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mardi 31 mars 2009

Le Charançon Libéré

posté à 12h28, par JBB
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Sarko et Parisot : donner l’illusion de la guerre pour mieux préserver la connivence
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Mais c’est qu’ils ont failli en venir aux poings ! Campés sur leur position, décidés à ne rien lâcher, Parisot et Sarkozy ont donné le sentiment de s’affronter sans pitié sur la question de la rémunération des grands patrons. Un spectacle de pure forme, façon grand guignol, pour mieux masquer l’issue du combat, un décret sans envergure ni incidence. Retour sur une guerre bidon.

La politique, ce n’est pas de résoudre les problèmes, c’est de faire taire ceux qui les posent.
Ce bon docteur Queuille, in IIIe République memoria.

Fichtre…

On allait voir ce qu’on allait voir !

Au trou, les « patrons voyous ».

Au cachot, ces salauds « irresponsables ».

« Je n’hésite pas à dire que les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs doivent être encadrés. Il y a eu trop d’abus, trop de scandales », tonnait déjà Nicolas Sarkozy à Toulon, voilà quelques mois.

Refrain qu’il n’a cessé d’entonner depuis, à chaque fois qu’il y sentait l’opinion publique favorable.

Faisant ainsi peu à peu monter la pression, de promesses en menaces.

Jusqu’à l’épilogue censé satisfaire ce petit peuple qui souffre et n’en peut mais, soit l’annonce glorieuse d’un décret bidon, ne concernant que quelques rares chefs d’entreprise ayant reçu l’aide de l’Etat depuis le début de la crise - c’est-à-dire le secteur des banques et de l’automobile.

Un coup de bluff qui ne devrait tromper personne.

Mais qui prouve combien Nicolas Sarkozy s’y entend à faire monter la sauce à son profit.

Un énième grand moment de cinéma, donc.

Destiné à donner les apparences de l’encadrement des rémunérations.

Et mitonné aux petits oignons, sur la durée, afin de faire accroire à la réelle volonté de réglementation du petit piètre de la nation.

Un scénario qui, pour être crédible, reposait sur un point essentiel, celui de la mise en image symbolique de l’attaque présidentielle par le biais d’un affrontement virtuel entre Laurence Parisot et Nicolas Sarkozy.

Comme si ces deux-là s’étripaient - pour de vrai - sur un ring de catch, lutte acharné ne cessant que quand l’un s’écroulerait dans un coin, battu et compté aux points.

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Pur mensonge, bien entendu.

Mais cliché médiatique mis en scène pour donner l’illusion de l’action et matérialiser la prétendue colère présidentielle contre les « patrons-voyous ».

Et numéro habilement relayé par une succession de petites phrases assassines des deux côtés, ping-pong verbal pour figurer la montée de la tension :

 × Le Medef n’a « ni le pouvoir ne le désir d’imposer des règles » en matière de rémunération (Parisot).

 × « Je ne peux pas accepter que Laurence Parisot dise qu’elle n’a pas le désir d’évoquer le partage des profits » (Sarkozy).

 × « Si le Medef n’y va pas, on ira par la loi » (Sarkozy).

 × « Il serait très dangereux d’avoir le pouvoir de faire des règlements qui s’imposent à tous nos adhérents. Cela me rappelle une autre époque » (Parisot).

 × « Soit d’ici le 31 mars, nous avons des résultats, soit le gouvernement prendra ses responsabilités » (Sarkozy), puis « Ce n’est pas une invitation, c’est un ultimatum » (Guaino), puis « Les lois, elles, viendront, les sanctions, elles, viendront si c’est nécessaire » (Sarkozy).

 × Il faut « faire attention à ne pas aller de rodomontade en fanfaronnade » (Parisot).

 × « On ne peut pas faire boire un âne qui n’a pas soif » (Sarkozy).

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Bref, ce fut un joli numéro de duettiste.

Lequel a pleinement fonctionné grâce au concours de médias n’ayant pas ménagé leur peine pour donner une existence réelle à ce combat bidon.

Certains d’entre eux y mettant un tel zèle qu’on aurait pu penser que la pseudo polémique entre Laurence et Nicolas finirait par se régler à l’arme lourde.

Ainsi du Point, titrant avec gourmandise « Rémunération des dirigeants : le bras de fer est engagé », avant d’user tout au long de l’article d’une logorrhée belliciste, à base de « sommation », « ultimatum », « épreuve de force » ou « sommer ».

De Challenges évoquant ce « ton (qui) monte entre Sarkozy et Parisot ».

Ou du Figaro qui, comme à son ordinaire, en a fait des tonnes pour rentrer dans le jeu sarkozyste, publiant deux articles sur le sujet le 26 mars : « Ils ne partiront pas en vacances ensemble. Entre Nicolas Sarkozy et Laurence Parisot, le torchon brûle », débutait le premier tandis quele second en rajoutait sur la « violence » de l’affrontement :

Le ton monte entre Laurence Parisot et l’exécutif. Evoquant l’ultimatum du gouvernement pour un encadrement plus strict de la rémunération des dirigeants, la présidente du Medef a jugé mercredi soir qu’il fallait « savoir raison garder » et « faire attention à ne pas aller de rodomontade en fanfaronnade ». Quelques heures plus tôt le chef de l’Etat, qui recevait les députés UMP, s’en était violemment pris à Laurence Parisot, accusée de ne rien faire pour mettre un terme aux scandales en série sur les primes des dirigeants d’entreprise.

En clair : c’est la guerre !

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Enfin, la guerre… l’illusion de celle-ci.

Histoire de camoufler la modération des mesures qui étaient dans les cartons de l’Elysée et qui ont finalement été annoncées hier.

Une issue heureuse pour les deux camps, Sarkozy pensant avoir donné le sentiment qu’il n’hésitait pas à attaquer de front les « patrons voyous », Parisot ayant pleinement conscience que le décret pris ne remettra absolument rien en cause.

Tout est rentré dans l’ordre, donc.

Et les relations entre les deux dirigeants peuvent à nouveau s’afficher au beau fixe.

Ce que cette chère Laurence n’a pas manqué de souligner hier, disant son « admiration » pour le chef de l’Etat : « Je trouve que c’est quelqu’un qui a une énergie exceptionnelle, une capacité remarquable, assez extraordinaire, à rentrer dans les dossiers, à maîtriser les dossiers. Chapeau ! »

Oui : chapeau !

Tant le cinéma déployé par les deux duettistes, efficacement secondés par les médias, est un très joli numéro d’enfumage.

Vivement la prochaine guerre, qu’on rigole un brin.


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