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mercredi 9 septembre 2009

Le Charançon Libéré

posté à 13h14, par JBB
25 commentaires

B. Thibault, qui n’est pas coupé de sa base, appelle à une nouvelle JDM. B. Péret rigole.
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J’en frémis déjà, de bonheur anticipé et de ferveur combattante sur le point d’exploser. Chaud bouillant, je suis. Tant - même - que l’attente jusqu’au 7 octobre, date de la prochaine journée de mobilisation syndicale va être longue, très longue. Plutôt que de continuer à scruter en ricanant les déclarations de Thibault, j’ai décidé de la mettre à profit avec quelques lectures. Au hasard : Benjamin Péret.

Il se trouve - tu en as peut-être entendu parler - que c’est la rentrée.

Il se trouve aussi - tu dois déjà être au courant - que celle-ci va être, en matière sociale, chaude, brûlante, voire carrément explosive, au point que la canicule de 2003 n’aura été à côté qu’un épisode rafraichissant et semi-glaciaire, on se les caille un peu, est-ce qu’il ne serait pas temps de ressortir les lainages ?

Il se trouve enfin - ça n’aura pas non plus échappé à ta sagacité légendaire - que les syndicats sont dans les starting-blocks, remontés, très motivés, vachement résolus à faire entendre la voix des travailleurs et à mettre un coup d’arrêt aux mesures anti-sociales du gouvernement, bref, chauds comme un commando cégétiste qui s’entraîne au maniement du gourdin en attendant d’investir la Bourse du Travail.

D’où - découlant des trois précédentes considérations - , paf : journée de mobilisation en vue.

(Si, si : je t’assure !)

Et j’espère quand même beaucoup que t’as rien de prévu pour le sept octobre parce qu’il se pourrait bien que ça ne m’étonnerait pas plus que ça que - éventuellement - il y ait un défilé et que - éventuellement - on lance quelques slogans et mots d’ordre et que - éventuellement - le front syndical et la mobilisation, clairsemée mais est-ce bien le plus important ?, contraignent le gouvernement à de lourdes concessions, façon impromptue déclaration présidentielle ou même - soyons fous - engagement gouvernemental à poursuivre le dialogue avec les partenaires sociaux.

Pour te dire : j’en suis tout excité.

Ouh-làlà.

Ouh.

Que je suis excité.

Ouh.

-

Pour ne rien te cacher, j’escompte bien - par ailleurs, camarade - que cette grande et belle journée de mobilisation sera l’occasion de tirer un trait sur quelques dissensions qui ont agité mon syndicat préféré - que je suis sûr que c’est le tien aussi et qu’on vibre à l’unisson devant les oriflammes outrageusement rougeoyants et fièrement dressés de la centrale la plus révolutionnaire de France, je ne te donne pas son nom, tu vois tout à fait de qui je veux parler.

Parce qu’il est temps que les quelques bisbilles de ces derniers mois soient enfin réglées et que les querelles de chapelle ou de personnes ne gênent plus la réalisation de ce but commun que nous partageons tous, l’avènement de la Sociale.

Aussi me félicite-je avec un enthousiasme non feint que le plus intransigeant des dirigeants syndicaux de ces cinquante dernières années, Bernard Thibault, aka Kamarade-Nanard-je-lâche-rien-et-que-si-t’es-pas-content-je-te-monte-une-barricade-là-tout-de-suite-dans-le-grand-salon-de-l’Elysée-où-j’ai-pris-mes-quartiers-on-est-comme-ça-à-la-CGT-on-est-des-oufs, que Bernard Thibault, donc, siffle la fin de partie et tente de remettre un peu d’ordre en sa centrale.

Qu’il qualifie d’« inepties » les considérations selon lesquelles « la CGT serait coupée de la base, dépassée par la radicalité qui s’exprime dans les luttes avec un secrétaire général plus occupé à discuter avec l’Elysée qu’à soutenir les luttes »1.

Et qu’il les explique par l’intention mauvaise des pas-beaux-méchants-jaloux qui font rien tant qu’espérer que sa Centrale se prenne les pieds dans le tapis révolutionnaire : « J’en connais qui se frotteraient les mains à l’avance si nous leur faisions un tel cadeau », a déclaré le guérillero en colère, dénonçant « une campagne insidieuse (qui) s’installe pour semer le doute, créer la suspicion, alimenter les clivages dans la CGT ».

Pour te dire : il a raison.

Ouh-làlà.

Ouh.

Qu’il a raison.

Ouh.

-

Rassure-toi, ami : la bave du vil crapaud agitateur n’atteint pas la blanche colombe syndicale.

Et Kamarade Nanard ne va pas se laisser impressionner pour si peu, lui qui - tout autant que son syndicat - est habitué aux critiques.

Aujourd’hui comme hier comme avant-hier.

Pour te dire : je feuilletais négligemment ces jours-ci un petit opuscule vindicatif, très acerbe sur la question syndicale, publié en 1952 par un poète surréaliste se piquant de politique radicale2.

Et force est de constater que ce texte - limpide, brillant, passionnant - n’a pas pris une ride, aussi pertinent à sa publication que cinquante ans plus tard, réquisitoire si bien mené et intelligent contre les réformistes syndicaux qu’on devrait le distribuer à tous ceusses qui gardent encore assez d’illusions pour participer à la prochaine journée de mobilisation, afin qu’ils ouvrent enfin les yeux, balancent leurs badges d’un geste rageur et se jettent eux-mêmes - de dépit - dans la Seine sur le trajet Bastille-Nation.

Les Syndicats contre la révolution, ça s’appelle3.

Et c’est œuvre de Benjamin Péret, secondé de Grandizo Munis.

Et tu devrais te le procurer au plus vite.

Et si tu ne le fais pas, ce n’est pas trop grave, car je compte t’en parler un brin dans les lignes qui suivent.

Et puis, je t’en recauserai encore dans les semaines à venir, jusqu’à ce que ça te gonfle tellement que tu n’auras plus que deux solutions, lire ce fichu livre ou adhérer à la CFDT.

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Bref.

Péret part d’une considération essentielle : même à ses débuts, mi et fin XIXe, quand les grèves étaient sauvages et violentes, que le sang endeuillait les rares mouvements revendicatifs et que les ouvriers étaient si pressurés par les possédants qu’ils ne faisaient que trimer et mourir, même là, alors que quelques formes d’organisation se faisaient timidement jour, le syndicalisme n’a jamais été qu’un « pis-aller » pour ceux qu’il prétendait servir.

Et ce pour une bonne raison :

« Même lorsque le syndicalisme adopte des principes de lutte des classes, il ne propose à aucun moment, dans le combat quotidien, le renversement de la société ; il se borne au contraire à rassembler les ouvriers en vue de la défense de leurs intérêts économiques, dans le sein de la société capitaliste. Cette défense prend parfois un caractère de combat acharné, mais ne se propose jamais, ni implicitement, ni explicitement, la transformation de la classe ouvrière, la révolution », écrit Péret, avant de souligner quelques lignes plus loin : « Le syndicat, né d’une tendance réformiste au sein de la classe ouvrière, est l’expression la plus pure de cette tendance. Il est impossible de parler de dégénérescence réformiste du syndicat, il est réformiste de naissance. »

C’est ainsi, l’histoire syndicale de l’avant-Première Guerre mondiale, de 1864 à 1914, n’est que l’histoire de la lutte des places, celle qui voit les plus en vus des dirigeants imposer le réformisme.

Et cette trahison originelle trouve sa consécration avec le premier conflit mondial, en France comme ailleurs, quand les responsables syndicaux décident de se rallier à l’Union sacrée, s’intégrant définitivement à l’État capitaliste : « Au moment décisif, alors qu’il fallait choisir entre le risque de compromettre une situation acquise (Jouhaux4 et la majorité confédérale de 1914 ont avoué explicitement que la crainte de la répression les avait alors incités à l’acceptation de la guerre), en appelant les masses à rejeter la guerre et le régime qui l’avait engendrée, ou renforcer leur position, en optant pour le régime, ils ont choisi le second terme de l’alternative et se sont mis au service du capitalisme. »

Emballé, c’est pesé.

La pomme était croquée, le pêché originel entériné, la trahison syndicale - à commencer par celle de la CGT - définitive.

Hop !

-

Péret ne fait pas dans l’invective : il analyse, documente, argumente et multiplie les exemples historiques, évoquant les syndicats russes hostiles aux soviets en 1917 ou le syndicalisme stalinien s’arrogeant l’insurrection populaire espagnole de 1936.

Il ne nie pas - non plus - les avancées sociales permises par les syndicats, d’ailleurs « plutôt le fait de l’action menée par les la minorité syndicaliste révolutionnaire que de la pratique syndicale en général ».

Mais il explique simplement - anarchiste de toujours - que le dévoiement syndical était une fatalité.

Et que les syndicats, fondés sur une organisation hiérarchique anti-démocratique et créant de fait une nouvelle aristocratie, n’ont aucun intérêt à un changement d’ampleur qui les verrait perdre leur rôle de médiateur essentiel, de poulie centrale ; ils ne songent plus - logiquement - qu’aux « marchandages de l’armistice » et « l’élan vers l’émancipation dégénère en accommodement dans le cadre du capitalisme ».

« Le syndicat, dès qu’il a quelque importance, extrait ses dirigeants de l’usine, les soustrayant ainsi au contrôle nécessaire des travailleurs. Et, en général, une fois sorti de l’usine, le dirigeant syndical n’y retourne plus. Ces innombrables dirigeants syndicaux qui ont quitté l’usine se créent peu à peu des intérêts d’abord étrangers, puis opposés à ceux des ouvriers qui les ont élus. Ils aspirent avant tout à la stabilité de leur nouvelle situation, que toute action des travailleurs risque de mettre en péril. On les voit donc intervenir auprès des patrons dès qu’une grève menace d’éclater. »

On ne saurait mieux dire, hein ?

-

Je te fais grâce de la suite, puisqu’il faut bien terminer (un billet tout autant qu’une grève), et que je ne peux décemment recopier tout l’ouvrage.

Sache néanmoins que Benjamin Péret oppose aux syndicats fondamentalement traîtres les comités d’usine, moteur de la révolution sociale.

Et que si les premiers - qui ont « fait main basse sur la grève » - servent de fait le système, même quand ils obtiennent « pour le travailleur exploité des conditions moins intolérables et moins humiliantes » - lesquelles sont, « le temps l’a montré, plus rentables pour le capital » - les seconds sont seuls aptes à organiser les ouvriers sans les aliéner, à permettre la révolution sans trahir.

Sache aussi que j’ai fait l’impasse ici sur la partie du livre rédigée par Grandizo Munis, mais qu’elle se révèle tout autant passionnante et pertinente.

Sache enfin que Benjamin Péret, outre qu’il fut un littérateur de premier ordre, a notamment combattu pendant la Guerre d’Espagne au sein de la colonne Durutti.

Oui : on est loin, très loin, de Bernard Thibault.

Et tu sais quoi ?

Parfois ça m’énerve tellement que je me pointerais bien à la manif du sept octobre avec une faux, histoire de couper sur pied toutes ces hampes de drapeaux rouges.

Je suis sûr que ça le ferait marrer, Benjamin.

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Je profite de ce billet, ami, pour te signaler que le prochain dossier de Fakir, à paraître fin septembre, sera consacré aux syndicats.

Je serais toi, je mettrais déjà de côté quelques euros pour me le procurer.



1 Tu noteras, camarade, qu’on ne peut accuser Bernard Thibault de n’avoir pas compris ce qu’on lui reprochait : en ces quelques mots, il a brillamment résumé les raisons pour lesquelles il devrait se voir jeté bas de son poste et être invité à rejoindre céant son milieu naturel, l’université d’été du Medef.

2 Oui : le salaud a tout les torts…

3 Editions Eric Losfeld - Le Terrain Vague, publié en 1968 ; je ne sais pas si l’ouvrage a ensuite été réédité.

4 (Ceci n’est pas une note de Péret) Le 4 août 1914, lors des obsèques de Jean Jaurès, Léon Jouhaux s’enflamme : « Au nom de ceux qui vont partir et dont je suis, je crie devant ce cercueil que ce n’est pas la haine du peuple allemand qui nous poussera sur les champs de bataille, c’est la haine de l’impérialisme allemand. » Le secrétaire général de la CGT, prétendant exprimer ainsi le sentiment de « la classe ouvrière au cœur meurtri », rallie alors son syndicat à l’Union Sacrée.


COMMENTAIRES

 


  • Pour le couper de sa base faut enlever le ault, étêtons donc .



  • Belle et pertinente analyse que ne comprendrait point Thilbaut, trop occupé qu’il est à préparer son nouveau costume du dimanche pour aller prendre le thé à l’Elysée ou à Matignon.

    Je le soupçonne d’ailleurs d’organiser des JDM pour justifier sa participation au thé dansant, l’invitation à celui-ci étant finalement un préalable à ladite JDM.

    Dans le genre aristo syndical, son pote Le Duigou est très doué pour chauffer le siège de C. Barbier à ç dans l’air quand l’écharpé est indisponible. A ce propos, je ne doute pas qu’un jour, les piliers de bar de cette émission finissent par sentir la morsure du fouet sur leurs misérables carcasses.

    • Merci d’avoir rappelé ce texte salutaire. Benjamin Péret, par ailleurs poète délicieux, énonce des choses bonnes à entendre, mais a tendance, à mon avis, à jeter le bébé avec l’eau sale de la baignoire.
      Non, le syndicalisme n’a pas toujours été synonyme de réformisme. En France, avant 1914, la CGT a été le théâtre d’un long combat entre tendances révolutionnaires (anarchistes, syndicalistes révolutionnaires, socialistes révolutionnaires) et tendances réformistes. La Charte d’Amiens, texte de compromis, pourtant, stipule que le but du syndicat, au-delà de la défense des intérêts immédiats de la classe laborieuse, est bien l’abolition du patronat et du salariat. C’est à dire le communisme.
      Alors... si la CGT a honteusement basculé dans l’appel à la grande boucherie de 1914, est-ce dû à la structure même du syndicat (ce qu’affirme Péret), à la trahison des chefs, à la volonté massive de la classe ouvrière de s’intégrer au monde du capital et donc d’en défendre son bout de trottoir « national » ? Le débat, à mon sens, reste ouvert.
      Et je trouve que c’est aller un peu vite en besogne que de jeter l’idée même d’organisation syndicale à la poubelle de l’Histoire pour cause de réformisme rédhibitoire. Car un courant syndicaliste révolutionnaire (et anarchosyndicaliste) existe encore dans le monde, soit au sein des organisations traditionnelles (dans la CGT ou à la FSU en France, par exemple), soit par le biais d’organisations spécifiquement syndicalistes révolutionnaires (CNT ou certains secteurs de Solidaires en France.) A l’étranger, on pourrait citer la CGT et la CNT en Espagne, la CUB et l’Unicobas en Italie, la SAC en Suède, les IWW aux Etats-Unis, de nombreux syndicats en Russie, en Asie, en Afrique...
      Tous ces courants, ultra-minoritaires, hélas, ont pourtant fait le pari de la lutte pour le communisme à partir du quotidien de la lutte des classes et d’une organisation partant de la base, dans les ateliers, les chantiers, les bureaux, les écoles, les quartiers. Je ne suis pas sûr que ceux qui ont choisi la voie du parti politique (ou, plus méchamment, la voie politicienne) aient choisi le meilleur moyen d’en finir avec le capital.

      • @ Moh : « l’invitation à celui-ci étant finalement un préalable à ladite JDM »

        C’est exactement ça. Hors les JDM et les réunions à l’Elysée, on n’entend jamais parler de Thibault. Il lui faut cette factice actualité pour faire parler de lui dans les médias.

        « Le Duigou est très doué pour chauffer le siège de C. Barbier »

        Oui. Il est moins connu, c’est évident. Mais finira bien par se faire largement reconnaître s’il continue à cracher dans le sens du capitalisme de marché.

        @ Karib : très juste, ton intervention.

        « la CGT a été le théâtre d’un long combat entre tendances révolutionnaires (…) et tendances réformistes »

        Ce que Péret reconnaît. Pour lui, c’était simplement perdu d’avance, le réformisme ne pouvait que l’emporter. C’est clair que c’est plus facile de le dire a postériori, une fois que ça s’est vérifié.

        « si la CGT a honteusement basculé dans l’appel à la grande boucherie de 1914, est-ce dû à la structure même du syndicat (…), à la trahison des chefs, à la volonté massive de la classe ouvrière de s’intégrer au monde du capital (…) ? Le débat, à mon sens, reste ouvert. »

        Là aussi, tout d’accord. Et sans doute que c’est un ensemble qui a joué. Il reste que si les responsables européens s’étaient tenus à une ligne révolutionnaire, celle du non-alignement sur le bellicisme, il en serait peut-être allé autrement en 1914. Le cas de Jouhaux profitant du discours d’adieu à Jaurès pour appeler au combat est quand même assez incroyable.

        « Car un courant syndicaliste révolutionnaire (et anarchosyndicaliste) existe encore dans le monde, soit au sein des organisations traditionnelles (dans la CGT ou à la FSU en France, par exemple), soit par le biais d’organisations spécifiquement syndicalistes révolutionnaires (CNT ou certains secteurs de Solidaires en France.) »

        Péret est assez critique sur ce courant. Je le cite sur le cas de la CNT (dont - il faut l’avouer - il évacue le cas assez rapidement) :

        Le fait que la CNT soit dirigée par des travailleurs révolutionnaires honnêtes ne garantit à aucun degré qu’elle sera plus apte à remplir sa mission révolutionnaire, le cas échéant, ni même qu’elle ne dégénérera pas comme les autres centrales syndicales, puisque c’est la structure même du syndicat, où les dirigeants échappent au contrôle des travailleurs, qui favorise cette dégénérescence.

        Pour Solidaires, je constate qu’ils cautionnent la mascarade du sept puisqu’ils ont signé l’appel. Honnêtement, c’est dommage.

        « Je ne suis pas sûr que ceux qui ont choisi la voie du parti politique (…) aient choisi le meilleur moyen d’en finir avec le capital. »

        Là, tout d’accord.



  • C’est vraiment pas le dessus du panier ces syndicalistes jaunes qui promènent leurs drapeaux rouges avec leurs anses (sic). Moi, si j’étais un courageux syndicaliste, je brandirais fièrement mon fier étendard au bout d’une hampe . :-))

    Ceci dit, comme souvent, les grands esprits se rencontrent : Sébastien Fontenelle a fait aujourdh’hui un billet sur le même thème où il parle de « Jaune et Charden » (MDR !!)



  • lire ce fichu livre ou adhérer à la CFDT.

    Je vais le lire rien que pour ne pas adhérer à la CFDT.

    Et pour faire écho au livre.

    TROIS PETITES LETTRES

    Il était une fois trois lettres, trois petites lettres de l’alphabet : pas plus.
    Trois petites lettres qui, partant du principe que l’union fait la force, se réunissent à la fin du siècle dernier.
    Au grand bonheur des exploités, lesquels en conçoivent un immense espoir.
    Au grand effroi du patronat qui, dans la crainte de perdre ses prérogatives, tombe aux genoux du ministre de l’Intérieur en le suppliant de perfectionner la machine policière.
    Mais les trois lettres n’en ont cure.
    Elles comptent près de cent mille adeptes.
    Tout est possible à cent mille hommes qui veulent,
    Au cours d’une année célèbre d’action directe, la grève générale est annoncée.
    Si fort que la bourgeoisie perd contenance et que certains de ses représentants vont se cacher dans leurs caves, terrorisés.
    Résultat satisfaisant.
    Les trois lettres sautent de joie.
    Seulement, quoique fort jeunes, elles ne manquent pas de réflexion et devinent bientôt le grave danger que présente la politique.
    Aussi, le Congrès d’Amiens, en 1906, les voit-il prendre la décision de demeurer toujours éloignées de ce foyer de corruption, de ne jamais céder aux avances des politiciens.

    Tout marche à merveille.
    Les exploités continuent d’espérer.
    Les exploiteurs de trembler.
    Mais la politique veille.
    Elle n’a pas désespéré de mettre sa main malpropre sur les trois petites lettres dont la pureté devient choquante.
    Et son opiniâtreté se voit bientôt couronnée. En 1914, la C.G.T. accepte l’idée de l’union sacrée. C’en est fait de sa liberté, de son idéal. Chaque jour qui passe l’enfonce de plus en plus dans la lie.
    La fameuse scission en fait deux parties, qui s’empressent de se prostituer. La première (C.G.T) dans les bras du parti socialiste, la seconde (C.G.T.U) dans ceux du parti communiste.
    De compromissions en compromissions, de déchéances en déchéances, elle en arrive à devenir conseillère de l’État, agent d’exécution des réglementations gouvernementales.
    La classe ouvrière, assidûment, progressivement trompée, ne cesse hélas de lui confier ses représentants.
    Si bien que la Confédération générale du Travail, « …qui avait été à l’origine un organisme destiné à endiguer les exigences du patronat au profit de la classe ouvrière », devient bientôt l’organisme chargé d’endiguer les exigences légitimes de la classe ouvrière au profit du patronat.
    Et comme toutes ces infamies ne parviennent pas à satisfaire pleinement ce besoin de dégradation de la C.G.T., elle y met finalement le comble en s’abandonnant aux répugnantes caresses des policiers.
    Des policiers qui, après le premier Congrès de la C.G.T., reçurent du patronat l’ordre de sévir contre ce mouvement ouvrier menaçant dangereusement de saper les fondements de l’édifice bourgeois.
    Les patrons peuvent exulter, dormir sur leurs deux oreilles.
    Que risquent-ils à la vérité ?
    Ce sont eux qui mènent la barque et leurs défenseurs, les policiers, font partie de l’équipage.
    Plus de danger et vogue la galère !
    Plus de danger… en apparence seulement. Car, un beau jour –plus proche que d’aucuns le supposent– lassés de subir le joug de leurs maîtres, les matelots se souviendront du sens des mots mutineries, insurrection et, ce jour-là messieurs les capitaines, rira bien qui rira le dernier.
    Il était une fois trois lettres, trois petites lettres bien pures !
    Mais le temps a passé et avec lui la pureté. Aussi, les ouvriers doivent-ils se persuader que ces lettres fameuses ne méritent rien d’autre que les cinq non moins fameuses avec lesquelles Cambronne fabriqua le célèbre mot.

    Georges Brassens



  • Le syndicalisme c’est de la contre-subversion.

    Au-delà du travaillisme / au-delà de Syndicalisme

    • Oui.

      C’est d’ailleurs aussi l’une des principales critiques que lui apporte le collectif Krisis dans Le Manifeste contre le travail, celui de ne penser les rapports sociaux et les changements à apporter qu’en terme de travail-productivité-salariat. C’est plutôt très convaincant, je trouve.



  • bien vu pour Benjamin Péret- je ne connaissais pas ce texte - Rosa Luxembourg disait à peu prés la même chose - de mémoire - que les syndicats ne font que de la régulation et entravent tout processus révolutionnaire

    sinon moi aussi j’attends avec impatience le 7 octobre pour ne pas y aller

    Voir en ligne : http://admin.20minutes-blogs.fr/pos...



  • héhéhé...

    Salut,

    à toi qui adorrrrrrre, on va re-citer (réciter ?) Debord... et sa société du spectacle, où encore, comme dit au dessus, Rosa... mais les exemples de textes dénonçant la (les) dérive syndicaliste sont légions : le comité invisible (tant à la mode), Debord, Onfray, Bakounine (syndicalisme allemand), même le grand Karl prédisait ces dérives... Et oui, on trouve partout ces prévisions, tout comme on trouve partout ces cons éffarouchés pour hurler que ceux qui prétendent ça ne sont que des imbéciles... Tu sais, les même qui parlaient d’utopie quand on leur parlait de révolution en 1780, quand on leur disait que l’occident pouvait se passer des colonies, quand on leur disait que l’esclavage était inhumain et qu’il fallait l’abolir...

    Non, eux préféraient oeuvrer de l’intérieur et se dépècher de... ne rien faire ! Une fois installé, que veux tu, c’est la curée... Déjà, sous Napoléon III, ce sont les mêmes qui, prétendant défendre le peuple, ont remplacé Napoléon par ce bon Thiers... La gauche a même trouvé la démarche commune...

    Oubliez la politique, braves syndicalistes, nous dit en substance BT. Et oui, parce que, si vous vous interessiez un tant soi peu à la politique, vous vous apercevriez que l’exploitation n’est pas une affaire de gouvernement, mais de système ! Et que tant que nous accepterons un système à l’envers qui, plutôt que de mettre la société au service de l’individu, met l’individu au service de la société et instaure ainsi un maintien de l’esclavage renomé ici TRAVAIL, nous sauverons un monde qui permet à ces types de commercer sur le dos de la misère.

    Voir en ligne : http://taz-network.ning.com/

    • Tiens, ça me fait penser, tout ça, à une vieille histoire que me racontait mon grand-père... une histoire d’anars espagnols et de fusils sans balles fournis gracieusement par les communistes, et l’histoire d’un massacre à la clé...

      Voir en ligne : http://taz-network.ning.com/

      • Oh que je suis d’accord avec toi. Tellement - même - que je n’ai pas grand chose à ajouter, sinon applaudir des deux mains au style enlevé et aux références fournies. Donc acte.

        « une histoire d’anars espagnols et de fusils sans balles fournis gracieusement par les communistes, et l’histoire d’un massacre à la clé... »

        Y en a eu un paquet, des saloperies cocos de cet acabit. C’est le pire : les plus gentils et honorables finissent toujours par se faire avoir.



  • « on lance quelques slogans et morts d’ordre »

    Bah ? si l’ordre est mort..... alors là......... euh..... youpi ? :-))))))

    Le 7 octobre, je peux pas, j’ai binage de potager, c’est balot.



  • Qu’ils nous casse les couilles tous ces baveux !

    Je ne les écoute plus, ne les lis plus, d’ailleurs je pensais que tout ça n’existait même plus... Il n’ont droit qu’à mon dédain.

    Qu’ils aillent se faire foutre, eux, les autre dingues au gouvernement, et tout les manges- merde de leur espèce !

    oui c’est super constructif ;-))



  • Comme toujours, très intéressant, merci !

    Petit lien utile pour les amateurs, celle des Amis de Benjamin Péret :

    Voir en ligne : http://www.benjamin-peret.org/

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