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jeudi 9 avril 2009

Médias

posté à 09h39, par Lémi
16 commentaires

Lancement de « TIPS » : Fuir la crise en tartinant ses cheveux de yaourt Lidl
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Joie et cotillons, le grand Gérard Ponson, déjà responsable de hautes productions intellectuelles telles que « Entrevue » ou « Guts », se lance dans la bataille de la survie en temps de crise. Avec « Tips », premier magazine féminin hard-discount, il s’impose surtout comme un humaniste-de premier choix. Plongée (courageuse) dans les entrailles de la bête, pour le bien commun.

C’est Gérard Ponson, le glaireux qui a lancé Entrevue, Guts et Crash, enseignes de la presse (très) poubelle de référence, qui a eu cette idée géniale, révolutionnaire : lancer un magazine féminin (bi-mensuel) qui s’adapterait à notre période troublée. Un féminin ambiance krach, genre « lis-le plutôt que de mettre la tête dans le four ». Le truc à feuilleter quand t’es une femme, que t’as trois mômes qui crient la faim, comme ton compte en banque, et que ton mari est alcoolo depuis que Michelin l’a viré mais Bibendum avait pas le choix (c’est la crise Madame, c’est la faute aux chinois).

Heureuse lectrice, un cobaye s’est armé de courage pour expérimenter ce nouveau produit : bibi ! Et je le dis haut et fort : si la crise alourdit ta vie et déleste ta bourse, fonce, achète Tips, tu plongeras dans un monde merveilleux. Tu apprendras comment confectionner tes propres stickers (fini de balancer tout cet argent par la fenêtre en stickers inutiles, le monde de l’artisanat auto-géré s’ouvre à toi) et comment recouvrir tes cheveux d’une substance composée essentiellement de yaourt et d’avocat écrasé pour qu’ils soient plus brillants (terminées ces dépenses inutiles en brillantine), voire comment se démaquiller à l’huile d’olive (c’est pas un peu bourge ça ? De l’huile de vidange suffit largement – Lémi conseil de beauté, c’est bonus). Au passage, amie lectrice, tu choperas des tuyaux sur comment ne pas foutre plus de 200 euros dans une paire de pompes (c’est cadeau) ou comment se refaire la face et la carrosserie façon Lolo Ferrari pour presque rien et des poussières.

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Le numéro 0, c’est à dire pas celui chroniqué ici, mais une pré-version.

La crise nous guide vers des lendemains meilleurs, Tips l’a compris. D’ailleurs, ton nouvel ami n’hésite pas à claironner en couverture qu’il t’offre 290 € de bons d’achat. A 90 centimes le numéro, j’ai bien compté, ça fait du 289,10 € de bénéfice, mazette c’est pas rien. Après, c’est vrai que pour bénéficier de l’offre spéciale sur les pinces à chaussettes LaPac (« Telle un Pacman, la pince à chaussettes va croquer vos chaussettes pour vous simplifier la vie »), quatre pinces gratos, il faut en acheter 24 autres. Mais bon, on va pas chipoter ; des mecs qui trouvent des slogans publicitaires aussi bons doivent fabriquer des très bonnes pinces à chaussettes. En plus, dans l’éditorial, la directrice de rédaction, la très espiègle Marie Laurence Vieillard (oui oui, il y a des prédestinées, avec un nom pareil, difficile de sortir le LA Free Press) nous informe : « Quand le marketing des marques utilise les bons de réduction, Tips accompagne bien évidemment cette pratique et vous permet d’effectuer autant de dépenses futées. » Car la chose se veut futée, et pas seulement dans les bons de réduction (à signaler également : un bon de réduction de 150 € pour la location d’une péniche de luxe pendant un mois, wahou). Et c’est vrai que 4 500 € pour les seins de Pamela Anderson (écrit noir sur blanc), ça vaut le coup, il me semble. Par contre les paupières de Demi Moore pour 5 500 € , je trouve ça un peu léger, hein, mais bon, on ne va pas faire le difficile. On peut toujours se rabattre sur le test comparatif sandales (une étude très poussée) ou sur l’article de fond (très profond) consacré aux différentes tenues du couples Beckham / Pétasse ex Spice-Girls (mais comment font-ils pour toujours ainsi harmoniser leurs tenues ? Hein ?).

En feuilletant l’engin, mince comme une tranche de jambon, aussi attirant qu’un Direct-soir qu’on aurait uniquement bourré de publicités, on essaye de comprendre qui va acheter ce genre de bouse. Il n’y a rien (Gérard Ponson annonce dans le Figaro « de faibles coûts de production », on veut bien le croire). Le genre de truc qui trainait chez mon dentiste quand je voulais encore sauver ma dentition (c’est désormais passé à la trappe) et que je me délectais des conseils sexo de Femme actuelle (« mangez du chocolat, ça donne des envies ! », « Fini l’éjac précoce : musclez votre périnée à la Sarko ! » – ah merde, non, ça c’est dans le Parisien d’hier), illisible, mal foutu, même pas croustillant ou trash. En Une, pour le lancement, le sourire niais de Maud Fontenoy annonce la couleur. La greluche en solitaire avoue d’ailleurs plus loin qu’elle a été toute émoustillée par sa rencontre avec Sarkozy (normal, en même temps, pas moyen de se laisser palper les seins par n’importe qui…) : « j’ai découvert un personnage très étonnant blabla, attentionné, brillant blabla une très belle rencontre (tu m’étonnes) » . Ça dépote.

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En plus, c’est un magazine très écolo, ça ne se voit pas au premier coup d’œil, mais vu que c’est présenté comme ça (Sur la première page, cet impressionnant acte de foi : « Tips s’engage à protéger la nature ». Tremble, réchauffement climatique, Gérard Ponson est dans la place…), j’imagine que je suis passé à côté.

Il y a, derrière ce lancement, cette idée sous-jacente qu’on ne cesse de nous seriner : si t’es pas trop con, la crise peut te profiter. Tu peux en tirer plein de trucs chouettes, retrouver le plaisir simples des joies naturelles (Le mot d’ordre de Gérard Ponson, cet humaniste, n’est-il pas « Pas une femme qui ne sourit pas » ?). Évidemment, c’est ballot, il faut un peu d’argent pour ça…
Les heureux riches se demandent dans les hebdos glamours pourquoi dépenser 1 000 € dans un top pailleté alors que tu peux le choper à 750 € en promo ; ou pourquoi aller aux Seychelles alors que Saint-Domingue est moins cher ?
Et les miséreux liront Tips (« les meilleures sous-sous-sous-marques certifiées OGM ») en grignotant des biscottes Lidl trempés dans de l’eau salée. Normal, ils sont pauvres. On imagine sans peine le prochaine numéro, quand la crise aura encore affermi sa prise : «  remplacer sa patate par un rutabaga, c’est goûtu », « survivre sans boire » et « conseils culture : mots croisés et télé, des loisirs qui coûtent que dalle. » Petits chanceux…

En creusant un peu, et en voyant la manière dont les choses tournent, on pourrait élargir ça à l’ensemble d’une société. Si t’es pas trop bronzé-basané, si t’es pas trop ouvrier Caterpillar, si t’es pas trop jeune et sans diplôme, tu pourras tirer pleins de trucs chouettes de la crise, en sortir humainement grandi. Et même, tu pourras te dispenser de la lecture de ce genre de torchons (ce n’est pas négligeable, parole de cobaye).

Arrivé là dans cette étude ultra-documentée et référencée (dirait-on pas que je sors direct de l’EHESS ?), je m’interroge : à quand un magazine vraiment adapté à la crise ? Pour tout te dire, ce serait moi et pas Marie Laurence Vieillard qui dirigerait Tips, « le premier magazine anticrise », j’aurais été plus loin. D’ailleurs, j’ai déjà plein d’idées : « Le chatterton le moins cher pour séquestrer ton patron. » « Guillotine ou décollation à la hache : notre test comparatif. » « Braquer une banque, brûler un Ibis : nos conseils malins pour masquer ton visage. » « Nos meilleures recettes de patrons : gratinés ou à la broche ? »
Marie Laurence, si tu me lis…


COMMENTAIRES

 


  • Grande forme pour un journal qui n’a pas l’air de valoir la prose que tu lui consacres !

    Voir en ligne : Le Monolecte



  • Le premier avril ne serait pas passé, j’aurai cru que ce magazine était une farce. Mais visiblement, non.

    Toutefois, une rectification à ce très bon test produit :

    « aussi attirant qu’un Direct-soir qu’on aurait uniquement bourré de publicités »

    Allons ! Direct Soir est déja uniquement bourré de publicités !

    Voir en ligne : http://seteblog.over-blog.com/

    • Tu dis parce que tu fais comme moi (et c’est une saine réaction) : devant l’indigence des « articles » proposés, tu te rabats sur la publicité, beaucoup mieux écrite et plus informative. De plus, je sais de source sûre qu’il y a des gens payés pour écrire ces « articles ». Drôle de monde...



  • Un autre petit rectificatif décourageant (pour qui aurait le courage tordu d’acheter ce papier qu’on trouve déjà dans toutes les bonnes poubelles) SPIT le journal qui sert la soupe populaire (et qui krache dedans) ne dégagera passé le premier nmero que 288,80 de benef. L’action du pauvre augmente de 40 cents après l’offre initiale. Au moins apprendrez vous à sauver la Terre. Le prochain numero inclura une interview de la femme de ménage de mr Estrem, et les conseils du redac chef NS sur comment faire son banania soi-m^me avec la banane et le chocolat

    bravo à toutzeatous

    • jeudi 9 avril 2009 à 18h28, par Lémi

      Argh, j’avais oublié de mentionner que ce n’était qu’un prix d’appel. Après, 1,20 ou 0, 90 euros, ça ne change pas grand chose. A mes yeux, ce sera toujours un achat intelligent et reponsable, on va pas chipoter.
      J’attends avec impatience le prochain numéro sur le Banania de Sarkozy, maintenant que je sais tout sur ses problèmes d’éjac précoce, je voudrais bientôt connaitre ses conseils écolo-culinaires, histoire de vraiment tout savoir sur lui...





  • « Et c’est vrai que 4 500 € pour les seins de Pamela Anderson (écrit noir sur blanc), ça vaut le coup, il me semble. »

    Et ben ? Il me semble à moi qu’un journaliste sérieux aurait déjà tenté la chose et nous aurait gratifié de son expérience ainsi que des photos avant-après au lieu d’un minable « il me semble » :-)

    Dégat collatéral à cet article qui m’a bien fait marrer : vous ne trouvez pas ça bizarre tous les zozos zé zozottes qui font de la traversée aquatique en solitaire, à la rame, sans les mains, avec ou sans boussole, etc..... qui sont des droiteux obtus, pas avares d’allégeance à Nicoléon notre grand petit maître à tous ? Daboville est au gouvernement, il ne ramait pas déjà il y a quelques années celui-là ? Etonnant, non ?

    • J’ai bien tenté de convaincre quelques amies, leur expliquant que je m’engageais à être leur Tommy Lee en cas de réussite de l’opération, mais je n’ai eu que peu de retours probants. Ce n’était pas faute de motivation de ma part... Et si vraiment personne ne veut le faire, je finirais par me sacrifier.
      Pour les rameurs, je ne vois pas trop d’explication. Mais c’est vrai que c’est troublant. Peut-être que c’est une sorte de retour au temps des Galères : quand on rame, c’est qu’on est l’esclave des puissants ?



  • Petit rectif post-dégainage de loupe : à bien y regarder, semblerait que ce ne soit pas la miss Fontenoy en couv’, plutôt Jennifer Aniston. Sont quand même pas fous chez « Tips » : l’en faut plus que Maud Fontenoy, même propulsée icône sarkozélyséenne, pour refourguer du papier.

    • jeudi 9 avril 2009 à 18h38, par Lémi

      Et non et non. C’est bien Maud Fontenoy sur mon exemplaire à moi (et elle est vachement moins gironde). C’est juste que l’illus de l’article, c’est la couv du numéro 0, le tirage d’essai destiné aux journalistes avant le lancement. C’est la seule dispo sur Internet, d’où son utilisation.

      • vendredi 10 avril 2009 à 12h26, par PT

        Dans ce cas, courbette contrite et hallucinée : n’imaginais même pas que la donzelle navigatrice, par ailleurs mange-à-tout (animatrice radio piteuse, emblème écolo de pacotille…), pouvait à ce point servir d’étendard pour magazine putassier en mal de refourguer sa came aux plus écervelé(e)s…

        Dont acte.

        • mercredi 15 avril 2009 à 11h13, par un-e anonyme

          1) Concernant le paragraphe sur Sarkozy, c’est du copier coller car je l’ai déjà lu quelque part ailleurs !

          2) Elle a aussi au moins un peu raison : Si quelqu’un(e) lui plait et/ou lui peut-être utile, il peut être très attentionné ! Je le sais car elle m’a organisée un truc que je n’aurais pas cru possible... C’était plustôt flatteur pour moi mais m’a en même temps fait un peu peur aussi de quoi quelqu’un peut-être capable. En tous cas, j’ai un peu de mal de penser qu’elle a organisée ce truc sans l’aide de Nicolas S. Certes, il est possible d’organiser ça seul(e) mais il en faut mettre les moyens...



  • « Sur la première page, cet impressionnant acte de foi : »Tips s’engage à protéger la nature« . »

    Quand on voit ce que la nature se permet parfois, ainsi le personnage de gauche (pour une fois !) sur la photo, on peut se demander s’il est vraiment utile de vouloir la protéger à tout prix.

    • Ouaip, c’est bien mon avis aussi. Si à force de gaz d’échappements et de pollutions diverses on parvenait à faire s’éteindre certaines espèces néfastes, nul doute que la situation s’arrangerait. Tous à vos 4-4 !

      • dimanche 12 avril 2009 à 12h39, par un-e anonyme

        Si article xi commence à passer en revue toutes les nouveautés de la machine à abrutir ,va falloir embaucher et malgré tout bosser 24/24, 365j/365j.
        Y a certainement, un créneau pour s’insérer comme ils disent, mais ça sera pas facile car la machine à abutir c’est un marché comme ils disent et leur marché ,il est sacré !

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