ARTICLE11
 
 

mercredi 10 mars 2010

Le Charançon Libéré

posté à 23h59, par JBB
41 commentaires

Dans les rayons, la guerre des moutons
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Imagine des centaines de clients se ruant en un magasin, criant, hurlant, se marchant dessus et s’étripant pour réussir à attraper, au hasard, l’un ou l’autre des objets en vente. Imagine aussi que cette scène de folie collective se produise au même moment dans bon nombre des enseignes d’une chaîne, en France et dans le monde. Tu douterais grave du genre humain ? Ben oui.

Il est 21 h et tu es en train de taper « Sonia Rykiel lutte des classes » dans la barre de recherche Google. Ce pourrait être anodin, rien d’autre qu’une étrange errance internétique, mais ça ne l’est pas. Parce que tu as charge d’alimenter ce site (il ne t’a pas échappé qu’A.11 s’était donné pour règle de toujours proposer un billet par jour, hors le dimanche), qu’il te reste tout juste trois heures avant la fatidique sonnerie des douze coups - minuit, heure limite, Cendrillon est dans la place - et que rien ne vient. Tu as le cerveau aussi vide que l’intrigue d’un bouquin de Marc Levy, encéphalogramme plat, neurones fatigués.

Il y a bien ce qui t’a amené à taper ces lettres sur le clavier, en commettant à deux reprises une erreur dans l’othographe du nom. « Sonia Rykiel lutte des classes », donc. Ce n’est pas que tu as abusé des substances qui font rire - pas aujourd’hui -, juste que tu es tombé sur une vidéo assez incroyable. Tu l’as regardée trois fois, à la fois fasciné et dégoûté. Tu as réfléchi à la meilleure façon d’en parler. Tu as cherché un sens politique à y donner, sans autre chose que de vagues platitudes et considérations pataude sur la société de consommation ne te venant à l’esprit. Quand tu t’es retrouvé à associer, sur le moteur de recherche, le nom de la styliste et l’analyse marxiste, tu as songé que tu faisais fausse route. Tu t’es alors dit que tu allais juste la montrer, ici, comme ça :

Tu pense que c’est plus qu’étonnant, ces cris insupportables, cette ardeur à se jeter sur le moindre objet en vente, cette frénésie à se ruer sur un vêtement, n’importe lequel, au hasard, il en faut un, juste l’avoir et le tenir dans ses mains. Tu te dis qu’il y a là - peut-être - de quoi faire vaciller tes convictions, emporter tout ce qu’il te reste d’espoir en l’humanité, de confiance dans la raison des individus. Tu penses qu’il n’est guère de raison pour que cette vidéo-là te mette le moral plus à zéro que - disons, au hasard - le souvenir de la dernière soirée électorale à laquelle tu as assisté - mai 2007, goût aigre - et pourtant si, ça te mine tellement c’est con et désespérant, ruée absurde, cohue débile, combat de rayon pour quelques haillons griffés.
Pour donner un sens à la vidéo, tu fais quelques recherches rapides. Découvres qu’il n’y avait pas que là, dans ce magasin H&M de Toulouse, qu’une telle chose s’est produite, mais que la scène s’est répétée, peu ou prou à la même heure, dans toutes les enseignes de la marque, comme un plan concerté pour démontrer l’épatante constante dans la crétinerie consumériste du genre humain. Tu songes à Lost in the Supermarket, des Clash, mais ça ne t’aide pas beaucoup, ça fournit juste une parfaite bande-son à ton étrange spleen. Tu penses à Hunter S. Thompson, à sa superbe capacité à se mettre en colère contre la bêtise crasse de ses congénères, à cette phrase qu’il a eu à propos d’un casino de Las Vegas, « l’endroit que l’élite fréquenterait tout les samedis soirs si les nazis avaient gagné la guerre… On était en plein VIe Reich ». Tu songes aussi à Tocqueville, dans De la démocratie en Amérique, même si tu n’aimes guère l’auteur :

Je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. (…) Je promène mes regards sur cette foule innombrable composée d’êtres pareils, où rien ne s’élève ni ne s’abaisse. Le spectacle de cette uniformité universelle m’attriste et me glace, et je suis tenté de regretter la société qui n’est plus.

Tu ne voudrais pas en rester là. Comme tu es vaguement curieux, et que tu n’as pas d’autres idées, tu poursuis tes recherches. Tu te dis qu’il y a peut-être une raison à cette désolante frénésie, tu veux croire qu’il y aurait une logique dans cette folie collective n’affichant d’autre motivation qu’une absurde envie d’acheter. Tu cherches. Et tu tombes sur de nombreux articles de presse évoquant l’incroyable fête donnée par H&M pour le lancement d’une collection spéciale, fruit de sa collaboration avec Sonia Rykiel. C’était le 1er décembre dernier, au Grand Palais, une soirée facturée 4 M€ et réunissant 2 500 invités, triés sur le volet. Tu lis et tu imprimes, au fil des papiers, quelques noms, têtes, images, tous mélangés en un indécent et pathétique maelström. Eva Herzigova, reconstitution d’une Tour Eiffel illuminée, Philippe Starck, parade de chars, Emmanuelle Béart, mannequins, centaines d’objectifs, luxe, volupté, champagne, magnificence… Tu te dis qu’il faudrait les mots, les phrases de Bret Easton Ellis pour en parler bien, et puis tu tombes sur cet article du Parisien qui le décrit parfaitement, sans que tu réussisses à savoir s’il est ironique ou non, moqueur ou pas. Tu choisi d’en copier-coller un extrait, te payant même le luxe de corriger une ou deux fautes d’orthographe au passage :

C’est un méga show comme on n’en avait jamais vu en France pour la sortie d’une collection qui s’est déroulé mardi soir sous la verrière du Grand Palais à Paris. Pour célébrer leur collaboration, Sonia Rykiel et H&M avaient convié 2 500 personnes. Habitué de ces soirées somptueuses pour fêter ses collections de créateurs à l’étranger, le géant suédois n’avait jamais offert d’événement de cette ampleur dans la capitale.
Accueillis dans un corridor empli d’une fumée noire ne laissant percevoir que quelques ombres, les invités ont soudain pénétré dans un univers fabuleux, une sorte d’Alice aux pays des merveilles version fête foraine de luxe. La plupart croient au mirage devant la Tour Eiffel géante et la grande roue de bois qui hissent des mannequins jusque sous la verrière. Partout des ballons noirs et rouges et des stands luxueux où des cuisiniers Lenôtre rivalisent de créativité. « Dément », « dingue », « magnifique »... Dans les bouches maquillées qui avalent des pommes d’amours et des soupes à la capucine, les adjectifs se bousculent. « C’est énorrrrme ! » tranche vivement le travesti Vincent Mac Doom, en attrapant une délicieuse verrine de chocolat rare.

« C’est énorrrrme ! », dit Vincent Mac Doom, et tu commences à penser qu’il a raison. Sur Dailymotion, tu consultes la liste des vidéos mises en ligne, et tu constates qu’il n’y en a pas d’autres que celles siglées « officielles ». Une bonne part consistent en des interviews des « peoples invités » ou de mannequins, et tu n’as même pas le courage de les visionner, seulement de noter quelques noms, Nathalie Rykiel, Nadja Auermann, Andrés valencoso, Mickey Green, Alexander McQueen, Marike Le Roux, Suzanne Diaz, Emmanuelle Béart, Keziah Jones, Marina Hands, Eva Herzigova, Jean-Paul Gaultier… Tu es loin de les connaître tous, mais tu sens qu’ils sont censés être « connus », de par leur assurance, leur beauté froide, leur élégance, leur façon de s’exhiber. Finalement, tu décides de mettre une nouvelle vidéo en ce billet, bref résumé de la fête et de sa folie autant que façon de montrer combien te stupéfie ce monde si indécent :

Tu te prends à citer Bukowski, « Humanité, tu m’as toujours débecté », et - pour une fois - tu penses que son dégoût était parfaitement mesuré, pondéré. Tu as aussi envie de citer Albert Camus, « Quand on a beaucoup réfléchi sur l homme, il arrive que l’on éprouve de la nostalgie pour les primates », mais tu te dis que ça commencerait à faire beaucoup, tu ne voudrais pas donner l’impression d’afficher des phrases bien senties comme eux - sur la vidéo - exhibent leur goûts si sûrs et leur richesse, leurs coupes de champagne et leur certitude d’être. Leur aristocratie.
Tu changes de disque, donc. Et t’intéresses à cette phrase, devant la caméra, de Nathalie Rykiel, la « fille de ». « Parisian chic to be offered to most women in the world. », elle affirme. Pour le « world », tu ne sais pas, même si tu sens que H&M maîtrise parfaitement son affaire et que la somptueuse soirée sera très largement rentabilisée, dans les boutiques de Riyad, New-York, Tokyo ou Paris autant que dans toutes les villes du monde où la chaîne s’est implantée : 1 750 points de vente dans 35 pays, affirme Wikipedia. Et cette phrase qui te trotte dans la tête, tu ne te rappelles plus de qui elle est : « Le luxe à la portée des caniches ». Fausse démocratisation du luxe, vêtements griffés Sonia Rykiel mais fabriqués à la chaîne par des enfants chinois, Parisian chic pour must women, le chic étant réservé aux quelques happy-fews invités à parader devant les caméras, les must women étant toutes celles qui piaillent, se pressent, s’écharpent pour attraper un objet ou l’autre le jour du grand lancement, ce 20 février, à Toulouse ou Paris, Nancy ou Marseille, Lyon ou Lille.

Pour finir, tu visites un ou deux blogs spécialisés. Et tu trouves partout les mêmes témoignages, gens se jetant sur les rayonnages comme des loups affamés, femmes prêtes à se battre à force d’attente, de cohue, de folie collective. Tu retiensce témoignage parisien :

Moi je suis allée au H&M boulevard Haussman... Ça m’a juste rappelé que les gens sont des animaux... C’était la cohue, la jungle, les femmes s’arrachaient les choses, se hurlaient dessus et surtout embarquaient des portants entiers ce qui ne laissait absolument rien aux « civilisées ». Bref je suis repartie bredouille et en prime écoeurée par les gens.

Tu vas t’en tenir là. Il est 23 h 50, il faut en finir. Tu ne sais comment conclure. Haïr les malins organisateurs de ce barnum, ceux qui dirigent H&M et réussissent si bien leur affaire qu’ils ont prévu de doubler les points de vente de la chaîne d’ici 20131 ? Détester les prétendus « people » qui se prêtent au jeu, gens médiocres si heureux de s’ébattre devant les caméras et sur invitation ? Rejeter en bloc le genre humain, si abruti qu’il est prêt à se battre pour tomber dans les grossiers filets tendus par d’avides multinationales ? Tu ne sais, mais tu te sens très misanthrope. Presque désespéré. Et tu comprends qu’il n’y aurait qu’une chose pour te redonner foi en l’avenir, confiance en l’humanité : qu’on te laisse détruire à la hache, bûcheron frénétique, toute la nouvelle collection en question.



1 Toujours selon Wikipedia.


COMMENTAIRES

 


  • jeudi 11 mars 2010 à 00h32, par Manuel

    « Rejeter en bloc le genre humain, si abruti qu’il est prêt à se battre pour tomber dans les grossiers filets tendus par d’avides multinationales ? »

    Hmm, le genre humain ne se limite pas ( heureusement d’ailleurs ) à « l’homme moderne », « l’homme occidental ». L’humanité toute entière n’est pas réductible aux con-sommateurs des sociétés occidentales ainsi que son mode de vie.
    Si je méprise ces tarés ainsi que nos sociétés « modernes » ( comme toi je pense ) et qu’il y en a beaucoup ( le mot est faible ), je ne vais pas généraliser jusqu’à écrire que le genre humain est abruti... Il y a des peuples anciens/traditionnels par exemple, qui existent encore, même en Europe ( les Saamis par exemple, en Scandinavie ). Le genre humain, la diversité culturelle, et bien c’est aussi eux ! Sans compter bien sûr tous les autres, nous autres, etc... On n’est pas si abruti que ça quand même n’est-ce pas ? ;)

    « Tu ne sais, mais tu te sens très misanthrope, » Non !

    • jeudi 11 mars 2010 à 14h19, par JBB

      « je ne vais pas généraliser jusqu’à écrire que le genre humain est abruti... »

      On est d’accord, bien entendu. Si j’aurais abandonné tout espoir de changer les choses, ce qui est encore loin d’être le cas.
      En fait, c’est pour ça que j’ai adopté ce ton un peu particulier, cette ersatz de mise en scène personnelle dans le récit : je voulais bien montrer que certaines considérations tenaient aussi à un coup de mou, à un léger coup de déprime.

      « Sans compter bien sûr tous les autres, nous autres, etc... On n’est pas si abruti que ça quand même n’est-ce pas ? ;) »

      Heureusement, qu’on ne l’est pas. Haut les coeurs, toussa-toussa : mon coup de mou est déjà terminé, je te rejoins tout à fait.



  • jeudi 11 mars 2010 à 06h13, par De Guello

    Te « caille pas le sang » Jean-Baptiste BOTUL (j’ai lu l’article de Guy M)
    il y a encore plus con:une journée Yves Saint Laurent sur France Inter.....

    2010, année Yves Saint Laurent
    2010 est une année placée sous le signe du grand couturier français Yves Saint Laurent. La Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, Alain Chamfort, le Petit Palais ou encore Jeanloup Sieff célèbrent l’ensemble de la carrière du géant de la mode à travers trois livres et une exposition. L’occasion de replonger dans l’univers de celui qui a notamment imaginé le premier smoking pour femmes.

    Notre ami Spinozaval fait très fort.

    • jeudi 11 mars 2010 à 15h37, par JBB

      « j’ai lu l’article de Guy M »

      Le sagouin a brisé mon petit coeur en mille morceaux.

       :-)

      Pour France Inter, ça fait envie. Quel joyeux et joli programme, vraiment !



  • jeudi 11 mars 2010 à 09h09, par Soisic

    Cet instinct grégaire me fait penser à celui des criquets qui, d’un naturel plutôt solitaire, se regroupent en nuage dévastateur dès qu’ils deviennent trop nombreux, dans un espace donné, pour la nourriture disponible. Stephen Rogers, chercheur à l’université de Cambridge au Royaume-Uni, a qualifié celà de « stratégie du désespoir »...

    • jeudi 11 mars 2010 à 14h11, par JBB

      J’aime bien l’image, c’est vrai qu’on dirait une nuée de criquets s’abattant avec rage sur un champ quelconque. Ou les oiseaux, ceux de Hitchcock, si ce n’est que ces derniers ont sans doute un peu plus de cervelle que ces gens qu’on voit à l’image.



  • jeudi 11 mars 2010 à 09h30, par spleenlancien

    Puisqu’aujourd’hui, selon nos élites, vivre c’est consommer. il ne faut pas être surpris à la vue de cette « struggle for life » dans des temples dédiés à la consommation. Ce n’est que l’exact reflet d’un monde où la concurence est érigée en dogme et où Mammon règne en maître...

    • jeudi 11 mars 2010 à 14h16, par JBB

      Avec un peu de chance, on finira bien par chasser Mammon à grands coups de pieds au cul.

      Il a pas l’air si impressionnant que ça, après tout…



  • jeudi 11 mars 2010 à 09h48, par cultive ton jardin

    Laissons les morts enterrer leurs morts (crise déraisonnable d’optimisme).

    Oui, mais pour les morts-vivants, on fait quoi ?

    • jeudi 11 mars 2010 à 15h39, par JBB

      Ceux-là peuvent encore être sauvés, avec un traitement ad hoc.

      Une grosse injection de rosé, deux-trois références à Marx, et hop, ils reviendront parmi nous.



  • jeudi 11 mars 2010 à 11h47, par wuwei

    C’est vrai qu’au regard de ces obscénités on a du mal à croire que l’humain est doté de conscience. Mais ce n’est finalement qu’un exemple de plus de l’inanité d’un con-sumérisme porté à son paroxysme.



  • jeudi 11 mars 2010 à 13h12, par Pop9

    La première vidéo évoque furieusement des dindes rendues folles par leur existence en batterie. Elle suscite du mépris et un début de colère. La deuxième vidéo évoque des autistes heureux de vivre entre eux, heureux d’être là et n’aspirant qu’à péter dans la soie. Elle suscite du mépris et de la colère, avec en prime une réflexion sur le parallèle qu’il faudrait exposer entre le discours décérébré des acteurs et chroniqueurs de la mode et le discours d’une large frange du personnel politique, celle qui tourne le dos aux réalités et sait que plus c’est gros, plus ça passe. Nathalie Rykiel évoquant ce « Parisian chic to be offered to most women in the world », c’est Sarkozy expliquant qu’il a conçu le bouclier fiscal pour améliorer le sort des ouvriers.

    Voir en ligne : Pop9

    • jeudi 11 mars 2010 à 15h45, par JBB

      « Elle suscite du mépris et un début de colère. »

      Oui da !

      « Elle suscite du mépris et de la colère »

      Oui da, derechef !

       :-)

      Dans les deux cas, ils vivent sur une autre planète. Mais pour les personnages de la première vidéo, on peut au moins supposer que c’est un emballement passager, le temps d’une journée avant le retour dans la réalité. Pour les personnages de la deuxième, la réalité doit rester lointaine, très lointaine.

      • jeudi 11 mars 2010 à 16h35, par pièce détachée

        @ Pop9 :

        ah merci, j’avais la flemme de l’écrire. Oui, le monde que décrit ce billet, c’est celui de Carla Bruni, qui est le même que celui de Sarkozy — il n’a pas choisi au hasard sa breloque d’épouse.

        « avec en prime une réflexion sur le parallèle qu’il faudrait exposer entre le discours décérébré des acteurs et chroniqueurs de la mode et le discours d’une large frange du personnel politique »

        Ça me rappelle un billet de PT, auquel j’avais réagi dans le même sens (avec un style un rien baroque et profus, mais je me soigne).

        Je ne peux pas m’empêcher d’ajouter que, l’énorme publicité en moins (ça ferait « vulgaire »), ça me rappelle aussi les comportements du monde académique lors de grands colloques internationaux : des participants policés, astiqués, portant haut les signes du « bon goût » parfumé vestimentaire et intellectuel, débattant des sublimes choses de l’esprit / la curée carnassière et piaillante des mêmes, à coups de coude et fourchettes à dessert, vers le gâteau de la réception de clôture, emblème monstrueux dégoulinant de chocolat et de volutes de crème (j’ai des photos, c’est carrément porno).

        George Grosz, au secours !

        • jeudi 11 mars 2010 à 23h21, par JBB

          Moi aussi, tu m’évoques quelque chose avec ta description des « comportements du monde académique lors des grands colloques internationaux » : Les Call-girls, d’Arthur Koestler, un bouquin épatant (mais tous les bouquins de Koestler sont épatants, voire plus) sur un désolant rassemblement de sommités universitaires. C’est jouissif. D’ailleurs :

          Voilà une idée qui me plaît beaucoup. C’est surréaliste, c’est absurde, donc c’est excellent.

          Et c’est lui qui le dit.



  • jeudi 11 mars 2010 à 14h39, par un-e anonyme

    Comment ont-ils fait leur pub ? Panneaux ? TV ? Ou seulement magazines ?

    Les gens sont fous... de « joie » ? Qu’en pensent-ils lorsqu’ils se voient ainsi ?

    Est-ce que c’est les soldes en même temps ? Ou c’est simplement le 1er jour de vente de la collection Sonia Rykiel ?

    L’Homme, évolution du primate, est un animal grégaire ; ça ne fait aucun doute.

    • jeudi 11 mars 2010 à 14h51, par un-e anonyme

      ils ont acheté le métro parisien... (lentreprise.com)

      et une tonne d’affiches

      Pas l’impression qu’il y ait eu des spots TV.

      Autre question : qu’en pensent les vendeurs ? Comment gèrent-ils une telle situation (sans gaz lacrymo) ?

      • jeudi 11 mars 2010 à 14h57, par un-e anonyme

        Finalement ils ont de bons résultats sans beaucoup d’effort publicitaire. Ça me fait penser aux goinfres d’Apple, tous atomisés par les iPub ; paix à leur âme.

        • jeudi 11 mars 2010 à 15h49, par JBB

          @ Anonyme de 14 h 39 : « Qu’en pensent-ils lorsqu’ils se voient ainsi ? »

          Bonne question.

          « Ou c’est simplement le 1er jour de vente de la collection Sonia Rykiel ? »

          C’est bien ça, le premier jour de vente. Remarque : pas besoin d’en organiser d’autres, tout est parti.

          @ Anonyme de 14 h 51 : bien vu, j’ignorais pour le métro.

          Pour les vendeurs et vendeuses, ça doit être chaud. A Toulouse, la police a fini par intervenir ; ailleurs, je ne sais pas.

          @ Anonyme de 14 h 57 : c’est marrant, ça m’a aussi fait penser à ces pingouins qui font la queue toute une nuit devant les magasins Apple pour être les premiers à acheter un Iphone. Mais ceux-là, je crois que leur cas est encore plus désespéré…



  • jeudi 11 mars 2010 à 15h42, par Isatis

    Bon, ben c’est pas ma journée ! Déjà Lémi nous explique que le monde de l’édition c’est « le diable s’habille en prada » et maintenant v’là JBB qui nous offre à voir la connerie humaine dans ses grandes œuvres. Pisque c’est ça, je redescends à l’étage en dessous me faire un p’tit coup d’Odetta, na !!

    • jeudi 11 mars 2010 à 15h50, par JBB

      Tant qu’il reste un refuge, c’est que tout va bien.

      Et en matière de refuge, Odetta est un très bon choix : j’arrive !

       :-)



  • jeudi 11 mars 2010 à 16h39, par S

    Pour celui qui a dit La phrase, je me souviens plus non plus.. mais ça m’a rappelé celle de Céline : « L’amour c’est l’infini à la portée des caniches. »

    Faudrait pas oublier que la vérité dans tout ça, c’est qu’on est des primates (même vous, mâme Dupont) : chassez le naturel et il reviendra (comme-il-le-pourra). À noter aussi que ce sacré Mammon n’est pas un Dieu, plutôt ce-que-rend-tragiquement-possible un poil dans la main artificiellement intégré (et c’est fameusement sensible comme poil, donc à moins de tirer dessus un coup sec...) Une fois cela considéré, ma foi, ces carnavals de la consommation ne choquent guère plus que ceux encore rétifs à l’Acte. Les autres sont (quant à eux) écœurés, certes, mais ils en ont l’habitude.

    • jeudi 11 mars 2010 à 23h26, par JBB

      « Pour celui qui a dit La phrase, je me souviens plus non plus. »

      C’était moi :-)
      Bien vu, j’ai pris quelques libertés avec Céline. Merci d’avoir retrouvé l’auteur et la phrase originels.

      « donc à moins de tirer dessus un coup sec... »

      Et encore, ça fait mal… Tout au moins : c’est ce que j’éprouve quand je m’arrache ceux du nez.

      « ces carnavals de la consommation ne choquent guère plus que ceux encore rétifs à l’Acte »

      C’est vrai. Et c’est peut-être même une façon de se rassurer. Penser, je n’en suis pas encore là, il me reste de la marge. C’est mon cas, à l’évidence.

      • vendredi 12 mars 2010 à 01h49, par pièce détachée

        @ Jbb :

        La tactique pour apprendre à penser : tirer un coup (à sec) sur l’opercule qui se présente. C’est forcément marqué quelque part : « ouverture facile », même pour les poils de nez.

        Je m’en sers moi-même chaque jour, tout operculée que je suis, avec les brillants résultats que l’on sait.

        Oui ! Toi aussi, accède à la pensée ! Tire sur tes poils ! Accède à l’Acte !



  • jeudi 11 mars 2010 à 20h50, par fred

    Aux vues des images, il y de effectivement de quoi s’interroger sur une réelle capacité de la plèbe à ne pas « tomber dans les grossiers filets tendus par d’avides multinationales ».

    J’imagine même que les quelques libertaires qui empêcherait telle ou telle événement se feraient lyncher sur place... d’où la réelle difficulté de faire le bonheur d’autrui en essayant de démontrer la supercherie grotesque de ce spectacle.

    Souvient toi, ami de lutte, qu’ils/elles organisent même la rupture de leur stocks avant de mettre en vente certains produits (Harry Potter) pour ne citer que lui, afin de faire jouer ce levier d’offre et de demande. Les affres d’un trader du CAC 40 à portée du citoyen. Le bon parent obligé de faire le pied de grue pour ramener l’objet convoité et attention à la vindicte de la couvée si par malheur il revient au nid bredouille...

    Autre débat pas encore abordé dans le fil : ce n’est pas une spécificité féminine que de ce complaire dans cette convoitise hystérique (si si, il y un bien un jeune homme perdu dans la fin de la 1re vidéo). Je pense que la scène serait la même avec des hommes si cela se passait chez un concessionnaire de voiture.

    As-tu ouï le débat de maître Séguela vs Xavier Renou sur France Info en cette fin de matinée ?

    • jeudi 11 mars 2010 à 23h18, par Zlotzky

      « La plèbe »... Je n’en suis pas si sûr. La clientèle de H&M est assez représentative de cette petite bourgeoisie urbaine éduquée qui manifeste par ce genre d’évènement sa frustration légendaire et son complexe vis à vis des classes supérieures auxquelles elle rêve d’appartenir alors qu’elle ne peut que s’y identifier en se travestissant par de ces quelques oripeaux anecdotiques bradés pour l’occasion.
      H&M n’en est d’ailleurs pas à la première du genre. Il y a quelques années déjà ils avaient organisé la mise en vente d’articles en quantités limitées estampillés Karl Lagerfeld qui avait donné libre cours à des scènes dantesques d’hystérie et de crêpage de chignons entre clientes trés CSP+...
      Ce genre de scène, une fois de plus, me fait douter du genre humain et de sa capacité à s’élever vers un minimum de sagesse.
      Le système, malgré la crise structurelle actuelle, a encore de beaux jours devant lui.
      Rendons-donc un service à ces malheureux : qu’on leur offre La Boétie gratuitement avec l’achat de leur prochain E-book.

      • vendredi 12 mars 2010 à 00h30, par JBB

        @ fred : « ’ils/elles organisent même la rupture de leur stocks avant de mettre en vente certains produits (Harry Potter) »

        Oui. D’une certaine façon, c’est le cas ici aussi : en donnant un prestige particulier à une certaine collection (signature Sonia Rykiel), il s’agit bien de la rendre plus recherchée, donc plus rare. Dans le cas d’Harry Potter comme d’Apple (cité plus haut en commentaires) ou d’H&M, je trouve ça plutôt très malin.

        « Je pense que la scène serait la même avec des hommes si cela se passait chez un concessionnaire de voiture. »

        Tu fais bien de le souligner. J’ai été - perso - soulagé de constater qu’il y avait quelques mecs perdus au milieu des femmes. Et je ne doute pas, comme tu le soulignes, que l’hystérie serait la même chez un concessionnaire de voitures ou - au hasard - un symposium de fans de Star-Trek.

        « As-tu ouï le débat de maître Séguela vs Xavier Renou sur France Info en cette fin de matinée ? »

        Non. Mais je dois dire que tu attises ma curiosité. C’était comment ?

        @ Zlotzky : « Il y a quelques années déjà ils avaient organisé la mise en vente d’articles en quantités limitées estampillés Karl Lagerfeld »

        Oui, il y avait eu des précédents. Je copie-colle d’ailleurs le texte de promo trouvé sur un site quelconque :

        Car si H&M a ces dernières années ouvert ses portes à Karl Lagerfeld, Jimmy Choo, Viktor & Rolf, c’est la première fois que l’enseigne dévoile une collection de lingerie exclusive. Un pari pour la marque et un sacré coup de pub pour Sonia Rykiel qui nous promet un show haute-couture ce soir.

        « avait donné libre cours à des scènes dantesques d’hystérie et de crêpage de chignons entre clientes trés CSP+ »

        Tu me donnes envie, là…
        Tu n’as pas vu passer de vidéo ?

        « qu’on leur offre La Boétie gratuitement avec l’achat de leur prochain E-book »

        La Boétie, ok. Mais relooké par qui ? :-)



  • jeudi 11 mars 2010 à 21h48, par Guy M.

    J’espère que ton coup de mou est passé.

    (Quelle idée aussi de regarder des trucs comme ça... Ouais, je sais la conscience professionnelle, l’abnégation jusqu’au-boutiste du zinzin fluent...)

    Ta hache devrait être bien affutée maintenant.

    On arrive.

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

    • jeudi 11 mars 2010 à 23h38, par JBB

      Pour le coup de mou, il n’est plus qu’un lointain souvenir : un carburant efficace (tu devines lequel…) m’a remis sur les rails. Je ne brûle plus que de me servir de ma hache (bien affutée, oui), encore et encore. Il suffit de me trouver des cibles, et hop : je les explose !

    • vendredi 12 mars 2010 à 00h19, par pièce détachée

      @ Guy :

      Ah oui merci bien ! Hier soir à minuit et plus, j’ai longtemps serré mes petits poings sur le billet de JBB, et pour me distraire je suis tombée sur quoi ? Que si les hommes tabassent les femmes, c’est pour faire fructifier leur investissement de mâles reproducteurs, auquel ils ne peuvent rien, vu que la fonction « taper-la-femme » est incrustée dans leur lard génétique (si JBB n’a pas tout compris, c’est à toi de voir).

      [Je voulais envoyer ce commentaire sous celui de Guy, mais comme il arrive parfois, c’est affreux : je me retrouve devant une page striée de barreaux bleu-police, d’où tout le confort raffiné d’Article XI est exclu. Ça n’arrive qu’à moi ? ]

      • vendredi 12 mars 2010 à 00h23, par JBB

        Pièce détachée, j’ai déplacé ton commentaire, qu’il tombe juste sous celui de Guy.

        « Ça n’arrive qu’à moi ? »

        J’espère juste que ça n’arrive pas trop souvent. Le cache du site se remplit trop vite, ces temps-ci, et ça commence à me donner quelques sueurs froides.
        Quand ça arrive, le mieux est sans doute de sauvegarder ton commentaire, de fermer la page, d’en ouvrir une nouvelle et de revenir à la charge en copiant le texte que tu as sauvegardé. J’aimerais te proposer une solution plus efficace, mais je suis vraiment trop nul en matière informatique…

         :-)

        • vendredi 12 mars 2010 à 02h21, par pièce détachée

          T’inquiète. C’est très, très sporadique, ça ne dure pas longtemps, et ça ne fout pas tout le site en l’air.



  • vendredi 12 mars 2010 à 08h56, par fred

    à Zlotsky

    « La plèbe »... Je n’en suis pas si sûr. La clientèle de H&M est assez représentative de cette petite bourgeoisie urbaine éduquée

    Pour l’expérience et l’observation que j’en ai, du moins à Strasbourg, ce n’est pas la petite bourgeoisie urbaine qui fréquente les H&M, ou alors malgré elle : « Les personnes qui, ces dernières années, faisaient les magasins dans des boutiques plus chères se reportent vers les magasins H&M en raison de la récession » analyse également Anders Wiklund dans un article de Libé.

    En fouinant sur le net, j’ai trouvé des posts sympa, du genre :

     × “Plus ça va et moins j’aime mon H&M de banlieue. On dirait qu’ils nous refourguent les vieux trucs moches en trop des H&M Parisiens dis donc.”

    Ou bien à propos de la ligne dessous chic de S Rykiel :

     × “D’ailleurs, dans mon H&M de grande, grande banlieue, il n’y a que des doudounes de ski ! Je vais être obligée d’aller bd St Germain.”

    Je pencherait plutôt sur la volonté commerciale de H&M d’apporter « la bonne parole », de susciter l’envie là où, justement, la plèbe n’allait même pas chercher à savoir si elle avait les moyens d’acheter des choses « à la mode ». Et d’ailleurs, il y a quelques années, elle ne s’embarrassait pas et faisait des autoréductions dans les boutiques du centre ville (Adidas) pour ne citer qu’elle...

    Notre société n’a pas fait grimper les salaires pour que la plèbe ai accès à la mode, c’est le marché de vêtements à bas prix qui s’est adapté à la plèbe, du moins c’est la vision que j’en ai.

    H&M a même une« charte éthique » :

    “Photographiée en train de prendre de la drogue, le mannequin Kate Moss s’est vu refuser le contrat qui aurait du faire d’elle l’égérie de la marque. La charte éthique de l’entreprise et les fondations de bienfaisance qu’elle finance en auraient certainement perdu leur crédibilité. Mais le glamour des publicités omniprésentes dans l’entrepôt fait amèrement sourire Reda. Car une fois son loyer et ses repas payés, son salaire ne lui laisse pas beaucoup de place pour rêver. La mode pour tous à un coût, H&M l’a parfaitement compris. Ses employés en paient le prix.”
    Par François Cardona (article complet de El Watan ici )

    à JBB

    Non. Mais je dois dire que tu attises ma curiosité. C’était comment ?

    Dans la même veine que les précédents mais étonnamment aucune info en ligne :

    Séguéla : « mais faites nous devenir meilleurs, vive la contre-pub »

    Renou :« vous avez fait la publicité des dictateurs africains »

    Séguéla :« attention je vais attaquer en diffamation »

    Renou : « allez-y »

    Renou expliquant que finalement il n’avait pas d’autre solution autre que les dégradations pour faire porter le débat sur un plan médiatique. Toute vraie action contre le système t’exposes à des poursuites judiciaires.

    • vendredi 12 mars 2010 à 12h26, par Karib

      Attendez dimanche prochain pour voir la foule hystérique se précipiter vers les urnes. Les citoyens s’arrachant leurs futurs matons, leurs futurs managers, dans une ambiance de folie collective. Ecoutez-les ricaner, la lèvre torve et l’oeil mauvais lorsqu’ils découvrent un non votant, pis, un non inscrit sur les listes électorales.
      Quant à l’accablement de JBB, qui d’entre nous ne l’a pas éprouvé ? l’envie de tous les tuer, de leur gueuler qu’ils n’ont qu’à continuer comme ça, à se vautrer dans leur purin, qu’après tout, c’est bien fait pour eux, qu’ils ont l’air d’aimer ça, eh bien qu’ils continuent. Et à chacun son remède, le rosé (euh....), Malcolm Lowry, John Coltrane, Hans Memling ou les cantates de Bach. A votre bon coeur.
      Vous je ne sais pas, mais moi, un peu dépressif, un peu maniaque, le lendemain je les aime. Tous. Ou presque. Dans le métro. Dans la rue. Bêbête, je deviens. Coeur de guimauve. Mes frères en humanité. Ceux avec qui nous foutrons en l’air ce gigantesque supermarché malodorant. Barcelone en juillet 1936. Dans deux cents ans (au mieux.) Luddites. Maliens dignes et rigolards. Beautés.
      Allons, un coup de rosé et ça repart...

      • vendredi 12 mars 2010 à 18h14, par damien

        oula oui......

        sinon la bande du 8e parait que l’H&M ?

        ok j’suis plus là :-)

        • vendredi 12 mars 2010 à 20h10, par JBB

          @ fred : « Renou expliquant que finalement il n’avait pas d’autre solution autre que les dégradations pour faire porter le débat sur un plan médiatique. »

          En même temps - mais je peux être de très mauvais esprit, j’ai une très mauvaise image des Désobéissants depuis Strasbourg et les protestations contre l’Otan - , Renou et Séguela se rejoignent pour moi. L’un et l’autre sont prêts à porter n’importe quel drapeau, pourvu qu’il soit médiatique. Et l’un et l’autre font passer l’écume avant le fond. En un sens, je ne les vois pas comme contradictoires. Ou : pas si contradictoires que ça.

          @ Karib : à force de répéter ce genre de choses, je vais finir par passer pour une midinette énamourée (ou pour un midinet énamouré, je ne veux pas être sexiste), mais…

          Dans mes bras, Camarade, j’adore ce que tu écris !

          @ damien : :-)

          • vendredi 12 mars 2010 à 22h09, par fred

            j’ai une très mauvaise image des Désobéissants depuis Strasbourg et les protestations contre l’Otan

            Je ne sais pas, je ne le/les connais pas à part ce que j’en vois à la télé...

            En un sens, je ne les vois pas comme contradictoires

            C’est certain qu’ils font la paire depuis quelques années maintenant...



  • mercredi 17 mars 2010 à 16h59, par un-e anonyme

    L’utilisateur a supprimé la vidéo... :( Dommage je me réjouissais de la voir...

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