ARTICLE11
 
 

vendredi 26 février 2010

Textes et traductions

posté à 22h36, par T. & Lémi
36 commentaires

« Howard Zinn » : un hommage de Noam Chomsky
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Ce sont deux intellectuels - voix reconnues de cette Amérique contestataire et rebelle - qui ont beaucoup en commun, à commencer par le souhait de mettre l’anonyme à sa juste place : au cœur de l’histoire. L’un est mort, l’autre a tenu à le saluer dans un texte publié il y a peu (et traduit par nos soins). Un hommage bienvenu : qui mieux que Noam Chomsky pour évoquer Howard Zinn ?

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Ce n’est pas la première fois qu’Article11 revient sur l’œuvre d’Howard Zinn, l’historien américain décédé le 27 janvier dernier. Il y a un mois, on saluait sa disparition en republiant (ici) une limpide conférence donnée à Paris. Aujourd’hui, on a choisi de traduire l’hommage écrit que vient de lui rendre Noam Chomsky1. Un texte pour saluer l’homme et le militant, l’historien et son œuvre.


Howard Zinn : un texte de Noam Chomsky

Il m’est difficile d’écrire ces quelques mots sur Howard Zinn, le grand activiste et historien américain s’étant éteint il y a quelques jours. Il a été un ami proche pendant 45 ans, et nos familles l’étaient aussi. Sa femme Roz, emportée par un cancer il y a peu, était également une personne merveilleuse et une grande amie. Et cela m’attriste de constater qu’une génération entière semble s’éteindre, avec la disparition de plusieurs autres amis de longue date : Edward Said, Eqbal Ahmed et d’autres, des érudits intelligents, productifs, mais aussi des militants engagés et courageux, toujours prêts à rendre service lorsqu’on avait besoin d’eux. Et on avait souvent besoin d’eux ; c’est une combinaison essentielle pour qui veut garder l’espoir d’une survie décente.

Ce sont ses propres mots qui résument le mieux l’œuvre et la vie remarquables d’Howard. Il expliquait qu’il se préoccupait avant tout des « innombrables petites actions d’inconnus  » à la base de «  ces grands moments  » qui rentrent dans les annales de l’histoire – des annales profondément trompeuses et sérieusement démoralisantes une fois arrachées à ces racines et après être passées aux filtres de la doctrine et du dogme. Sa vie a toujours été profondément liée à ses écrits, interviews et exposés innombrables. Chacune de ses interventions visait, de façon altruiste, à donner du pouvoir aux inconnus permettant « ces grands moments ». C’est ce qu’il a fait quand il était ouvrier syndiqué, comme à partir du jour - il y a 50 ans - où il est devenu enseignant à l’université Spellman d’Atlanta, en Géorgie, un campus accessible à la petite élite noire de l’époque.

Lorsqu’il a enseigné à Spellman, Howard a soutenu les étudiants à la pointe du mouvement des droits civiques, alors dans ses premiers et plus dangereux jours. Beaucoup d’entre eux ont accédé à une certaine célébrité par la suite (Alice Walker, Julian Bond et d’autres). Ils l’aimaient et le vénéraient, comme tous ceux qui le connaissaient bien. Fidèle à son habitude, lui ne s’est pas contenté de les soutenir – ce qui était déjà rare – , mais il a aussi participé directement à leurs périlleux efforts. La tâche était alors difficile : il n’y avait pas de mouvement populaire organisé, tandis que l’hostilité du gouvernement s’est longtemps manifestée. Le soutien populaire a finalement explosé, en grande partie grâce aux courageuses actions des jeunes qui faisaient des sittings devant les réfectoires, conduisaient les « bus de la liberté » et organisaient des manifestations, bravant le racisme cruel, la violence et parfois la mort. Au début des années 1960, un mouvement populaire de masse a pris forme, avec Martin Luther King dans le rôle de dirigeant : le gouvernement se devait de réagir. Pour sanction de son courage et de son honnêteté, Howard a été exclu de l’université où il enseignait. Quelques années plus tard, il a écrit l’ouvrage de référence sur le SNCC (le comité de coordination non violente étudiante), principale organisation de ces « inconnus  » dont les « innombrables petites actions » ont joué un si grand rôle dans la lame de fond ayant permis à King de jouer un rôle essentiel – comme je suis sûr qu’il aurait été le premier à le dire. Ce qui a conduit notre pays à honorer les amendements constitutionnels du siècle précédent, lesquels avaient théoriquement accordé aux anciens esclaves les droits civils élémentaires (au moins partiellement, nul besoin d’insister sur le long chemin restant à parcourir).

Sur une note plus personnelle, j’ai réellement découvert Howard lorsque nous nous sommes rendus ensemble à une manifestation en faveur des droits civiques à Jackson, dans le Mississippi - en 1964, je crois. Même à cette date tardive, la manifestation a suscité de violentes réactions de l’opinion publique (quand elle n’était pas simplement indifférente), et a vu les autorités fédérales coopérer avec les forces de sécurité régionales, parfois de manière profondément choquante.

Après avoir été exclu de l’université d’Atlanta où il enseignait, Howard est venu à Boston, où s’est déroulée le reste de sa carrière académique. Il était sans conteste le plus admiré et aimé des membres de la faculté sur le campus ; et aussi la cible de l’opposition forcenée et des petitesses de l’administration. C’est seulement des années plus tard, après sa retraite, qu’il a bénéficié d’une reconnaissance officielle comparable au respect que lui ont toujours manifesté les étudiants, le personnel, la majeure partie de la faculté et la communauté universitaire en général.
A Boston, Howard a rédigé des ouvrages qui lui ont apporté une renommée méritée. Son livre Logic of Withdrawal2 (1967) a été le premier à exprimer clairement - et puissamment - ce que beaucoup commençaient à peine à envisager, à savoir que les États-Unis n’avaient aucune légitimité au Vietnam, même pour appeler à un règlement négocié. Ce dernier aurait permis à Washington de garder un pouvoir et un contrôle substantiel dans un pays que ses troupes avaient envahi et déjà largement détruit. Pour Howard, les États-Unis devaient adopter la solution à laquelle tout agresseur devrait se ranger : se retirer et permettre à la population de reconstruire d’une manière ou d’une autre, sur les décombres. L’honnêteté minimum consistait, selon lui, à payer des réparations massives pour les crimes - immenses en ce cas précis - commis par l’envahisseur. Ce livre, Logic of Withdrawal, a eu une grande influence sur l’opinion, bien que son message ait été, jusqu’à ce jour, difficilement compris dans les cercles éduqués de l’élite - une bonne indication de la quantité de travail restant à produire.

Il est très significatif de noter que 70 % de la population considérait, à la fin de la guerre, le conflit comme «  fondamentalement mauvais et immoral  » et non comme une « erreur  » ; un pourcentage remarquable si l’on considère que l’on pouvait alors à peine exprimer un soupçon de cette opinion dans la sphère dominante. Les écrits d’Howard – et, comme toujours, son omniprésence dans les manifestations et la résistance directe – ont été un élément fondamental pour civiliser une grande partie du pays.

À cette époque, Howard s’est aussi affirmé comme l’un activistes essentiels du mouvement contestataire. Il a été l’un des premiers signataires de l’Appel à résister à l’autorité illégitime3, et était si proche des activités de protestation qu’il en a pratiquement été l’un des organisateurs. Il a également participé à la mise en place de « sanctuaires pour réfugiés »4, actions qui ont galvanisé de manière remarquable le mouvement de protestation contre la guerre. Quel que soit le besoin – discours, participation à la désobéissance civile, soutien aux résistants, témoignage aux procès – Howard était toujours là.

Son chef d’œuvre intemporel, Une Histoire populaire des États-Unis, s’est révélé encore plus influent - sur le long terme - que ses écrits et son engagement contre la guerre ; l’ouvrage a littéralement transformé la conscience d’une génération. Dans ce livre lucide, élargissant son champ de réflexion, Howard a soigneusement développé un message fondamental sur le rôle crucial de ces inconnus qui font progresser la paix et la justice. Il s’y est également penché sur les victimes d’un pouvoir qui crée ses propres versions de l’histoire et cherche à l’imposer. Plus tard, ses « Voix » issues de l’Histoire Populaire5, adaptées avec succès à la télévision et au théâtre, ont transmis à un public nombreux les mots exacts de ces gens oubliés et ignorés ayant joué un rôle essentiel dans la création d’un monde meilleur.

Personne n’est parvenu mieux qu’Howard à peindre les actions et les voix de ces gens inconnus. En les faisant émerger des profondeurs où elles avaient été consignés, il a suscité de larges recherches historiques centrées sur les périodes critiques de l’histoire américaine, et même dans d’autres pays ; un développement salutaire. Ce n’est pas tout à fait nouveau – il y a eu des enquêtes érudites sur des sujets particuliers par le passé – , mais rien de comparable à cette évocation ambitieuse et incisive de l’ « histoire par en bas » d’Howard, laquelle a permis de compenser des omissions fondamentales dans l’interprétation et la transmission de l’histoire américaine.

Le dévouement d’Howard n’a jamais failli, même dans ses dernières années, quand il souffrait de graves infirmités et qu’il a dû faire face à une douloureuse disparition. De cela, il ne laissait rien transparaître quand on le rencontrait ou qu’on l’écoutait, infatigable, parler à des audiences captivées, aux quatre coins du pays. Partout où se déroulait un combat pour la paix et la justice, Howard était là, en première ligne, faisant preuve d’un enthousiasme indéfectible, d’une intégrité exemplaire, d’une sobre pudeur, d’éloquence et d’intuition, lançant des piques humoristiques à ses adversaire et prônant inlassablement la non-violence. Il est finalement difficile d’imaginer le nombre de jeunes gens dont les vies ont été bouleversées - et avec quelle intensité ! - par ses réalisations, dans son travail comme dans sa vie.

Il y a des lieux où la vie et le travail d’Howard ont une résonance toute particulière. L’un d’eux, qui devrait être mieux connu, est la Turquie. Je n’ai pas d’exemple d’autres pays où des écrivains, artistes, journalistes, universitaires et intellectuels majeurs ont autant multiplié les preuves de courage et d’intégrité dans leur description des crimes de l’État, ont pareillement adopté la désobéissance civile pour tenter de mettre fin à l’oppression et à la violence, ont risqué - et parfois enduré - une telle répression, avant de retourner à leur tâche. Ce sont des démarches admirables, uniques à ma connaissances, dont ce pays devrait être fier. Un combat qui devrait servir d’exemple, de même que la vie et l’œuvre d’Howard Zinn forment un modèle inoubliable, un modèle qui laissera - à n’en pas douter - une marque permanente sur notre façon de comprendre l’histoire et de mener une existence honorable et digne.


A noter : une autre intervention de Noam Chomsky a déjà été traduite sur Article11, une conférence donnée en septembre 2009 et intitulée « Le Moment unipolaire et l’ère Obama ». A lire ici.



1 L’original est disponible sur le site de Chomsky, partie Articles.

2 Logique du désengagement.

3 Publié en 1967, il a recueilli plus de 20 000 signatures.

4 Sanctuary Actions en VO. Je te copie-colle ici l’explication de l’expression par la lumineuse Pièce Détachée : référence à l’initiative du Révérend William Sloane Coffin Jr. (1924-2006), pasteur protestant et ami d’Howard Zinn, qui, en 1967, exerçait son ministère à Battell Chapel, lieu de culte de l’Université de Yale. Il proposa d’accueillir en ce sanctuaire les réfractaires à la conscription qui refusaient de participer à la guerre du Vietnam et rassemblaient leurs cartes de conscrits pour les envoyer en vrac au Ministère de la Justice.

5 Référence au livre qu’Howard Zinn a réalisé avec Anthony Arnove : Voices of a people’s history of the United State, un recueil de discours et écrits de centaines de personnalités telles que Martin Luther King Jr., Sacco and Vanzetti, Patti Smith, Bruce Springsteen, Mark Twain, Malcolm X…, ainsi que de personnages moins connus. A priori inédit en français.


COMMENTAIRES

 


  • samedi 27 février 2010 à 02h06, par #FF0000

    Un grand bonhomme le Zinn, ça fait aucun doute. A noter que d’autres historiens se placent dans une lignée assez similaire, alliant de façon parfaitement assumée leur activisme politique et leur travail de chercheur. Peter Linebaugh et Marcus Rediker par exemple, auteurs de L’Hydre aux milles têtes, paru en octobre 2008 aux Editions Amsterdam, une histoire « par en bas » des résistances atlantiques à la formation du capitalisme moderne. Je pense à eux parce que je suis en train de faire un compte-rendu du bouquin en question, mais y en a d’autres sans aucun doute. :-)



  • samedi 27 février 2010 à 10h07, par un-e anonyme

    Merci pour cette traduction.

    (ps Chomsky est linguiste pas historien)



  • samedi 27 février 2010 à 12h15, par un-e anonyme

    Tiens... une question que je me pose, tout d’un coup... Est-ce qu’on en France (ou en Europe aussi) quelqu’un qui a écrit « une histoire populaire » ? Comme Howard Zinn l’a fait pour les États-Unis d’Amérique...



  • dimanche 28 février 2010 à 16h34, par gourdin

    Pour chipoter : dire que ce sont des intellectuels est un raccourci problématique.

    On peut dire sans précautions que ce sont des américains, des professeurs, des enseignants, des auteurs, des activistes, des anarchistes, des pédagogues, des résistants, des désobéissants, des personnages publics, des dissidents, etc.

    Mais les résumer à des intellectuels est très problématique. Chomsky a expliqué quel était le rôle des intellectuels, et assurément ces deux personnes ne jouent pas ce rôle.

    L’adjectif est encore plus problématique pour Zinn qui est issu d’un milieu populaire.
    Pour finir, l’intelligentsia à laquelle NC et HZ font partie lutte contre l’intelligentsia dominante. Pour conclure, j’aurais préféré que le lecteur se souvienne qu’ils sont des pédagogues ou des résistants plutôt que des intellectuels, contre lesquels ils ont lutté toute leur vie, et contre lesquels NC lutte encore.

    INTELLECTUEL :
    B. − [En parlant de qqn ; p. oppos. à manuel (ou à un équivalent)]
    1. [Peut comporter l’idée de degré] Qui a, pour les activités de l’esprit, en partic. pour la théorie et la spéculation, un goût affirmé ou même exclusif, au point de rester étranger aux problèmes pratiques.

    « Etranger aux problèmes pratiques », assurément ce n’est pas eux.

    [par ailleurs, dirait-on de Thoreau ou de gandhi qu’ils étaient des intellectuels ? Pourtant leurs oeuvres ont bcp en commun avec nos deux américains (résistance, désobéissance, non-violence, éducation, etc.]

    Bref vous direz que je chipote mais ça me paraît important. Annoncer untel comme un intello ne met pas dans la même situation que l’annoncer autrement ; c’est dommage de se priver de la puissance des mots. [désobéissants est beaucoup plus fort pour l’imaginaire, et permet mieux de comprendre ces personnes.]

    En vous remerciant pour cette rapide traduction.

    • dimanche 28 février 2010 à 16h36, par gourdin

      « L’adjectif est encore plus problématique pour Zinn qui est issu d’un milieu populaire » et qui n’a jamais été intégré au milieu intellectuel des historiens. (son livre n’est pas lu par les historiens)

    • dimanche 28 février 2010 à 17h05, par #FF0000

      Chomsky, c’est un peu le degré suprême de l’intégration académique (professeur émérite au MIT), et une figure intellectuelle majeure (« According to a recent survey by the Institute for Scientific Information, only Marx, Lenin, Shakespeare, Aristotle, the Bible, Plato, and Freud are cited more often in academic journals than Chomsky, who edges out Hegel and Cicero » rapporte Hughes Samuel dans « Speech ! », The Pennsylvania Gazette, juillet/août 2001).

      Quant à Zinn c’est loin d’être un inconnu pour les historiens, je l’ai vu cités dans un certain nombre de bibliographies, c’est pas exactement une référence mais il est pas non plus ignoré. Surtout quoiqu’on veuille bien en dire c’est une référence intellectuelle (de par la nature de son travail - que je sache il transporte pas des sacs de ciments pour vérifier si le boulot des ouvriers du BTP est effectivement éreintant) pour pas mal de monde (y a pas que les historiens non plus).

      Enfin les qualifier d’intellectuels ça n’a rien d’absurde, puisque la nature de leur travail est essentiellement intellectuel. Que Zinn soit issu d’un milieu populaire n’y change strictement rien — ça n’a en fait rien à voir. Et je vois pas trop en quoi le terme de « désobéissant » est pertinent, explicatif ou même « puissant ». On m’excusera de pas vraiment voir de rapport entre Thoreau (Walden, etc.) et Zinn ou Chomsky, profs de facs bien intégrés (ou même des clowns genre Bové ou — dans une certaine mesure — les Disobbedienti).

      • dimanche 28 février 2010 à 18h18, par gourdin

        Ce n’est pas absurde de les qualifier ainsi, c’est problématique.

        Bien sûr ce sont des intellectuels dans le sens « travailler avec sa tête », comme tu le dis, c’est évident et les lecteurs le comprennent très bien.

        Je pointe autre chose, à savoir le fait qu’il est problématique de résumer ces personnes à des intellectuels puisque dans le sens courant, ces personnes luttent contre les intellectuels.

        Ces personnes ne jouent pas le rôle des intellectuels : ce ne sont pas des prêtres qui protègent la vérité doctrinale.

        Il est important de comprendre le pouvoir et de comprendre le rôle des intellectuels. Le mieux c’est de lire Chomsky :
        http://fr.wikipedia.org/wiki/Intell...
        http://fr.wikiquote.org/wiki/Les_intellectuels


        Pour le reste je maintiens ce qu’affirme Zinn lui-même, à savoir que les historiens ne le lisent pas : son livre n’a fait l’objet d’aucune ’review’ par ces pairs. (C’est Zinn lui-même qui le dit !)


        Thoreau, Gandhi, etc. ==> Le rapport, mon cher, c’est la désobéissance et la non-violence : par exemple NC a refusé de payer l’imposition militaire lors de la Vietnam War, à l’image de Thoreau lors de la Mexican War.

        NC indique lui-même avoir été inspiré par Thoreau, qui par ailleurs vivait à quelques kilomètres de Boston.


        Dans le texte traduit ci-dessus par A11, NC explique que HZ n’a pas vraiment été intégré par la Boston Univ., sauf à la fin de sa vie.


        Que Zinn soit issu d’un milieu populaire indique seulement qu’il n’est pas à l’image de l’intellectuel que l’on connaît dans les médias. (fils de... et préoccupé par tout autre chose que le peuple).


        L’intégration de NC au MIT tient à son génie manifesté dans son travail de linguiste : il a révolutionné la linguistique (inné/acquis).

        Elle ne tient absolument pas à son travail d’« intellectuel militant ».

        Suis-je plus clair à expliquer la difficulté à les introduire par intellectuels ?

        • dimanche 28 février 2010 à 18h58, par #FF0000

          J’avais bien compris la première fois, je suis pas plus convaincu la seconde, même à coup de « je maintiens que ».

          Mais si ça se trouve c’est juste la gueule de bois.

          Disons que le discours sur l’ostracisation de Zinn ou Chomsky — façon Halimi ou Mermet — me fait bien marrer, quelque soit la sauce à laquelle on essaye de le faire passer ; ça résiste pas longtemps aux faits (publications et diffusion, statut académique — dans deux des plus prestigieuses universités américaines, etc.). Tu noteras quand même que la catégorie « intellectuel médiatique tel que défini par Chomsky » est discutable — ça en défonce de la porte ouverte ! — et surtout qu’elle ne doit pas écarter toutes autres acceptions du terme « intellectuel », y compris les plus simples, communes et répandues. Désolé de vivre dans un monde où Chomsky n’est pas une référence absolue, et où il se fourre lui-même, de temps à autre, les pieds dans la merde qu’il dénonce.

          • dimanche 28 février 2010 à 19h57, par gourdin

            Chomsky écrit que “le peuple a raison de s’opposer aux intellectuels.” (understanding power). Crois-tu qu’il s’inclut dans ces intellectuels ?


            Je ne comprends pas ton agressivité. J’ai voulu chipoter et ce n’est pas la peine d’être désagréable, mais si ça se trouve c’est juste l’alcool mauvais.

            Je n’écarte pas les autres acceptations (pas plus que je n’avais dit que c’était absurde...), bien sûr ils ne travaillent pas le ciment et peuvent être qualifiés à ce titre d’intellectuels, c’est d’une évidence pour les lecteurs et je te l’ai déjà accordé.

            Je n’ai pas dit qu’ils étaient ostracisés... Simplement j’ai dit comme toi que Zinn n’était pas tout à fait une référence académique (c’est le moins qu’on puisse dire). Zinn lui-même explique très bien ses rapports avec les historiens.

            Quant aux allégations de référence absolue je ne vois pas ce que ça apporte...

            • Désolé, j’ai pas voulu être agressif, je suis juste un grosse boule de méchanceté naturelle, gonflée au préalable d’une quantité juste aberrante de rhum et autres saloperies ; sans parler de mon goût immodéré pour la polémique. :-)

              Ce que je dis, au delà de ce que tu dis sur la nécessité de critiquer les intellectuels tels que défini par Chomsky (qui serait à discuter aussi : doit-on définir Sartre, Foucault, Vidal-Naquet ou Bourdieu comme des intellectuels ? travaillaient-ils pour l’État ?), c’est qu’il y a une sorte d’aveuglement de la critique chez pas mal de monde (je te visais pas personnellement, ou a tort, je rebondissais — sans finesse) dès qu’on parle de Chomsky, une façon malhonnête de présenter sa radicalité qui ne correspond pas à la réalité (il est bien intégré) et une espèce de théorie du complot malsaine à base de « regarder comment on censure le plus grand penseur de notre temps » (Diplo, Mermet), alors même que c’est objectivement faux. Chomsky ne se met bien sûr pas dans les intellectuels qu’il critique, il serait idiot de le faire ; mais peut-être qu’on devrait critiquer son implication personnelle (ou son absence d’implication pratique — territoriale — réelle depuis plusieurs décennies). Ce que je dis c’est que Chomsky, à sa façon (et peut-être très involontairement, ses défenseurs en France n’étant pas d’une finesse incroyable), participe aussi à une forme de dépossession du peuple, sur le mode du « Chomsky à dit », qu’on rencontre souvent dans certains milieux (éstudianto-)gauchistes. Il a un statut (pour certains) d’idole qui me semble très problématique, qui me fait dire que le à l’opposé des intellectuels parce qu’il en fait la critique est un peu rapide aussi. Mais effectivement, c’est du chipotage. C’est surtout moi qui suis allé beaucoup trop vite et trop loin à partir de ta réaction, qui était somme toute légitime.

              • lundi 1er mars 2010 à 10h53, par CaptainObvious

                Alors Chomsky et les autres que tu cite sont clairement des intellectuels comme l’ont été Sartre ou Bourdieu. Ce qui ne l’empêche pas lutter (intellectuellement) contre l’intellectualisme d’ailleurs en remettant le travail des invisibles à leur juste place.

                Par contre je ne vois pas où se trouve la théorie du complot dont tu parles. Ni Zinn, ni Chomsky, ni Halimi n’ont jamais dit que leur positions politiques avaient joué contre leurs carrière (sauf peut être au début comme par exemple le renvoie de Zinn de l’université ou il enseignait).

                Sinon d’une manière générale, il fut un temps, avant la domination des BHL et autres Finkielkraut, où ça n’était pas une insulte de traiter quelqu’un d’intellectuel.

                • lundi 1er mars 2010 à 12h08, par Lémi

                  @ Tous

                  Marrant parfois de constater de quoi naissent les discussions (fort intéressantes par ailleurs).
                  C’est ce gros naze de JBB qui a fait le chapeau parce que j’étais à la bourre. C’est donc lui qui, fort de son éthylisme, a écrit Ce sont deux historiens blalbla. Suite à l’intervention de l’anonyme de 10h07, j’ai corrigé, because c’est vrai que Chomsky n’est pas à proprement parler historien. Comme j’avais pas le temps de corriger plus amplement, j’ai donc utilisé ce mot que j’aime pas trop (même si je suis d’accord avec cette remarque de Captain Obvious : il fut un temps, avant la domination des BHL et autres Finkielkraut, où ça n’était pas une insulte de traiter quelqu’un d’intellectuel.), « intellectuel », faute de mieux. Ca me semblait pas erroné, en tout cas. Et paf, l’armada débarque et refait le monde.
                  Si bien que, si on veut remonter à la source, ce débat est né parce que JBB avait trop dosé son sixième verre de rhum du vendredi soir... La vie est merveilleuse.

                • Bien sûr qu’ils (Le Diplo, Mermet, qqles autres) ne pensent pas qu’il y ait réellement un complot contre Zinn, Chomsky, etc. (attention j’ai pas dit qu’eux même se disaient persécutés, j’ai dis que leurs séides locaux racontaient n’importe quoi, c’est différent) ; ou alors ça tient de la paranoïa (c’est possible cela dit, y a pas d’autres explications aux absurdités de Faurisson et compagnie — pas de raison que les fachos aient le monopole du sentiment de persécution ; mais j’y crois pas trop en l’occurrence). Ca les empêche pas d’en remettre systématiquement une couche sur la terrrrible difficulté qu’il y a à parler d’eux en France (je dis ça en temps que lecteur (et auditeur) régulier du diplo (et de là-bas), c’est un truc que j’ai constaté, et qui se diffuse ailleurs). Ce qui est faux. C’est une très mauvaise façon de critiquer l’État que d’essayer de construire une espèce de camp des baillonnés, comme si le problème était un problème de censure et qu’il suffirait de libérer la parole pour que les peuples se révoltent. Bon, je retourne bosser.

    • mercredi 3 mars 2010 à 23h05, par Candy says...

      Bonjour gourdin,

      Ton commentaire soulève beaucoup de questions dont je ne maîtrise pas nécessairement tous les tenants et aboutissants, mais qui me poussent quand même à prendre le clavier.

      Je vais me contenter d’une tentative de résumé du débat très mouvementé que ton billet a suscité parmi les quelques neurones que je suis parvenu à conserver en vie.

      Une partie de mes neurones partage ton avis, et je ne retranscrirai donc pas leur propos pour ne pas faire double emploi.

      Une autre partie de mes neurones, dont je me dois de signaler pour être honnête qu’ils sont les plus endommagés du lot et qu’ils sont majoritaires à l’assemblée, se rebelle bruyamment et il paraît qu’ils auraient même brisé quelques sièges dans l’hémicycle. Parmi le flot de leurs braillements, onomatopées et bruits incongrus dont le sens m’échappe souvent, quelques idées plus ou moins intelligibles semblent se dégager :

       × Le terme « intellectuel » serait en fait, à en croire ces neurones rebelles, plus que pertinent pour qualifier Howard Zinn et Noam Chomsky, mais le serait beaucoup moins pour les (trop nombreuses) personnes auxquelles ce terme est généralement associé dans la pseudo-réalité dans laquelle nous sommes censés vivre.
       × Le fait que ces deux personnages ne se reconnaissent pas dans l’appellation contrôlée intellectuel® ne signifie en aucun cas qu’ils ne correspondent pas à ce que ce terme signifie. Au contraire, les susnommés se méfieraient de ce terme précisément parce qu’il a été dévoyé.
       × Ce terme s’applique actuellement pour désigner des personnages dont les maigres capacités intellectuelles (dont CaptainObvious cite judicieusement les représentants les plus nuisibles) sont entièrement dévouées à légitimer un système socio-économique qui est, du point de vue intellectuel, une négation pure et simple de l’intelligence humaine, et qui se traduit dans la pratique par un retour accéléré vers un obscurantisme à côté duquel les pires excès du Moyen-Âge feront bientôt figure de phare de la modernité.
       × Lorsqu’Howard Zinn décare que « le peuple a raison de s’opposer aux intellectuels », il sous-entend probablement que le peuple aurait raison de s’opposer à lui-même s’il se mettait à dire des sottises.
       × #FF0000 ne devrait pas traiter le rhum de « saloperie » s’il ne veut pas s’attirer les foudres de l’assemblée, qui fermera les yeux cette fois-ci, eu égard à l’intelligence qu’il déploie par ailleurs dans ses propos.

      En conséquence de quoi, l’assemblée de mes neurones contestataires déclare que le terme « intellectuel » mérite beaucoup mieux qu’une condamnation qui, si elle se justifie dans le contexte d’abrutissement massif caractéristique de notre pauvre temps historique, ne se justifie pas si on l’intègre dans un contexte plus large.

      L’assemblée a tenu à décorer Howard Zinn et Noam Chomsky de l’ordre de la Grande Intelligence Humaine Bafouée.

      Cordialement.
      (P.S. : je ne suis pas légalement responsable des propos tenus par mes neurones rebelles.)



  • dimanche 28 février 2010 à 18h12, par pièce détachée

    « Sanctuary actions » fait référence à l’initiative du Révérend William Sloane Coffin Jr. (1924-2006), pasteur protestant et ami d’Howard Zinn, qui, en 1967, exerçait son ministère à Battell Chapel, lieu de culte de l’Université de Yale. Il proposa d’accueillir en ce sanctuaire les réfractaires à la conscription qui refusaient de participer à la guerre du Vietnam et rassemblaient leurs cartes de conscrits pour les envoyer en vrac au Ministère de la Justice.

    Sur ce personnage on ne peut plus remuant par bien d’autres côtés encore, qui, non content de s’appeler Coffin comme s’il sortait d’un polar de Chester Himes, mettait du poil à gratter partout où il passait — de la CIA aux homophobes en passant par la fille d’Arthur Rubinstein —, on peut lire, pour commencer, la nécrologie du New York Times, assaisonnée de Wikipedia, puis dénicher plein d’autres liens sur son nom (la plupart sont en anglais, on n’a pas le choix).

    Voilà une vocation religieuse qu’elle est pas triste. — Ô Karib, si tu passes par ici : naaan ! pas taper !

    • dimanche 28 février 2010 à 19h38, par Karib

      Ah... Pièce détachée ! Mais oui, je passe par là, en promeneur attentif, en lecteur à l’affût. Disons, ou plutôt redisons, que je sais la distance entre le sacré et le religieux, entre le « sacer », l’interdit, et le religieux qui relie (ou qui relit, selon certains.) Et si à mon sens l’homme peut avantageusement se passer de la religion, il ne saurait ignorer le sacré, sauf à se vautrer dans les vomissures de la consommation à outrance qui font les délices de l’accumulation élargie du capital. Bouffeur de curé mais gastronome, je ne méconnais pas non plus les beautés que les religions ont su capter à leur profit au cours des siècles. C’est dire que le cas échéant, j’aurais la mitrailleuse sélective.
      Mais nous voilà quand même loin de nos deux magnifiques ricains, non ?

      • dimanche 28 février 2010 à 20h54, par pièce détachée

        @ Karib :

        [troll in] Salut de la part du grand vent d’arrache et de la lune éclatante. [troll out]

        • lundi 1er mars 2010 à 12h43, par Lémi

          @ Pièce Détachée :

          Tout ébahi que je suis. D’où sors tu tout ça ? Mes propres recherches sur la question (ainsi que celles de T.) se sont lamentablement embourbées dans la visqueuse ornière Google. Et paf tu débarques, la bouche en cœur de lion savant, aussi érudite qu’Achille Talon (paix à son âme). Je vais finir par croire que Pièce Détachée est un peu comme Wu Ming, une congrégation d’esprits limpides qui galopent sur la voie du yahou universel (mhh, ça veut rien dire, non ?), une bande de justiciers commentateurs, entre Jésus (le sacré) et Rambo (la justesse). En tout cas, merci mille fois. Me suis permis de copier coller ton commentaire en note de bas de page.
          Et si jamais Karib te cherche des noises, n’hésite pas à m’appeler à la rescousse.

          @ Karib :

          J’avais prévu de te passer à la mitraillette rhétorique pour défendre la valeureuse Pièce Détachée et ses puits de savoir disséminés de ci de là. D’avance, je bouillonnais, tel Lefuneste guettant son Achille de voisin pour lui porter le coup fatal. Et puis, finalement, ma colère est retombée en lisant ton commentaire.

          Et si à mon sens l’homme peut avantageusement se passer de la religion, il ne saurait ignorer le sacré, sauf à se vautrer dans les vomissures de la consommation à outrance qui font les délices de l’accumulation élargie du capital. : j’aurais beau y passer des heures, je crois pas que j’arriverais à formuler ma position sur la question aussi bien que tu le fais, plagieur...

          le cas échéant, j’aurais la mitrailleuse sélective.  : je propose une association. Tu tiens la mitraillette, et moi je pointe les mitraillés. On sélectionnera de concert.



  • mardi 2 juin 2020 à 12h58, par johana lopez

    Une mutuelle qui s’adapte au besoin du retraité
    Il est possible de garder la mutuelle d’entreprise après le départ à la retraite, mais cela peut ne pas être bénéfique pour vous.

    L’employeur au moment où vous étiez encore salarié, prenait en charge une part importante des cotisations versées à la mutuelle d’entreprise pour les séniors, donc si vous voulez conservez les mêmes garanties après votre départ à la retraite vous serez obligés à payer la partie qui était prise en charge par votre employeur auparavant, cela peut résulter à une augmentation considérable des cotisations pour des garanties dont vous n’aurez plus besoin après la retraite comme la maternité ou l’orthodontie.

    Opter pour une mutuelle santé pour retraités vous permet d’éviter cela en ne payant que pour des postes adéquats à votre situation et vos besoins spécifiques en tant que senior comme l’optique, les appareils auditifs ou encore les dépassements d’honoraires qui sont assez fréquents chez les spécialistes.

    Sans oublier que certaines mutuelles seniors peuvent être personnalisées selon vos besoins.



  • lundi 2 novembre 2020 à 12h03, par mutuelle miel

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  • mardi 27 avril 2021 à 18h04, par mutuelle apicil

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  • vendredi 25 juin 2021 à 12h43, par pascal

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