ARTICLE11
 
 

samedi 10 janvier 2009

Le Charançon Libéré

posté à 12h31, par JBB
17 commentaires

Derrière les barreaux ou sous les ors du ministère : jeunes mamans, même combat !
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Humaine, Rachida Dati ? Sans aucun doute… Compatissante, la ministre de la Justice ? A n’en pas douter… A ceux qui ne seraient pas convaincus, la Garde des Sceaux vient d’en livrer la plus jolie des illustrations, offrant à 19 jeunes mamans emprisonnées avec leurs bébés une chouette peluche comme cadeau de Noël. Un acte si généreux qu’on en aurait presque des frissons. Pas vous ?

Les actes les plus détestables ne sont parfois que détails.

Et les plus infâmes peuvent relever de l’anecdotique.

Du presque rien.

Et du carrément accessoire.

Ainsi de l’étonnant geste de Rachida Dati, Garde des Sceaux et jeune maman.

Laquelle a cru pouvoir mêler ces deux statuts dans ce qui ressemble fort au plus ironique des cadeaux de Noël, voire au plus malsain.

La ministre de la Justice - par ailleurs en passe de rattraper de longs mois d’impairs et de maladresses par la seule grâce de son accouchement et de son statut de jeune maman combative - ayant pensé finaud d’envoyer l’un de ses sbires ministériels au supermarché du coin.

De lui faire acheter 19 peluches.

Et d’envoyer celles-ci à autant de prisonnières, tenues derrière les barreaux avec leur bébé.

Oui : joli…

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Un acte si déplacé qu’on ne sait comment l’analyser.

Sinon à imaginer que Rachida Dati souhaite donner une image d’elle plus humaine, pensant racheter son statut de pire Garde des Sceaux de ces cinquante dernières années en achetant quelques babioles.

Et à supposer que la ministre de la Justice croit à l’existence d’une solidarité entre jeunes mamans, laquelle dépasserait tous les clivages sociaux jusqu’à réunir en une étrange proximité la prisonnière et celle qui préside à son enfermement.

Et ?

Mensonges, évidemment.

Tant Rachida Dati se fiche comme d’une guigne de ceux et celles qui résident dans ces prisons qu’elle ne cesse de faire emplir encore et encore.

Et tant elle n’a que faire des conditions de confort et d’humanité dont bénéficient les engeôlés.

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On pourrait rire de ces cadeaux malvenus.

N’y lire qu’une maladresse supplémentaire.

Et n’y voir qu’une accessoire et ridicule tentative de s’humaniser.

Sauf que le geste est infiniment révélateur.

Et dit beaucoup sur le fonctionnement de notre système politico-médiatique, où un accouchement, un gros buzz autour du nom du papa et 19 peluches font oublier maintes lois criminelles et entorses aux valeurs de la République.

Autant qu’elle révèle de la psychologie des gouvernants, gens si détachés des réalités humaines qu’ils pensent se faire bien voir en distribuant quelques menus cadeaux aux manants qu’ils asservissent.

Un étrange mélange de mépris et de paternalisme.

Comme si : maître des forges ou membre du gouvernement, du pareil au même…

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Ces peluches jetées en pature à 19 prisonnières qu’on imagine aussi bien triées sur le volet que les 25 autres détenus qui ont eu l’insigne honneur de figurer aux côtés de Jean-Charles Marchiani sur la liste des grâces de Noël auront, finalement, eu au moins un mérite.

Celui de rappeler que les geôles françaises hébergent - si l’on ose dire… - de jeunes mamans et leurs enfants en bas-âge.

Un cas vaguement prévu par la loi :

« Les textes, regroupés dans le Code de procédure pénale, ne disent pas grand-chose. Les D. 400-1 et D. 401 prévoient que les détenues qui ont gardé leur enfant auprès d’elles, bénéficient de ’conditions de détention appropriées’, précise le blog Actualité du droit, et les enfants peuvent être laissés auprès de leur mère en détention jusqu’à l’âge de dix-huit mois. Le séjour doit être aménagé, et les services d’insertion organisent des sorties avec l’enfant ’pour préparer, le cas échéant, la séparation de l’enfant d’avec sa mère, au mieux de son intérêt.’ »

Même si ces dispositions paraissent finalement aussi vasouillardes que les statistiques disponibles sur la question.

Pour le coup pratiquement inexistantes :

« Cela se présente très rarement, elle touche à peine 50 à 70 bébés chaque année. », avance un article d’Agora Vox.

Un chiffre confirmé par le blog Prisons :

« Un très petit nombre d’enfants âgés de moins de 18 mois (une cinquantaine chaque année) vivent en détention auprès de leur mère incarcérée (article 401 du Code de procédure pénale) mais, sans avoir eux-mêmes le statut de détenu. La mère, exerçant son autorité parentale, a pu décider de conserver près d’elle son enfant (s’il naît pendant sa détention) ou de le faire venir près d’elle (s’il était déjà né avant l’incarcération). »

De ces enfants qui passent leurs premiers mois d’existence derrière les barreaux, on imagine volontiers qu’ils ne bénéficient pas exactement des conditions propres à une petit enfance heureuse et à un développement privilégié.

Euphémisme que confirme un bref article de Politis, que je vous copie-colle presque in extenso :

"Enceintes ou jeunes mamans au moment de leur emprisonnement, quelques femmes prennent la décision de garder leur enfant près d’elles le temps de leur incarcération. À la prison de Fleury-Mérogis, une crèche a été spécialement aménagée pour accueillir les enfants vivant en détention avec leurs mères. Ceux qui atterrissent à Rennes ont moins de chance. Il n’existe que deux petites cellules vétustes, isolées du reste de la prison, où les prisonnières sont tenues de se débrouiller. Du plus confortable au plus précaire : les quelques enfants, âgés de 0 à 18 mois, qui vivent actuellement dans les prisons françaises ne sont pas tous logés à la même enseigne. Leur prise en charge n’étant pas prévue dans les budgets de fonctionnement de l’institution pénitentiaire, il revient à chaque établissement d’organiser leur accueil, qui sera décent ou non.

Les préjudices ultérieurs dus à ce passage en prison ne sont pas exclus. Mais la séparation avec la mère est, elle aussi, traumatisante. Alors que faire ? La loi sur la présomption d’innocence, en réduisant le nombre de détenu(e)s en préventive, a fait chuter le nombre de bambins vivant en prison. Il semblerait que les juges aient, eux aussi, compris que l’incarcération n’est pas la bonne solution. Le code pénal prévoit d’autres mesures que la prison pour contraindre les fautifs et avoir un minimum de contrôle sur eux. On peut, par exemple, aller tous les jours pointer au commissariat. Cela coûte moins cher que de mettre quelqu’un en prison, réduit les problèmes de réinsertion et évite à quelques enfants de passer leurs premiers mois derrière les barreaux."

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Voilà.

Ces quelques données donnent un éclairage un rien plus précis à ce présent du ministère de la Justice.

Mais n’enlèvent rien à la joie immense qui a - sans aucun doute - agité ces dix-neufs cellules, au moment des fêtes, à l’ouverture d’un si sympathique cadeau.

Oui : chouette…


COMMENTAIRES

 


  • Et pour ses trois ans, elle leur offrira une camisole ?

    avec le parrainage de Thierry Lefebvre ?

    Bon we !

    (désolé, images d’archives !)

    Voir en ligne : mon blog : Kprodukt, blog actif et militant(?)



  • samedi 10 janvier 2009 à 14h17, par Erictus Pithécanthropus

    Des frissons, non… Mais mon petit déjeuné et mon déjeuné viennent de remonter et il y en a partout sur le clavier !!

    E.P



  • samedi 10 janvier 2009 à 14h27, par krop1

    Enfants prisons !

    Mères arrestation !

    Rachida c’est qui ?

    Nouvelle vierge des frères abdel et cain ?

    Le père de la nation à de hauts talons !

    Garderie aux nuages gris !

    19 peluches prisonnière derrière des barreaux !

    Nouveaux née séquestrer dans les couloirs de l’ administration.

    Conne sans passions l’humanité n’attends rien de t’as compassion !

    • samedi 10 janvier 2009 à 19h35, par JBB

      Entre slogan et poème désolé, tout est dit. Surtout la conclusion, qui fixe le niveau : « Conne sans passions l’humanité n’attends rien de t’as compassion ! »



  • ... ... ...

    C’est trop... (je préfères ne rien ajouter, tu as tout dit et bien dit).

    Voir en ligne : http://carnetsfg.wordpress.com/



  •  × Euhhh, pourquoi juste 19 ?
     × C’est en relation avec son QI, mon général.
     × Quelle misère qu’elle ne fût plus intelligente ...

    C’est un geste hautain et méprisant (autant que méprisable) au possible. Le fait du prince :
    « Tenez, Manant, pour votre noël ».
    Et indécent aussi quand on se pend autant dans nos prisons. Je croyais la peine de mort abolie !

    Quant à son retour 5 jours après sa césarienne et la discussion sur le congé-maternité qui en a suivi, il serait de bon ton de ne pas oublier que toutes les femmes ne sont pas des pétasses lagerfeldées dont les moindres désirs sont immédiatement comblés par une armée de sans-grades. Et que bosser à la chaîne, faire les ménages ou être à sa caisse la journée durant est autrement plus fatiguant que de promener son derrière dans une bagnole avec chauffeur et d’assister à quelques réunions ...

    Même combat, mon cul !

    Voir en ligne : http://merachlor.blogspot.com/

    • « Le fait du prince : ’Tenez, Manant, pour votre noël’. »

      Exactement. Ce mélange de paternalisme et de fausse compassion est insurmontable. Je m’enflamme un peu, mais j’ai presque l’impression que c’est aussi révélateur sur le personnage que toutes ses réformes liberticides.

      • Je pense la même chose. Leur discours (et les pseudo-réformes) est formaté par une armée de conseillers et validé par des sondages pour pouvoir passer auprès d’une majorité (il ne rende pas encore compte que cette "majorité s’est étiolée). C’est leur mode de fonctionnement.

        Et ce sont par de petits riens que l’on voit transpirer tout leur mépris et leur vraie face. Cet épisode que tu décris (le petit peuple sourit béatement au geste de cœur bien calculé de la jeune maman, oubliant que, pendant ce temps, dans ces taules insalubres, on meurt comme jamais on est mort), le rappel à l’ordre du parquet à Nancy le lendemain de l’annonce de la suppression des juges d’instruction, bachelot les yeux aux ciels quand on lui parle du décès de sdf, etc, etc ...

        Ils sont méprisants et méprisables.
        Seule une chose effraie le Don et son Clan. Une situation insurrectionnelle. Et ne nous y trompons pas. Ils se préparent à cette hypothèse.

        Joe Dalton fait souvent référence au roi décapité pour montrer combien son petit peuple est versatile. Nous sommes engagés dans un vrai combat aujourd’hui.

        Le 29 doit être un message fort, une claque.

        Voir en ligne : http://merachlor.blogspot.com/



  • SUite à ce billet, je suis allé lire du côté du site du Ministère de la Justice. C’est super intéressant, surtout les transcriptions des interventions officielles de Rachida Dati (comme son récent discours lors du forum des huissiers de justice qui ne présage rien de bon pour les justiciables...).

    Voir en ligne : http://www.politique-jeunesse.fr



  • « Un acte si déplacé qu’on ne sait comment l’analyser. »

    On ne peut pas l’analyser, car c’est un acte magique, entier, sans cause, et je parie aussitôt oublié qu’accompli. Un ancien ministre de la Défense du Canada, Maxime Bernier, avait distribué des petits gâteaux aux soldats qui combattaient en Afghanistan ; ces petits gâteaux étaient fabriqués dans une usine de sa circonscription électorale. Les « Grands » vivent dans un monde imaginaire…

    • mardi 13 janvier 2009 à 11h28, par JBB

      J’adore cette image de petits gâteaux distribués à des soldats risquant leur vie dans un conflit sans intérêt. Quelle ironie…

       :-)

      « Les ’Grands’ vivent dans un monde imaginaire… »

      Oh que oui…

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