ARTICLE11
 
 

vendredi 24 octobre 2008

Entretiens

posté à 00h40, par JBB
25 commentaires

François Ruffin : « Il se déroule un bras de fer entre le Capital et le Travail, la force du premier qui fait plier le second. »
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La lutte des classes, ça vous dit quelque chose ? Vaguement ? C’est bien tout le problème… Dans « La guerre des classes », le journaliste François Ruffin démontre quand et pourquoi la gauche a abandonné toute référence à l’opposition entre le capital et le travail. Une trahison en forme de modernisation dont nous n’avons pas fini de faire les frais. Entretien.

« Toute l’histoire de l’humanité jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes. »1

C’est joli, n’est-ce pas ?

Mouais… Ça sent le formol. Le renfermé, le démodé. L’épitaphe de pierre tombale, même. Comme si l’analyse marxiste ne méritait rien d’autre que de finir entre deux boules de naphtaline, au fond d’un placard de grand-mère. Ringarde.

Alors que… non ! Evidemment, non. La lutte des classes - la guerre, même - n’a jamais été aussi vivace, brutale, que maintenant qu’elle est niée, soi disant dépassée. Chape de plomb sur la réalité, silence et mensonges, merde dans les yeux que François Ruffin s’évertue à nous ôter, avec méthode, conviction. Avec rage même, tant son livre respire le dégoût, inspire la colère.

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L’ouvrage - La guerre des classes, publié chez Fayard2- démarre (ou peu s’en faut) sur une citation du milliardaire américain Warren Buffett : « La lutte des classes existe, et c’est la mienne qui est en train de la remporter. » Etrange… Le requin de la finance clame tout haut ce que l’ensemble de la gauche française de gouvernement a cessé de dire depuis la fin des années 1970, quand elle a liquidé toute référence à Marx ou à Jaurès. Du PS au PC, vive l’économie de Marchais…

Depuis, donc, la gauche se tait. Elle ne cite pas ce document de la Bank for International Settlements, la banque des règlements internationaux, constatant une « part inhabituellement élevée des profits », sans précédent sur ces 45 dernières années. Elle ne dit pas ce chiffre du FMI prouvant que la part des salaires dans le produit intérieur brut français a baissé de 9,3% entre 1983 et 2006. Elle ne reprend pas Alan Greenspan, ancien directeur de la Banque centrale américaine, qui s’inquiète du « découplage entre faibles progressions salariales et profits historiques des entreprises ». La gauche se tait, la droite en profite.

Mais François Ruffin3 parle, lui. Habitué à jeter des pavés dans la mare, l’auteur des Petits soldats du journalisme, bouquin qui fit grand bruit en 2002 tant ils sont rares les gens de presse à dénoncer les usines à crétins uniformes que sont devenues les écoles de journalisme, l’ouvre même en grand. Rappelle chacun à ses responsabilités, traître socialiste ou propagateur libéral. Et démontre froidement, à grand renfort de chiffres et de reportages aux côtés de salariés en lutte, en marge d’un tournoi de polo à Megève ou dans la demeure d’un petit boursicoteur de province, combien la lutte des classes est plus que jamais d’actualité.

« J’affirme que la guerre des classes, et l’écrasement d’une classe par l’autre, traverse toute la société, qu’elle est structurelle et non sectorielle, écrit l’auteur. Qu’il s’agit d’un constat scientifique, rationnel, et non partial ou partiel. Que se déroule au-dessus de nos têtes, invisibles, comme un bras de fer global, et non local, entre le Capital et le Travail, la force du premier qui fait plier le second. »

Ce livre, vous devriez l’acheter. Parce qu’il fait un bien fou. Parce qu’il démontre combien les jocrisses et les tartuffes nous ont enfumés pour mieux nous plumer. Parce qu’il est comme un long coup de poing, aussi brutal que travaillé en profondeur, venant secouer tant de positions acquises et de discours convenus.
Pour mieux vous en convaincre, Article11 a interviewé François Ruffin. Un long entretien, accordé dans un troquet de la Gare du Nord. Le voici :

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Dans ton livre, tu te définis comme « un social-démocrate à l’ancienne », mais ton propos semble en réalité beaucoup plus ancré à gauche.

Le discours que je développe dans le livre, celui qui tient pour central le conflit entre le travail et le capital, a longtemps été un discours tenu par toute la gauche, de Jaurès au Mitterrand des années 1970. Les diatribes de Mitterrand sur les « maîtres de l’argent » étaient plus violentes que les prises de position actuelles de Besancenot. Et si je remonte plus loin en arrière, Jaurès, que Peillon ou Strauss-Kahn s’évertuent aujourd’hui à présenter comme un centriste, regardait Gracchus Babeuf ou Robespierre comme les premiers émancipateurs du prolétariat français. Alors qu’ils sont aujourd’hui figures interdites…

Bref, la gauche a glissé à droite, les sociaux-démocrates sont devenus sociaux-libéraux. Ce qui, au fond, n’est pas l’essentiel. L’important, c’est ce constat : le Parti Socialiste ne parle plus de confrontation de classe. Et je pose que ce silence est une dénégation du réel : la lutte des classes existe évidemment toujours.

Ton livre s’appuie notamment sur une formule étonnante du milliardaire américain Warren Buffett : « La lutte des classes existe, et c’est la mienne qui est en train de la remporter. » C’est important, que ce soit lui qui l’énonce et pas Arlette Laguillier ?

Ce sentiment d’une guerre des classes à l’oeuvre, je le partage avec de nombreuses personnes. Mais celles-ci ont peur de l’évoquer, par crainte d’être taxées de gauchisme démagogique. Que ce soit Warren Buffett qui en parle permet en partie de passer outre cette accusation.
Plus largement : c’est toujours chez l’adversaire qu’on trouve les armes les plus contondantes. Citer Warren Buffett plutôt qu’Arlette, le Financial Times plutôt que l’Humanité Dimanche rend mon discours plus percutant. Avec une question : si même eux, gens et médias de droite, reconnaissent l’existence de la lutte des classes, pourquoi la gauche de gouvernement ne l’énonce plus ?

A la fin du livre, je cite un article du Financial Times de mai 2008, expliquant notamment que « l’inégalité de revenus a émergé comme une question politique hautement conflictuelle dans beaucoup de pays, pendant que la dernière vague de mondialisation créait une superclasse de riches ». Un article paru alors même que le PS adoptait une nouvelle déclaration de principe, aussi indolore qu’incolore. C’est révélateur.

Tu vis à Amiens, une ville ouvrière, depuis toujours, ou presque. Tu penses que ça joue dans ton analyse ?

Il ne faut pas se tromper : Amiens reste traditionnellement ancrée à gauche, mais la ville a changé, notamment à cause de la volonté de l’ancien maire, Gilles de Robien, de gentrifier le centre et d’y attirer les cadres. Mais je crois, en effet, qu’il existe un clivage essentiel entre les principaux pôles urbains français et le reste du territoire. La campagne et la grande majorité de la province sont des mondes sous-représentés, sans visibilité et qui n’exercent aucun pouvoir. Pourtant, ils existent.

Plus précisément : quand je viens à Paris, je ne rencontre pas d’ouvrier et je peux facilement croire que les usines ont disparu. Je pense que ce n’est pas sans influence sur le discours des médias et des politiques, qui résident ici dans leur grande majorité.

Il y a un oubli du monde réel ?

Exactement. Jaurès disait qu’il fallait « partir du réel pour aller à l’idéal », que c’était une nécessité politique. Aujourd’hui au Parti Socialiste, il n’y a plus ni sens du réel ni idéal. On peut prendre l’exemple de Peillon, que je cite longuement dans le livre : il a tenté de se faire élire dans le Vimeu, terre traditionnellement ouvrière, mais n’y a jamais habité, non plus qu’il n’a mis les pieds à la bourse du travail locale. Il n’a pas été élu, mais ça ne change pas grand chose : de toute façon, il truste sans cesse les médias. La démocratie médiatique a remplacé la démocratie représentative.
On pourrait citer Ségolène Royal aussi, qui a débuté très jeune sa carrière d’apparatchik, sous l’aile de Mitterrand. Au fond, le PS n’est plus rien d’autre qu’un parti d’apparatchik…

Pour revenir à Jaurès : il n’aurait jamais été si à gauche s’il n’avait pas fréquenté les ouvriers et mineurs de Carmaux. Ça lui a filé la rage, d’être aux côtés de ces gens. On est très très loin de Peillon, qui a pourtant écrit un ouvrage incroyable et illisible sur Jaurès, usant d’une grille de lecture philosophique totalement anachronique.

Tu démontres aussi comment a été gommée toute figure représentative du capital : si la lutte des classes semble obérée, c’est parce que l’adversaire n’est jamais nommé en tant que tel…

C’est frappant : on nous montre en permanence les vaincus, les victimes, qu’ils soient salariés en colère, licenciés économiques, etc… Mais il n’y a jamais personne pour dire que ce qui leur est pris profite à d’autres. Il y a pourtant un lien d’évidence, très logique, que les médias et les politiques s’emploient à rendre complexe. Ce n’est rien d’autre qu’un vaste enfumage.

Un exemple : au moment de l’annonce du plan Power 8 chez Airbus et de ses 10 000 licenciements, personne n’a dit qu’il s’agissait de délocaliser pour que Lagardère gagne davantage d’argent. Par contre, on a entendu qu’il fallait se caler sur Boeing ou que c’était un contre-coup de l’Euro. C’était des mensonges autant qu’une manière d’habiller les mots de coton, de départir la réalité de sa violence. C’est pour ça qu’il faut le dire et le redire : ce qui va en plus aux actionnaires est pris aux salariés. Toujours.

De même, quand Bernard Arnault, grand patron de LVMH et l’une des plus grosses fortunes françaises, voit son assemblée d’actionnaires troublée par l’intrusion de salariés sur le point d’être licenciés4, il ne dit pas les choses, botte vaguement en touche. Quand, comme lui, on a pour soi la force des choses, on n’a pas besoin d’avoir en plus la force des mots. Le silence suffit.

Tu expliques aussi comment de faux coupables en viennent à être désignés…

Cet affrontement du capital et du travail est tellement habillé de mots et d’euphémismes que les victimes de la guerre des classes ne voient plus la massue qui s’abat sur elles et se cherchent d’autres responsables. Je cite Patrick Lehingue, professeur de sciences politiques à Amiens, qui explique qu’il « n’y a pas 40 façons, pour les gens, de classer en juste/injuste. Soit c’est le riche contre le pauvre (…), soit c’est le dedans contre le dehors, les Français contre les étrangers, les jeunes contre les vieux ». A partir du moment où la gauche abandonne le conflit principal, celui des classes, ce sont les conflits secondaires qui sont réanimés. Et la droite en joue à merveille, par exemple en opposant à propos de la question des retraites jeunes et vieux, salariés du public contre ceux du privé.

Chronologiquement, cette substitution des responsables se vérifie parfaitement : en 1983 Mitterrand abandonne la dialectique de classe, en 84 Le Pen se taille la vedette à la télé et cartonne à plus de 10% des voix aux élections européennes. Il y a un lien évident de cause à effet : les gens ne se disent plus qu’ils sont au chômage à cause des patrons, mais à cause de l’arabe qui bosse en bas de chez eux…

Le livre a été publié alors même qu’éclatait la crise financière. Elle conforte ton constat ?

Bien sûr. Pendant la crise, la guerre des classes continue. Alors même qu’il injecte des dizaines de milliards d’euros pour sauver les banques, le gouvernement procède en catimini au déremboursement de médicaments pour économiser quelques millions. C’est la même chose pour le travail le dimanche… On va utiliser la crise pour justifier les réformes, ce qui va contribuer à alimenter la guerre des classes.

Rien ne change, donc. Et le PS ?

Je constate qu’avec la crise, il passe une couche de vernis anti-libéral sur son discours. Il y a quelques jours, Ségolène Royal a osé déclarer : « Depuis le temps que les socialistes disent que le capitalisme va finir par s’auto-détruire, eh bien, nous y voilà. »5 C’est faux, bien entendu : ni elle ni ses collègues ne l’ont jamais dit… De la même façon que Strauss-Kahn n’avait jamais dénoncé « l’anarchie financière » auparavant, qu’Hollande n’avait pas non plus pointé « la faillite du système libéral »…

Je note aussi que ce discours est à nouveau marqué de l’absence d’adversaires, qu’il reste englobant et généralisateur. Il fait surtout l’impasse sur la responsabilité de ceux qui ont installé le système en cause : la libéralisation est pourtant l’oeuvre de Bérégovoy, les privatisations ont été effectuées par Jospin… Et ceux-là même qui avaient contribué à mettre en place ce système, les Lamy, Minc ou DSK, prétendent maintenant qu’ils en avaient toujours été les adversaires. Je trouve cela très inquiétant, comme si ces gens se nourrissaient de tout et de son contraire sans jamais risquer de perdre leurs places.

C’est aussi lourd d’enseignement sur notre capacité d’amnésie…

Oui, c’est comme si l’absence de pensée du PS, sorte d’animal mou qui encaisse tous les coups (21 avril 2002, 29 mai 2005, 6 mai 2007), était complètement acceptée. Il y a une amnésie permanente produite par le système médiatique contre laquelle personne ne peut lutter. Un événement chasse l’autre. La crise financière aura largement fini de faire les gros titres dans trois mois, alors même que ses effets commenceront réellement à se faire sentir. La crise est aussi un produit médiatique.

Ton bouquin, tu le vois comment ?

C’est un livre écrit à la masse, au hachoir, qui ne fait pas de détails. C’est un livre fait pour cogner, pas pour proposer. C’est une arme, qui peut moisir dans les stocks de Fayard et ne plus en sortir ou bien aider des gens à formuler ce qu’ils pensent, ce qu’ils pressentent. J’espère que ce livre sera utile aux militants communistes qui s’interrogent sur Marie-Georges Buffet, laquelle ne prononce plus jamais les mots de lutte des classes, ainsi qu’à quelques socialistes et aux militants du Nouveau Parti Anticapitaliste.

Je voudrais souligner que c’est un livre populiste, aussi. Pas au sens où ils l’entendent, mais à celui qu’en avaient les démocrates américains : jusque dans les années 1970, ceux-ci opposaient le « little guy » au « big business », une rhétorique nommée « populiste », mais sans forcément de connotation négative. Au sens, aussi, qu’en donne Le Petit Robert : « Ecole littéraire qui cherche, dans les romans, à dépeindre avec réalisme la vie des gens du peuple. »
C’est très révélateur, d’ailleurs : dans les éditos de Jacques Julliard, dans la bouche des militants des Verts ou socialistes, dans la petite bourgeoisie culturelle, le mot populisme est devenu péjoratif après que la gauche ait abandonné la référence à la lutte des classes. Comme s’il s’agissait d’en faire une insulte créant un clivage politique entre les classes populaires et la petite bourgeoisie… Moi, j’assume : j’ai un discours très clivé sur les peuples travailleurs et les maîtres du Cac 40 et je le revendique !

Pour finir, on pense quand même avec son époque... Tu sais, j’avais 18 ans en 1993. Et ça a vraiment été le creux de la vague politique : c’était la fin du communisme, les socialistes se prenaient une déculottée et se noyaient dans les affaires, les grandes idéologies s’effondraient… A cette époque, tu étais un incroyable has-been si tu parlais du rapport capital-travail. Et en toute honnêteté, je n’aurais pas écrit ce livre alors, pas comme ça.
Quinze années se sont écoulées depuis, une nouvelle histoire peut s’écrire, des mots retrouvent leur sens et leur force. Et cette évidence d’une guerre des classes en cours, que pointe Warren Buffett, que je démontre à mon tour, c’est une intuition qui traîne maintenant dans bien des têtes. Il faut ne plus craindre de l’énoncer, de nommer les ennemis, pour bâtir une gauche décomplexée. L’occasion nous est offerte : ces jours-ci, les esprits mûrissent à vitesse grand V.



1 Incipit du Manifeste du Parti Communiste, de Karl Marx.

2 Livre vendu 19 €. Par ailleurs, sa publication chez Fayard n’empêche pas François Ruffin de tirer à boulet rouge sur Lagardère, propriétaire de cette maison d’édition. La preuve avec ce très récent passage radio sur Europe1, aussi propriété de Lagardère…

3 Fondateur du désormais connu Fakir, mensuel d’information alternatif d’Amiens, François Ruffin est reporter à Là-bas si j’y suis et il collabore au Monde Diplomatique. Il est aussi l’auteur de Quartier Nord, un livre publié chez Fayard.

4 L’épisode est raconté en détail dans cet article que François Ruffin a pondu pour Le Monde Diplomatique.

5 L’hypocrite discours de la dame est notamment consultable ICI


COMMENTAIRES

 


  • vendredi 24 octobre 2008 à 08h12, par Françoise

    Mᵐᵉ Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des Finances et de l’Emploi, disait le 10 juillet 2007, dans un discours à l’Assemblée nationale : _ 

    La lutte des classes est bien sûr une idée essentielle… essentielle pour les manuels d’histoire. Il faudra certainement un jour en étudier les aspects positifs mais elle n’est aujourd’hui d’aucune utilité pour comprendre notre société. _ 

    Comment attendre quoi que ce soit des « socialistes » ? Il y a belle lurette que les caciques du parti sont passé du côté des privilégiés. Main dans la main avec « l’aristocratie » de la finance, de droite comme de gauche, « l’aristocratie » des politiques n’a pour ambition que de veiller sur ses intérêts. _ 

    Les Grands ne sont grands que parce que nous sommes à genoux : levons-nous !
    (Pierre Victurnien Vergniaud, conventionnel français —1753-1793) _ 

    Quand nous lèverons-nous ? J’ai la triste et déprimante impression que le peuple de France est anesthésié... Merci à toi Charançon pour cette interview. Merci à François Ruffin.

    Voir en ligne : http://carnetsfg.wordpress.com/

    • vendredi 24 octobre 2008 à 08h43, par JBB

      Bien vu pour Lagarde. Elle avait fait un mini-scandale avec cette déclaration, je crois, mais elle ne faisait finalement que tout dire tout haut ce que tous les autres pensent tout bas.

      « Merci à François Ruffin. »
      Tout d’accord avec toi. :-)



  • Récemment, M.-G. Buffet était l’invitée de N. Demorand sur France Inter. Après qu’un auditeur lui a soufflé l’expression, elle a admis à au moins 2 reprises qu’il existait des « conflits de répartition », presque honteusement. Ce qui a même amusé Demorand qui a souligné qu’elle parlait de conflit de répartition plutôt que de lutte des classes.

    • Je n’ai pas entendu ça, elle avait l’air au contraire de traiter cela ironiquement.

      • vendredi 24 octobre 2008 à 13h22, par JBB

        Il y a un passage du livre consacré au PC et à son rapport à la lutte des classes. Après une minutieuse recherche dans les discours de la dame, François Ruffin s’est aperçu qu’elle n’utilisait plus jamais l’expression « lutte des classes ». Il téléphone à celui qui est chargé de rédiger ses discours, un jeune mec de 28 ans, qui débarque un brin de la Lune quand il lui fait part de sa découverte. Ah oui… tiens… c’est vrai…

        Constat (de mémoire) : c’est une oblitération involontaire, dans l’air du temps, par un rédacteur pour qui le terme ne veut plus rien dire. Un comble.



  • Bonjour,

    Je me suis régalée avec la lecture de cet article !
    François Ruffin fait partie de mon « Panthéon » depuis quelques années, j’apprécie ses mises de pieds dans le plat.
    On peut l’écouter ici aussi :

    http://www.la-bas.org/article.php3?...

    Hop, je vais me faire offrir son livre pour Noel (en pensant quand même aux sous qui iront aussi chez Lagardère
    :o/ ) !



  • vendredi 24 octobre 2008 à 11h12, par Jean-Pierre Martin

    C’est justement ma lecture du moment ! C’est malin maintenant que j’ai lu ton article, je connais la fin ;)

    Très bon livre, et drôle en plus, ce qui ne nuit en rien au message.

    Voir en ligne : Le blog à Jean-Pierre Martin



  • Lisez cet article. Il y est dit : « Ce qui va en plus aux actionnaires est pris aux salariés. la part des salaires dans le produit intérieur brut français a baissé de 9,3% entre 1983 et 2006. »

    Ce qui veut dire que pendant que le pouvoir d’achat des salaires passait de 70% à 60.7% du PIB, celui du capital augmentait 30% à 39.3%.

    En d’autres termes, le second augmentait de 33% pendant que le premier baissait de 15%.

    Les arbres ne montent pas jusqu’au ciel. La courbe des inégalités non plus : ce qui signifie qu’à force d’étirer vers le haut un coté, elle va craquer. De fait, il se produit une rupture dans l’harmonie naturelle de la courbe de répartition des pouvoirs d’achat, et qui correspond à la disparition des classes moyennes.

    Pour visualiser la différence ente la courbe naturelle et ce qu’elle devient, imaginez une chaînette fixée sur une table par un coté. Soulevez l’autre : vous avez devant les yeux une courbe harmonieuse.

    Maintenant remplacez la moitié gauche de votre chaînette par une chaîne et la moitié droite par une ficelle. Fixez l’extrémité coté chaîne à la table, et soulevez l’autre extrémité de façon à ce que la surface sous la courbe soit égale à la précédente : Vous avez devant les yeux ce que la courbe devient.

    JL



  • Voilà un discours vraiment sympathique et avec lequel je me sens en accord. Je ne sais par quel bout le commenter, tellement il y a de choses pertinentes et impertinentes.
    Je contesterai quand même la dénonciation de l’argent par le Mitterrand de l’Union de la gauche, car cela ne lui coûtait rien : thème traditionnel du catholicisme, des démo-chrétiens comme de l’extrême droite. Mitterrand venait de ce monde rural, clérical et conservateur qui se méfie de la Babylone qu’est la ville. Est-ce que son discours était vraiment plus à gauche que celui de Besancenot ? J’en doute fort. Cela ne suffit pas de dénoncer l’argent roi, il faut savoir pourquoi, et bon... il y a une grosse ambiguïté au sujet de Mitterrand qui a appris à calquer les mots de sa jeunesse un peu maurrassienne sur ceux d’une autre jeunesse soixante-huitarde parce qu’il fallait gagner le parti par un de ses extrêmes. Il avait appris à parler le socialiste, mais il n’était pas socialiste dans le fond. Pour moi, le dernier président socialiste, c’est Vincent Auriol !

    Se définir comme social-démocrate en parlant quand même de lutte des classes, c’est une évidence. Le débat a été tranché à Tours. On n’a pas besoin de Bad-Godesberg. La SFIO, puis le PS se sont toujours inscrits dans la démocratie, alors que le PCF a fait un temps une vertu de la lutte clandestine et de l’insurrection, promettant chaque matin le grand soir. Il y a une vilénie de la part de gens comme DSK ou Rocard qui s’affirment socio-démocrates en demandant de renoncer aux idéaux fondateurs du socialisme et qui ne veulent plus de l’adjectif socialiste. En fait, ils se livrent juste à du marquetingue afin de nous fourguer des idées de droite un peu habillées avec des colifichets dits de gauche. Jaurès était bien un social-démocrate à la différence d’un Guesde, il venait du monde républicain et je ne crois pas qu’il aurait apprécié des massacres pour une cause si noble soit-elle. Mais il estimait aussi qu’il était normal de s’insurger quand la vie n’est plus vivable. Le mot social-démocrate a été dévoyé par des cinglés comme Attali ou Allègre qui se répandent dans les médias afin de vendre un brouet qui n’a plus rien à voir avec la réalité des luttes qui existent et des revendications du peuple.

    La définition du PS comme parti d’apparatchiks est plus que pertinente. On a au sommet un groupe de personnes qui sont parachutées dans des circonscriptions en or ou bien élus de manière confortable aux sénatoriales, aux européennes, et plus aucun élu de terrain. Il s’agit d’une élite qui se coopte entre anciens membres de grandes écoles ou anciens de cabinets ministériels. On voit apparaître de nouvelles figures qui font un tour (on a eu ainsi un ancien du cabinet de DSK à Champignac qui a fait sa prestation puis s’en est allé ailleurs). Le barrage existe entre les fédérations locales vissées par des barons locaux et la direction nationale où on voit des gens sans aucune reconnaissance devenir des vedettes des médias avant d’obtenir une sorte de titre. Mais c’est dans les cellules (pardon, je parle communiste), les sections que les personnes devraient d’abord émerger.

    Ensuite, il me semble très pertinent de parler du point de vue de province. Je sens la désespérance de tout un monde rural ou provincial totalement méprisé par les bobos ou transformé par les mêmes en une sorte de parc d’attraction avec les mêmes boutiques franchisées et le même mobilier urbain JCDecaux que partout ailleurs. La grande réorganisation du territoire qui a lieu depuis trente ans (pour la poste, la justice, les sous-préfectures, les trésoreries, les gendarmeries, les POS), elle laisse de grosses traces et les territoires les plus abandonnés votent à l’extrême droite ou pour ses clones du type CPNT. Cette rationalisation des moyens n’est pas rationnelle ou tolérable alors que l’on demande à des travailleurs de faire des dizaines de kilomètres chaque semaine ou bien de perdre les trois quarts de la valeur de leur maison. Quand on vit en province, on sent le vol des pauvres par les riches !

    Enfin, je regrette qu’il n’ait pas mentionné le prix du roman populiste qui a récompensé une belle brochette d’écrivains (malgré quelques ratés notables comme Rondeau, Gaudé, Besson, Nucéra qui ne savent pas écrire ou qui sont du grand monde). Mais l’adjectif populiste sert trop souvent à dénigrer alors que la référence au peuple dans ce qu’il a de noble et de vertueux devrait ne pas nous faire confondre un film de Ken Loach ou d’Aldrich et un journal de Jean-Pierre Pernaut ou une émission de Cauet.

    Voir en ligne : http://champignac.hautetfort.com

    • Moi je suis de la région de Toulouse.D’habitude c’est les Parigots qui vont en provence.Question point G,vous frôlez mais personne ne mord à l’hameçon.

      • @ Dominique : je n’ai malheureusement, endurant une journée de course intensive, pas le temps de répondre longuement à ton commentaire. Juste : je suis d’accord, comme d’habitude. Particulièrement sur l’avénement de la social-démocratie.

        Pour le prix du roman populiste, François Ruffin en parle justement dans son bouquin. Et il cite Fallet, Guilloux, Dabit ou Carême.

        De façon générale, il m’a aussi dit davantage que ce qu’il y a dans cet entretien publié. J’ai dû opérer une petite sélection et tout un pan de son discours, notamment sur l’Europe, est passé à l’as. Que tous me pardonnent. :-)

        • vendredi 24 octobre 2008 à 14h42, par JBB

          @ Eutrope : c’est la première fois que je ne vois pas où tu veux en venir. Sans doute la faute à mes neurones trop embrumées.

          • vendredi 24 octobre 2008 à 16h39, par EUTROPE

            1er:Simplement que Domi continue de jouer aux Points Godwin.

            2e:Il utilise, le mot « province » qui est tombé en désuétude depuis la révolution. Depuis, le mot « province » a été réutilisé au XXe siècle. À Paris, l’expression en province signifie hors de la région parisienne, regroupant ainsi un ensemble de régions hétérogènes dont la seule spécificité mise en avant est leur périphérie supposée. Cette expression est qualifiée comme étant géographiquement inepte, économique et politiquement aberrante.
            Désolé ,je l’entends trop dans les medias.

            Mais je suis comme les bonobos je l’aime Domi.

            Excellent Ruffin et son interviewer. :-)

            • vendredi 24 octobre 2008 à 17h09, par Dominique

              On évite dans les médias d’employer le beau mot de province et on lui préfère « en région » pour parler de tout ce qui se passe hors de... la région parisienne ou de la région Île-de-France. Ce joli mot de « province » est banni du langage commun et moi, je l’emploie à dessein, comme j’emploierais les mots de « paysan » pour désigner les habitants de la campagne, je sais que les agriculteurs sont devenus trop souvent des industriels de l’agro-alimentaire, je sais que l’on n’ose même plus dire « campagne » et que l’on préfère « ruralité », mais les mots de mes ancêtres paysans de province valent mieux que tous les présupposés, car ils ont des siècles derrière eux et pas des modes ou des tics. La plouquitude vaincra ! Nous aurons la betterave comme emblème !

              Voir en ligne : http://champignac.hautetfort.com

              • mercredi 19 novembre 2008 à 08h53, par Pierre

                Salut, je suis journaliste et travaille sur la ruralité, étant moins-même plouc ardéchois revendiqué depuis 49 générations de cul-terreux analphabètes. Je souhaiterais me mettre en contact avec Dominique... Mon mail : foutralaze@gmail.com. Merci d’avance à toi, ce que tu dis m’intéresse beaucoup dans le cadre de mes recherches. Sans rire. Pierre

        • Ah ben là, je suis en plein accord avec les noms, même Maurice Carême que certains pourraient juger cucul et bon pour les bibliothèques de petite enfance, ce qu’il a fait n’est pas indigne. Malheureusement, ces dernières années, le prix du roman populiste s’est dévoyé et a été draguer hors des eaux un peu libertaires et populaires. Il n’y a plus un Poulaille pour soutenir l’esprit d’origine du prix et puis rappeler que ce n’est pas un prix politique, ni sur une classe sociale, ni un prix pour un auteur issu d’un milieu humble, mais d’abord pour une humanité du style. Je la vois très bien chez Guilloux que je collectionne, mais je la cherche en vain dans le mao-catho-militaro-gaulliste Rondeau qui a fait son 68 à l’envers et qui ne parle que de grands hommes dépassant le stade de la divinisation quand il a affaire à des chefs de gangs libanais ! Comment un tel imbécile prétentieux et verbeux, à la mèche de cheveux télégénique, peut-il être aussi reconnu alors qu’il s’est trompé toute sa vie et s’est rallié à tous les pouvoirs en place tout en prenant des poses à la Malraux, cela me dépasse !

          Pour le passage sur l’Europe, cela pourrait faire un autre billet, non ? Parce que celui-ci est fort dense par rapport aux autres. Je suis curieux (même si je sens que je ne serai pas tout à fait d’accord, du fait de mes convictions pro-européennes). Une suite serait utile.

          Voir en ligne : http://champignac.hautetfort.com



  • Un livre essentiel comme il en existe trop peu aujourd’hui, donc un grand bravo d’en parler. Malheureusement je crains fort qu’il n’y ait que ceux qui sont déjà convaincus qui l’achètent et le lisent. Pour les autres, les plus nombreux, ils s’instruiront avec la dernière bouse Houllebeco-BeHachelienne.

    • vendredi 24 octobre 2008 à 13h31, par JBB

      Sans doute qu’il ne transformera pas les militants de l’UMP en marxistes de la première heure, c’est vrai.

      Mais j’ai cru comprendre (sans vouloir parler à sa place) que c’était surtout la possibilité de donner un outil, un argumentaire aux militants et sympathisants qui intéressait François Ruffin. Ainsi que de lancer un débat au sein de la gauche, qui remettrait la lutte des classes au centre de l’analyse.



  • Glups. Hors-sujet. Est-ce que tu as donné le droit à Vendredi (journal dont je pense beaucoup de mal pour des questions de forme, même s’il se situe clairement à gauche) de reproduire une partie de ton billet sur le bonneteau et la finance, tout en changeant le titre ? Et combien est-ce que ça rapporte (parce que c’est ça qui compte surtout) ?

    Voir en ligne : http://champignac.hautetfort.com

    • vendredi 24 octobre 2008 à 13h28, par JBB

      Donc, oui : j’ai reçu un mail et j’ai donné l’autorisation. Pour la publication, pas pour changer le titre. Mais je ne trouve pas que ce soit essentiel, puisque le billet y est intégralement. (enfin, je crois, j’ai pas vérifié)

      Pour les pépètes, c’est un chèque de 50 €. Mais ce n’est pas tellement le chèque qui m’intéresse, plutôt l’opportunité de faire connaître un site sur lequel nous passons beaucoup de temps.

      • vendredi 24 octobre 2008 à 13h46, par Dominique

        C’est un tantinet léger comme tarif de pige vu le nombre de lignes et je comprends mieux les réticences d’Acrimed au sujet de cette entreprise de recyclage industriel. Il faut vraiment avoir envie de se faire connaître pour se faire exploiter ainsi. Bon... moi, on ne me le proposera pas puisque je ne suis pas repris aussi souvent par Rezo.net, et si c’était le cas, je serais enchanté d’envoyer bouler, car au fond je ne représente que ma personne très compliquée et pas un collectif avec des idées.

        Voir en ligne : http://champignac.hautetfort.com



  • vendredi 24 octobre 2008 à 22h19, par Zgur

    « si même eux, gens et médias de droite, reconnaissent l’existence de la lutte des classes, pourquoi la gauche de gouvernement ne l’énonce plus ? »

    Ça ne répondra pas au silence de la gauche sur le sujet (j’ai quelques idées là dessus,il faudrait que je prenne le temps de les mettre en forme) mais je vous encourage de toutes façons à lire les travaux de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sur la bourgeoisie, notamment « Voyage en grande bourgeoisie » (PUF 2005). Ils sont en plein dans le sujet de François Ruffin.

    On y voit que les riches sont actuellement les seuls à avoir une vraie conscience de classe.

    Et qu’il sont prêts à la défendre, eux !

    « A l’heure où l’on salue « la disparition des classes », la bourgeoisie se comporte comme un groupe uni qui assume ses alliances, ses manières de vivre, l’éducation des futurs héritiers et qui exprime ses intérêts collectifs et les gère, à travers une sociabilité de tous les instants. Une classe consciente d’elle-même qui défend ses privilèges et définit ses propres frontières . »

    in La dernière classe sociale, article du Monde Diplomatique. La suite sur http://www.monde-diplomatique.fr/20...<

    Pour info, on peut aussi écouter des émissions de « Là Bas si j’y suis » avec de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon en suivant ce lien

    Comme pour le bouquin de Ruffin , ce ne sera pas du temps perdu.

    Zgur

    Voir en ligne : http://zgur.20minutes-blogs.fr/



  • Bonne analyse mais qui occulte des éléments essentiel :
    1- Au XXIe siècle le pouvoir se prend dans les urnes et non par l’insurrection armée. Il s’agit donc bien d’une lutte de classe, la guerre de classe étant menée encore par quelques guerillas sans beaucoup de succès (FARC...)
    2- Les travailleurs au sens large, y compris chômeurs, jeunes en formation , retraités , tous ceux qui ne vivent pas de revenus du capital soit 95% de la population, sont aux prises avec la mouise quotidienne et préfèrent un tiens réformiste que deux tu l’auras « révolutionnaire ». Ils votent majoritairement pour des partis sociaux démocrates quand ils sont conscients, même si ces derniers ont trahi.
    3- Un problème central est donc celui du combat socialiste à l’intérieur de la social démocratie. La gauche du PS pèse 25%. Ceux qui ne veulent pas seulement se défouler et laisser le pouvoir ad aeternam aux millardaires dinosaures de la droite peuvent soutenir la gauche du PS

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