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mardi 30 septembre 2008

Le Charançon Libéré

posté à 12h23, par JBB
12 commentaires

Il y a des choses avec lesquelles le Congrès américain ne déconne pas. Pour le reste…
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Joie ! Enthousiasme ! Bonheur ! Avec sa jouissive décision de ne pas voter le plan Paulson, le Congrès américain met un peu de baume supplémentaire au coeur de tous ceux qui espèrent voir le système se gripper définitivement. Même si les Républicains, acteurs décisifs du refus, ne se sont pas convertis du jour au lendemain à un quelconque désir de justice sociale. Au contraire, même…

Cela me pèse un peu.

Et me gêne itou.

Mais il faut que je le dise.

Et que ces mots sortent, quoi qu’ils me coûtent à les prononcer.

Donc… juste… j’ vais :

Hurrah !

Un ban pour les Républicains !

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Ouf…

Je n’étais pas sûr d’y arriver.

Tant je nourris depuis longtemps une aversion marquée pour les soutiens et soutiers de la politique de Bush.

Mais les choses ont changé.

Et depuis que les Républicains ont refusé de voter ce plan Paulson qu’on leur présentait comme la seule chance de sauver un système vermoulu, ne signant pas ce chèque en blanc que le petit monde de la finance et de la spéculation attendait avec gourmandise et adressant un jouissif bras d’honneur à un président complètement dépassé par les événements, je les vois d’un oeil différent.

Et ne peux m’empêcher d’éprouver pour eux quelques sympathies.

On est pote, quoi.

Ou tout comme.

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Enfin…

Je m’emballe sans doute un peu.

Et il n’est pas évident que ce soit les mêmes raisons qui nous poussent, les Républicains et moi (ça fait tout drôle de l’écrire…), à applaudir le rejet de ce plan.

Mais alors : pas du tout.

« Ni l’intervention pressante de George W. Bush ni les appels à la responsabilité des leaders démocrates et républicains du Congrès n’ont eu raison de la peur qui étreint les 435 représentants : celle de se présenter dans cinq semaines devant les électeurs en ayant entériné un plan de sauvetage extrêmement impopulaire », écrit ainsi Le Figaro.

Tandis que Libération fait le même constat : « La chambre des représentants (435 membres) doit être renouvelée le 4 novembre, lors des présidentielles, et tous ses membres craignent de perdre leur siège s’ils approuvent ce projet de loi extrêmement impopulaire. Tous ces élus ont reçu des centaines, voire des milliers de courriers électroniques de leurs électeurs menaçant de ne pas voter pour eux s’ils l’approuvaient. »

Voilà.

Dans le vote-sanction des Républicains, il n’entre que peu d’envie de voir un brin de justice sociale s’exercer à l’encontre des spéculateurs et des inutiles financiers.

Et pas davantage de désir de ne pas soutenir des intérêts privés avec un max d’argent public.

La vraie raison est ailleurs, dans la peur minable des élus de perdre leur siège et de ne pas être reconduits.

Et il n’est finalement pas de meilleur indice, dans le pays qui a fait du capitalisme son seul credo et alors que médias et responsables s’accordent à voir (à tort ou non, ce n’est pas la question) dans cette crise le pire des cataclysmes, de la faillite de la démocratie que ce refus du plan Paulson pour de basses considérations électoralistes.

__3__

A défaut de braire avec les Républicains.

On pourra regretter que les électeurs américains ne se soient pas précipités plus tôt sur leurs ordinateurs.

Et qu’ils n’aient pas, lors de précédents suffrages, usé de la même menace de non-reconduction des mandats pour mettre un terme à la catastrophique politique extérieure de leur pays.

On notera ainsi que cela fait plus de dix ans que la planète entière est suspendue aux décisions du Congrès.

Qu’elle attend anxieusement de voir apparaître un mouvement de protestation contre la politique que les Etats-Unis mènent à travers le monde.

Qu’elle croise les doigts en espérant que les représentants fassent preuve de courage et de clairvoyance et désavouent un gouvernement qui n’a cessé de semer partout la mort et le désespoir.

Et qu’elle se languit de cette motion de défiance que les membres du Congrès auraient dû voter depuis longtemps contre les chefs de guerre de Washington.

Sans jamais voir le plus petit signe de début de commencement d’ébauche d’une protestation collective.

Jamais.


COMMENTAIRES

 


  • Il faut aussi dire que 150 économistes (de tous les bords politiques) du pays ont signé une lettre condamnant ce plan.

    Ca me fait vomir la couverture médiatique : ils ne penseraient qu’à eux-mêmes ! Ou alors ce sont des idéologues coupés de la réalité. Quelle connerie. C’est le contraire : ceux qui sont coupés de la réalité, ce sont ceux qui soutiennent le plan.

    Un autre qui bousille à mort le plan c’est Mike Whitney, qui écrit sur COUNTERPUNCH (qui est loin, trèèès loin, d’être de droite) :

    In truth, there is no fix for a deleveraging market anymore than there is a fix for gravity. The belief that massive debts and insolvency can be erased by increasing liquidity just shows a fundamental misunderstanding of economics. That’s why Henry Paulson is the worst possible person to be orchestrating the so called rescue project. Paulson comes from a business culture which rewards deception, personal acquisitiveness, and extreme risk-taking. Paulson is to finance capitalism what Rumsfeld is to military strategy. His leadership, and the congress’ pathetic abdication of responsibility, assures disaster. Besides, why should the taxpayers be happy that the stocks of Morgan Stanley, Washington Mutual and Goldman Sachs surged on the news that there would be a government bailout yesterday ? These banks are essentially bankrupt and their business models are broken. Keeping insolvent banks on life support is not a rescue plan ; it’s insanity.

    En vérité, il n’y a pas plus de solution à un marché en crise qu’il n’y a de solution à la gravité. La croyance que des dettes et des faillites massives peuvent être supprimées en augmentant la liquidité ne fait que prouver une incompréhension fondamentale de l’économie. C’est pourquoi Henry Paulson est la pire personne possible pour orchestrer le soi-disant projet de secours. Paulson vient d’une culture d’entreprise qui récompense le mensonge, l’acquisition personnelle, et la prise de risque extrême. Paulson est au capitalisme de la finance ce que Rumsfeld est à la stratégie militaire. Sa direction, et l’abdication pathétique de responsabilité du Congrès [note : ceci est un article paru bien avant que les Républicains et quelques Démocrates ne rejettent le plan], est le chemin le plus sûr vers le désastre. Et puis, pourquoi est-ce que les contribuables devraient être heureux que les stocks de Morgan Stanley, Washington Mutual et Goldman Sachs ont explosé en entendant l’information qu’il y aurait un renflouage du gouvernement hier ? Ces banques sont essentiellement en faillite et leur modèle d’entreprise est brisé. Garder les banques en faillite en vie n’est pas un plan de secours ; c’est de la folie.

    L’idéologie néo-libérale des Républicains aura servi à quelque chose pour une fois.

    Cf aussi la foutaise que certains ont sorti : les taux d’intérêts qui grimpent à mort. Mais évidemment, puisque les responsables de cette manoeuvre sont ceux qui vont recevoir des milliards !!

    Voir en ligne : Once upon a time

    • mardi 30 septembre 2008 à 19h50, par JBB

      Merci pour la traduction, mon faible niveau d’anglais ne m’aurait pas permis de comprendre. :-)

      J’en retiens notamment le parallèle entre l’Irak et le plan Paulson, façon attaque frontale sans aucune subtilité et promise à l’échec. La politique américaine dans toute sa douceur…

      • mercredi 1er octobre 2008 à 07h17, par littlehorn

        Le Système de la Réserve Fédérale a intentionnellement changé les taux pour faire retirer l’argent des banques, et faire croire que ceci est un problème de liquidité.

        De Karl Denninger

        « The Effective Fed Funds rate has been trading 50 basis points or more below the 2% target for five straight days now, and for the last two days, it has traded 75 basis points under. The IRX is demanding an immediate rate cut. The Slosh has been intentionally drained by over $125 billion in the last week and lowering the water in the swamp exposed one dead body - Washington Mutual - which was immediately raided on a no-notice basis by JP Morgan. Not even WaMu’s CEO knew about the raid until it was done....The Fed claims to be an ‘independent central bank.’ They are nothing of the kind ; they are now acting as an arsonist. The Fed and Treasury have claimed this is a ‘liquidity crisis’ ; it is not. It is an insolvency crisis that The Fed, Treasury and the other regulatory organs of our government have intentionally allowed to occur. »

        Le taux des Fonds Efficaces Fédéraux a échangé 50 points de base ou plus sous la cible de 2% pendant 5 jours entiers, et ces deux derniers jours, il a chûté de 75 points de base. Le IRX demande une coupe immédiate du taux. The Slosh a été intentionnellement coupé de plus de 125 milliards la semaine dernière et abaisser l’eau du marécage a exposé un cadavre - Washington Mutual - qui fut immédiatement raflé sans préavis par JP Morgan. Même le boss de WaMu n’était pas au courant de l’OPA avant qu’elle n’a été menée... La Réserve Fédérale prétend être une « banque centrale indépendante ; » Elle n’est rien de telle ; elle agit comme un pyromane. La Réserve Fédérale et le Trésor ont prétendu que ceci est une ’crise de liquidité’ ; c’est faux. C’est une crise de faillite que la Réserve, le Trésor, et les autres organes régulateurs de notre gouvernement ont intentionnellement laissé se produire.

        [Traduction pas top, parce que je connais pas bien les termes techniques, la flemme]

        • mercredi 1er octobre 2008 à 12h50, par JBB

          Mince… :-)

          Je dois confesser, à ma grande honte, que je n’ai pas saisi de quoi il était question. Faute à d’évidentes lacunes en économie.

          • mercredi 1er octobre 2008 à 18h17, par littlehorn

            Je ne comprends pas tous les termes à la perfection bien sûr, étant moi-même un débutant.

            Mais je crois que l’idée est que bien loin de faire leur boulot, les instances de régulation ont laissé filer la crise, et pour faire croire que celle-ci est un problème de liquidité, en d’autres termes, que les banques sont en manque de sous et qu’il faut qu’on leur en donne, elles ont drainé ces dernières de leur capital artificiellement, pendant quelques jours. Pour forcer la main au Congrès.

            On nous a dit alors « Regardez : les banques ne peuvent plus prêter d’argent, elles ne se font plus confiance entre elles ! Ni à personne ! Il faut vite re-capitaliser ! »

            Mais le problème des banques est structurel, et donner du fric à une structure qui ne peut qu’échouer, ça ne sert strictement à rien.

            C’est exactement comme si on maintenait en vie quelqu’un qui est dans un état végétatif, dont le cerveau est mort. Il continue à ’vivre’ mais pas pour de vrai. Et dès qu’on retire l’assistance respiratoire, ben il meurt.

            L’interprétation la plus intéressante que j’ai lue, c’est que tout ceci est une monumentale arnaque. Car pensez-y : si le problème est structurel et ne peut pas être résolu en arrosant les gens avec de l’argent, alors on ne fait que repousser à plus tard le moment où le problème reviendra.

            A la différence qu’une fois que ce moment venu, les « dettes et les passifs » rachetés par le plan Paulson, seront devenus le problème du gouvernement et des contribuables, tandis que les riches connards qui ont bien profité de leur système pourri, ben ils auront eu le temps de se mettre bien tranquilles bien à l’abri.

            • mercredi 1er octobre 2008 à 21h11, par JBB

              L’explication est parfaite, merci beaucoup. En gros, ça revient à bloquer les flux pour faire croire à la disette, avant de rouvrir les vannes une fois le big chèque encaissé, c’est ça ?

              Quant à l’hypothèse arnaque, ça fait plus que se tenir. Jusqu’à il y a très peu de temps, tous les articles traitant de la crise pointaient la crise de confiance entre acteurs, et pas du tout le manque de liquidités.



  • J’interprétais (peut être à tort, ici : http://jide.romandie.com/post/12008...) le refus des Republicains de voter contre ce petit paquet de fric pour des raisons idéologiques. Quelque chose me dit que les deux raisons sont valables...

    • mardi 30 septembre 2008 à 19h53, par JBB

      Je n’ai retenu qu’une petite partie des deux articles cités, mais il évoquait aussi les raisons idéologiques.

      D’ailleurs, certains ont refusé le plan au motif que c’était un premier pas vers le socialisme ou, comme tu l’écris, « ’idée d’un État Providence à connotation rouge ».



  • Salut le Charençon. Il y a deux points au sujet desquels je ne suis pas trop d’accord avec toi.

    Un ban pour les Républicains !

    Ouf…

    Je n’étais pas sûr d’y arriver.Tant je nourris depuis longtemps une aversion marquée pour les soutiens et soutiers de la politique de Bush.

    Les Démocrates sont tout autant les soutiens et les soutiers de la politique de Bush. Le parti Démocrate aux Etats-Unis joue encore plus le rôle d’opposition contrôlée que le P« S » en France.

    Il suffit de dresser la liste de ceux qui ont voté pour le Patriot-Act, le Military Commissions Act, le financement des guerres, le budget de la défense, etc... Les Démocrates sont tout aussi responsables.

    Pour t’en assurer, regarde la différence entre les 3 candidats actuels à l’élection Présidentielle :
    Mc Cain (Républicain), Obama (Démocrate), Nader (Indépendant), la vidéo est accablante :
    http://www.dailymotion.com/video/x6wfqu_spot-de-ralph-nader_news (merci littlehorn pour les sous-titres !)

    Et deuxième point sur lequel je ne suis pas d’accord avec toi :

    On pourra regretter que les électeurs américains ne se soient pas précipités plus tôt sur leurs ordinateurs.

    Et qu’ils n’aient pas, lors de précédents suffrages, usé de la même menace de non-reconduction des mandats pour mettre un terme à la catastrophique politique extérieure de leur pays.

    On notera ainsi que cela fait plus de dix ans que la planète entière est suspendue aux décisions du Congrès.

    Qu’elle attend anxieusement de voir apparaître un mouvement de protestation contre la politique que les Etats-Unis mènent à travers le monde.

    Qu’elle croise les doigts en espérant que les représentants fassent preuve de courage et de clairvoyance et désavouent un gouvernement qui n’a cessé de semer partout la mort et le désespoir.

    Et qu’elle se languit de cette motion de défiance que les membres du Congrès auraient dû voter depuis longtemps contre les chefs de guerre de Washington.

    Sans jamais voir le plus petit signe de début de commencement d’ébauche d’une protestation collective.

    Jamais.

    Ce n’est pas vrai, il y a des mouvements d’ampleur. Par exemple, regarde cette pétition pour la destitution de Bush : http://www.impeachbush.org/
    Plus d’un million de signatures. A titre de comparaison, en France, la pétition contre Edvige a fait 200’000 signatures. Ce chiffre, rapporté à la population, indique une mobilisation à peu près comparable.

    Voir en ligne : http://souk-fares.blogspot.com

    • mercredi 1er octobre 2008 à 12h57, par JBB

      Salut Fares

      Sur le premier point, on est tout à fait d’accord. Je n’ai utilisé l’expression « soutiens et soutiers » que de façon très générale, façon vite-fait. Mais il ne s’agissait pas de ranger automatiquement les Démocrates, qui ont d’ailleurs plus massivement voté le plan Paulson que les Républicains, dans le camp des gentils.

      Et sur le deuxième, on est aussi d’accord : une vraie mobilisation contre la guerre en Irak et en Aafghanistan existe. Mais à l’évidence pas au point de pousser les élus du Congrès à voter en ce sens, par peur de se voir sanctionnés par les électeurs.



  • merci aux explications économiques qui nous (me ?) permettent de saisir un peu mieux ce qui se passe et de bénéficier d’une analyse sensiblement différente -et ô combien salutaire- de ce qu’on peut entendre un peu partout dans les médias en ce moment.

    Une question cependant demeure, et j’espère qu’elle ne fâchera personne : qu’est-ce qui se passe si tout le système financier international se casse la gueule ? Je dis si mais on sait que c’est déjà le cas. A quoi s’attendre concrètement ? Toutes les réponses sont les bienvenues.

    Voir en ligne : Pour ceux qui veulent en rire : toutes les vidéos du daily show sont à regarder, rien n’est à jeter !

    • vendredi 3 octobre 2008 à 12h09, par JBB

      Salut Etarra

      Je ne sais si d’autres seront à même de proposer de meilleures réponses que moi. Mais ta question est tellement vaste que je ne suis pas à même d’y répondre autrement que par quelques vagues envolées sur le jouissif plaisir de l’écroulement du système et sur le réjouissant spectacle de la fessée pan-pan reçue par les financiers et spéculateurs. Mais derrière, comme pour toute crise, il y aura la misère et la détresse, les plus faibles et pauvres étant touchés en premier.

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