ARTICLE11
 
 

lundi 29 novembre 2010

Invités

posté à 22h16, par Mathieu K.
33 commentaires

Droit de réponse : « Génération sacrifiée » ? Sacrifié toi-même
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Il en ras-le-bol, Mathieu. Marre que les médias parlent en son nom et le rangent dans de petites cases mensongères au prétexte de son âge. Marre de cette étiquette de « jeune », qui permet d’infantiliser et de manipuler toute une (prétendue) « génération ». Marre, enfin, de ces raccourcis pas du tout innocents destinés à servir le système. Il le dit ici - colère et cri du coeur.

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Quand nos magazines et journaux sont las de presser chaque semaine les mêmes éponges, préalablement gorgées de l’eau boueuse qu’a laissée la dernière averse ayant fendu l’air du temps, il leur arrive de titrer sur le malaise social du moment. Du malaise glamour et spectaculaire, si possible. Exit les couvertures où se déploie un populisme faussement naïf concernant le fait que les riches sont riches et se connaissent trop bien. Exit aussi les numéros bigrement indécents sur la meilleure façon de se jouer de la flambée des prix de l’immobilier ou sur le classement « top 50 » de ce qui reste de l’hôpital public ; sans parler des séances de veille au chevet du roi à attendre qu’il daigne faire son rôt. C’est le moment que choisissent nos canards pour faire coin-coin à propos du « malaise des jeunes », dressant le portrait d’une jeunesse « sacrifiée » en « mal d’avenir ». Rentrée universitaire oblige, journaleux de tous bords s’appuient sur la nouvelle fournée de statistiques concernant la précarité, le chômage et le mal logement pour déchaîner cette surenchère venant confirmer chaque année que nous n’allons nulle part, de manière à ce que nous soyons tous bien au courant. Soit.

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Gardés à vue

Ce regard jeté sur notre génération apparaît l’être du seul point de vue d’un actif (pris au sens économique du terme). Un actif doté d’un CDI et d’une maison, et s’inquiétant que le jeune ne puisse le rejoindre au sein de ce paradis de l’insertion et de la possession. Ainsi on scrute, on analyse, on dissèque : âge d’entrée sur le marché du travail, proportion de jeunes mal logés, écart de salaires avec les actifs en place, pourcentage de diplômés sur une classe d’âge donnée... L’Insee, l’Ined et toutes leurs copines viennent sentir sous nos bras et vérifier notre dentition, permettant ainsi à d’autres d’établir et de légitimer diagnostics et traitements. RSA, université réformée, CPE, discrimination positive... Pour notre bien. De la même manière qu’on a toujours plaqué sur le tiers-monde des schémas de développement occidentaux, avec le concours d’indicateurs statistiques aux contours d’armes par destination d’un néo-colonialisme offensif, on comprend le « jeune » à l’aune d’une grille d’analyse qu’il faut questionner.

Ce jeune qui trépignerait, les mains moites, dans l’antichambre du marché du travail est en partie une chimère médiatique. Nous travaillons déjà, et ce depuis longtemps pour une bonne partie d’entre nous. A côté de nos études ou à la place de nos études : petit boulot merdique deviendra vrai boulot merdique. L’enjeu n’est pas ici de nier les données macro-économiques concernant le chômage qui frappe nos tranches d’âges, ni les inégalités sociales qui le caractérisent. Mais de souligner que la situation est plus complexe, voire vicieuse. Ce chômage est un formidable outil de pression à la baisse sur nos salaires, et la précarité qui l’accompagne est la clef de voûte de tout un pan de l’économie, notamment le tertiaire. On en viendrait même à douter que quiconque ait un réel intérêt à ce que les choses changent, posture médiatique bien pensante mise à part. Officiellement, on se fait du souci pour nous ; officieusement, notre galère est un poumon économique indispensable. L’exemple des stagiaires est ici outrageusement significatif : 400 euros le mois de travail en fin d’études, soit 2,85 euros de l’heure pour un 35 heures - et avec du dynamisme et de la motivation, s’il vous plaît ! Le Noël permanent du patronat. L’inquiétude concernant nos logements, notre nutrition ou nos loisirs renvoie ainsi aux larmes versées par des industriels philanthropes du 19e siècle concernant les conditions de vie de leurs ouvriers. L’exploitation soutenable maquillée en problématique sociétale.

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Spectres et marionnettes

La mutation du système vers une économie dite de la « connaissance » est - et a été - justifiée par de prétendus défis générationnels. Il s’agissait de sauver une jeunesse, empêtrée dans une inadaptation structurelle par rapport aux désidératas du marché du travail, avec en filigrane l’échec des modèles massificateurs et égalitaristes et l’avènement des doctrines relatives au « capital humain en formation ». La fac est malade, les jeunes sont malades, tu es malade, donc avale ton cachet et va te coucher.
De l’autre côté de l’échiquier social virtuel, la problématique des jeunes « défavorisés », sous-texte poli accompagnant des images de Maghrébins en survêtement, est prétexte à tous les fantasmes. Et s’accompagne de mesures de rétorsion et de l’illusion de nouveaux mécanismes d’ascension sociale, dans des quartiers où les techniciens en charge des élévateurs mécaniques ne s’aventurent plus depuis belle lurette. Pour ceux d’entre eux qui ne veulent pas comprendre tout le bien qu’on leur souhaite, restent la case répression et la prison.
Malheureusement, les sept ou huit stations de métro séparant les biens nés des moins bien nés ne sont qu’un des éléments du fossé réel existant entre eux. Fossé sur lequel travaillent les médias de masse en ne reliant que rarement transgression de la loi et galère du quotidien, différenciant « sauvageons » et « jeunes précaires ». La convergence pourrait être embêtante.

Quant au récent débat sur les retraites, il s’est centré sur le fait qu’il était de la responsabilité de nos gouvernants de ne pas laisser choir sur nos épaules d’affreux déficits tout gros et très méchants. Justifiant et imposant de fait ce que le bon sens économique permettrait pourtant de réfuter. En l’absence totale de sens de l’intérêt général, la politique politicienne se pare de visages juvéniles. Historiquement c’est d’ailleurs souvent entouré de jeunes ou d’enfants que les dirigeants fascistes ont tenté d’adoucir leur image et de justifier l’injustifiable. Problème à résoudre et variable d’ajustement, nous sommes donc aussi un alibi de la réforme et un instrument de communication.
Tantôt brebis égarée, tantôt fraudeur sournois, le jeune justifie alors la réduction tous azimuts de ce qu’il coûte, comme en témoignent les attaques successives sur l’aide sociale ou sur ce qu’il nous reste de minimas sociaux. Tandis qu’on le soupçonne et qu’on le fait parler, une main enfoncée dans l’arrière-train façon Tatayet, le jeune continue à payer taxes et charges sociales, parfois des impôts, et consomme ce qu’il lui reste au gré des niches marketing funs, dynamiques et follement rebelles que lui réservent banquiers, marques d’alcool et autres recéleurs de « choses mortes ». Presque comme un vrai adulte.

Jeunesse « sacrifiée ». On imagine le corps du jeune se vidant de ce qui lui reste de sang, tressaillant des derniers assauts d’un cœur qui s’arrête, au pied d’un autel où un bourreau masqué ferait face à une foule regardant le sacrifié passer l’arme à gauche. Une façon habile d’évacuer l’idée qu’il puisse réellement prendre les armes à gauche. Un mort ne se révolte pas, et les mouvements collectifs auxquels nous participons ne sont que des remake des meilleurs scènes de Romero. La terminologie permettant aux journaleux de caractériser notre génération apparaît comme une castration de toute perspective de conscience et d’action collective. « Les idéologies c’est fini », « Mai 68, tu n’étais qu’un gamète », « La chute du mur, tu as passé des heures à la bûcher pour ton brevet », « Même pas eu l’occasion de pouvoir être trompé par Mitterrand  »... Pas le droit de croire aux idéologies du passé, non plus que d’imaginer un quelconque futur collectif. Déjà mort.

Et quand bien même serait-on tenté de fouler le pavé pour réclamer autre chose que ce à quoi on nous destine, grand soin est apporté à la construction d’une parole médiatique présentant un jeune qui n’y comprend pas grand chose ou fait n’importe quoi. Irrationnel. Du lycéen ne sachant pas pourquoi il manifeste au « casseur » seulement présent pour déborder un cortège pourtant pacifique. De l’étudiant minoritaire et masochiste prenant plaisir à sacrifier ses examens au jeune parfois discriminé et toujours méritant qui s’intègre « malgré tout ». Avec pour paroxysme de ces constructions médiatiques de personnages de fiction, le « scandale » des étudiantes se prostituant pour payer leurs études : livre et série télé à l’appui, il s’agirait ici de dénoncer la précarité étudiante via un propos racoleur et odieux tout en alimentant les fantasmes collectifs les plus dégoûtants - et au passage d’occulter tout vrai débat de fond. Forcément, les milliers de mecs qui risquent leur vie tous les soirs pour livrer chez Pizza Hut, ça ne fait pas bander les quinqua libidineux... Quant au jeune qui oserait encore parler d’action directe ou radicale, il a droit, chaque année et au cinéma, à un blockbuster romantique et haletant réécrivant l’histoire des égéries gauchistes dans un évident sens de répréhension morale de la violence. Habile.

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Prendre sa place dans le trafic

Bien qu’il ne soit pas question ici d’exhaustivité ou d’un empirisme que seul permettrait un travail d’enquête, il faut se demander si ce n’est pas cette rencontre violente avec le marché du travail et avec une certaine réalité sociale et économique qui amène certains d’entre nous à retarder ou à saborder leur véritable insertion - et ce plus ou moins consciemment. Quant à ceux qui sont amenés à travailler tôt, par choix et/ou par obligation, faut-il estimer pour autant qu’ils adhèrent à tout ou n’ont pas de conscience politique (au sens large) ? Cela paraît peu probable. Restent les nantis, qui attendent leur tour dans la longue file d’attente vers le club des possédants. Le postulat qui naturalise l’envie d’une classe d’âge d’être salariée le plus vite possible ne correspond pas à la complexité et à la pluralité de nos trajectoires. Se former longtemps ou refuser de se former, apprendre de manière discontinue et en dehors des parcours scolaires ou universitaires, apprendre par plaisir et sans souci de compétences, travailler à droite et à gauche en fuyant l’engagement de long terme, choisir sa mobilité, travailler par passion, assumer ou subir des périodes d’inactivité, vivre de peu et réduire ses besoins… et surtout, ne pas avoir envie de travailler. Tout cela ne colle définitivement pas avec les indicateurs à l’aune desquels on mesure notre malheur. Indicateurs qui en disent par contre long sur les conformismes auxquels on aimerait voir souscrire les nouveaux « entrants ». « L’insertion » est bien une norme, et non une quelconque logique ou état de nature. « S’insérer », comme si tout revenait à un choix entre dedans et dehors. Marche ou Crève. Avec eux ou contre eux.

Refuser cette norme de l’insertion n’est pas pour autant révélateur d’une quelconque « immaturité ». Comprendre qu’on ne vivra pas d’amour et d’eau fraiche, aspirer à un revenu décent, à un toit et à un certain confort matériel, chercher de quoi occuper son temps : tout cela n’est pas forcément synonyme d’un désir ardent de devenir de la chair à canon salariale. Et quand cette impasse du salariat pousse certains à refuser catégoriquement quelque « insertion » que ce soit, le taux horaire du SMIC en vigueur (une heure de travail, un paquet de tabac à rouler) rend compréhensible le recours à des moyens illégaux de « gagner sa vie ». Dans l’attente fébrile d’un stage ou d’un CDD de deux semaines, comme le voudraient les paroles de la berceuse.

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Forcés à faire du violon

Malgré ces remises en cause, le fondement économiquement injuste et inégalitaire qui préside à la situation des jeunes demeure assez évident. En se plaçant sur le registre des symboles, la jeunesse semble répondre à des fonctions catharsiques transcendant le cadre de cette situation économique et sociale. L’équation est complexe.
D’une part, la religion de la contrition mémorielle qui impose les évocations obsessionnelles d’un passé sanglant – en découle une peur maladive du totalitarisme et de l’opinion extrême qui consacre définitivement le relativisme et la pondération : d’entrée, cela colle mal avec les exigences d’absolus et de révolutions.
D’autre part, la romance d’un passé social et politique agité, qui pose des époques références, indépassables car garantes de l’ascendant de ceux qui les ont vécues sur ceux qui les vivent : la drogue brûle l’énergie révolutionnaire, mais le poids de l’histoire la castre tout autant.
Et pour finir, le désenchantement de l’époque, semblant dire que tout est vain et dérisoire au regard de ce qui a déjà été fait ou - à l’inverse - complètement foiré. Rien n’aurait plus de sens, si ce n’est se prémunir de lendemain qui crachent leurs miasmes plus qu’ils n’entonnent une quelconque chanson. C’est dans ce contexte « festif » qu’on demande aux jeunes générations d’être des forces motrices tout en ayant intégré que la fête est terminée.

En allant plus loin, les multiples articles concernant nos maux apparaissent comme un formidable miroir aux angoisses d’une société projetant ses impasses sur ceux dont elle n’attend plus grand chose tout en continuant à espérer un peu. Sans pour autant verser dans la psychiatrie de bas étage, il faut citer ces parents coincés entre l’envie que leur progéniture dépasse ce qu’ils ont construit et la volonté d’assurer la continuité de leur autorité. En transposant cette dualité à l’échelle d’une société, et compte tenu de la tronche de l’époque, on peut entrapercevoir les équations insolubles qu’on somme les jeunes générations de résoudre. Comme un mélomane frustré qui impose une heure de violon à son enfant récalcitrant et n’est jamais satisfait du niveau acquis par le bambin. Mais parfois, l’enfant finit par éclater le violon sur un mur de sa chambre, avec jouissance et sans se soucier du prix de l’objet.

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La faille et l’interstice

Saluons d’ores-et-déjà la principale réussite des jeunes générations en ce début de 21e siècle : exister dans un monde de riverains, d’usagers et de propriétaires. Il y a une performance certaine dans le fait d’être jeune dans un monde structuré autour de la vieillesse. « Puisqu’on est jeune et jeune, puisqu’ils sont vieux et nombreux  », aurait pu chanter Saez. C’est ce type de raisonnement mélioratif que ne laissent pas filtrer les statistiques sur le chômage et la précarité. Quelle réaction à l’époque construisons-nous quotidiennement ? Il est plus facile de nous imaginer chialer en attendant devant l’abattoir que de se pencher sur la complexité de nos stratégies défensives et offensives.

Il y a pourtant une riposte à la mesure de l’étau. Une intelligence de la faille et de l’interstice, une capacité à exiger l’impossible ayant pu en partie migrer du terrain des mouvements collectifs à celui de l’intime ou du « groupe affinitaire ». Là-aussi, on parle pour nous et on détermine le seuil maximum de révolte créatrice autorisée. Faire de la récup’ devant les supermarché, cela est agréé. Et même, ils aiment à penser que nous répondons à notre paupérisation par le « système D », riposte considérée comme sympathique et inoffensive. Émouvant comme un jouet fabriqué par un enfant avec un pneu, un clou et deux planches. Personnellement, je pencherai plutôt pour ceux qui se servent directement dans les rayons, faisant de la gratuité un art de vivre, impliquant une technicité et une méthode qui imposent le respect. Ça, c’est de la compétence.
Côté activité productive, ils aiment les auto-entrepreneurs ou la coloration éthique et durable des diplômes. Mais ils réprouvent que certains choisissent le RSA comme salaire indirect d’activités qui ne leur rapporteront jamais rien, et le fassent avec un sourire en forme d’ultime provocation. Et ne parlons même pas de ceux qui travaillent le moins possible. A tout prendre, ils préfèreraient les voir faire de l’associatif ou de l’humanitaire ; que les jeunes s’engagent, mais surtout sans s’engouffrer dans l’impasse du combat politique. Ils oublient que la galaxie associative est scindée, et qu’elle compte aussi l’asso’ dans laquelle on s’engage par idéal, en fuyant certaines formes de salariat, ou tout simplement faute de mieux. Cet associatif-là, qui pallie au fait que l’État providence soit sur répondeur, qui parle encore de cohésion sociale et s’aventure là où personne ne va plus. Cet associatif que l’on soupçonne de faire acte de concurrence déloyale vis-à-vis des entreprises, et que d’aucuns souhaitent mettre au pas le plus vite possible.
Et puis, il y a les nouveaux fers de lance de l’industrie de la bonne conscience (Afev, Animafac, Promoteurs du Service Civil, ONG). Comme la mafia qui prend le relais dans les zones sinistrées et fait sa marge au passage, ils arguent de positions humanistes pour mettre leur pierre à l’édifice du sous-emploi généralisé, le chaos social et « le jeune » comme matières premières. L’engagement des jeunes où un monde sépare ceux qui colorent leur trajectoire ascendante d’un stage éthique, et ceux qui vouent leur existence à l’activisme.
Pour ceux qui seraient tentés par cet activisme, on préfèrera qu’ils optent pour le standing du statut de « porteur de projet ». Le droit de demander des sous ainsi que la permission d’agir avec l’obligation de faire des courbettes tout en utilisant la langue du pouvoir et en satisfaisant à son cahier des charges. J’aime à penser que ces jeunes-là ont discrètement les doigts croisés dans leurs dos et ricanent même quand ils sortent du bureau. «  Les aspects positifs des jeunes énergies négatives », chante le groupe de rock toulousain Expérience.
Le rock et les autres soupapes artistiques destinées à la jeunesse, le ministère reconnaît bien leur existence via les appellations « musiques amplifiées » ou « cultures urbaines » - qu’on subventionne (un peu) afin que le jeune puisse se divertir et s’exprimer (un peu). Mais l’effervescence de l’époque en matière de courants musicaux et plus généralement artistiques, la pluralité des formes et des lieux d’expression et l’avènement de la culture du libre et du gratuit font réagir ; comme si nous avions outrepassé la permission de minuit. Qu’importe : les lois répressives apparaissent bien dérisoires en la matière. C’est trop tard.
Et pour finir, le jeune formé à la citoyenneté il y a quelques années sur les bancs de l’école républicaine semble avoir oublié certaines de ses leçons. En témoignent les taux d’abstention aux récents scrutins nationaux, attestant d’un désintérêt massif des jeunes électeurs pour les rendez-vous politiques obligatoires. Officiellement : irresponsables et individualistes. Mais en réalité ?

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Le temps médiatique vit d’une frénétique consommation d’un présent anxiogène, et il laisse peu de place à l’idée que nous puissions créer quand nous ne pleurons pas. Le champ de ruines faisant office de théâtre de nos vies donne à voir une friche symbolique et philosophique sur laquelle nul ne sait ce qui pousse vraiment. Il se peut même que, dans cinquante ans, les petits-enfants de nos journalistes actuels écrivent sur « La folle épopée des années 2000, quand tout était encore possible »... Déclinologie maladive et romance passéiste se passeront alors le relai. Et nous, on se fendra bien la poire, les mains cramponnées sur nos déambulateurs.

S’il est indéniable que le chômage et la peur de l’avenir sont des ennemis équipés et entrainés, évoquer d’autres scénarios qu’une défaite semble impossible pour les plumes des actuels faiseurs de tendance. Lesquelles travaillent et cultivent à l’envi le fossé censé séparer les générations. Les jeunes sont précaires, pauvres et flexibles ? C’est aussi le cas d’une grande partie des actifs, tous âges confondus. Et il faut se demander si cette catégorie sociologique et médiatique du « jeune » n’est pas une construction artificielle de plus au service d’un certain ordre social : l’opposition entre jeunes et vieux est décidément bien utile à la castration de tout ce qui dépasse. À l’image des figures de « l’étranger », du « profiteur » ou du « délinquant », participant chacune à leur manière à la survie du système social et économique, et ce au-delà de leurs éventuelles réalités statistiques. À quoi et à qui sert le jeune, alors ? Pour piste de réponse, un ami me renvoyait récemment aux travaux du dénommé René Schérer qui s’est posé la question suivante : « Parlons nous d’enfant ou de mineur ? » Au sein des rapports de domination, de subordination et à l’aune des mécanismes de tutelle à l’œuvre à l’école, chez le banquier, au travail ou en maison de retraite, n’y a t-il pas une continuité entre le statut de mineur et de celui de citoyen/salarié ? Est-ce que le premier sas n’est pas un simple conditionnement au second ? Ne restons-nous pas mineur toute notre vie ? Au-delà des âges et des humeurs transitoires, il y a là sans doute un défi à relever, dans le dépassement de ce qu’on associe abusivement à cette étape de la vie et dans la déconstruction de l’articulation prétendument logique et naturelle entre jeunesse et âge adulte, entre fougue irrationnelle et renoncement conformiste.

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Pour conclusion, cette lettre reçue hier de la part de mon copain le banquier :

« Bon anniversaire !

25 ans, une étape importante, vous allez ou venez d’entrer dans la vie active.

Les propositions du crédit agricole franchissent aussi à cette occasion une étape :

- Vos attentes par rapport à la gestion de vos comptes ont sans doute évolué ?
- Vous avez peut-être des projets immobiliers ?
- Vous souhaitez vous installer dans la vie active ?

Pour répondre à vos interrogations je vous invite à me rencontrer le plus rapidement possible.

Vous souhaitant une nouvelle fois un heureux 25e anniversaire !

Votre directeur d’agence. »

Cher directeur d’agence, ça me fait plaisir que tu penses à moi, même si je ne comprends pas tes mots.

Cher directeur d’agence, il y a des sentiments et des phrases que la lucidité et la raison inhérentes à l’époque dans laquelle j’ai grandi m’interdisent, mais je vais tout de même tenter de t’en livrer l’essence. Cela me coûte beaucoup, donc excuse ma fébrilité.

Cher directeur d’agence, j’ai 25 ans et je t’emmerde.


COMMENTAIRES

 


  • Magistral. Merci, ça fait du bien de lire de temps en temps ce qu’on pense depuis longtemps.

    j’ajouterais deux précisions statistiques qu’il est bon de rappeler

    On parle de 25 à 30% de « chômage des jeunes ».
    Mais c’est 30% des jeunes considérés comme actifs qui sont au chômage. Or, quel part de la population des jeunes est considérée comme active : 30%. Le reste est en formation ou en études. Ce sont bien sûr ceux-là les plus touchés par la destruction sociale généralisé, mais ce n’est que 8 à 10 % de la « jeunesse » qui est du coup au chômage, rien de bien énorme comparé au reste de la population.

    Et au passage, on parle également du chômage de masse. Dans les années 60, idéalisées par les déclinologues aujourd’hui, quelle part de la population travaillait ? 67 % : les femmes ne travaillaient pas encore. Aujourd’hui, la population active, c’est 76%.

    On est de plus en plus à être « actifs » (sens économiste) et les jeunes ne sont pas plus touchés par le manque de travail que les autres.

    De là à croire qu’il y aurait comme qui dirait une certaine propagande pour nous conforter dans notre rôle de mineurs sociaux, devant être démunis, mais surtout ne pas dire « exploités », face à un chômage écrasant qui nous force à accepter des travaux plus flexibles, surtout ne pas dire « pression constante à la baisse sur les salaires », il n’y a qu’un pas.

    Mais ne nous inquiétons pas, si même dans nos « société de vieux » comme les nôtres en Europe on arrive encore à créer du nouveau, à innover, il n’y aucun souci à se faire, .. enfin, pour « Eux » si !



  • Pas fini de lire l’article, mais j’ai déjà pris ma claque et je voudrais pas oublier ce que je voulais illustrer à propos des stagiaires.

    Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai vu des responsables combler les équipes de développement avec des stagiaires (je travaille dans l’informatique) pour faire les basses besognes comme cracher des lignes de code par palettes, et souvent livrés à eux-mêmes.

    Facilement influençables, parfois zélés, c’est du pain béni pour les responsables désireux de se rallonger la marge.

    Cdlmt



  • mardi 30 novembre 2010 à 17h59, par le journal des tueursnet

    Balle de manip

    Manifestations : la der des ders
    Dis-moi poupée… Pourquoi est-ce que tu tiens vraiment à manifester Tu ne le sais peut-être pas Mais la rue n’est plus ce qu’elle était Non, je n’ai pas parlé d’insécurité Mais de logique… de rationalité Tu m’entends poupée ? Tu as probablement envie de sécher les cours ? Hein ? Hein ? Pardon… je ne dis pas ça pour te culpabiliser Mais, il est vrai que si les vacances pouvaient se prolonger Ce ne sont pas les moins doués qui vont s’y opposer Non, Je n’ai pas remis en cause ton niveau scolaire Tralalilalère, le facteur est passé ! Moi aussi j’ai été au lycée Voltaire Non, Je ne te demande pas de te taire Mais de m’expliquer avec qui tu es solidaire Non, la cause n’est pas entendue Tu ne vas pas me dire alors que tu n’as même pas encore mis un pied dans la vie, que tu songes déjà à la sortie ! Non, ce n’est pas un sous-entendu, tu m’as bien-entendu Tu ne fais rien d’autre… que ce que font les autres Et ils ne font rien d’autre que ce que tu fais… moutonner… non ! Je n’accuse personne… Je ne suis pas Zola ! Mais je dis que tous ces jeunes gens s’abusent et nous abusent Qu’ils ne se sentent même pas concernés, mais ils font comme si ! Non, je n’ai pas dit qu’il y avait quelqu’un derrière Mais je dis, qu’il n’y a personne pour prendre les devants Taper du poing, et dire ce n’est pas ici mais c’est là que ça se passe… une faculté de discernement pour ne pas avancer des arguments, économiquement grotesque du lycéen qui se bat pour que son vieux lui cède sa place deux ans avant l’échéance. Oui… si tu veux, je peux d’ailleurs te le dire les yeux dans les yeux… Vous n’avez aucune conscience politique Non... je ne suis pas rabat-joie mais j’ai du mal avec les petits bourgeois qui tissent leur toile sur le net non seulement pour changer de look mais pour échanger leurs prouesses sur face book ! Le réel, ils n’y ont même pas accès et même l’imaginaire ils ne savent plus ce que c’est. En revanche, le virtuel, ce qui n’existe pas les fait tripper, kiffer et prendre leur pied. Tu as peut-être envie de voir un peu plus ton petit ami ? Et alors… nous avons TOUS des raisons qui n’ont rien à voir avec la raison de TOUS Non. Je n’ai jamais dit que tu étais manipulée Jamais et sais-tu pourquoi ? Parce que je suis entrain de le faire… Ah…Ah !!! Et en te l’avouant… je te manipule encore davantage pour te faire faire ce que tu ne fais pas… ce que tu ne sais pas faire… bouger vraiment ton cul pour faire bouger les choses ! La conscience politique c’est la fin de la conscience magique Ce n’est pas une poupée mais une épée Je viens de changer de vitesse, tu l’as remarqué ? Je ne te manipule plus…Je t’instrumentalise… Je me sers de ta petite volonté pour exprimer et renforcer la volonté générale… non ! Pas celle de la majorité… mais la volonté de vérité. Pour que tu puisses apporter à ton tour Ta petite pierre à l’édifice Non ce n’est pas pour ou contre le palais Mais pour la justice Oui pour la justice et il n’y en a qu’une et elle est bafouée !

    http://www.tueursnet.com/index.php?...

    Voir en ligne : la der des ders



  • « Cher directeur d’agence, j’ai 25 ans et je t’emmerde. »

    Belle conclusion ! Tout est dit et bien dit. Respect d’un vieux con qui n’a pas su en dire autant bien des fois.

    • mardi 30 novembre 2010 à 22h45, par mathieu.k

      Je précise juste qu’entre avoir envie de dire merde et le faire il y a parfois un putain de fossé. Ca n’empêche pas d’en avoir envie souvent. Et puis reste que c’est une envie transgénérationnelle : c’est toujours ça de pris. Bref.



  • mardi 30 novembre 2010 à 21h19, par pièce détachée

    On lit, on bout d’impatience de remplacer « jeune » par « vieux ». Chaussons nos bésicles de feignasse-copier-coller et voyons voir...

    « Le postulat qui naturalise l’envie d’une classe d’âge d’être salariée le plus [longtemps] possible ne correspond pas à la complexité et à la pluralité de nos trajectoires. Se former longtemps ou refuser de se former, apprendre de manière discontinue et en dehors des parcours scolaires ou universitaires, apprendre par plaisir et sans souci de compétences, travailler à droite et à gauche en fuyant l’engagement de long terme, choisir sa mobilité, travailler par passion, assumer ou subir des périodes d’inactivité, vivre de peu et réduire ses besoins… et surtout, ne pas avoir envie de travailler. Tout cela ne colle définitivement pas avec les indicateurs à l’aune desquels on mesure notre malheur. [...] Côté activité productive, ils aiment les auto-entrepreneurs ou la coloration éthique et durable des diplômes. Mais ils réprouvent que certains choisissent le RSA comme salaire indirect d’activités qui ne leur rapporteront [toujours] rien, et le fassent avec un sourire en forme d’ultime provocation. Et ne parlons même pas de ceux qui [ont toujours travaillé] le moins possible. A tout prendre, ils préfèreraient les voir faire de l’associatif ou de l’humanitaire ; que les [vieux] s’engagent, mais surtout sans s’engouffrer dans l’impasse du combat politique. »

    Ta « galère [croulante] est un poumon économique indispensable » qui nous « coûte [depuis longtemps] trop cher » ? T’es toujours pas entré(e) dans le « paradis de l’insertion et de la possession » ? Même pas d’un conjoint ? Même pas d’un gosse ? T’as raté ta vie alors (et le cas échéant t’es pas une vraie femme)... Au lieu de radoter avec tes vieilles lunes ou d’esquisser des sauts périlleux à venir en foutant la honte au Club des Heures d’Automne, tu ferais mieux de montrer la voie aux « jeunes » en t’inspirant de la Ligue de l’Enseignement !

    Ben oui, ça marche. L’auteur de ce billet brillant n’a pu manquer de s’en rendre compte... La lecture touche à sa fin... et...

    « [...] il faut se demander si cette catégorie sociologique et médiatique du « jeune » n’est pas une construction artificielle de plus au service d’un certain ordre social : l’opposition entre jeunes et vieux est décidément bien utile à la castration de tout ce qui dépasse. »

    Yep ! Sourire du dentier dans le verre ! — Et qu’on ne compte pas sur les vioques de mon acabit pour jouer leur rôle dans cette mystification en « donnant l’exemple » (argh) aux « jeunes ».



  • mardi 30 novembre 2010 à 21h40, par un-e anonyme

    je voulais lire cet article mais le module Firefox ghostery m’a annoncé qu’il avait bloqué l’outil statistique de flicage google analytics. J’hallucine qu’un site qui dénonce le flicage généralisé le pratique avec cet outil de merde. C’est une honte !!!! Vous êtes malhonnête !!! Adieu

    • mardi 30 novembre 2010 à 22h43, par JBB

      Oui oui oui.

      Adieu.

      (Et n’oubliez pas de claquer la porte en partant, hein....)

      • mercredi 1er décembre 2010 à 08h43, par un-e anonyme

        tiens, je reviens quand même voir s’il y a une réponse et elle est là, merveilleuse ! Aucun remord je vois. Quand c’est les autres qui fliquent, vous dénoncez. Quand c’est vous, ça vous va. Le moins qu’on puisse dire, c’est que vous êtes bien dans votre époque, bien dans vos pompes (des bottes qui font de plus en plus de bruit d’ailleurs, que tout le monde semble avoir chaussé dans cette société qui part à vau-l’eau). Ce que vous faites est immoral et en plus, vous assumez. Toute une époque...
        Et les autres lecteurs, ceux qui sont fliqués par vous, ils disent quoi ? Ils ne répondent pas à mes messages ? Ca leur va ? Ca les choque ?

        • mercredi 1er décembre 2010 à 09h24, par JBB

          Ce qu’on fait est immoral ? Sans déconner....

          Je ne l’utilise pas, Google Analytics - je l’ai installé quand on a lancé le site, parce qu’on m’avait dit que le compteur de visites de Spip n’était pas précis (en passant, d’ailleurs, Spip conserve toutes les adresses IP : ce n’est pas du flicage, ça ?). T’es le premier à parler d’un problème avec ce machin, et le ton sur lequel tu le fais n’incite pas vraiment à t’écouter avec sympathie ou intérêt. Mais si - quand même - t’es capable de me filer un lien (je veux dire : un article argumenté, hein) expliquant pourquoi il faut le virer, ou si tu t’y colles toi-même de façon convaincante, il sautera.
          Mais ton ton méprisant et tes grandes leçons, tu te les gardes. On n’a des comptes à rendre à personne, sauf à nous-mêmes : c’est l’avantage de faire les choses par passion. Nos bottes, ce sont celles de gens qui ont passé des dizaines de milliers d’heures à faire vivre ce site, sans rien attendre en retour ; je doute un brin que ce soit le trait de cette époque que tu évoques, hein....

          • mercredi 1er décembre 2010 à 11h58, par wuwei

            Je soupçonnais depuis longtemps qu’Article XI était une antenne camouflée du « sinistrère » de l’intérieur. Maintenant grâce à XXXX j’en suis convaincu !

          • mercredi 1er décembre 2010 à 14h46, par A.S. Kerbadou

            Si ce moyen permet de savoir lesquels infestent le site de leurs marqueurs de merde-colle-au-train, non seulement, je ne le virerai pas mais, surtout, j’en ferai grand usage pour les cibler, en plus du comptage des visiteurs !

          • mercredi 1er décembre 2010 à 16h48, par tOrdReLoRdrE

            Pour compenser les ronchons, Porquet du Canard vous lange de louanges comme si vous étiez ses petits canetons, bah faut pas rougir, hein...

          • mercredi 1er décembre 2010 à 20h34, par un-e anonyme

            « Ce qu’on fait est immoral ? Sans déconner.... »
            Le pauvre chou... Ne crois pas que parce que tu t’entêtes ça te donne raison ! Et inutile de rameuter tes potes pour faire en sorte que le poids de la majorité remplace la vérité.
            Quant au ton, j’ai déjà remarqué que c’est très important pour la petite-bourgeoisie : les formes... Et le fond, tu y penses des fois, au lieu de faire le mariole à affirmer très fort tes opinions en espérant emporter la mise des opinion sur la forme ? Et ainsi faire oublier le problème de fonds du flicage ? Tu veux un article là-dessus ? Trop bon, tu fais des sites mais tu n’es pas au courant du b-a ba. J’ai du mal à y croire... Mais peut-être après tout. Je fais des articles mais pas sur ton site, et ça croit moi c’est pas demain la veille, et j’ai autre chose à faire que d’enfoncer des portes ouvertes.
            Merci de laisser mes commentaires parce que je fais tourner à mon carnet d’adresses. Puisque t’assumes tout, ça ne devrait pas te poser de problème !

            Et pour moi, c’est le dernier message.
            Hallucinant, les grands contestataires qui utilisent google analytics... Allez ouste !!!

            • mercredi 1er décembre 2010 à 20h41, par JBB

              Oui oui oui, t’es super convaincant....

              Un, les mecs sont pas mes « potes ». Deux, t’as toujours pas expliqué en quoi c’était du flicage - et je gage que tu n’en sais rien. Trois, sauve-toi maintenant. Allez, hop.

              • mercredi 1er décembre 2010 à 21h54, par un-e anonyme

                Et ne claquant pas la porte, p’tain, j’ai les doigts dans le chambranle !

        • mercredi 1er décembre 2010 à 13h42, par Captp

          Heuuu mouais...

          Dis cher inconnu, quand t’as installé cet outil, tu t’es sorti un peu les doigts pour comprendre comment il fonctionne ? Genre toi si on te file un flingue, tu regardes pas de quel côté faut placer le canon... attention tout de même, une petite astuce : pour l’exemple, t’as pas de deuxième chance si tu te plantes.

          Utilise ta tête avant tes tripes, et ça ira bien mieux. Même si le mélange des deux est aussi fortement conseillé. Les coups à chaud, tout le monde connait.

          Zénitude, humilité, et un peu de jugeotte aussi...

      • mercredi 1er décembre 2010 à 10h35, par nina

        alors ça c’est bizarre
        pcq moi aussi j’ai ghostery sur FF,

        que j’ai préalablement débarrassé de tout ce qui concerne gogol (et yahooetc cf. about:config),

        et même NoScript et même AdBlock

        et je lis Article11 comme un charme
        même les jours où les RSS sont en vrac
        et même en papier orangébleu ;))



  • Super article ! Et bon anniversaire ! Fais gaffe, t’es presque vieux.

    cette surenchère venant confirmer chaque année que nous n’allons nulle part, de manière à ce que nous soyons tous bien au courant.

    ... de manière à ce qu’on soit bien au courant qu’il n’y a nulle part où aller.

    R. Redker, dans une tribune dans le Monde à propos de la réforme des retraites : « Le lycéen sait bien que la société n’a plus aucune perspective enthousiasmante à lui offrir. Mais il pense qu’existe un au-delà à cette vie déchiquetée entre emplois précaires et chômage : la retraite. »
    Jeune, sache-le, ta vie est déchiquetée. Ceci non pour dire qu’il faut se battre contre la réforme, ou, plus généralement, pour ouvrir des « perspectives », mais, évidemment, pour que rien ne se passe : ai conscience qu’il n’y a rien, et alors tu verras bien qu’il n’y a rien.

    Paul Nizan, Aden Arabie :

    Nous ne sommes pas satisfaits d’avance des métiers auxquels on nous dresse avec promesse de maigres salaires. Nous avons peur de ce qui va nous arriver : la belle jeunesse ! [...]

    Voici : nous allons entrer dans une prison dont nous n’arrivons pas à imaginer dans tous ses détails le régime. Quel jeune homme pensant à une prison devine ce qui se passe dans chaque cellule : ce n’est pas à vingt ans qu’on sait mettre la main sur les choses particulières, sur les événements singuliers. Mais nous en pressentons assez pour étouffer. Nous ne sommes pas malades d’illusions : des diminutions et des contraintes réelles menacent et nous ne savons pas les dénombrer. [...]

    [...] Nul moyen de comprendre que nous souffrons du désœuvrement de nos besoins humains. Nos maîtres paraissent inébranlables, les machines qui laminent toutes les existences trop bien jointes pour être brisées. Mais si nous ne faisons rien, le chômage va durer toute la vie. Que nous arrive-t-il ? Que ne nous arrive-t-il pas ? Il est dur d’être une boussole affolée par un orage ou une aurore boréale, tournant vers les points cardinaux, dans une ombre traversée de sonneries, de feux, de cris, où la folie fait la belle et montre aux coins des rues son visage avenant.



  • mercredi 1er décembre 2010 à 15h40, par un-e anonyme

    ET pis il est pas con hein ! avec des mots super durs, des catharsis et tout et tout !

    Le premier article que je lis sur Article 11, ça commence vraiment mal. Quel bavardage prétentieux ! ouf ! J’ai pas réussi à atteindre le dernier enfonçage de porte ouverte.
    Et dire que j’ai failli m’abonner les yeux fermés !
    J’espère que vous publiez autre chose que des poseurs qui s’écoutent.

    • mercredi 1er décembre 2010 à 16h18, par un-e anonyme

      la vache, article 11 a dégoté un client de Walmart

      http://blog.emceebeulogue.fr/post/2...À-qui-profite-la-crise-Un-exemple-typique%3A-Wal-Mart

      • mercredi 1er décembre 2010 à 17h12, par un-e anonyme

        les clients de walmart, gros malin, c’est les ouvriers et les chomeurs, ceux qui n’ont pas de thune pour aller au marché bio. Une classe censée etre importante pour la gauche. Enfin, une certaine gauche, pas le PS bien sur, avec ses représentants qui grugent leur déclaration d’impôts pour pas payer l’ISF, ou qui collectionnent les roleix.
        Alors oui, les clients de Walmart, les poseurs ça les gavent. personnellement, j’ai lu des choses justes, certes, mais somme toute banales, enrobées de phrases verbeuses et tape-à-l’oeil pour impressionner le prof et essayer de montrer qu’il n’est pas immature comme le disent les médias. On va dire que je refais le coup de la condescendance aux jeunes, OK d’accord, mais là c’est vraiment tendre le bâton...

        • mercredi 1er décembre 2010 à 18h16, par un-e anonyme

          je ne comprends pas « pour impressionner le prof »

          on n’est pas à l’école ici.

        • mercredi 1er décembre 2010 à 18h50, par un-e anonyme

          Je me permets de te répondre ayant écrit l’article.

          « Alors oui, les clients de Walmart, les poseurs ça les gavent. »

          J’étais encore ce matin dans mon casino habituel, et personne ne m’a sauté dessus pour me faire bouffer mes tripes sous prétexte que je serais un immonde poseur. Demain je m’afficherai l’article sur le torse pour voir si les prolétaires qui vont au walmart s’insurgent contre le fait que j’écrive des billets d’humeur.

          Car c’est bien de cela dont il s’agit : différencier des articles de fond, des billets d’humeur, des réflexions... Je n’ai aucune prétention de révolutionner les sciences humaines, bien au contraire. Je sais trop ce que ce boulot implique pour y prétendre. Par contre enrober des pensées et des réflexions d’une forme qui me semble pertinente afin de les soumettre au débat, ouais je trouve cela utile. Existe aussi des articles qui mélangent les sciences humaines et l’empirisime du quotidien, démarche que j’aime bien. Est-ce qu’un groupe de musique DIY qui pratiquerait un post punk cradingue doit forcément mal jouer ses accords pour apparaître intègre et pertinent ?

          Quant à parler au nom des prolétaires qui vont au walmart, tout en fustigeant les rolex du PS, ça me fait doucement relativiser mon verbiage tape à l’oeil en renvoyant aux rengaines médiatiques les plus stériles. A chacun son conformisme apparemment.



  • vendredi 3 décembre 2010 à 21h03, par ZeroS

    Puisqu’on parle de sacrifice des jeunes, voilà du concret, copier/coller d’un mail reçu :

    Bonjour,

    Parce que vous faites partie des nouveaux volontaires engagés dans une mission de Service Civique avec Animafac, nous tenons à vous informer de la situation incombant au versement des indemnités.

    Comme expliqué lors des premières formations civiques, le Service Civique est un dispositif nouveau mis en place durant l’été. Il s’avère aujourd’hui que l’Administration en charge du paiement des indemnités n’a pas suffisamment anticipé la montée en charge de ce nouveau dispositif en faveur des jeunes. Elle accuse donc aujourd’hui un certain retard dans l’enregistrement des dossiers de volontaires, ce qui retarde le versement de la première indemnité.

    Nous avons d’ores et déjà informé l’Agence du Service Civique de la gravité de cette situation et nous restons mobilisés auprès d’eux pour qu’elle soit résolue au plus vite. Sous la pression conjuguée d’un certain nombre d’associations, dont Animafac, l’ASP a d’ailleurs recruté de nouveaux salariés pour renforcer l’équipe chargée du traitement des dossiers.

    N’hésitez pas à revenir vers nous pour nous informer de toute irrégularité que nous pourrions faire remonter auprès des différentes administrations en charge du Service Civique.

    Bien cordialement,

    L’équipe d’Animafac



  • lundi 6 décembre 2010 à 14h40, par JCharles

    Magistral !
    Et en plus pour un jeune de 25 ans, que de talent :-)



  • mardi 5 avril 2011 à 21h28, par un-e anonyme

    J’aime beaucoup comment tu écris. J’écris beaucoup moi-même et, à te lire - la façon dont tu parviens à exprimer la rancœur que tu as et le fossé dans lequel est placée la jeunesse -, je suis même un peu jalouse :)

    • Merci, merci. Ca fait chaud au coeur. Pas de jalousie à avoir, je pense que l’accumulation de fiel ajoutée à quelques profs de français pertinentes au collège donne déjà un joli tremplin. Et chez article 11, ça tombe bien, ils adorent les jeunes plein d’avenir qui se testent.



  • samedi 17 décembre 2011 à 20h02, par un-e anonyme

    Article du petit-bourgeois intello précaire. Chiant comme la mort. Quand les p’tits bourges nous parlent de leur « galère » on rigole.
    Aujourd’hui contestataires, demain cadres intellectuels ou artisans, gérant leur petit capital. On connaît la chanson. Ce crevard de Mathieu K parle de la « jeunesse » comme si la « jeunesse » était homogène. Tu finiras comme tes parents, ces anciens gauchistes héritiers et proprios. Sale petit con de profiteur. Va donc « jouir sans entraves » pendant que triment les prolos.

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