ARTICLE11
 
 

vendredi 31 octobre 2008

Le Charançon Libéré

posté à 11h02, par JBB
5 commentaires

Quand les têtes des spéculateurs valseront au bout des piques…
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La crise pour tout le monde ? Oh non, que nenni. Pas du tout, même. Si le petit peuple trinque (et va subir encore davantage), d’autres tirent beaucoup mieux leur épingle du jeu. Ainsi du spéculateur anglais Simon Cawkwell, margoulin de haut vol s’enrichissant grâce à la crise. Un homme si ignoble qu’il ne peut que convaincre tout un chacun de la nécessité d’un (très) grand coup de balai. Hop !

"Cette classe dirigeante prédatrice et cupide, gaspillant ses prébendes, mésusant du pouvoir, (…) ne porte aucun projet, n’est animée d’aucun idéal, ne délivre aucune parole.
L’aristocratie du Moyen-Âge n’était pas seulement une caste exploiteuse, elle a rêvé de construire un ordre transcendant, dont les cathédrales gothiques témoignent avec splendeur. La bourgeoisie du XIXe siècle, que Marx qualifiait de classe révolutionnaire, exploitait le prolétariat, mais avait aussi le sentiment de propager le progrès et les idéaux humanistes. Les classes dirigeantes de la guerre froide étaient portées par la volonté de défendre les libertés démocratiques face à un contre-modèle totalitaire.
Mais aujourd’hui, après avoir triomphé du soviétisme, l’idéologie capitaliste ne sait plus que s’autocélébrer. Toutes les sphères de pouvoir et d’influence sont avalées par son pseudo-réalisme, qui prétend que toute alternative est impossible et que la seule fin à poursuivre pour infléchir la fatalité de l’injustice, c’est d’accroître toujours plus la richesse.
Ce prétendu réalisme n’est pas seulement sinistre, il est aveugle
."

Hervé Kempf, dans Comment les riches détruisent la planète.


Les héros sont fatigués ?

Même pas.

Ils sont absents.

Inexistants.

Et nous voguons comme des âmes en peine, sans guide ni croyance, peuple abandonné qui n’a plus rien en quoi se fier, plus personne à qui se confier.

Epoque désenchantée, quand n’existe rien d’autre que la croyance au dieu marché, la sanctification de la consommation et la béatification de la réussite financière.

Et que la crise est seul horizon.

De quoi filer le bourdon, non ?

Non.

Enfin… pas à tout le monde.

Simon Cawkwell, par exemple, vit ça très bien.


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Vous ne connaissez pas Simon Cawkwell ?

Vous ne perdez pas grand chose.

L’homme est un célèbre spéculateur anglais, de ceux à qui tout réussit et qui ne perdent jamais leur chemise.

Petit chéri des marchés qui les prend cul par dessus tête.

Et n’aime rien tant que leur forcer la main, quand ceux-ci se refusent à lui et font des manières de mademoiselle effarouchée.

Bref : Simon spécule à la baisse, parie sur les krachs, profite de l’effondrement des cours.

Et l’homme, qui se surnomme lui-même « le chevalier du mal », aime à se présenter en sombre profiteur et froid calculateur, sans honte ni scrupules.

Il l’explique à une journaliste du Nouvel Observateur : « Les krachs, j’adore, il n’y a pas de périodes plus excitantes. J’ai connu celui de 1987, mais j’étais moins riche à l’époque, je ne pouvais pas miser de grosses sommes. Cette crise-là est bonne, très bonne, pour mes affaires. Evidemment, il va y avoir beaucoup de chômage, des années de récession. Mais moi, je vais gagner beaucoup d’argent. »

Avant de le redire à l’AFP (reprise par Le Parisien) : « Il va y avoir des faillites massives, un chômage massif et une paupérisation énorme. Je pense vraiment que cela peut provoquer des troubles sociaux : ce sont des vies entières qui vont être détruites. »

Prophète de malheur heureux de répéter : « Mais moi, je vais gagner beaucoup d’argent. »


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Simon n’est pas seul.

Il y a aussi David Freud.

A la fois banquier - encore en activité ? La chose n’est pas claire -, auteur à succès et petit-fils du célèbre Sigmund.

Qui s’exprime un jour dansLe Monde, à propos des troubles psychologiques des traders confrontés à la crise, et l’autre dans le Nouvel Observateur, pour expliquer le déni de culpabilité dont font preuve les spéculateurs.

Psychologie à la petite semaine pour des gens ne le méritant pas.

Sauf à leur infliger le traitement de choc que semble suggérer David Freud : « Si les gens savaient ce qu’on gagne, on rétablirait la guillotine et des têtes valseraient sur des piques. »

Comme un écho au discours du journaliste François Ruffin, auteur de la Guerre des Classes, un ouvrage salutaire réhabilitant la grille d’analyse de la lutte des classes.

Et qui soulignait à la fin de l’interview accordée à Article11 : « Cette évidence d’une guerre des classes en cours, que pointe Warren Buffett, que je démontre à mon tour, c’est une intuition qui traîne maintenant dans bien des têtes. Il faut ne plus craindre de l’énoncer, de nommer les ennemis, pour bâtir une gauche décomplexée. L’occasion nous est offerte : ces jours-ci, les esprits mûrissent à vitesse grand V. »


C’est là où je voulais en venir.

Tant l’immonde Simon Cawkwell, qui trinque avidement « au désespoir » et « à la ruine », et le médiatique David Freud, qui fait son miel d’une analyse reçue en héritage, ne sont rien d’autre que d’éphémères contre-héros.

Parfaits représentants de « cette classe dirigeante prédatrice et cupide, gaspillant ses prébendes, mésusant du pouvoir, (…) (qui) ne porte aucun projet, n’est animée d’aucun idéal »1.

Et oeuvrant, sans le savoir ni s’en apercevoir, à ce « mûrissement des esprits » qui verra bientôt des « têtes (valser) sur des piques ».

Ce ne sera que justice.

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1 Décrite par Hervé Kempf dans ce livre, Comment les riches détruisent la planète, que je ne peux que chaudement vous recommander


COMMENTAIRES

 


  • vendredi 31 octobre 2008 à 11h40, par Françoise

    « […] des têtes valseraient sur des piques. »

    Ce qui prouve bien que, tout au fond du fond, ces gens-là savent ce qu’ils font. Les « élites » gouvernantes ne s’y trompent pas qui multiplient tous les modes possibles de surveillance et de répression. Il y a encore une majorité de gens qui ont trop à perdre pour se révolter (dans nos pays riches tout au moins), mais si vient le jour (et cela pourrait bien arriver plus tôt qu’on ne pense) où une majorité de gens n’aura plus comme horizon que de crever de faim... _ 

    Ceux-là, les peuples, les nations, tous à l’envi jusqu’aux paysans, jusqu’aux laboureurs, connaissent leurs noms, décomptent leurs vices ; ils amassent sur eux mille outrages, mille insultes, mille jurons. Toutes les prières, toutes les malédictions sont contre eux. Tous les malheurs, toutes les pestes, toutes les famines leur sont comptées ; et si l’on fait parfois semblant de leur rendre hommage, dans le même temps on les maudit du fond du coeur et on les tient plus en horreur que des bêtes sauvages. Voilà la gloire, voilà l’honneur qu’ils recueillent de leurs services auprès des gens qui, s’ils pouvaient avoir chacun un morceau de leur corps, ne s’estimeraient pas encore satisfaits, ni même à demi consolés de leur souffrance. _ — Étienne de La Boétie, extrait de Le Discours de la servitude volontaire

    Voir en ligne : http://carnetsfg.wordpress.com/

    • vendredi 31 octobre 2008 à 17h11, par JBB

      « Ce qui prouve bien que, tout au fond du fond, ces gens-là savent ce qu’ils font. »

      Oui, ils sont conscients que ça ne peut durer, que c’est par trop amoral et que même les moyens de surveillance et de répression que tu évoques ne suffiront à les protéger toujours. Certains doivent mal dormir… Mais pas sûr qu’ils profitent de ces insomnies pour lire La Boétie ; ils devraient pourtant : c’est toujours aussi efficace.



  • vendredi 31 octobre 2008 à 16h25, par wuwei

    Leur morgue n’a d’égale que leur médiocrité et pourtant alors que tout est là pour qu’ils rendent gorge, l’assoupissement quasi général des « damnés de la terre » me laisse penser qu’ils n’ont pas encore fini de pérorer et de se pavaner. Mais il est vrai que juste avant une révolution tout est calme, trop calme. Alors ...



  • vendredi 31 octobre 2008 à 23h26, par Zgur

    Une illustration qui me semble fort à propos (trouvée chez CSP et réutiliséechez moi hier)

    A prendre au second degré ? (coucou Edvige ;0)

    De toutes façons, le climat se réchauffe, parait-il.

    Arf !

    Zgur

    Voir en ligne : http://zgur.20minutes-blogs.fr/arch...

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