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vendredi 23 octobre 2009

Entretiens

posté à 15h32, par Lémi
28 commentaires

Marc Saint-Upéry (Part.2) : « L’inverse symétrique d’un cliché peut aussi être un cliché »
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Suite et fin de l’entretien débuté hier avec le journaliste et traducteur Marc Saint-Upéry. Lequel poursuit son brillant décorticage de l’actualité latino-américaine. Au menu : Uribe, Obama, l’ALBA, la Banque du Sud, Cuba, Chavez, le Honduras, les minorités indigènes etc. Un tour d’horizon complet, parfois polémique ou pessimiste, mais d’une richesse analytique indéniable.

On te l’annonçait hier, cet entretien (par mail) avec le journaliste et traducteur Marc Saint-Upéry, auteur du très instructif Le Rêve de Bolivar (éditions La Découverte), était loin d’être fini. Après une première partie (ici) qui égratignait nombre de fantasmes sur la situation politique de l’Amérique Latine, Marc Saint-Upéry s’attarde céans (entre autres) sur la question des minorités indigènes, la situation à Cuba, la viabilité d’institutions telles que l’ALBA et la Banque du Sud ou la nouvelle donne stratégique suscitée par l’arrivée d’Obama au pouvoir.
Autant te prévenir derechef, lecteur, certains propos tenus ici ne te plairont guère ou bousculeront tes convictions. Guidé par un profond souci d’objectivité et d’exhaustivité, Marc Saint-Upéry prend parfois le contre-pied des idées reçues au sein des cercles progressistes/de gauche. De quoi alimenter le débat et, surtout, enrichir la discussion. Comme il l’affirme plus bas : « Il me semble que le rôle des médias alternatifs ne peut pas être seulement de prendre systématiquement le contre-pied du dernier cliché en vogue (la proposition symétriquement inverse d’un cliché pouvant aussi être un cliché). » Démonstration.


Une des grandes spécificités des gauches sud-américaines tient à la prise en compte des revendications des minorités indigènes. La Bolivie et l’Équateur semblent de très bons exemples de cette évolution. Pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour que s’amorce cette légitime reconnaissance de leurs droits ? Le chemin est-il encore long ?

Pourquoi tant de temps ? D’abord, sans tomber dans la formule mythique des « cinq cents ans de résistance » (la réalité historique est un peu plus compliquée que ça), les révoltes et les rébellions n’ont pas manqué, tant à l’époque coloniale que depuis les indépendances. Cela dit, elles étaient généralement très localisées et sans grandes perspectives stratégiques. Quant à la résistance au jour le jour, elle a toujours existé mais s’accompagnait aussi de stratégies complexes d’adaptation. Il y a toute une série de facteurs qui peuvent expliquent la montée des revendication et des organisations indigènes dans un certain nombre de pays à partir des années 1980 et 1990. Il ne faut toutefois jamais oublier que l’indianité « sociale » plus ou moins stigmatisée ne se traduit pas nécessairement par une indianité « politique » assumée, que l’habit ne fait pas le moine, que le vêtement, la langue et les coutumes « traditionnels » (et il s’agit fréquemment de « traditions » relativement récentes, hybrides ou réinventées) ne font pas nécessairement un indien conscient et militant et que les revendications « culturelles » ou « identitaires » ont souvent un caractère instrumental lié aux luttes pour les ressources matérielles et aux « structures d’opportunités » politiques promues par l’État et les organismes internationaux. Parmi les facteurs du « réveil indien », on peut donc citer : l’effet des réformes agraires qui ont été mises en œuvre – selon les pays – entre les années 1950 et 1970 et qui, malgré leurs énormes déficiences, ont desserré l’emprise des grands propriétaires terriens traditionnels sur les populations indigènes (elles ont de fait eu souvent plus d’effets politiques que de conséquences économiques pour ces populations) ; l’émergence des premières générations de professionnels et d’intellectuels indigènes ; le rôle des mouvements ecclésiaux progressistes ; la fin des dictatures militaires et des formes de gouvernance les plus brutalement répressives, ainsi que les politiques de décentralisation et de démocratisation des pouvoirs locaux. Tout cela a coïncidé de façon remarquable avec les prémices et les suites de la célébration des cinq cents ans de la « découverte » de l’Amérique en 1992, évènement doté d’une forte répercussion symbolique et politique. Quant aux gauches locales, il faut bien dire qu’elles ont souvent et longtemps participé aux discours et aux pratiques racistes ou paternalistes du monde blanc et métis et qu’elles ont parfois eu beaucoup de mal à évoluer sur la question. Enfin, l’émergence indienne a aussi été favorisée dans les années 1990 par un certain « multiculturalisme néolibéral » (notamment en Bolivie) et par la stratégie de « développement avec identité » encouragée par des organismes comme le PNUD, la Banque mondiale et la myriade d’ONG qui travaillent en fonction des mêmes paramètres.

La situation de l’Équateur est aujourd’hui assez différente de celle de la Bolivie. D’abord, la population indienne y est effectivement minoritaire, entre 7 % minimum et 15 % maximum, selon les recensements et investigations les plus fiables, qui posent de toutes façons toutes sortes de problèmes méthodologiques : seuls les Européens romantiques et les amateurs de « bons sauvages » – mais aussi les raciste vulgaires – croient qu’il est facile de définir ce qu’est au juste un indien, voire évident de s’auto-définir comme tel. Ensuite, si la mobilisation indigène a joué en Équateur un rôle politique et social très important dans les années 1990 et au début du nouveau millénaire, on constate depuis un déclin relatif dont les raisons seraient trop longues à expliquer ici, mais qui se reflète dans le mélange de cooptation subalterne et de tension irrésolue qui caractérise le rapport entre le mouvement indigène équatorien et le gouvernement de gauche du président Rafael Correa, avec son imaginaire très jacobin, centraliste et « développementiste ».

« Seuls les Européens romantiques et les amateurs de ’bons sauvages’ – mais aussi les raciste vulgaires – croient qu’il est facile de définir ce qu’est au juste un indien, voire évident de s’auto-définir comme tel. »

En Bolivie, on a des discours politiques indigènes superficiellement similaires mais une tout autre configuration des forces en présence. D’abord, ce sont 62 % des Boliviens qui déclarent être quechuas, aymaras, guaranis ou autres. En même temps, les aymaras et les quechuas auto-déclarés – lors du recensement de 2001 – sont plus nombreux d’un tiers que les Boliviens qui affirment savoir parler ces deux langues ; et lorsqu’on leur propose la catégorie « métis », par exemple, 69 % des « quechuas » s’y classent spontanément. Contradiction ? Pas vraiment. Paradoxe ? Peut-être, mais un paradoxe plein d’enseignements qui a aussi ses équivalents dans la sphère du politique. Ainsi, l’indianisme affiché d’Evo Morales (invocation des ancêtres, de la Pachamama, etc.) a souvent un aspect passablement « décoratif » de discours pour la galerie – la galerie internationale en particulier. Il ne reflète guère la politique réelle de son gouvernement, caractérisée comme en Équateur par de profonds réflexes « national-développementistes », avec y compris un discours modernisateur et industrialisant très marqué, même si parfois un peu irréaliste. Il y a certes aussi un aspect « émotionnel-identitaire » beaucoup plus profond – et certainement positif – dans cette revendication de la Bolivie indienne, mais cela relève plutôt d’une espèce d’ethnicisation symbolique et partielle du nationalisme populaire bolivien, avec des frontières assez floues et poreuses entre indianité, métissage, identité plébéienne et « bolivianité ».

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Que faut-il en conclure ? Outre la reconnaissance officielle d’un certain nombre de droits culturels et collectifs, il y a bien en Bolivie une décolonisation de fait de l’imaginaire, au sens entre autres où les gens ont heureusement de moins en moins honte d’être ce qu’ils sont (et ils sont souvent beaucoup de choses à la fois). Mais le discours de l’ethno-fondamentalisme puriste ou de la « contre-modernité » post-coloniale sont surtout le fait d’intellectuels aymaras urbains et de leurs alliés universitaires. Ces derniers font certes parler d’eux à l’occasion et entretiennent parfois des liens avec tel ou tel secteur du pouvoir, surtout au niveau de l’occupation de certains postes administratifs de second plan, mais ils n’ont guère d’influence pratique sur les dynamiques sociales de fond. Car ces dynamiques de fond obéissent à de tout autres critères que ceux des discours politiquement et ethniquement correct. Il faut comprendre que si l’on a bien connu historiquement en Amérique latine une version « blanchissante » et raciste du métissage et de l’occidentalisation imaginaire, visant clairement à oblitérer l’indien et le Noir, il existe aussi un « usage indien » et subalterne très pragmatique du métissage culturel et de la modernisation/occidentalisation, usage qui reste difficilement déchiffrable pour les défenseurs d’une identité ethnique univoque et agressivement militante. Je ne peux pas m’étendre sur tout cela et j’essaie de donner pas mal d’exemples concrets dans le chapitre 4 de mon bouquin, mais disons qu’on a un paysage très mouvant au sein duquel luttes contre l’exclusion sociale, luttes pour la reconnaissance identitaire et stratégies d’assimilation autonomes et sui generis (je sais que le mot « assimilation » fera hurler certains, mais c’est pourtant bien de cela qu’il s’agit aussi) s’entrecroisent et se mélangent de façon souvent paradoxale et inattendue, et dans des proportions assez différentes selon les pays et les contextes.

La révolution cubaine reste un des grands référents des gauches sud-américaines. Morales et Chávez, par exemple, s’en sont souvent explicitement réclamés. La disparition annoncée (et déjà amorcée) de Fidel Castro va-t-elle fondamentalement changer les équilibres stratégiques dans la région ?

Cuba est un référent plus sentimental et symbolique que réel. À part certaines campagnes médicales et d’alphabétisation qui n’affectent guère le coeur des systèmes de santé et d’éducation des pays concernés, il n’y a pas une seule politique publique menée par les nouveaux gouvernements de gauche qui soit inspirée du régime des frères Castro. D’ailleurs, Cuba n’encourage nullement ses « amis » à l’imiter, bien au contraire : le message « ne faites pas comme nous » est quasi explicite dans les échanges d’idées bilatéraux entre La Havane et ses nouveaux alliés. Ce qui se passe, c’est que la révolution cubaine est un mythe politique fondateur pour une bonne partie de la génération aujourd’hui au pouvoir, et aussi un vecteur de cristallisation du contentieux historique entre l’Amérique latine et le grand voisin du nord. Alors dans certains pays gouvernés par la gauche et à certaines occasions rituelles, vous entendrez parler à satiété de l’immense « dignité » du peuple cubain, de sa « résistance indomptable » à l’empire, de l’« exemple sacré » du Che, etc. Mais à Cuba même, la réalité sur le terrain est beaucoup plus prosaïque et assez peu enthousiasmante. Le fait que le système de planification centralisée soit un échec retentissant, que l’économie de l’île soit dysfonctionnelle, que l’agriculture soit sinistrée, que la population soit à bout de forces, sont autant d’idées aujourd’hui admises presque ouvertement à La Havane, même chez les dirigeants. Bien entendu, vous n’entendrez guère parler de tout cela, ni avec cette franchise, dans les cercles d’intellectuels proches du pouvoir à Caracas, Quito, La Paz ou même Brasilia, parce que les gens qui peuplent ces cercles n’ont pas la moindre idée de ce qui se passe vraiment dans l’île, ni même de ce qui mijote dans les rangs du Parti et de la bureaucratie castristes. Ou alors, quand ils en ont des échos, à l’occasion de voyages non superficiels ou par les récits de diplomates amis, ils se refusent prudemment à rendre publiques leurs déprimantes découvertes : « Il ne faut pas faire le jeu de l’ennemi. » En attendant, à La Havane, le quotidien officiel Granma vient de justifier la suppression drastique de toute une série de subsides et services sociaux gratuits en expliquant qu’il s’agissait d’« ouvrir la porte à la rationalité et à l’épargne »2. Faut-il comprendre que le système antérieur était l’expression de l’irrationalité et du gaspillage ? C’est quand même un aveu terrible. Donc, avec toute une série de bémols, de tergiversations et de retards à l’allumage, il est clair que la « vietnamisation » de l’économie et l’introduction d’une ample gamme de mécanismes de marché sont d’ores et déjà à l’oeuvre. Certes, le monopole dictatorial du Parti reste tabou, du moins dans le discours officiel, qui semble en revanche accepter, même si c’est parfois à contrecœur, la libéralisation « culturelle » du pays (il y a en fait une bataille ouverte sur la question au sein du pouvoir). On voit pointer aussi une reconnaissance timide de la nécessité de « débureaucratiser » les relations entre le régime et la population.

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Outre ces graves problèmes structurels, Cuba est aujourd’hui en train de traverser une très mauvaise passe due à une série de facteurs conjoncturels : graves dégâts provoqués par une série de cyclones tropicaux, hausse du prix des matières premières et, bien sûr, répercussions de la crise mondiale. Au niveau international, vu les nombreuses difficultés et pénuries économiques dont souffre l’île, l’aide et l’alliance vénézuélienne sont évidemment bienvenues, mais de nombreux indices suggèrent que des secteurs clés de la hiérarchie du pouvoir cubain, et en particulier les militaires, n’ont guère confiance en Chávez et ne le prennent pas très au sérieux. Les interlocuteurs régionaux les plus essentiels à moyen terme pour Raúl Castro seraient plutôt Washington et Brasilia. D’Obama, malgré les revendications officielles, La Havane n’attend pas vraiment la levée de l’embargo (une initiative dont nombre de fonctionnaires du Département d’État admettent en privé la nécessité et la rationalité mais qui reste impossible pour des raisons de politique intérieure américaine), mais certainement toutes sortes de mesures d’assouplissement dont certaines ont d’ailleurs déjà été prises. Et le Brésil de Lula est perçu non seulement comme un allié influent mais comme un partenaire économique plus fiable à long terme que le Venezuela et comme la clé de la réintégration politique de Cuba au continent. Ce du moins tant que le PT sera au pouvoir, mais peut-être même au-delà : on sait trop peu que même sous des gouvernements conservateurs – comme par exemple celui de Jânio Quadros au début des années 1960 –, la diplomatie brésilienne a souvent fait preuve d’un plus grande ouverture à l’égard de Cuba que ses homologues hispano-américains, à l’exception du Mexique. Cela dit, je ne parlerais pas de « changement fondamental des équilibres stratégiques dans la région » à propos de Cuba, parce que franchement, sur le plan géostratégique, le régime des frères Castro ne représente pas grand chose aujourd’hui, ni comme menace pour l’« empire », ni comme alternative positive.

La Colombie et le Pérou sont les derniers régimes conservateurs d’Amérique du Sud. Est-ce pour cela qu’on pardonne tout à Uribe, même ses pires exactions ? Qu’on ferme les yeux sur les récentes répressions menées par le gouvernement d’Alan Garcia à l’encontre des mouvements indigènes ? L’Occident voit ces deux pays comme un rempart à la gauche, un moindre mal ?

Je ne sais pas si « on » pardonne tout à Uribe et j’éviterais de parler de « l’Occident » en bloc. L’Espagne, par exemple, entretient aujourd’hui d’excellentes relations politiques et commerciales avec Uribe, mais aussi avec Chávez, qui a récemment été reçu à bras ouverts à Madrid et a signé de juteux contrats avec la compagnie pétrolière et gazière espagnole Repsol. La France aussi s’entend bien avec Uribe, mais elle vient de vendre au Brésil des armes explicitement destinées par Brasilia à contrebalancer l’alliance colombo-étatsunienne. Qu’est-ce que ça prouve au juste ? Si on doit parler de logique du moindre mal, on pourrait l’appliquer au raisonnement d’une partie de l’électorat colombien à propos d’Uribe : en gros, et comme l’aurait dit Roosevelt de Somoza père, c’est un salaud, mais c’est notre salaud, et nous détestons encore plus les FARC (le niveau d’impopularité de ces dernières est en effet abyssal, y compris dans les secteurs populaires). Il y a même probablement un nombre non négligeable d’électeurs qui votent pour Uribe aux présidentielles et pour un candidat du Pole démocratique alternatif (PDA, gauche) aux élections locales ou législatives. Mais surtout, dans leur écrasante majorité, les électeurs d’Uribe ne veulent pas vraiment savoir ce qu’il en est de son passé, de ses exactions et de ses accointances paramilitaires. Ce qu’ils constatent, c’est qu’il a restauré une apparence de paix civile sur une bonne partie du territoire. En réalité, la majorité de la violence homicide contre des civils en Colombie n’est pas le fait des FARC, mais la perception de la responsabilité politique des FARC dans la perpétuation de la logique de guerre est pratiquement universelle, et elle n’est pas dénuée de tout fondement.

« En réalité, la majorité de la violence homicide contre des civils en Colombie n’est pas le fait des FARC. »

Quoi qu’il en soit, je peux vous dire que l’humble marchande informelle de boissons et de friandises qui peut enfin exercer son office au bord de la route dans tel ou tel village ou petite ville parce que les touristes de la capitale ou de Medellin vont de nouveau a la campagne ou à la plage en voiture éprouve une réelle gratitude envers le président colombien, de même qu’une bonne partie des couches populaires. En outre, par le biais d’une habile pédagogie nationaliste, Uribe a restauré une certaine fierté patriotique et une estime de soi fort mise à mal par l’image peu reluisante de la Colombie dans le monde (narcotrafiquants, violence extrême, etc.). Et chaque fois que Chávez fait une déclaration anti-colombienne outrancière, Uribe gagne des points dans l’opinion. Tout cela ne change évidemment pas grand chose à la triste réalité de la situation sur le terrain. Paramilitarisation rampante de la politique, concentration des terres et des richesses par le biais d’une véritable « contre-réforme agraire » armée, violations des droits de l’homme, harcèlement meurtrier des mouvements populaires (notamment les syndicats) d’un côté, cécité et autisme politique criminels des FARC de l’autre : autant de phénomènes dont on est loin de voir la fin et qui pourrissent la société colombienne. Une société qui se caractérise par des inégalités et des injustices majeures et par l’immobilisme social de ses élites, mais aussi, il faut bien le dire, par leur remarquable dynamisme économique et par leur capacité notable de maintenir leur hégémonie politique et culturelle sur la population.

« Paramilitarisation rampante de la politique, concentration des terres et des richesses par le biais d’une véritable « contre-réforme agraire » armée, violations des droits de l’homme, harcèlement meurtrier des mouvements populaires (notamment les syndicats) d’un côté, cécité et autisme politique criminels des FARC de l’autre : autant de phénomènes dont on est loin de voir la fin et qui pourrissent la société colombienne. »

Pour ce qui est du Pérou, son alignement « réactionnaire » n’est pas aussi tranché. L’antagonisme avec Caracas s’est largement atténué depuis l’élection d’Alan García, et ce dernier entretient d’excellentes relations avec le gouvernement de Rafael Correa, par exemple, et ne participe nullement à de quelconques entreprises de déstabilisation de l’Équateur. En général, d’ailleurs, en matière de « déstabilisation » des gouvernements progressistes et d’« offensive impériale », certains observateurs « anti-impérialistes » racontent n’importe quoi, mélangent les faits réels, les demi-vérités, les hypothèses plus ou moins plausibles et les ragots paranoïaques, et ils sont assez mal informés sur ce qui se passe concrètement dans chaque pays. Bien entendu, la CIA et autres organismes font partout leur boulot, souvent très piètrement bureaucratique et parfois en fait assez peu efficace, voire contre-productif. Et bien entendu, les États-Unis ne nourrissent aucune tendresse particulière à l’égard des gouvernements de gauche latino-américains. Mais quand je lis certains propos sur la « montée de l’agressivité de Washington »sous la plume d’Éric Toussaint, par exemple, je me frotte les yeux. Toussaint cite par exemple comme « preuve » d’une agressivité renouvelée de l’empire et de ses alliés, « le soutien aux mouvements séparatistes en Bolivie (la ’media luna’, capitale Santa Cruz), en Équateur (la ville de Guayaquil et sa province) et au Venezuela (l’état pétrolier de Zulia, capitale Maracaïbo) ». C’est parfaitement fantaisiste. Le séparatisme de la media luna bolivienne (« demi-lune », en référence à la forme des départements orientaux dissidents) est aujourd’hui en pleine débandade du fait de sa bêtise et de son incompétence stratégiques, qui l’ont amené à s’associer avec des menées terroristes d’un amateurisme délirant. Ses partisans sont amèrement divisés et une partie des autonomistes de Santa Cruz plaident aujourd’hui ouvertement pour une réconciliation penaude avec le gouvernement central. Washington n’a strictement rien fait ni rien pu faire pour empêcher cette déroute stratégique et, de toutes façons, les seuls acteurs internationaux qui pèsent vraiment dans le conflit régional bolivien sont les voisins argentin et brésilien, qui soutiennent Evo Morales et refusent toute menée séparatiste. Or, sans appuis régionaux frontaliers, le séparatisme est mort-né. Pour sa part, le mouvement autonomiste guayaquilien a depuis longtemps du plomb dans l’aile ; il est en tout cas bien incapable aujourd’hui de promouvoir de quelconques poussées séparatistes. L’ambassade étatsunienne en Équateur, qui entretient des relations avec tous les secteurs de l’opposition aussi bien qu’avec le gouvernement, se garde bien de les y encourager : une telle bourde serait en fait tout au bénéfice de Correa et les Américains ne sont quand même pas si stupides. Enfin le soi-disant séparatisme de l’état de Zulia – qui certes a toujours nourri une certaine veine autonomiste, et ce bien avant Chávez – est très largement une invention de la propagande chaviste. En tout cas il ne s’agit certainement pas d’un objectif stratégique avoué ou même clandestin de Washington, parce qu’une quelconque entreprise sécessionniste créerait à la Maison blanche bien plus de problèmes qu’elle n’en résoudrait, y compris en termes d’approvisionnement pétrolier (lequel fonctionne très bien sous l’égide de Chávez, merci). Il serait donc temps que les « anti-impérialistes », aussi bien intentionnés soient-ils, arrêtent de se raconter des histoires.

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Enfin, pour revenir au Pérou, les graves incidents de juin 2009 à Bagua, où un nombre indéfini d’indigènes et 24 policiers on trouvé la mort, n’ont pas grand chose à voir avec l’hypothèse selon laquelle le Pérou pourrait être un « rempart contre la gauche ». Ce conflit entre exploitation minière et indigènes reflète une contradiction profonde entre la logique extractiviste et primo-exportatrice de pratiquement tous les gouvernements latino-américains, avec ses répercussions écologiques et sociales, et celle des communautés locales. Or, c’est là une contradiction qui affecte durement aussi bien les gouvernements de gauche que les gouvernements plus conservateurs. Fin septembre 2009, de violents affrontements ont eu lien entre les indiens Shuar opposés à l’exploitation minière et les forces de l’ordre déployées par le gouvernement équatorien dans la province de Morona-Santiago (faisant un mort chez les indiens), et il y a eu tout récemment deux morts indigènes dans la Sierra de Perijá, au Venezuela, en conséquence d’un conflit analogue. L’aspect tragicomique de la chose, c’est qu’au Pérou le pouvoir affirme que les indiens rebelles sont financés par Chávez, tandis qu’au Venezuela et en Équateur, la thèse de certains membres du gouvernement est qu’ils sont forcément manipulés par la droite ou la CIA.

Votre livre ne se penche pas sur le cas de l’Amérique centrale. Cette évolution vers des régimes progressistes ne concerne pas ces pays ? Les logiques y sont différentes ?

La dynamique géopolitique du Mexique et de l’Amérique centrale est effectivement un peu différente, en particulier en termes d’intégration, malgré les nombreuses similitudes culturelles et sociologiques. Cela dit, si je ne les ai pas inclus, c’est aussi pour des raisons beaucoup plus prosaïques : il est déjà assez difficile – et très coûteux – d’essayer de suivre simultanément une dizaine de pays sud-américains (qu’à l’exception du Paraguay, j’ai tous visités plusieurs fois, même si j’ai concentré le projecteur sur les pays gouvernés à gauche), alors j’ai dû de toutes façons me limiter. Et si je m’étais aussi lancé à couvrir l’Amérique centrale, vu le temps et l’argent que j’aurais dû y investir, mon épouse aurait probablement demandé le divorce. Et elle aurait eu raison.

Alors très brièvement, en effet, cette évolution vers des régimes progressistes a aussi commencé à affecter certains pays d’Amérique centrale (mais après que j’ai terminé mon enquête fin 2006, c’est pourquoi je n’en parle succinctement que dans la longue postface de la réédition d’octobre 2008). Même si ce n’est pas nécessairement le facteur principal, la victoire bien méritée du Front Farabundo Martí de Libération nationale (FLMN) au Salvador est probablement due en partie au fait que l’électorat salvadorien s’est senti en quelque sorte « autorisé » à voter à gauche par la vague progressiste continentale, et ce malgré la propagande terroriste de la droite qui agitait l’épouvantail communiste. De façon non pas identique mais analogue, il est vraisemblable que Manuel Zelaya – qui est par ailleurs un personnage pour le moins complexe et « discutable » issu de l’élite économique et de la classe politique traditionnelles, ce qui bien entendu n’ôte rien à sa légitimité présidentielle et à l’infamie du coup d’État tramé contre lui – ait saisi l’occasion de surfer sur cette même vague afin de se forger une profil différent et novateur sur la scène politique hondurienne. Donc là aussi, bien que sous une autre forme, il y a bien un « effet d’autorisation » et de légitimation d’un tournant à gauche. Quant au gouvernement de Daniel Ortega au Nicaragua, il s’agit malheureusement, et ce de l’aveu même de nombre de personnalités lucides et irréprochables de la révolution sandiniste, d’une satrapie parfaitement imprésentable qui gouverne en alliance mafieuse avec la droite réactionnaire5. Là, pour le coup, il y a une marge énorme entre le discours officiel, la manipulation honteuse de symboles historiques respectables et la réalité sur le terrain.

Que vous inspire la situation au Honduras ? Est-ce que l’on peut expliquer l’apathie occidentale (en comparaison du déchaînement médiatique post-élections iraniennes) par le fait que Zelaya se situait à gauche sur l’échiquier politique, et avait notamment fait adhérer le Honduras à l’Alba en 2008 ?

Sur le fond, je n’ai rien de très original à dire. Manuel Zelaya est le chef d’État légitime, Micheletti doit être dénoncé et renversé et l’armée doit rentrer dans ses casernes. Après ça, savoir s’il faut négocier le retour de Zelaya avec les putschistes, et jusqu’à quel point, ou s’il faut aussi continuer à mobiliser en faveur d’une Assemblée constituante, etc., c’est à Manuel Zelaya lui-même et au Front de la Résistance hondurien – dont par ailleurs, je crois, les rôles et les positions ne coïncident pas nécessairement à 100 % – d’en décider. Je suppose qu’un des soucis fondamentaux est quand même d’éviter un bain de sang et de compenser un rapport de forces militaire défavorable par un rapport de force moral et politique suffisamment décisif.

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Quant à la question des réactions internationales, je ne pense pas qu’on puisse vraiment parler d’« apathie occidentale » en ce qui concerne le Honduras en comparaison d’un « déchaînement médiatique post-élections iraniennes », car on ne peut pas mélanger le niveau des réactions et des initiatives diplomatiques et celui des discours médiatiques. Paradoxalement, bien au contraire, il y a unanimité formelle dans la condamnation du « régime de fait » au Honduras, alors qu’on est très loin d’une quelconque unanimité formelle dans la condamnation de la supposée illégitimité des élections iraniennes. Et que je sache, le gouvernement d’Ahmadinejad est encore reconnu par tout le monde. De fait, même Washington a été fort embarrassé par toute cette affaire électorale iranienne, car la Maison blanche a un besoin vital de négocier avec Téhéran à cause du caractère explosif des dossiers régionaux et du fait lui aussi paradoxal que, malgré l’épine du programme nucléaire et l’histrionisme d’Ahmadinejad, les intérêts géopolitiques de l’Iran et des États-Unis coïncident très largement sur un certain nombre de points, en particulier en Irak et en Afganistan-Pakistan (il faut quand même savoir que l’Irak est en réalité aujourd’hui pratiquement co-gouverné par Washington et Téhéran). Et puis bon, quand même, il est clair aujourd’hui qu’il y a bien eu en Iran un coup d’état interne a l’élite politico-cléricale, ainsi qu’une répression féroce qui mérite toute la condamnation morale du monde. Vous savez, si Fox News ou TF1 disent qu’il fait beau quand il y a du soleil, ce n’est pas une raison pour prétendre qu’il pleut contre tout évidence ou pour se faire un point d’honneur mal embouché à sortir avec un parapluie.

« Il y a unanimité formelle dans la condamnation du « régime de fait » au Honduras, alors qu’on est très loin d’une quelconque unanimité formelle dans la condamnation de la supposée illégitimité des élections iraniennes. »

Alors pour revenir au Honduras, derrière cette condamnation quasi unanime – que j’ai décrite comme « formelle », mais la formalité compte en relations internationales –, il y a bien entendu des stratégies sous-jacentes assez différentes, ainsi que des contradictions ouvertes au sein de l’administration Obama. Bruxelles, Washington, Caracas et Brasilia, par exemple, ont chacun des approches distinctes, parfois divergentes, parfois convergentes, parfois opportunistes et temporisatrices, parfois plus agressives ; ça n’empêche pas que les putschistes honduriens ne sont pas vraiment à la fête et qu’on sait que la pression internationale a engendré de sérieuses fissures dans le front anti-Zelaya. Après ça, ce que disent ou ne disent pas les journaux et les marchands d’opinion éditoriale en Occident, c’est une autre affaire.

Le problème de l’absence d’équilibre informatif et des fixations crypto-idéologiques obsessionnelles des médias dominants sur tel ou tel thème est bien réel, et je comprends que ce soit très agaçant, mais je vous avoue que je suis parfois perplexe en lisant les réactions souvent assez répétitives ou pavloviennes des médias dits alternatifs à ce sujet. La critique des médias dominants, c’est bien et c’est nécessaire, mais il me semble que le rôle des médias alternatifs ne peut pas être seulement de prendre systématiquement le contre-pied du dernier cliché en vogue (la proposition symétriquement inverse d’un cliché pouvant aussi être un cliché), ni d’écumer de rage chaque fois que des bouffons comme Adler, BHL, Finkielkraut, Slama ou Val profèrent une connerie plus grosse qu’eux sur les ondes nationales ou que tel ou tel éditocrate parisien pontifie sur les destinées de l’Orient et de Occident. Sans compter qu’on peut parfois avoir des surprises, à savoir des journalistes qui font bien leur métier même dans les « médias dominants ». Sur l’Amérique latine, par exemple, le travail de Lamia Oualalou – je précise tout de suite que je ne l’ai jamais rencontrée – au Figaro est sans doute une des meilleures choses qu’on trouve dans la presse quotidienne française. Quoi qu’il en soit, consacrer toutes ses énergies à dénoncer le cirque médiatique franco-français, c’est encore un peu faire partie du cirque médiatique franco-français. Internet offre justement l’avantage de pouvoir faire autre chose, de plus intéressant et de plus utile à mon humble avis. Par exemple, relayer et mettre en relief la véritable pluralité de voix et richesse d’analyse qui existent aujourd’hui dans le monde sur toute une série de sujets. Ces voix sont parfois difficiles à dénicher – je viens d’observer qu’il est difficile d’identifier des sources d’analyses sobres, rationnelles, fiables et sérieusement documentées sur le Venezuela, par exemple7 -, mais elles existent. Sur l‘Iran et alentours, voyez le blog du professeur Juan Cole par exemple : on y apprend plus en cinq minutes de lecture, y compris à travers les liens qui renvoient à des analyses opposées aux siennes – qu’il a fréquemment l’honnêteté de signaler – qu’en cinq heures de lecture de la presse et de la blogosphère françaises sur les mêmes sujets.

« Il me semble que le rôle des médias alternatifs ne peut pas être seulement de prendre systématiquement le contre-pied du dernier cliché en vogue (la proposition symétriquement inverse d’un cliché pouvant aussi être un cliché). »

Vous mentionnez des « contradictions ouvertes au sein de l’administration Obama ». Quelle est au juste la position de Washington sur le Honduras ? Les accusations portant sur leur rôle dans le coup d’état sont-elles crédibles ?

À ce sujet, vous avez publié en juillet dernier une interview assez intéressante d’Hélène Roux, qui insiste sur le poids des facteurs internes et dont je partage pour partie les analyses. Mais pour montrer à quels points certains réflexes idéologiques conditionnés sont à côté de la plaque, je reviendrai encore une fois sur l’article d’Éric Toussaint cité précédemment. Toussaint affirme qu’« au moment où ces lignes sont écrites [8 octobre 2009], Washington refuse toujours de considérer qu’il y a eu un coup d’état le 28 juin 2009 au Honduras ». C’est faux : dès la fin du mois de juin, Obama avait déclaré que le renversement de Manuel Zelaya était « illégal » et qu’il considérait toujours ce dernier comme le président légitime du Honduras. Et il avait pris des sanctions à la clé : suspension de l’aide militaire et de l’assistance économique bilatérale à hauteur de 20 millions de dollars. Plus récemment, Washington a suspendu les visas de 21 membres du gouvernement de Micheletti. Ce dernier point peut paraître assez anecdotique pour un lecteur français, mais il faut savoir que la plupart des membres de l’élite hondurienne – et des élites latino-américaines en général – ont des appartements, des propriétés et parfois des entreprises aux États-Unis, le plus souvent à Miami, et que les séjours réguliers de vacances, de santé et d’affaires en territoire étatsunien sont un élément fondamental de leur prestige et de leur statut. Supprimer les visas, ce n’est donc pas simplement décoratif. Et début septembre, le Département d’État a suspendu des crédits supplémentaires. Toussaint écrit encore : « Par ailleurs, Hillary Clinton n’a pas condamné le couvre-feu prolongé décrété par Micheletti ». Il est exact qu’Hillary Clinton a d’abord tergiversé à propos du couvre-feu, mais le Département d’État a ensuite fait bien plus que le déplorer puisqu’il a publié un communiqué condamnant formellement l’état de siège et les violations des droits civiques au Honduras. De fait, aujourd’hui, l’opposition républicaine et même certains membres de l’aile droite du parti démocrate considèrent qu’Obama s’est scandaleusement aligné sur Chávez ! Ce qui n’est évidemment pas du tout vrai non plus, mais est très symptomatique. Il y a actuellement au Congrès une opération de lobbying bipartisane tout à fait officielle qui se propose explicitement de renverser la tendance en faveur de Micheletti et a déjà dépensé plus de 400 000 dollars à cet effet. Tout cela ne serait pas nécessaire si la position de la Maison Blanche était du goût des anti-Zelaya.

« Dès la fin du mois de juin, Obama avait déclaré que le renversement de Manuel Zelaya était « illégal » et qu’il considérait toujours ce dernier comme le président légitime du Honduras. Et il avait pris des sanctions à la clé. »

Alors bien entendu, Washington ne contemple pas Zelaya avec des yeux énamourés, et il est assez probable que ce que la diplomatie étatsunienne essaie d’obtenir, c’est un compromis qui assurerait son retour tout en lui rognant les ailes politiquement parlant. Par ailleurs, et ce n’est pas tout à fait la même chose, il semble bien qu’il y ait eu des complicités directes avec les putschistes au sein même de l’establishment diplomatico-militaire américain, même si c’est à l’insu de la Maison blanche. Avant d’être expulsé au Costa-Rica, Zelaya captif a transité par la base américaine de Palmerola, par exemple. Plus généralement, ce ne sont pas seulement les vieux routiers républicains de la guerre froide comme Otto Reich qui s’agitent en coulisse en faveur des putschistes, mais des gens comme Lanny Davis, avocat et lobbyiste d’une bonne partie de l’oligarchie hondurienne, qui est aussi un intime du clan Clinton. Ce qui peut expliquer qu’Hillary Clinton ait pas mal tergiversé et traîné des pieds sur le Honduras, de même qu’en son âme et conscience de faucon pro-israélienne, elle est beaucoup plus partisane du bâton – opération militaire incluse – que de la carotte à l’égard de Téhéran. Mais en dernière instance, elle est obligée d’obéir aux injonctions stratégiques de la Maison blanche parce c’est ce à quoi elle s’est explicitement engagée dans le deal de 2008 qui lui a permis d’accéder à son poste prestigieux : « C’est Obama le patron, loyauté absolue, pas de double jeu et de stratégie clintonienne parallèle. »

« Il semble bien qu’il y ait eu des complicités directes avec les putschistes au sein même de l’establishment diplomatico-militaire américain, même si c’est à l’insu de la Maison blanche. »

Pour conclure, je dois dire que je trouve un peu bizarre la position des gens qui discourent constamment sur les noirs desseins de l’« empire » et leur implacabilité mais qui, en même temps, se mettent à dénoncer l’« hypocrisie » de Washington quand la Maison blanche désavoue le coup d’état en Honduras tout en n’adoptant pas une position aussi ferme que Chávez, ou même simplement que Brasilia ou Bruxelles. Hypocrisie ? L’hypocrisie est le pain quotidien de la vie politique, surtout dans le domaine des relations internationales, et en réalité elle est un facteur de progrès moral quand elle oblige les puissants à respecter certaines formes et modérer ou limiter de fait leur domination.

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De manière plus globale, l’arrivée au pouvoir d’Obama a-t-elle vraiment changé la donne des relations entre l’Amérique du Sud et les États-Unis comme l’espéraient certains avant son élection ? Ou bien continue-t-il dans la droite ligne impérialiste de ses prédécesseurs ?

Obama n’a pas été élu pour démanteler l’ « empire » étatsunien en tant que tel, ni n’en a la moindre intention. C’est un patriote américain, certes sur des bases plutôt centristes et « à visage humain » si on le compare à Bush, et même avec quelques pointes (rares et fort timides) de progressisme rooseveltien en politique intérieure et de multilatéralisme sincère en politique extérieure. Mais le patriotisme américain, comme celui de n’importe quelle puissance majeure – ce qui vaut bien entendu aussi, avec des modalités diverses, pour la Chine, la Russie, l’Inde, le Brésil, etc.–, suppose la défense du prestige, de l’influence et des intérêts économiques et géopolitiques des États-Unis dans le monde. Et donc de l’« empire », si on souhaite l’appeler ainsi. Le problème, c’est qu’une bonne partie de la gauche latino-américaine, et de la gauche radicale européenne, ont une conception parfaitement infantile, conspirative et sous-informée de l’« empire » étatsunien et de son fonctionnement. Elles pratiquent abondamment à cet égard ce que Bourdieu appelait le « fonctionnalisme du pire », méconnaissant et sous-estimant totalement les contradictions, les frictions, les pesanteurs et les inerties politico-militaires, économiques, idéologiques et même bureaucratico-administratives (ces dernières jouent un rôle assez important tant dans le fonctionnement du complexe militaro-industriel que dans celui de la diplomatie) qui gouvernent l’interprétation et la mise en œuvre concrète du « hard power » et du « soft power » des États-Unis dans le monde, ainsi que les différents calculs des coûts et bénéfices inhérents à telle ou telle stratégie impériale. Plus globalement, en matière de conceptualisation des relations internationales, il faut bien dire que la gauche anticapitaliste est souvent passablement inepte. Il y a longtemps que l’on sait que les théories classiques de l’impérialisme, comme celle de Lénine ou même de Rosa Luxembourg, sont très insatisfaisantes parce qu’elle n’arrivent à rendre compte ni de la diversité des configurations de pouvoir dans le champ international, ni des véritables relations entre facteurs économiques, facteurs politico-militaires et dimensions idéologiques. Mais ces théories avaient au moins le mérite d’une certaine cohérence matérialiste. Ce qui les remplace par défaut chez leurs supposés héritiers, c’est le plus souvent un mélange contradictoire, conceptuellement instable et intellectuellement indigent d’économisme vulgaire et de moralisme bon marché qui ferait se retourner Marx dans sa tombe.

« Le problème, c’est qu’une bonne partie de la gauche latino-américaine, et de la gauche radicale européenne, ont une conception parfaitement infantile, conspirative et sous-informée de l’« empire » étatsunien et de son fonctionnement. »

En tout cas, ce qui est clair aujourd’hui, certes sans doute pas pour toute le monde – puisqu’on l’a vu, les néoconservateurs continuent à s’agiter furieusement et à manoeuvrer ce qui leur reste de pions sur des thèmes comme l’Iran ou le Honduras –, mais pour une majorité sensible d’analystes et d’acteurs politiques appartenant au mainstream de l’establishment étatsunien, c’est que la stratégie Bush-Cheney d’unilatéralisme offensif et de « regime change » non seulement n’a pas donné les résultats escomptés, mais s’est traduite par une diminution drastique du prestige, de l’influence et même de la capacité d’intervention directe et indirecte des États-Unis dans le monde. C’est de cette constatation que part Obama – d’où sa position sur le Honduras –, qui se trouve en outre confronté aux conséquences matérielles et géopolitiques désastreuses de cette stratégie sur le terrain moyen-oriental où, à mon avis, toutes les options qui s’offrent aujourd’hui à Washington sont des impasses. (Ce dont on pourrait se réjouir si la relative impuissance américaine offrait des perspectives émancipatrices dans la région, mais ce n’est pas vraiment le cas….. )

Alors vous savez, à côté du défi chinois, du problème israélo-palestinien ou du casse-tête « Af-Pak » (et de ses vastes et effrayantes prolongations sud-asiatiques), l’Amérique latine est un problème relativement bénin… Ce qui préoccupait le plus la Maison blanche dans la région, ces derniers mois, ce n’était pas les gouvernements de gauche, mais la crainte d’une spirale incontrôlable de violence et de déstabilisation des institutions par les bandes de narcotrafiquants au Mexique. À côté d’un « allié » traditionnel ultra-problématique comme le Pakistan, un « ennemi » comme Chávez, qui livre son pétrole rubis sur l’ongle et dont la « bolibourgeoisie » fait régulièrement ses emplettes à Miami, c’est du gâteau…

Le problème, c’est que cet état de distraction moyen-orientale, de surcharge stratégique et de négligence relative de l’arrière-cour latino-américaine, s’il laisse certainement une marge de manœuvre plus grande aux initiatives autonomes des gouvernements progressistes de la région, ouvre aussi la voie aux intrigues des éléments les plus réactionnaires et aux cafouillages diplomatiques, tel que celui qu’on perçoit à propos du Honduras. Elle n’exclut pas non plus la perpétuation inertielle, voire l’accentuation automatique, de certaines tendances lourdes de la politique sécuritaire régionale (anti-drogue, anti-terroriste, sécurité énergétique, etc.). C’est me semble-t-il ce qui se passe avec la Colombie. Pour finir, je crois qu’à moyen terme, les deux facteurs fondamentaux qui décideront du poids de l’influence des États-Unis dans la région sont, d’une part, la possibilité d’un enlisement catastrophique en Afghanistan, avec toutes ses répercussions en termes de consensus interne et de crédibilité externe, et le résultat des élections brésiliennes de fin 2010.

L’annonce du renforcement de la présence militaire des États-Unis en Colombie a été très mal reçue par la majorité des pays de l’UNASUR. Cristina Kirchner a ainsi déclaré : « Nous ne pouvons pas admettre que les USA, après avoir exporté la crise économique et la grippe porcine chez nous, apportent encore une situation de guerre dans notre région. » L’ingérence américaine ne serait plus bienvenue ? Washington risque-t-il de hausser le ton en représailles ?

D’abord, je vous dirai qu’il y a quelque chose qui me laisse un peu perplexe dans cette histoire des « sept bases » américaines. Bien que les termes de l’accord entre Washington et Bogota soient encore secrets, il faut bien comprendre qu’il ne va pas s’agir de sept base de l’US Air Force ou des Marines, mais pour l’essentiel d’infrastructures de l’armée colombienne établies ou renforcées avec l’aide financière des États-Unis et offrant diverses facilités logistiques et opérationnelles à des personnels et des équipements étatsuniens, la question étant de savoir à quel niveau. Mais ce genre de coopération étroite (logistique, transport, intelligence, communication, approvisionnement, encadrement, etc.) est depuis longtemps la règle entre les deux pays. On sait aussi très bien que diverses unités militaires colombiennes d’élite sont entièrement formées et financées par les États-Unis, non seulement au niveau des équipements de combat, mais de la première paire de chaussettes à la dernière brosse à dents. Bref, les « sept bases », qui ne seront peut-être même pas vraiment sept au sens strict (je doute fort que les Américains, sans parler des Colombiens, disposent aujourd’hui de la capacité de financer un tel déploiement), ce n’est que la continuité pas nécessairement spectaculaire de choses qui se font déjà amplement et qui, si elles sont bien connues des observateurs attentifs, sont menées de façon plus discrète et ne suscitent pas tant de scandale diplomatique. Alors pourquoi le crier sur tous les toits et alerter les voisins, comme l’ont fait les Colombiens9 ? Il y a là peut-être des motivations politiques internes – ou externes – que je ne me sens pas encore à même de discerner.

Il y a autre chose à remarquer à propos de l’alliance entre Bogota et Washington. Des trois grandes alliances politico-militaires traditionnelles dans des régions « sensibles », à savoir Pakistan, Israël et Colombie (l’Égypte est un peu à part parce qu’elle n’est engagée dans un conflit armé), c’est la seule qui ne présente pas aujourd’hui d’aspects gravement dysfonctionnels. Disons qu’Uribe et les généraux colombiens ne risquent pas trop de faire à Washington un enfant dans le dos, comme Netanayahu avec son inflexibilité sur la politique de colonisation, voire sur l’Iran, ou bien les militaires et les services d’intelligence pakistanais avec leur double ou triple jeu machiavélique à l’égard du terrorisme islamique. Ce n’est certes pas l’idylle absolue, il y a quelques frictions sur les questions commerciales sous la pression des lobbies agricoles américains, et certains syndicats mènent de leur côté aux États-Unis une forte campagne anti-Uribe qui mélange opportunément protectionnisme et défense des droits de l’homme et se voit répercutée par quelques congressistes démocrates. Mais disons que ces motifs d’irritation restent marginaux. Comme on dit en espagnol (et je crois aussi en arabe), si on vous fait cadeau d’un cheval, vous ne vous plaignez pas de sa dentition. La Colombie d’Uribe est un cadeau géostratégique qui ne se refuse pas, même pour un gouvernement qui peut nourrir dans certains cas une sensibilité assez différente de celle de Bush et favoriser une approche plus conciliatrice à l’égard des autres gouvernements latino-américains.

« La Colombie d’Uribe est un cadeau géostratégique qui ne se refuse pas, même pour un gouvernement qui peut nourrir dans certains cas une sensibilité assez différente de celle de Bush. »

Maintenant, pour ce qui est de hausser le ton, ce sont plutôt les sud-américains qui ont donné de la voix jusqu’à présent. On l’a vu avec Chávez, qui de toutes façons ne sait pas vraiment baisser le ton ; on l’a vu avec Brasilia, qui nous avait plutôt habitué à une courtoise suavité diplomatique ; et les propos de Cristina Kirchner que vous citez sont éloquents. Par ailleurs, je ne vois pas trop quelles représailles Washington peut exercer. À l’occasion, les tensions dans telle ou telle négociation commerciale peuvent donner lieu à des sanctions ou à l’élimination de traitements préférentiels, mais cela n’a pas grand chose à voir avec les bases en Colombie. Il y a aussi les processus dits de « certification », liés à l’obsession de la « guerre contre la drogue », laquelle est par ailleurs un échec retentissant – ce que reconnaissent aujourd’hui en privé nombre de représentants de l’establishment étatsunien, républicains compris. Mais en fait, les seuls systèmes de représailles institutionnelles exercées actuellement par Washington sont l’embargo contre Cuba, qui est certainement absurde et critiquable mais n’a rien de nouveau, et les sanctions timides mais bien réelles contre… le gouvernement de Micheletti ! Alors très franchement, je ne pense pas qu’un récent prix Nobel de la Paix qui n’est même pas capable de promouvoir la paix là où il prétend souhaiter le faire (Israël-Palestine) et qui est probablement en train de s’enliser tragiquement en Afghanistan aura la moindre légitimité, sans même parler des ressources militaires et logistiques disponibles, pour pratiquer de façon systématique et soutenue une politique du gros bâton en Amérique latine. Sans compter que je ne sache pas qu’aucun approvisionnement énergétique ou qu’aucun intérêt économique vital des États-Unis soient menacés par les gouvernements de gauche latino-américains pour l’instant, Chávez compris. On peut donc faire l’hypothèse que ce qui va continuer, en gros, c’est la navigation à vue, la gestion à la marge des foyers de tension, les alternances aléatoires et sans grandes conséquences pratiques entre froncements de sourcil impérial et discours multilatéralistes conciliateurs, les tergiversations diplomatiques et les adaptations pragmatiques en attendant que des vents idéologiquement plus favorables à Washington soufflent dans la région.

« Je ne pense pas qu’un récent prix Nobel de la Paix qui n’est même pas capable de promouvoir la paix là où il prétend souhaiter le faire (Israël-Palestine) et qui est probablement en train de s’enliser tragiquement en Afghanistan aura la moindre légitimité, sans même parler des ressources militaires et logistiques disponibles, pour pratiquer de façon systématique et soutenue une politique du gros bâton en Amérique latine. »

Que vous inspirent des initiatives comme l’ALBA ou la Banque du Sud ? Forment-elle déjà des alternatives crédibles aux institutions néo-libérales telles que le FMI ou la Banque Mondiale ?

L’ALBA est un projet vénézuélien dont le caractère est extrêmement flou et qui ne représente pas grand chose en termes de poids économique et de volume d’échanges à côté d’organismes comme la Communauté andine ou le Mercosur, pas plus qu’il n’entre en concurrence avec l’UNASUR en termes de perspectives d’intégration politique. Si l’on excepte Cuba, qui est un cas assez spécial, et les minuscules îles des Caraïbes qui y ont adhéré dans le but de bénéficier de certaines largesses pétrolières vénézuéliennes, les pays membres de l’ALBA ont chacun pour principaux partenaires commerciaux des nations qui ne sont pas membres de l’ALBA. Par exemple, pour chaque dollar qui entre au Venezuela, environ 80 cents proviennent des États-Unis, et 20 du reste du monde, dont une fraction infime des pays de l’ALBA. Et les projets d’investissement « durs » de Caracas en Amérique latine ne passent pas par l’ALBA, mais par des mécanismes classiques de coopération et de commerce bilatéraux. Par ailleurs, l’ALBA, qui affirme vouloir favoriser les « échanges non marchands », encadre symboliquement des projets de coopération « solidaire » ou humanitaire cubano-vénézuéliens qui existeraient de toutes façons sans elle. Enfin, si on prend le cas de l’intégration récente et tardive de l’Équateur, qui est l’économie la plus importante de l’alliance après le Venezuela lui-même, il suffit de l’étudier de près pour se rendre compte qu’elle visait surtout à activer et « fluidifier » un certain nombre de projets et contrats bilatéraux souscrits avec Caracas hors du cadre de l’ALBA, et qui se sont miraculeusement « débloqués » une fois confirmée l’adhésion de Quito. Bref, l’ALBA est une arme de la politique étrangère de Chávez et un effet d’annonce passablement surdimensionné, comme beaucoup d’aspects de la geste bolivarienne.

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Quant à la Banque du Sud, il s’agit d’un projet proposé initialement par Hugo Chávez et Néstor Kirchner et rendu public officiellement en décembre 2007 mais dont la charte constitutive n’a été signée qu’en septembre dernier. Pour le moment, y ont adhéré l’Argentine, le Brésil, la Bolivie, l’Équateur, le Paraguay, le Venezuela et l’Uruguay. Le Chili participe en tant qu’observateur. Sa mission est celle d’un fonds monétaire et d’un organisme de prêt doté d’un capital initial de 20 milliards de dollars et censé fonctionner comme une banque de développement finançant des œuvres d’infrastructure et apportant son soutien aux entreprises publiques et privées des pays signataires en tenant compte de critères d’équité et de justice sociale. La Banque du Sud est également censée appuyer des mesures d’intégration économique susceptibles de consolider l’UNASUR, comme la création d’une monnaie commune. Il s’agit certainement d’un projet beaucoup plus sérieux que l’ALBA, mais qui en est encore à un stade tout à fait préliminaire. D’un côté, on peut craindre la tentation de financer des projets pilotes emblématiques mais plus ou moins artificiels ou dispendieux – des « éléphants blancs » en quelque sorte – en lieu et place de l’élaboration de lignes stratégiques de développement bien définies, et définies d’un commun accord. Mais de l’autre, si cette dynamique de consensus stratégique se concrétise, il s’agira certainement d’une alternative intéressante aux institutions financières existantes, surtout si elle donne des idées à d’autres pays ou blocs de pays dans d’autres régions du Sud.

Comment des gauches si différentes que celle de Chávez et Bachelet, Lugo et Morales, Kirchner et Correa, etc. parviennent-elles à coopérer au sein de ces institutions ? L’unité est-elle appelée à durer ?

Parfois, elles n’arrivent pas à coopérer, et ce n’est pas à cause de divergences idéologiques, comme le démontre le cas du conflit environnemental frontalier entre l’Argentine et l’Uruguay à propos de l’installation d’une usine papetière défendue par le gouvernement de Tabaré Vázquez. Vous savez, les gouvernements de gauche sont comme les autres, ils ont peut-être des « amis », mais ils ont surtout des intérêts. La question est de savoir si ces intérêts peuvent être rendus compatibles de façon coopérative, et pas seulement s’affronter à travers une concurrence sauvage. Mais le danger, ça peut être aussi que ces leaders de gauche s’entendent finalement « trop bien » et que les processus d’intégration dépendent exagérément du volontarisme politique de quelques chefs d’État et de la « diplomatie inter-présidentielle », au lieu d’être une construction collective favorisée par des mécanismes institutionnels établis de façon amplement délibérative. Si vous prenez l’UNASUR, par exemple, ce n’est pas en soi un mécanisme d’intégration « de gauche » ou « socialiste ». Pourtant, outre le fait qu’elle est censée comporter des volets de coopération sociale, sa seule existence va dans le sens d’un monde multipolaire (son intervention, par exemple, a joué un rôle important pour désamorcer le conflit régional bolivien et renforcer la position du gouvernement de Morales tout en maintenant Washington à l’écart). Il faut espérer que les pratiques de consultation et de coopération qu’elle promeut s’institutionnaliseront et s’enracineront suffisamment pour survivre aux diverses figures qui incarnent aujourd’hui la gauche latino-américaine.



1 Evo Morales, à Tiwanaku, cérémonie d’investiture Aymara la veille de son intronisation en tant que président de Bolivie.

2 NdA : Cf, cet article.

3 Fidel et Raúl Castro.

4 Intervention de la police à Bagua.

5 NdA : Cf. par exemple : Dora María Téllez, « Le gouvernement a polarisé le pays et la crise économique rend un dialogue national urgent », Problèmes d’Amérique Latine, n°73, juillet 2009, p. 101-115 ; Entrevista a Gioconda Belli, « El Frente Sandinista del 79 tenía alma ; el de ahora es desalmado », El Nuevo Diario, 18-07-2009, plus d’informations ici.

6 Zelaya et Micheletti, au lendemain du coup d’état.

7 NdA : J’en profite pour signaler et recommander au lecteur une exception méritoire, le livre collectif édité par Olivier Compagnon, Julien Rebotier et Sandrine Revet, Le Venezuela au-delà du mythe. Chávez, la démocratie, le changement social (Éd. De l’Atelier, 2009). Notons que cet excellent ouvrage comporte quand même des lacunes importantes, comme la sociologie de la nouvelle élite politique bolivarienne ou la cartographie des réseaux de pouvoir économiques du chavisme ; on ne peut toutefois guère le reprocher à ses auteurs et compilateurs, qui ne sont pas responsables de l’absence apparente de chercheurs disponibles pour explorer ces questions pourtant cruciales.

8 Chávez offrant à Obama l’excellent livre d’Eduardo Galeano, Les Veines ouvertes de l’Amérique Latine, dont Article11 parlait ici.

9 NdA : Il faut savoir qu’aux États-Unis, les médias de référence et les centres d’analyse stratégique n’ont pratiquement pas mentionné ce thème et qu’il est totalement absent des débats politiques publics.

10 Réunion des présidents de l’ALBA en juin 2009 : Morales, Zelaya, Ortega, Chávez, Correa.


COMMENTAIRES

 


  • AAAAAAAARrrrgh si meme article 11 s’y met

    le camarade saint upery est bien interessant, mais en me concentrant sur les aspects sur le venezuela je ne peux dire qu’une chose, ca fait 3 semaines que j’y suis et j’ai deja pu largement constater que c’est largement autre chose qu’une couche de peinture rouge sur un capitalisme neoliberal.

    conseils communaux, projet des communes socialistes, conseils populaires de communication, conseils pour la terre urbaine, nationalisation, derniere loi du travail, reforme scolaire
    ...
    de mon point de vue, sans chavez rien n’aurait été possible au venezuela, et s’il s’en va ca creve, et c’est ce dont sont conscient de nombreux venezueliens. par contre, la revolution elle meme se fera a l’insu de chavez, a la base, la ou semble t il n’est pas allé marc saint upery

    et c’est bien le plus dommage. il suffit de se rendre dans n’importe quel conseil communal pour voir concretement qu’il y a plus que des mots.

    et puis la voie venezuelienne est quand meme une des plus difficile : revolutionner un Etat sans se la jouer soviétique ni éradiquer l’opposition mais bien faire ce processus revolutonnaire en cohabitant avec l’ancien modele, c’est clair que c’est pas facile, surtout quaqnd l’qncien modele nést pas vraiment democratique en plus.
    mais bon c’est qu’on peut appeler la voie reformiste, soit ... socialiste au sens noble.

    On va dire que je manque de recul et c’est bien possible puisque je suis dans le processus, peut etre a mon retour en europe me modererais-je plus, mais saint upery manque a mon gout un peu de contact avec le terrain.

    au fait dimanche, c’est referendum populaire contre les bases americaines en colombie

    c’est organisé par ... un quartier populaire, le 23 de enero a caracas et on peut voter partout dans le monde sur le site http://www.aporrea.org de 14h30 a 20h30 ce dimanche.

    et au passage lemi, tes questions sur obama aussi interressantes qu’elles soient ne me semblent plus tres anarcho autonomisante ... ou est passé la verve du verbe teudieu !!! c’est la gloire du succès d’article 11 qui te claire chazalise ? ;)

    et apres ca y en a qui diront que je suis chaviste ... he merde

    (ps : desole pour les accents mais les claviers espagnols en manquent un peu)

    Voir en ligne : Escapades Bolivariennes

    • Cher Monsieur,

      1/ pour l’instant, j’ai apparemment passé plus de temps au Venezuela que vous, y compris dans les milieux populaires, en tout cas beaucoup plus que trois semaines, et je suis en communication constante avec des sources -de tous bords et de tous milieux- qui y vivent de façon permanente.

      2/ Je ne parle pas de « capitalisme néolibéral »mais de « capitalisme d’État rentier », c’est une distinction TRÈS importante. Étudiez l’histoire du premier mandat de Carlos Andrés Pérez, pourtant ennemi juré de Chávez, et vous aurez de grosses surprises.

      3/ Les auteurs que je cite substantiellement, Barreto et Viciano Pastor, sont au départ des participants actifs du processus bolivarien et vivent ou ont vécu longtemps au Venezuela. Qu’avez vous à dire sur leurs propos ?

      4/ Les conseils communaux et autres organismes participatifs, c’est un phénomène très intéressant dont je n’ai malheureusement pas eu la place de parler dans mon interview mais auquel je consacre des analyses susbtantielles dans mon livre. Mais dans leur fonctionnement pratique, leur impact réel, et dans les attentes concrètes qu’y investissent les habitants, ce n’est pas du tout ce qu’en dit le discours officiel, soit la base de la pyramide du pouvoir populaire, ni même ce qu’en disent les membres de la gauche critique chaviste que vous fréquentez - et qui sont très souvent des gens admirables et des militants irréprochables et dévoués, sauf qu’ils se foutent quand même le doigt dans l’oeil sur pas mal de points par un mélange de wishful thinking, de basisme idolâtre et de manque de flair sociologique –, à savoir le ferment de la « révolution dans la révolution » à laquelle vous aspirez. Je ne peux pas m’étendre là-dessus ici, mais sur les conseils communaux et autres organismes de base, voir les analyses de terrain minutieuses publiée dans l’ouvrage de Compagnon, Rebotier et Revet qe je signale en note, et en particulier l’analyse lumineuse, documentée et extrêmement réfléchie de Matthieu Commet,qui a passé pas mal de temps en leur sein.

      5/ Le 23 de Enero, je connais bien, c’est fort sympathique et ça a une trajectoire historique et politique fort intéressante, mais ce n’est pas « le » Venezuela, et ce n’est même pas « la » révolution. C’est simplement un des micro-milieux et de sous-culture qui composent un « processus » qui a bien dautres facettes et s’inscrit dans bien d’autres contextes, facettes et contextes que vous ne souhaitez pas voir. Je vous comprends, ça serait douloureux...

      • re arrrghhhh si même les interviewés lisent les interviews, mais où a-t-on ma bonne dame !
        vous m’excuserez donc pour le ton un peu trivial mêlé d’humour perclus de certitudes obtues.

        plus sérieusement, merci de vos réponses monsieur saint upery, je ne vous répondrais pas sur chaque point, n’ayant pas réponse a vous donner par manque de lecture et de savoirs, surtout que je n’ai pas encore lu votre livre donc ma crédibilité est toute minime voire quasi nulle.

        simplement, deux trois remarques

        « qui sont très souvent des gens admirables et des militants irréprochables et dévoués, sauf qu’ils se foutent quand même le doigt dans l’oeil sur pas mal de points par un mélange de wishful thinking, de basisme idolâtre et de manque de flair sociologique »

        pour le coup vous avez visé juste, je suis en effet dans un milieu de gauche chaviste critique, et vous aurez je pense deviné où exactement, pas la peine de préciser. Malgré ma faible expérience ici, et sauf votre respect et votre savoir, je dirais juste que ces gens et moi même ne sommes pas des analystes mais bien des militants comme vous le dites aussi. et donc militant n’est pas objectif mais bien militant (logique). Sur le basisme que vous dénoncé est la première chose sur laquelle on m’a mis en garde et je peux vous assurer que je m’y tiens scrupuleusement à ne pas tomber dedans. mais ces militants aveugles sont largement conscients des problèmes qui touchent le pays, n’en doutez point. Simplement c’est l’éternel débat de l’intérieur ou de l’extérieur. le militant c’est de l’intérieur.

        je ne tombe pas non plus en accord avec cette phrase provocatrice a dessein.

        « d’autres contextes, facettes et contextes que vous ne souhaitez pas voir. Je vous comprends, ça serait douloureux... »

        je suis venu ici pour voir concrètement ce que vaut cette pseudo revolution parce que les alternatives en Europe entre altermondialiste social democrate, gauchiste rouge borné sur 1917 et « autonomie » qui ne mène pour moi à rien ... c’est un peu le désert.

        il se trouve que jusqu’au maintenant j’ai vu pas mal d’aspect positif dans ce processus. sur le constat, évidemment rien n’est a contredire,
        Oui on est bien dans un capitalisme d’Etat rentier - et non néoliberal, pardon pour le lapsus, et vive Peres ! euh mort a Peres ... - bureaucratique corrompu avec un quasi culte du chef. le venezuela est pétris de bons sentiments, de grands discours sans répercussion réelles, dans une destruction environnementale terrible sans oublier un culte de l’apparence pas super révolutionnaire. et j’en oublie largement. ca c’est le constat.

        mais je ne suis pas ici pour faire le constat mais bien voir la dynamique.
        le constat est accablant tout comme le constat francais est accablant et n’importe quel constat de n’importe quel mouvement est accablant. Regardons le constat du dernier mouvement étudiant en france, 6 mois de lutte pour rien, c’est un désastre, et pourtant la dynamique interne était largement différente de ce qu’on observe.
        mais malgré ces exceptions, la dynamique globale a l’oeuvre en France est négative y compris chez ceux qui représente l’alternative, sinon autodestructrice pour certaines marges.

        et que celle est route au Venezuela me semble deja un poil plus positive.

        vous m’excuserez mais ca a beau etre l’exception, ca fait toujours plaisir de voir des conseils communaux s’organiser s’entendre et avancer collectivement malgré la corruption, l’opposition, les aspirations individuelles. oui mais c’est pas ce qu’on en dit.
        Ou de voir des référendum populaire. oui mais ca représente pas l’ensemble,
        Et les gens qui m’ont le plus parlé de révolution pour l’instant, ce ne sont pas les chavistes critiques mais ben cette BAAAAASE qu’on idolatre tant. quand un petit vieux de Gramoven te raconte comment en 20 ans le quartier a changé par l’organisation populaire et l’impulsion de chavez, c’est pas du discours mais du concret.
        Gramoven une exception ? oui bien sur. comme toutes les autres exceptions.
        mais quelle importance ! les processus revolutionnaires naissent il dans la majorité ? non, en tout cas pas au début.

        mais bon, je suis jeune, donc idéaliste et donc je me trompe et je me voile la face.
        tans pis, ou même tant mieux l’espoir fait vivre, fait agir, et fait construire
        et comme l’ont si bien dit des camarades par le passé pour faire une révolution il faut d’abord croire possible une révolution.

        je constate que vous etes un fin analyste et un fin observateur et un érudit sur la connaissance pratique, et je le dis sans ironie aucune. oui vous etes « expert » dans l’analyse des situations.
        mais je me demande si vous etes toujours revolutionnaire.

        au fait, bien vous connaissiez le 23, mais même si ce qu’ils font est exceptionnel et non représentatif, vous irez voter dimanche, vous aller diffuser la nouvelle ? non parce que ca peut continuer longtemps avec des parties plus avancées dont on dit que c’est l’exception ...
        mais si on diffuse l’exception ca peut aider a faire avancer les choses. et je vous demande candidement : avez vous envie de voir réussir le processus venezuélien ?
        alors, soutien ou non à ce référendum ?

        toute la question est la.

        allez je vais quand meme lire votre livre parce que ca me semble interessant de lire une opinion differente de las mienne et surtout si l’espoir fait vivre, la vente de bouquin aussi !

        amitiés bolivariennes non aigries .... pour le moment ;)

        • @ Greg

          Je me contente juste d’intervenir sur ta remarque me concernant :

          « Et au passage lemi, tes questions sur obama aussi interressantes qu’elles soient ne me semblent plus tres anarcho autonomisante ... ou est passé la verve du verbe teudieu !!! c’est la gloire du succès d’article 11 qui te claire chazalise ? » : J’aime bien cette image de Claire Chazalisation (je serais toi, j’hésiterais pas, je parlerais même de David Poujadasation), mais en même temps, je vois pas trop à quoi rime ce reproche. C’est un entretien par mail, avec quelqu’un dont je connaissais l’approche sérieuse et argumentée. Alors forcément, la « verve du verbe », dans mes questions, je n’y pense pas trop, ce n’est pas l’essentiel, de loin. Comme d’hab, aucune envie de m’enfermer dans une pensée ou une approche donnée, rien de nouveau là-dedans (tu ne fourreras pas Article11 dans une case, c’est dit). Le bonjour à Caracas

        • Comme je l’ai dit, j’ai trouvé l’interview en 2 parties très intéressante, intellectuellement honnête, et j’approuve à 100 % tout le bien dit à propos de M. Lula. Ayant fait l’expérience de la prise de tête virant au pugilat avec certains gauchistes puristes français pour lesquels Lula n’est qu’un succédanné brésilien de nos DSK et autres Valls nationaux, ça me fait plaisir de lire les propos de M. Upéry, qui ne masque pas non plus les scories et limites du développement brésilien (la criminalité toujours existante, la déforestation, le cas des paysans sans-terre et leur criminalisation médiatique, pour les scories les plus visibles).
          e serais moins catégorique que lui quand il dit que Chavez a un besoin viscéral de Lula, car quand il a subit la période noire du coup d’état et de la grève paralysant l’économie (très ressemblante à la grève qui a amené Pinochet au pouvoir) -Lula venait d’arriver au pouvoir, et Chavez l’a pécédé de 3 ans-, je ne pense pas que la bienveillance de Lula ait pesé si lourd, je pense plutôt que les partisants de Chavez ont surtout du compter sur eux-mêmes (là je rejoins Upéry quand il qualifie Chavez de formidable animal politique). Par contre, je suis parfaitement d’accord sur le fait de noter que la neutralité (bienveillante) du Brésil durant la présidence de Lula, qui n’a pas cherché à pas saboter les processus en cours dans les pays de l’ALba.

          Je suis également d’accord sur le fonds des propos de Upery, à savoir que les processus en cours en Bolivie/Venezuela et Equateur ne sont pas révolutionnaires en soit, si on se place dans une visée plus généraliste. Tous 3 sont fondamentalement réformateurs, mais on peut les trouver révolutionnaires dans le contexte qui les ont nourris. Il y a 2 points communs à ces 3 pays : la refondation citoyenne par la convocation d’assemblées constituantes et la bataille (pas tout à fait gagnée d’ailleurs) pour récupération des ressources naturelles au profit du peuple. Je trouve par contre Upéry un peu hautain par rapport à ces « nouveautés » : le fait que les populations aient eu la chance d’avoir leur mot à dire sur la Constitution (jusqu’à y inscrire l’eau comme bien commun) est à mon sens historique et très positif, on est quand même loin des constitutions dictées par des conseillers de Washington, qui est le lot commun à beaucoup de pays d’Amérique du Sud. Pour moi, peu importe qu’il y ait des « erreurs » dans ces constitutions, je retiens le fait que les gens aient pu y participer, car je mets au dessus de tout le principe de souveraineté populaire et nationale.

          Pour ce qui est de la bataille pour la récupération des ressources naturelles, je pense également que c’est un combat symbolique primordial et légitime, à ne pas minimiser. Je rejoindrais cependant Upéry quand il note la limite du développement de ces pays passant par l’exploitation des ressources naturelles, mais c’est le lot commun de tous les PVD pour qui le secteur primaire est encore celui qui fait vivre une grand partie de la population.
          On en vient à la qualificaton du Venezuela comme capitalisme d’état rentier (les gauchistes purites français avec qui je me suis battue ont traité le Brésil de Lula « d’Arabie Saoudite de l’Ethanol », et l’Argentine des Kirshner « d’Arabie Saoudite du Soja ») : là je pense qu’il faut les comparer à ce qui est comparable, à savoir d’autres pétro-états (au hasard Soudan, Russie, Emirats, etc), et admettre que Chavez a au moins pour lui une réelle volonté de ramener les bénéfices de la rente vers la population, ce qui n’est pas le cas de ses nombreux homologues de l’OPEP. Si je suis tout à fait d’accord sur les limites de ce développement (abondamment commenté par nombre de commentateurs arabes éclairés et de sensibilité socialiste pour ce qui est du Golfe), ses conséquences écologiques, sur une forme d’inefficacité gestionnaire, de gaspillage parfois, je tiens tout de même à noter la différence. Je n’ai jamais entendu parler de Conseils Communaux dans les pétro-états monarchiques pratiquant encore l’esclavage, ni même de la liberté d’expression comparable à celle du Venezuela.

          J’en viens aux points de désaccord avec Upery, car même s’il s’empresse de rappeler à juste titre qu’il y a plusieurs gauches sur le Continent, qu’il se refuse à faire le jeu de l’opposition réactionnaire avec les sempiternels raccourcis et média-mensonges sur Chavez, qu’il dénigre un peu une personnalité comme Toussaint (dont j’ai pourtan apprécié le livre sur la banque du Sud), il n’empêche que son interview finit quand même par un Lula VS Chavez, avec des commentaires très positifs sur le premier et effets de loupe sur les aspects négatifs du 2e, et donc à rejoindre les analyses limitées de la presse pravda occidentaliste pour qui Lula est la « bonne » gauche, et Chavez la « mauvaise » à éliminer comme un insecte. J’ai trouvé que la portée de sa longue interview finissait par ce côté « tourner en rond ».

          Les points de désaccord :
           × Je ne suis absolument pas d’accord sur la façon dont Upéry minimise l’ingérence de Washington, et j’ai même eu le sentiment qu’il se posait en commentateur plus éclairé que les « simplistes » qui expliquent toutes les scories dans les PVD d’Am. du Sud par la seule animosité de l’Empire (càd les USA) à leur égards. Obama vient d’allouer une enveloppe de 600 millions rien que pour le cas de l’Am. du Sud dans les organismes écrans de la CIA type NED ou USAID, dont on sait qu’elles sont chargés de la subversion. En se prétendant plus éclairé que les autres, Upery commet l’excès inverse, à mon sens. Pour ce qui est de « l’incompétence » ou de la bureaucratie écransante de la CIA, je préférerais toujours lire un site comme Dedefensa.org, qui est de loin le meilleur commentateur sur la politique étrangère et intérieure des USA que je connaisse. Eux aussi ont évoqué cette bureaucratie et la commentent de manière abondante, mais n’arrivent pas à la conclusion de Upéry, qui fait presque comme si les rares acquis des gouvernements Morales, Correa ou Chavez ne sont pas en danger par des pressions extérieures.

           × Le cas de Cuba, où j’ai l’impression que Upery minime l’impact de l’embargo, qui se chiffre quand même en milliards de dollars de manque à gagner pour le gouvernement et le peuple cubains. Je trouve donc très mal venu ce commentaire blasé (voire ironique) sur les récentes mesures d’autérité de R. Castro, quand on pense à cet énorme manque à gagner. Et là encore, quand je suggérais de comparer les pétro-états, je demanderais à ce qu’on compare les iles des Caraïbes entre elles sur des domaines telles qu’éducation, santé, criminalité, prostitution infantile, etc (au hasard Haïti...), et Cuba n’a pas franchement à rougir malgré un embargo des plus mesquins, anachroniques, criminels qui soient. Je suis donc très déçue que Upéry oublie cet aspect. Pour ce qui est de la gestion des passages d’ouragans, comparons encore Cuba et les autres iles (voire Katrina hein), et celle de Cuba relève encore du tout de force. Je ne cherhce pas à idéaliser l’Ile, mais j’en ai assez de voir des gauchistes oublier l’embargo et de comparer ce qui est comparable.

           × Les apports de l’Alba, pour laquelle Upéry me parait encore un peu hautain. Comme cette interview est récente, je suis surprise qu’il n’évoque pas le projet du Sucre, la monnaie commune dédollarisée, qui est à mon sens un projet extrèmement positif. Upéry admet n’avoir pas pu voir les cas de l’Amérique Centrale plus précisément, or l’une des ankyloses qui plombe ces pays, c’est bien la dollarisation de leur économie, et leur dépendance totale vis-à-vis des USA. Je reconnais que l’Alba en réalité ne pèse pas lourd, par rapport au Mercosur, à l’Unasur et autres, mais je ne minimise pas son côté symbolique. Le coup d’état contre Zelaya me semble bien une attaque contre l’Alba via so nmaillon le plus faible, notamment le Sucre.

           × Les autres apports de l’Alba sur la santé (le projet « miracle » qui a permit à des gens de retrouver la vue) ou l’éducation (la méthode d’inspiration cubaine d’alphabétisation « Si je le peux »), je ne suis pas d’accord encore avec Upéry qui me semble encore une fois un peu dédaigneux. Pour ce qui est de Chavez à son arrivée au pouvoir, quand on a conscience de la corruption des ministères et des fonctionnaires, leur absence totale de sens de l’intérêt général, je dirais qu’il avait 3 voies : la purge stalienne, l’affrontement frontal ou le contournement. Toutes ces missiones et autres conseils communaux s’inscrivent à mon sens dans une stratégie plus large de contournement. On a des ébauches de « nouveaux systèmes » (pas assez efficients, fragiles) qui cohabitent avec l’ancien qui est toujours très présent, au final. Et je peux paraître neuneu, mais je me mets à la place des gens qui ont pu bénéficier de ces « missions bolivariennes », et leur dire que c’est rien, ou pas grand chose, je suis pas d’accord.

          Un des aspects très positifs de Chavez, sur lequel je trouve que Upéry minimise, c’est quand même le fait d’avoir sorti le pays de l’analphabétisme. C’est pas lui qui le dit, mais des organismes internationaux depuis fin 2005. Sachant qu’il est arrivé au pouvoir fin 1998, qu’il a traversé une période noire en 2002/2003 (coup d’état, sabotage économique à la mode pinochetiste), ça relève à mon sens de l’exploit, et cela il l’a fait par ces manoeuvres de « contournement » (et l’aide de Cuba) ; qu’on pense un peu aux nombreux cas africains où l’analphabétisme est chronique...

          De manière générale, j’essaie de penser aux domaines vitaux tels que santé ou éducation, de comparer les pays qui sont comparables, et je me refuse par principe de raisonner selon les mêmes armes que les capitalistes : pourcentage de croissance, capacité d’attirer des capitaux étrangers, etc. Je trouve que Upéry qui a évoqué la croissance brésilienne ou le miracle économique « séduisant » colombien a tort de raisonner de la sorte : le cas colombien qui se paie qunad même au prix du déplacement forcé de 4 millions de personnes (ce qui classe la Colombie au même niveau que le Darfour), de l’impunité scandaleuse des paramilitaires, de la persistance de l’importance du narcotrafic, rappelle un peu le fujimorisme, dont Upéry a « oublié » la condamnation de Fujimori récente pour violations des droits de l’homme (j’espère confirmée prochaienement en appel) et corruption. Moi les « miracles économiques » qui se paient au sang des gens les plus appauvris, je dis non merci, et Alvaro Uribe est à mon sens du même bois que Fujimori, voire pire. Je trouve que Upéry n’évoque pas assez cet envers quand il a évoqué la Colombie.

          Par ailleurs, la vraie révolution pour moi passe par l’auto-gestion, la démocratie participative et directe, le sens écologique, etc. Il y a des ébauches dans chacunes de ces gauches dans chacun de ces pays.



  • C’est parfaitement fantaisiste. Le séparatisme de la media luna bolivienne (« demi-lune », en référence à la forme des départements orientaux dissidents) est aujourd’hui en pleine débandade du fait de sa bêtise et de son incompétence stratégiques, qui l’ont amené à s’associer avec des menées terroristes d’un amateurisme délirant. Ses partisans sont amèrement divisés et une partie des autonomistes de Santa Cruz plaident aujourd’hui ouvertement pour une réconciliation penaude avec le gouvernement central. Washington n’a strictement rien fait ni rien pu faire pour empêcher cette déroute stratégique et, de toutes façons, les seuls acteurs internationaux qui pèsent vraiment dans le conflit régional bolivien sont les voisins argentin et brésilien, qui soutiennent Evo Morales et refusent toute menée séparatiste. Or, sans appuis régionaux frontaliers, le séparatisme est mort-né.

    Bon, malgré un article qui ne dit pas que des conneries, là, je suis obliger d’intervenir, histoire de lancer le débat sur la Bolivie, et voir si certains savent de quoi ils parlent. Alors d’abord, le nom de media luna (demi-lune) fait clairement référence à la croatie, qui avait le même nom, dans l’ensemble yougoslave, dans l’empire austrohongrois et pour les Ustachis (les nazis croates), une communauté très importante à Santa-Cruz, qui travaillent depuis lontemps pour la CIA et qui avait recu des masses de terres sous la dictature. Demander aux serbes qui avaient été génocidé si c’est des amateurs. Il me semble que Diodato, lui, un fachiste italien, comme terroriste, n’est pas, non plus, un amateur. Les rumeurs de sa mort, après son évasion, font penser à de nombreuses personnes qu’il profite du programme de la CIA pour la protection des témoins (La juge qu’il avait tué en faisant explosé sa voiture, elle, il ne l’avait pas loupée). Je pourrais vous parler de toutes les actions que l’opposition, avec des très bons conseillers de la CIA, a essayé de faire pour faire tomber Evo Morales. Mais ca a été plus difficile quand Evo Morales à fermé l’embassade des USA et à renvoyer la DEA. Dire que les derniers mercenaires de l’UE, sur-armés, planqué dans un des meilleurs hôtel de Santa Cruz, étaient des amateurs, je trouve ca limite. J’étais en Bolivie, quand le gouvernement les a neutralisé. L’opposition venait de perdre le référendum contre la nouvelle constitution et savaient qu’ils allaient perdre les éléctions, en décembre. Ils faisaient tous pour qu’elles ne puissent pas se dérouler. J’ai annaliser l’effect qu’aurrait eu l’assassinat du président et du vice-président. L’effect aurrait été incroyable : il n’y a pas un héritier, dans leur parti, capable de prendre la suite et de s’imposer comme le nouveau président. En plus, la succession constitutionnel (comme au Honduras), donne le poste de président au président du sénat, une créature de la CIA. J’avais été surpris, quelques temps avant, que cette individu avait été placé à la tête du sénat. D’autres candidats plus centriste devaient gagner ce poste, mais seul une pression très fort de la CIA, avec un plan dans la tête, peut expliquer la chose. (oui, j’étais dans le pays, en cherchant à comprendre, jour après jour, ce qui pouvait bien se passer). Bien sûre, la plus grande partie de la population n’aurait pas accepter de cet individu comme président et l’armée n’aurrait pas prit le risque de se mettre contre la population. Mais là où ca devient intéressant, c’est que l’armée pouvaient simplemnt se mettre à disposition des prefects, pour maintenir l’ordre. Dans les département qui avait soutenu fortement Evo Morales, il y a des prefects du parti d’Evo Morales. Et celui qui serait devenu le nouveau président, pouvait aller se réfugier dans les régions avec des prefects qui le soutiennent. Grâce à l’armée, le pays aurait gardé un certain calme. C’est que les indigènes se sont révéillé, en Bolivie, c’est la majorité des soldats et l’armée sait que choisir un camp contre l’autre et provoquer une guerre civile, ils peuvent perdre tous leurs privilèges. Mais le problème, c’est que sans Evo Morales (et Garcia Linera), n’importe qui peut se proclamer héritier, déjà rien qu’entre les prefects des départements à majorité indigène. La guerre civile aurait été au sein même du parti, et l’oposition à Evo Morales (les nazis racistes), comme c’est la tradition, lui aurait certainement fait ériger une statue au centre de Santa Cruz, mais auraient eu le temps de s’organiser (enfin, je veux dire, la CIA aurait eu le temps de les organiser). Bon, moi, j’adore annalyser la politique bolivienne, je vais volontier débattre sur la place centrale de Cochabamba (et quand je peux, à l’Alto, à la Ceja). Mais je cherchais un blog en francais, pour parler de ce beau pays et sa situation politique qui est vraiment passionnante

    • Euh, excusez-moi, mais je ne crois qu’on parle pas du même pays, voire de la même planète. Et puis je parle serbo-croate et je connais bien la Yougoslavie, l’expression media luna n’a strictement rien à voir avec la Croatie, même s’il est par ailleurs exact que la Chambre de Commerce de Santa Cruz est pleine d’entrepreneurs d’origine croate, dont certains aux indéniables accointances oustachies.

      J’insiste sur le terrorisme délirant d’amateurisme et l’incompétence stratégique des autonomistes de Sta Cruz, et je maintiens d’autant plus tout ce que je dis que cela vient à la fois de sources très proches du vice-pdt Garcia Linera, que je m’honore de connaître personnellement, et des enquêtes du rédacteur en chef du Monde diplomatique bolivien, organe bien connu de la CIA.

      Quant à la CIA elle-même, justement bon, je crois qu’il y a un malentendu, et je vois de quoi vous parlez : vous voulez dire la « CIA », cette divinite maléfique, omniprésente et omnipotente qui tire toutes les ficelles de l’histoire latino-américaine et d’ailleurs. Non, moi, je parlais de la CIA, la bureaucratie américaine du renseignement qui n’a même pas réussi à se coordonner avec le FBI pour prévenir le 11 septembre, entre autres désastres. Nous ne parlions donc pas de la même chose, excusez de la confusion...

      • Alors comme ca, vous auriez des informations qui vous ferait penser que la mort d’Evo Morales ne serait pas fatal à son parti ? Je pense que Garcia Linera serait suffisamment intelligent pour éviter l’implosion du parti (l’IPSP), mais dans l’hypothèse de la mort simultanée de Garcia Linera, je vois une guerre interne. Mais, bien sûre, j’aimerais ne pas avoir raison. Et c’est très étrange, mais depuis qu’Evo Morales est entré comme président, j’ai comme le sentiment que l’opposition cherche à mettre en place un révolution colorée. Des brutes qui avait, sous la dictature, toujours voulu jouer l’épreuve de force, là, cherchent à se donner une image de pacifiques et de démocrates. Je me souviens qu’a Cochabamba, ils avaient cherché une guerre qu’ils étaient sûre de perdre, juste pour récolter des morts, il y en a eu un de chaque côté, et on ne sait pas encore comment ca a été possible (je suspecte fortement qu’un assassin devait tuer une personne de chaque côté, juste pour faire monter la pression). Evo Morales était au Japon. Mais Garcia Linera a été d’une grande intelligence, il a fait passer l’ordre à tous les cocaleros de rentrer chez eux. A Sucre la même chose : un mort par balle chez les manifestants contre la police, alors que ceux là avait laissé leurs armes dans l’armurerie et ont du laisser tomber leur caserne, face à des manifestants qui usaient de dinamite. C’était assez étrange : on voyait clairement, dans les médias privés, qu’on voulait nous vendre une résistance pacifique du genre Gandi, contre le méchant dictateur Evo.



  • Une seconde partie bonne comme un dessert et qui secoue les puces...

    • Juste deux trois petites remarques parce que c’est quand même light :

      1 - On peut passer trente ans sur le terrain et n’y rien comprendre, ou interpréter d’une manière inappropriée ses matériaux. L’argument d’autorité n’est pas ici justifié, si tant est qu’il puisse l’être dans n’importe quel contexte. De la même manière qu’il ne suffit pas de citer des sociologues pour s’autoriser du champ scientifique (et donc conflictuel) d’où leurs analyses proviennent et où elles sont l’objet de critiques.

      2 - Il y a une assez insupportable manière de s’inventer des ennemis pour justifier un propos qui n’a rien ou presque de radical. Il y a, en extension, un jeu particulièrement irritant d’ouverture des portes ouvertes qu’on fait passer pour une avant garde non conformiste. L’échange ci-dessus en est le dernier exemple en date. Cela pose deux problèmes sur le Vénézuéla notamment qui n’en forme qu’un : l’analyse se base sur la réfutation de fantasmes sur le chavisme qui ne sont pas identifiés, cela a tendance a décontextualiser le propos, à le sortir de sa propre historicité. Faire une critique du chavisme ne pose pas de problèmes en soi, mais s’inventer des ennemis, plutôt bêtes, pose des problèmes de logiques que je n’ai pas l’envie de développer ici.

      3 - Toujours sur le chavisme : il y a un problème, somme toute classique, dans la perspective. il est similaire à la critique que Marx faisait à Hugo dans le 18 Brumaire. Ceci étant, cela est tendanciel, et c’est peut-être le format interview qui oblige à ses raccourcis. Parler de révolution n’a de sens ici que dans un rapport à un marché idéologique et a un état des rapports de force. Il s’agit d’une politique réformiste, peut être qu’elle a une visée révolutionnaire.

      4 - Sur la Bolivie, je passe raidement, mais la pesanteur des processus d’ethnicisation, même si pour répéter un truisme, est l’objet d’un usage diférencié, semble d’une autre facture.

      • Bonjour,
        Entièrement d’accord sur la démarche de M. Saint-Upéry, rejoint par Lémi, à savoir s’efforcer de garder autant que possible un regard lucide et critique.
        Résidant à Tegucigalpa j’ai néanmoins quelques modestes commentaires à apporter concernant la partie hondurienne de l’entretien.
        1) A propos de la dénonciation « paresseuse » du coup d’Etat par les E-U, il me semble que ce qui était en jeu était justement l’emploi de cette qualification de « coup d’Etat », tout sauf anodine puisqu’elle conditionnerait l’aide américaine accordée au Honduras (voir http://www.bakchich.info/Les-putchi...,08226.html). Sur ce point, le suspens a été intenable ...
        2) A propos des 400 000 $ consacrés à une opération de lobbying au Congrès afin « de renverser la tendance en faveur de Micheletti » , je relèverais l’ironique coincidence du montant, le même qu’a reconnu Micheletti pour une démarche diamétralement inverse (voir en espagnol : http://www.latribuna.hn/web2.0/?p=49892).
        3) Enfin, et en s’éloignant un peu du sujet, je souhaitais réagir à la phrase suivante « L’hypocrisie est le pain quotidien de la vie politique, surtout dans le domaine des relations internationales, et en réalité elle est un facteur de progrès moral quand elle oblige les puissants à respecter certaines formes et modérer ou limiter de fait leur domination ». OK, on n’est pas dans un épisode de « L’île aux enfants », mais, sans vouloir jouer les moralistes, il me semblait qu’on ne pouvait que déplorer de telles attitudes. Dans le cas du Honduras, ce qui est en jeu c’est la fameuse 4e urne. Et dans cette optique, à mes yeux, l’administration américaine a parfaitement manoeuvré, en court-circuitant dans un 1er temps l’OEA et en nous sortant du chapeau un plan Arias qui ne visait qu’à « castrer chimiquement » les velléités anti-impérialistes de Zelaya.

        La partie est quasiment gagnée de toute façon, Zelaya ayant accepté, dans le cadre du « dialogo Guaymuras », d’abandonner la convocation de cette 4e urne. Ce qui n’a pas manqué de radicaliser une frange de la résistance locale.

        • Pas un mot sur les relations et la reconnaissance d’Ahmadinejad par Chavez et Evo morales ?!?...

          Pas un mot ???

          C’est la Pachamama qui va pas etre contente...

          Salud y pesetas

          • Bon, je crois que sur ce sujet, la majorité du peuple bolivien trouve que son président à bien fait de normaliser les relations avec l’Iran et de signer des progammes d’aide. Personnellement, je ne peux que me féliciter et remercier Ahmadinejad d’avoir offert certain des agents qui avait été formé, à l’époque du Shah, par le Mossad. J’ai du mal à soutenir l’idée de Marc Saint-Upéry que la CIA et ses alliés, en Bolivie, ne sont que des amateurs. J’ai toujours eu un grand respect pour Garcia Limera, le vice-président, que je considère comme une personne dotée d’une intelligence rare, mais j’ai de la peine à imaginer qu’il aurait fait l’erreur de sous-estimer ses adversaires (je l’ai toujours concidéré comme un grand stratège). Je défends l’idée qu’il y a une certaine similitude entre la situation des USA, avant la guerre de sécession et ce qui se passe en Bolivie. Pour moi, la guerre contre Evo Morales a été déclarée, mais c’est une guerre de l’ombre (une guerre où l’assassinat d’Evo Morales fait partie des règles du jeu). Il existe une rumeur que les terroristes de l’UE surarmés auraient été assassiné par les fameux agents iraniens. Je suspecte fortement que l’ordre de l’assassinat à été ordonné en haut lieu. Il faut dire que la justice, en Bolivie, est au main de l’opposition. Il y a déjà eu un terroriste (Diodato), lié à la famille Banzer, qui a réussi à s’évader de prison, grâce à l’aide du pouvoir judicière. Là, je ne suis pas le seul à me poser cette question : où est ce Diodato (et lui non plus n’est pas un amateur, il serait bien capable d’organiser un assassinat d’Evo, ou/et de Linera). Au moins, ceux qui ont été assassiné, dans cette hôtel de Santa Cruz, ne poseront plus de problème. Bon, on a beaucoup de questions qui n’ont pas vraiment de réponces claires. Sur cette (ces) histoire, il est difficile de comprendre vraiment ce qui s’est passé. Et en même temps, les services de renseignement israélien qui disaient que la Bolivie fournisait de l’uranium à l’Iran (alors que la Bolivie n’a pas de mines d’uranium). Là, des agent iraniens qui connaissent toutes les méthodes d’Israël, c’est, pour moi, un présent qui n’a pas de prix (surtout quand on pense que la Bolivie n’a pas hésité à condamner les crimes de guerre d’Israël, à Gaza). Mais j’ai la foi. Pour moi, tant Dieu que le Diable ont décidé qu’Evo allait être élu en décembre. Pour moi, comme lors de la guerre de sécession, au USA ; ici aussi, l’Empire va perdre. Je sais que la Bolivie va aller mieux, mais bon, je ne me fait pas d’illusion. Si l’Empire des USA tombe et que l’Amérique du Sud devient le nouvelle empire, je sais bien qu’il a toutes les chances de se corrompre et de devenir inhumain. Mais jusqu’a présent, j’aime bien les valeurs d’Evo et de Linera. Même si, à l’égal de toute oeuvre humaine, elles peuvent enfanter un monstre, je continu à les soutenir.

            • Ah, ce Président....il fait fureur !....

              Un pur délire !...

              • Tient, et si je parlais des loges, à Santa Cruz, qui, pour la défences des terres, offertes, durant la dictature, à de nombreux nazi, croates et autre, qui n’avaient pas hésité à faire assassiné, avec une voiture piégée, une juge, vous allez trouvé ca du délire ? Si vous lisez : « Morales llama a descolonizar y terminar con logias en el Poder Judicial », vous aller, sûrement le traiter d’anti-sémite, surtout que, en plus, il se permet de trouver innadmissible les massacres perpétrés à Gaza par Israël. Mais, bien sure, moi qui vis en Bolivie, je vois bien qu’il existe un anti-sémitisme qui se développe, mais je crois que c’est le cas de toute l’Amérique Latine (encore plus important en Argentine). Tient, mais il me semble que si on parle de l’Iran et de la Bolivie, il me semble que l’histoire nous montre que c’est des pays pacifiques, qui ont souvant été agressé, mais qui n’ont jamais déclaré une guerre à leurs voisins (dans le cas de la Perse, je crois qu’on peut trouver des déclarations de guerre, mais c’est vraiment très loin. La Grèce, peut-être, il y a 3000ans ? Sur l’anti-sémitisme et les pogroms, il me semble que ces deux pays, qui aujourd’hui, sont très critique vis-à-vis du sionisme (et où un anti-sémitisme grandi), on en peut pas dire que c’est quelque chose d’important dans leur indentité, comme ca l’a été très longtemps, en France (et toujours près à sortir). Mais les attaques contre Evo Morales, Hugo Chavez et contre Ahmadinejad, sur ce sujet (les nouveaux Hitler), je trouve totallement à côté de la plaque. Le pire, c’est que c’est, encore, les héritiers du nazisme qui se permettent de dire ce genre de chose. J’ai personnellement entendu, de la bouche d’une personne de l’oligarchie blanche, qu’Hitler n’aurait pas du tuer les juifs, mais plutôt les aymaras. Et ces même personnes, qui pratiquent le racisme anti-aymara tous les jours se nomment défenseur de la démocratie. Mais bon, voila, je vois bien que les théories du complot fleurissent, en Bolivie, et souvant, je manque d’argument pour les contrer. Mais en plus, les complots et les loges, composées principalement par des gens blancs, c’est pas que des délires, c’est des faits. On sait que Simon Boliviar était franc-macon, comme la plus part des héros des guerres de libération. Mais on sais, aussi, que les anglais (puis les USA) ont utiliser les loges pour étendre leur dommination sur l’Amérique du Sud. On sait aussi que la liberté, l’égalité et la fraternité, c’étaient pour les blancs, pas pour les indigènes. Moi aussi, j’aimerais bien défendre les valeurs maconniques, mais là, je pense urgent, comme le dit Evo Morales, terminer avec les loges, qui n’ont jamais réussi, en Bolivie, d’offrir à boire aux assoiffés de justice (même en était à la tête du pouvoir judicial) et de décoloniser le pays. Mais par contre, mis à par cette soif de justice, je ne vois par de sentiment de revanche, comme à l’époque de l’Alemagne nazi. Il me semble que même en Iran, ce n’est pas un sentiment très présent au sein de la république islamiste (à part chez les monarchistes). Bien sure, là, on parle de guerre, en Iran et en Bolivie, il y a la guerre pour le controle du pays, avec des visées géopolitiques (et dans les guerres, il y a beaucoup de chose pas jolie). Mais, l’Iran n’a aucune revendication territoriale. Et la Bolivie, elle, cherche à, trouver, avec ses voisins, un nouveau, vivre ensemble. Je rapelle qu’Evo Morales à réussi de régler un différant vieux de plus de 60ans avec le Paraguais et cherche à pouvoir, de même renouer des relations normale avec le Chili. Voir du nazisme dans la vision d’Evo Morales, ca, c’est du délire.

          • Eh remugle, pas un mot sur la reconnaissance par Lula du résultat des élections iraniennes de juin 2009, à savoir donc la victoire de Mahmoud A. (tu sais l’ignoble bestiole perse qui veut gouverner le monde et détruire Israël) ?

            Interview très intéressante, mais au vu de ce genre de réactions à l’emporte pièce, qui en reviennent toujours à utiliser les mêmes raccourcis que la presse pravda occidentaliste, à savoir Evo ou Chavez = Mahmoud Ahmadinejad. Merci.

            • @ Annie : je ne pense pas que cracher sur Ahmadinejad signifie ipso facto que l’on soit lobotomisé par la presse pravda « occidentaliste » (késako ?)...
              je me pose bien des questions sur le national-socialisme indigéniste sud américain et sur l’idolaterie religieuse que lui vouent beaucoup de ceux que Lenine avait nommé « les crétins utiles »...(et il s’y connaissait)...
              le soutien romantique aux mouvements sud americains m’a toujours paru suspect et criticable, et les articles du Saint Upery très éclairants...
              je dois donc etre un suppot de l’impérialisme, pour le moins....

              • Moi aussi, je suis contre cette forme de fanatisme et la personnalisation à outrance, mais à ironie, je me suis permise de faire de l’ironie et demie, à savoir que Lula, perçu comme la « bonne » gauche, a lui aussi reconnu la victoire d’Ahmadinejad...

              • le terme est lancé : nacional-socialisme. Effectivement, le Mouvement Au Socialisme (MAS) est clairement un parti nacional-socialiste, mais si il est à la base fachiste, nazi et falangiste. Il n’est pas du tout indigéniste, mais plutôt raciste anti-indigène. La question, c’est, bien sûre, de savoir comment Evo Morales a réussi à être à la tête de ce parti. On m’a dit qu’il l’avait recu des mains de l’héritier des falangistes. Recu, j’ai du mal à le croire, alors est-ce qu’Evo le lui a acheter, ou alors, c’était un plan de la CIA pour diviser les syndicats paysans ? Là, je suis face à un grand mystère. Pour moi, le véritable parti d’Evo Morales, c’est l’Instrument Politique pour la Souveraineté des Peuples (IPSP). Mais bon, bien sûre, dans le cas d’Evo Morales, il y a cette idolaterie, c’est dûre, surtout quand on est blanc, de faire des critiques objectives de l’animal-politique (mais entre eux aussi, est vite vu comme traître celui qui critique Evo Morales). Mais bon, le bolivien est, en général, respectueux. J’ai déjà tenté l’exploit, à la Ceja, au centre de el Alto, une ville qui offre un très fort soutien à notre président. Mais j’aime beaucoup les gens de l’Alto, ils ont toujours eu une certaine méfiance envers l’autorité, mais en même temps, une grande obéissance vis-à-vis des décisions prise. Mais dans la ville où j’habite, Cochabamba, il y a beaucoup de gens qui ne supporte pas la critique. Bon, la plus part de ceux qui débattent sur la place centrale me connaissent et la plupart apprécie mes positions (pour ou critique vis-à-vis d’Evo), mais c’est vrai, certains utilisent le pretexte que je ne suis blanc pour essayer de me faire taire. Bon, je me suis habité au terme de gringo (ou choco) et aussi le très affectif gringito, ou choquito (petit-blanc). Mais à el Alto, il y a un terme que je n’accepte pas vis-àvis de ma personne : Kh’ara (ou juif). Ca a approximativement le même sens : celui qui est arrivé sans rien et qui, comme ca, maintenant, a tout. Mais ce racisme anti-blanc n’a rien de particulier, il fait miroir au racisme anti-aymara très présent dans les élites blanches. Il faut dire que les aymaras, plus encore que les autres peuples indigènes de Bolivie, ont une organisation social très forte. Leur culture a résisté à l’Empire Inca, à l’Empire Espagnol et à la domination anglo-saxone. L’histoire raconte que quand les espagnols sont venu avec la Bible entre les mains, les indigènes avaient la terre, mais par un acte de magie, les indigènes se sont retrouvé avec la Bible entre les mains et c’est les espagnols qui avaient la terre. Mais Evo Morales, même si il est aymara, n’a pas un nom aymara, mais a un nom espagnol. Beaucoup d’indigéniste le soutient, mais je ne le trouve pas vraiment indigéniste. Comme le nom de son parti l’indique, IPSP, il cherche la souveraineté des peuples (pas d’un peuple), je trouve qu’il a une vision plus intégrateur. Je trouve que le projet de la nouvelle constitution, par exemple, est clairement à la recherche d’une sorte d’équilibre entre différentes positions. Cette constitution et, en même temps, très capitaliste, mais en même temps, met en avant le controle, par l’êtat, d’une partie de l’économie (comme, par exemple, des resources naturels). En même temps, il essaye, aussi, d’y intégrer le système productif des communautés indigènes. Bon, ce n’est qu’une constitution, mais elle permettra, peut-être, aux indigènes (et aux indigènistes) d’être reconnu plainement, et que leur manière de vivre et que leurs lois soit reconnues par l’état. Je suis très curieux de voir si cette intégration va se faire et si elle peut fonctionner. Bon, les boliviens se sont habitué à faire des blocus de routes pour tout et n’importe quoi (Evo Morales, à l’époque, était très fort, pour ca), alors, on sais bien que ca prendra du temps et de nombreux blocus de route, pour arriver à quelque chose (peut-être même quelques morts), mais bon, qui vivra verra. Mais plus que le racisme des indigènes, c’est bien le racisme des blancs qui me semble de loin le plus dangereux. Il faut dire que le contrat avec la Bible pour les indigènes et de la terre pour eux, c’est un contrat qu’il n’ont pas l’intention de lâcher. Mais bon, moi, c’est pas le côté soutien romantique que je recherche, j’aime bien annalyser ce qui se passe dans ce beau pays. Et bon, la Bolivie, c’est mon deuxième pays. En fait, c’est la réalité que je vis. Sur Lula, Chavez, c’est pas ma réalité, alors bon, mes respects.

                • @Tristan :

                  Bon, comme tu habites Cochabamba, tu feras la bise à Michelle Dech. qui habite là aussi, tu dois la connaitre surement....

                  et voila...

                  • @remugle

                    Aie, en fait, j’habite dans un village à une heure de Cochabamba, je ne fais même pas partie du parti et je ne fréquente pas les endroits branchées de Cochabamba. J’ai toujours du plaisir de rencontrer des gens qui parle francais, en Bolivie, mais je ne fait absolument rien pour rechercher leur compagnie. Il faut dire que le tourisme idéologique et le tourisme de la drogue, c’est jamais un truc que j’ai beaucoup apprécié. La première fois que j’avais été là-bas, c’était pour dire bonjours à mon père. J’ai eu la chance de vivre à Rurrenabaque, et de connaître un peu la vie d’un petit village de l’Amazonie, chez les cambas, et leur racisme anti-indigène. Mais bon, malgré ca et leurs délires d’autonomie, c’est des gens très simpa. Mais je me souviens d’un francais qui nous avait fait un bad trip parano. Là, les touristes de la drogue, des fois, on tombe dessus, mais j’évite un max, si je peux. J’étais avec un autre copain suisse, on était aller boire un verre avec lui et une autre amie francaise qui vivait aussi à Rurré (et en Bolivie) depuis plus longtemps que moi. Mais là, en rentrant chez mon père, avec son bad trip, ce francais veut chercher la merde à un petit soldat bolivien qui était de garde. Heureusement que mon ami et moi on était 100% cleen. On l’a choppé et trainé de force jusqu’a la maison. J’ai vécu aussi à la Paz et chez des amis boliviens à l’Alto. Je vous avais dit que j’avais vécu chez les cambas (des gens pluôt sympa), mais j’apprécie bien plus les collas (les indigènes qui vivent sur l’altiplano et dans les vallées). Bon, il se trouve que là, je suis marié avec une fille des vallées (une Quechua d’un village proche de Cochabamba), alors là, quand on va en Bolivie, on reste proche de sa famille, où, à la fin, (le rêve de n’importe quel bolivien), dans la région, on a acheté une maison. Bon, on a déjà acheter le billet d’avion pour dans un mois, mais on est pas encore de retour à la maison. Peut-être que j’aurais du plaisir de rencontrer cette Michelle Dech, si elle est toujours dans la région, dans un mois. Mais c’est un nom qui ne me dit rien, j’ai pas l’honneur de la connaître. C’est que, à Cochabamba, je recherche, en général, plutôt la compagnie des gens du coin. Par exemple, j’aime beaucoup parler avec un ami qui vend du poulet, des hamburgesas et un très bon pique. Il a toujours d’excélentes alalyse sur la situatuion bolivienne. Et comme moi, il est à cheval sur deux pays. Mais lui, il est 100% latino (son deuxième pays, c’est le Panama, qu’il avait quitté lors de l’invasion par les USA sous le gouvernement de papa Bush).



  • Comme on dit en espagnol (ou en arabe) : « si on vous fait cadeau d’un cheval ne vous plaignez pas de sa dentition »

    Cette traduction est très aproximative, en espagnol on dit :« a caballo regalado no le mires el dentado » ce qui signifie qu’il ne faut pas regarder la dentition d’un cheval dont on t’a fait cadeau (parce qu’à travers la dentition l’on peut savoir si le cheval est jeune ou âgé)

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