une lutte alors que ses motifs explicites nient leur existence même...

              Tout ça invite à méditer l’exemple de cette action : Précaires et scolarisés en action : Rues marchandes et centre commercial bloqués à Rennes

              À part ça, il n’y a pas, à ma connaissance, de nouvelles des trois (?) arrêtés d’hier suite au passage par Austerlitz, ni de ceux (combien sont-ils ?) de Bastille, malgré la force renouvellée de la mobilisation, le risque de comparutions immédiates n’est pas à exclure, si quelqu’un peut donner des infos....

              • mercredi 13 octobre 2010 à 21h57, par Karib

                Des actions minoritaires, par exemple des blocages d’entreprises ou de voies de communication par des petits groupes extérieurs, ne gêneront jamais le pouvoir. Au contraire, ce sera pain béni pour faire donner la police en uniforme et la police syndicale. L’espoir réside dans une amplification du mouvement de grèves (même si ça parait désespérément classique à certains impatients que je comprends par ailleurs) et dans la jonction d’une base salariée en colère et lassée des gentilles promenades avec une jeunesse plus prompte à l’affrontement physique. Là est le danger pour le pouvoir. Et là aussi, peut-être, l’occasion pour les barbouzes de créer de toutes pièces quelques dérapages contrôlés en utilisant de naïfs autonomes ou en poussant des flics cow-boys à tirer dans la foule.
                La suite dira si moi aussi je suis parti en dérapage.

              • jeudi 14 octobre 2010 à 01h44, par Docteur Ska

                D’mon côté j’ai une petite idée qui trotte, qui trotte...
                Pour bloquer les axes de circulation sans donner de prétextes aux bleus...

                Pourquoi pas des vélorutions-escargots sur deux ou trois grands boulevards par jour ? En très peu de temps et à très peu nombreux, on peut provoquer des embouteillages monstrueux aux heures de pointe (déjà testé, potentiel de nuisance réellement étonnant). De quoi « forcer » les salariés du privé à faire grêve quelques heures...

                De préférence faire ça le matin (et pas l’après midi ou le soir, comme les vélorutions en général)

                Je pense qu’il devrait être assez difficile pour les schmidts d’interpeller pour « pédalage pas assez rapide »... Une barricade mouvante et écolo, quoi ! Quitte à se ballader dans la ville avec des pancartes, autant le faire à vélo, c’est tellement agréable !
                Quel plaisir, de tourner sans fin autour d’un rond point bien lisse, sous les applaudissements des klaxons ...

                Bon sinon, alternative moins efficace mais plus rigolote, par exemple pour étudiants écolo-pacifistes en mal d’action :

                http://www.youtube.com/watch?v=iS5v...

                (oui, ça commence à dater)



  • jeudi 14 octobre 2010 à 00h44, par Nico

    Pour moi, « les premières (petites) flammes », ce sont les 83% d’enseignants du lycée Théodore-Monod et les mômes de ce LP de Noisy (93) en grève reconductible. Ça ne durera peut-être pas, mais il y a là une véritable étincelle.
    Quant à brûler des poubelles rue de Lappe à une petite centaine, ça paraît simplement décalé.
    Deux discours et deux pratiques, deux réalités non exemptes de joie.

    • jeudi 14 octobre 2010 à 10h45, par JBB

      C’est joliment dit. Et tout à fait vrai : pas grand chose à voir entre des feux de poubelles et une vraie grève, avec ce que ça implique de risque et retenue salariale.

      Reste la joie, comme tu soulignes. Au sens où : la rue de la Roquette, c’était vraiment pas grand chose, mais toujours mieux que rien, que le silence et l’abattement, que la résignation et la fatigue.



  • jeudi 14 octobre 2010 à 04h01, par un-e anonyme

    http://www.youtube.com/watch?v=rv0X...

    Vidéo où l’on voit la rue de la roquette cramer



  • jeudi 14 octobre 2010 à 10h58, par HN

    Et après, ils s’étonnent, quand ils ne s’indignent pas, des slogans qui circulent à leur encontre...
    Un énorme gang de débiles qui ne sont là que pour la frite, légalisée bien sûr.
    Merci « l’ordre public ».



  • jeudi 14 octobre 2010 à 11h03, par HN

    Seriez-vous en train d’appeler à la radicalisation (lien) ??

     ;-)

    • jeudi 14 octobre 2010 à 13h49, par un-e anonyme

      J’ai tendance à penser que tout ce qui est dit là est plutôt complémentaire…

      Les grèves les plus générales possible, oui…
      Oui si elles bloquent l’économie (flux de marchandises, de pétrole…)
      Oui si elles permettent aux grévistes de vivre une expérience politique inédite, qui transforme leur propre situation…

      Mais les blocages de l’économie peuvent être plus ciblés. Emmerder moins les voyageurs et plus le fret par exemple. Ou plus les TGV haut de gamme (genre Eurostar et Thalis bourrés d’employés de la City ou de bureaucrates de Bruxelles) que les TER…

      Bloquer les axes de communication : aux péages d’autoroute par exemple, laisser passer les voitures à l’œil et bloquer les camions. C’est pas pareil.

      Etc…

      Il faut des mouvements qui fassent mal au système et fassent du bien à ceux et celles qui les mènent.



  • jeudi 14 octobre 2010 à 14h06, par Isatis

    La photo du petit feu....... « ce n’était rien qu’un feu de bois mais il m’avait réchauffé le cœur.... »

    Un carton seul lequel est inscrit « desperados ».... arf.....

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