ARTICLE11
 
 

mercredi 19 mai 2010

Le Cri du Gonze

posté à 13h27, par Lémi
23 commentaires

Michel Faure chez les Soviets
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Où ils ont la tête, à Rue89 ? Ok, le contenu du site se fait chaque jour moins intéressant. Mais ce n’est pas une raison pour employer quelqu’un comme Michel Faure. Anti-chaviste hystérique, très coulant avec les crimes d’Uribe, il livre régulièrement des petits chefs d’œuvre réactionnaires sur l’Amérique latine. La région est certes habituée à la désinformation mais… il y a des limites.

«  On peut regretter aussi que Zelaya, qui était censé, en tant que président, être le gardien des institutions de son pays, ait cherché à contourner la constitution pour obtenir un deuxième mandat (interdit par cette même constitution). Le dire signifie-t-il qu’on soutient le coup d’état ? Lequel, d’ailleurs. Celui de Zelaya (parce que qu’est-ce que c’est, quand on président, de ne pas respecter sa propre constitution) ? ou celui de Michelleti ?  » (Michel Faure, parlant en commentaire de son dernier article, du récent coup d’état au Honduras)

Dans le croustillant et déplorable « Bons points et mauvais points de la présidence Uribe », publié le 25 mars dernier et consacré à la fin de règne du président colombien, Michel Faure était allé si loin dans l’abjection journalistique partisane que j’avais préféré ne pas en parler ici. La cible était trop grosse, trop simple et évidente. L’imposture se révélait d’elle-même, nul besoin d’en faire un billet (à noter, d’ailleurs, que la quasi intégralité des nombreux commentaires de cet article criaient au scandale pur et simple).
La substance de l’article ? Du lourd, du très lourd : Uribe, un peu « bourrin  » sur les bords, avait un bilan plutôt positif (quatre points pour, deux contre). Certes, il était préférable qu’il ne soit plus au pouvoir, qu’il s’esquive par la grande porte. Mais il fallait quand même reconnaître qu’il avait admirablement su renforcer l’État et la justice, pas comme ces sagouins de gauchistes caudillesques (suivez son regard) qui, de toute part, envahissent l’Amérique latine. Le lapidaire, « Il a été, nous l’avons vu, un Président populaire », trônait en bonne place, paravent à toute critique. Voilà qui devait faire chaud au cœur aux myriades de paysans, syndicalistes et militants assassinés par les milices d’extrêmes droites (dont Uribe était l’héritier autant que le soutien), qui ont récemment reconnu la bagatelle de 30 000 meurtres (chiffre provisoire) entre 1980 et 20031 Même Le Monde, pourtant coutumier de la désinformation en terre sud-américaine (ah, le traitement des référendums d’Hugo Chavez, caudillo sanguinaire, un must…) n’avait jamais été si loin. C’est dire.

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Michel Faure, le bien nommé, fait partie de cette caste de journaleux atteints du syndrome Tapioca (dont je parlais ici), ces acharnés de la démolition des gauches en Amérique latine. Non pas critiques (ce qui serait fort honorable), mais terriblement partisans, à droite toute. Ainsi de Paulo A Paranagua, correspondant du Monde en terre andine, abonné aux ricanements anti-chavistes les plus subjectifs (et sévèrement étrillé par Sébastien Fontenelle, ici). Des spécialistes du syndrome Tapioca (tout homme politique de gauche élu démocratiquement cache en lui un caudillo sanguinaire qui attend son heure, planqué comme l’Alien dans Sigourney Weaver), mais également de l’art du trapèze journalistique, ainsi décrit par Thierry Derrone et l’ami Grégoire Souchay (dans un article du Grand Soir parlant de Jean-Pierre Langellier, autre correspondant vespéral en terre andine, ici) : «  La technique du trapèze est simple et nécessite une connexion internet : papillonner de thème en thème, reprendre les « informations » des médias d’opposition (majoritaires au Venezuela), refuser le droit de suite au lecteur, ne jamais enquêter sur les réformes en cours.2 »

Comme l’expliquait Marc Saint-Upéry sur ce site (ici) : «  Au-delà des préjugés idéologiques des observateurs, il ne faut pas sous-estimer le poids de la simple paresse intellectuelle et journalistique. Essayer de vraiment comprendre ce qui se passe, c’est difficile, c’est fatigant, et ce n’est pas toujours gratifiant pour votre confort mental et vos préjugés, quels qu’ils soient.  » Ça a le mérite d’être clair.

Bref. Revenons à nos moutons (journalistes). Michel Faure est donc un autoproclamé spécialiste de l’Amérique latine. De lui, je l’avoue humblement, je ne connais pas grand chose, hormis sa détestation viscérale de tout ce qui sous Mexico, se positionne à gauche, en général, et du président vénézuélien Hugo Chavez, en particulier (Fontenelle© - oui, encore lui). Comme je ne lis plus beaucoup Rue89 (chaque jour un peu plus vide), je le croise assez peu ; ce n’est pas plus mal, quelques expériences suffisent. Mais voilà : hier, par distraction, j’ai fait l’erreur de cliquer sur un article qui s’annonçait plutôt anodin : «  Présidentielle en Colombie : la percée du candidat Vert Mockus.  » Pas de quoi fouetter un Chavez, a priori.
Bah… en fait, si. Passons rapidement sur la performance consistant à titrer « candidat Vert » sans jamais faire la moindre référence à l’écologie dans l’article, si bien qu’on ne sait pas trop si ce Mockus est un candidat écolo ou si c’est uniquement parce que sur la photo, il porte un sweat vert3 (À un lecteur s’étonnant de cette bizarrerie, Faure répond en commentaire : «  Il faudrait avoir l’avis de nos lecteurs vivant en Colombie. A vrai dire, je ne suis pas sûr que l’écologie soit la priorité des Colombiens.  » Du journalisme comme on l’aime). Qu’importe, pendant les premiers paragraphes de cet article, Michel Faure se tient. Il décrit le parcours de ce Mockus, invité surprise des présidentielles colombiennes, fait son boulot de pisse-copie sans prendre trop de distance avec la réalité. Le lecteur avance confiant, le sujet ne se prêtant pas aux habituelles vitupérations hystériques sauce Tapioca. Et puis, dans les derniers paragraphes, patatras. Il replonge, c’est plus fort que lui, sous le très beau intertitre Son attitude vis-à-vis de Chavez inquiète (brrr) :

Il est jugé par certains comme un « futur Zelaya », le président conservateur du Honduras devenu en cours de mandat un allié de Chavez. On peut admettre un brin de paranoïa quand on connaît les liens de Chavez avec les Farc et l’ETA, le prosélytisme du président vénézuélien, sa volonté de construire un bloc anti-yankee en Amérique latine, voire d’encercler l’allié des Etats-unis qu’est la Colombie.

Boum ! Crise aiguë ! En trois petites phrases, tout est résumé. Primo, Zelaya est évacué en une phrase comme petit copain du grand méchant Hugo (on devine que le putsch au Honduras n’a pas vraiment chagriné Monsieur Faure : « devenu en cours de mandat un allié de Chavez », Zelaya avait rejoint l’axe du mal). Puis, balancé sur le ton de l’évidence : « quand on connait les liens de Chavez avec les Farc et l’ETA. » Sauf que ces liens n’ont jamais été prouvés. Ni avec l’ETA (procédure en cours à l’instigation d’un juge espagnol, sac de nœud dont il est difficile de tirer quelque chose pour l’instant), ni avec les FARC. Thème fétiche des antichavistes, cette question de l’appui au terrorisme reste en tout cas beaucoup plus complexe que ne veut le faire croire Mister Faure.
Continuons. Le meilleur est à venir : «  le prosélytisme du président vénézuélien, sa volonté de construire un bloc anti-yankee en Amérique latine, voire d’encercler l’allié des États-unis qu’est la Colombie.  » Sous la plume de notre Rouletabille made in Rue89, le progressif rapprochement des gauches latino-américaines, plutôt porteur d’espoir, se transforme ici en sorte de rouleau compresseur prêt à écraser la pauvre et faible Colombie sous ingérence américaine (sept bases installées sur la territoire). Hugo, Correa, Morales, tous unis dans un même but : encercler la Colombie avant de la convertir, de force, à la dictature du prolétariat. Pour le moins.

La suite de l’article recèle quelques autres perles, mais il me semble que les relever toutes n’apporterait pas grand chose au débat. Une dernière pour la route :«  Le pays avait espéré la paix, du temps de Pastrana, et les Farc n’en ont pas voulu. » S’il n’est pas question de relativiser la nuisance des Farc, les mentionner sans signaler également les milliers d’assassinats ainsi que les ingérences liées aux paramilitaires relève de la désinformation pure et simple, ou de ces mêmes œillères partisanes capables de l’amener à considérer le bilan Uribe comme globalement positif4. Si les Farc n’ont pas œuvré à la paix, les paramilitaires portent une responsabilité au moins aussi grande. La récurrence de cet oubli dans la prose faurienne est pour le moins révélatrice (et rédhibitoire).

-

Le journalisme à la Faure est une catastrophe. Pour autant, j’admets sans hésiter que les pro-chavistes, par exemple, ne brillent pas toujours (euphémisme) par leur objectivité. Renvoyer Uribe à ce qu’il est - un politique véreux et éminemment criminel - ne doit pas empêcher, de loin, de critiquer Chavez, Morales5 ou Correa, d’interroger l’ALBA… bref, il s’agit de ne pas verser dans le béni ouiouisme ou la dénonciation sans fondement6. Ce que Marc Saint-Upéry résumait ainsi sur Article11 : «  Le problème c’est qu’effectivement, entre les dénonciations libérales hystériques de la menace « totalitaire » chaviste dans la presse dominante et les fables enchantées sur la huitième merveille autogestionnaire du monde qu’on rencontre dans certains médias de gauche ou alternatifs, vous aurez du mal à trouver des analyses sérieuses et informées de ce processus complexe.  »

Une chose de sûre : ces analyses sérieuses et informées sur ce processus complexe ne viendront pas de Michel Faure.



1 Sur la question du sanguinaire règne d’Uribe, j’avais écrit un article, ici. Tu trouveras sans mal une littérature abondante sur la question, notamment sur le Monde Diplo. Même Rue89 a publié des démentis aux allégations de Michel Faure, par exemple cet article de la présidente d’Amnesty International, ici.

2 Voir cette recension d’Acrimed, évoquant le traitement journalistique des élections honduriennes et boliviennes.

3

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4 Georges Marchais represents…

5 Certes souvent défendu sur ce site, mais sur lequel il n’est pas question de s’aveugler. CQFD : quelques remises en question suivront sûrement.

6 D’ailleurs, il semble – jusqu’à preuve du contraire – que Maurice Lemoine du Monde Diplo ait été un peu vite en besogne en évoquant cette sombre histoire de charnier colombien sans y mettre les guillemets nécessaires. À suivre.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 19 mai 2010 à 13h56, par AffreuxSale

    En même temps, chez Rue89, ils ont aussi un « prof d’éco-journaleux à ses heures » qui pensait -quelques jours avant que 750 Myards d’euros ne soient sacrifiés à LéMarché- que, peut-être, « un combat décisif entre nos politiques et les dieux-marchés » étaient sur le point de se livrer.

    Que ça en serait mignon si c’était de la naïveté, même...

    Voir en ligne : http://affreuxsalebeteetmechant.20m...

    • mercredi 19 mai 2010 à 21h51, par Lémi

      Ce n’est pas l’article qui m’a le plus fait bondir, soyons honnête, mais je ne connais pas les autres productions du gaillard. La naïveté, au vu de cet article, reste une possibilité.



  • mercredi 19 mai 2010 à 14h29, par enuncombatdouteux

    Pour les insomniaques ou les pessimistes, du « vrai journalisme » avec le méconnu et jubilatoire documentaire
    « The Revolution will be not televised »

    Voir en ligne : enuncombatdouteux

    • mercredi 19 mai 2010 à 21h56, par Lémi

      Eheh, suis en train de le regarder (near the dénouement), éminemment intéressant, merci mille fois. Ce n’est pas la première fois qu’on me le conseille, mais, va savoir pourquoi, je ne m’y étais jamais plongé. Pour ceux qui passent : à voir absolument pour mieux comprendre à quoi Chavez fait face.



  • mercredi 19 mai 2010 à 14h50, par tgb

    bravo pour cette mise au point - je constate comme toi chaque jour la dérive de rue89. Quant au sinistre Michel Faure il est la caricature de ce que l’on fait de pire dans ce registre là. (avec Panagua c’est entendu) C’est tout simplement insensé de trouver une plume de cet acabit sur un site soi-disant de gôche.

    pour ce qui est de taper sur Chavez Morales et cgnie qui ne sont évidemment pas des modèles de vertu permets moi tout de même d’amortir mes coups. pour l’instant ce sont eux qui sont encerclés par les US et je préfère encore frapper sur Goliath que sur David. Ce qui ne signifie pas qu’ils ont carte blanche mais enfin le contexte autorise une indulgence partisane comme pour Cuba d’ailleurs.

    Voir en ligne : http://rue-affre.20minutes-blogs.fr

    • mercredi 19 mai 2010 à 22h23, par Lémi

      Oui, on est nombreux à se demander ce qu’il peut bien faire sur Rue89, même si le nivellement par le bas (et la droite) du site finit par rendre sa présence moins incongrue. Naïveté, sans doute, je pensais un moment que Rue89 pouvait représenter une forme de renouveau intelligent, à mi-chemin de la presse alternative et du média de masse. J’en suis revenu (au triple-galop).

      Pour ta deuxième remarque, j’aurais tendance à penser comme toi, jusqu’à un certain point. S’interdire la critique serait une erreur. Sur la longueur, il est contre productif de ne pas dénoncer les erreurs des David. D’abord, ça finit immanquablement par nuire à ton objectivité. Et puis, ça te met à la portée des fumistes du camp d’en face, trop heureux de te discréditer ainsi. Voilà pourquoi je pense un jour amender certains de mes enthousiasmes (sur Morales, par exemple) : non pas changer de voie, mais pointer ce qui ne va pas. (Quand à Castro, tu as sans doute remarqué que je n’en parle jamais (itou pour le site). Impossible de me prononcer : n’étant jamais allé là-bas et n’ayant pas suffisamment lu à ce sujet pour me faire une idée précise, je ne peux trancher, ni même professer d’indulgence. Autant je sais que les rodomontades habituelles des médias ne veulent rien dire, autant ma méfiance (voire mon rejet) reste assez marquée)



  • mercredi 19 mai 2010 à 17h05, par Dr Maboul

    Bon article, bien argumenté, merci Lémi !

    Je me souviens qu’en commentaire de l’article de Faure sur le coup d’Etat au Honduras contre Zelaya j’avais ironisé à peu près ainsi :

    "Si l’irrespect de la constitution (ce que Zelaya voulait faire par référendum, l’horrible autocrate) mérite un coup d’état. Que penser du président français :
     × Celui-ci convoque l’assemblée nationale et le Sénat pour leur faire un discours à Versailles (anticonstitutionnel car ne respecte pas la séparation des pouvoirs)
     × Celui-ci supprime les conseillers généraux et départementaux dont le rôle est décrit dans la constitution(deux articles entiers) pour les remplacer par des « conseillers territoriaux ». Or seul le peuple français souverain peut modifier la constitution et ce par référendum.
     × Et surtout celui-ci ne respecte pas la décision du peuple français de rejeter le TCE, le peuple français étant souverain et le référendum étant l’autorité ultime de la V°.

    J’attends avec impatience vous voir comploter pour renverser Sarkozy l’anticonstitutionnaliste."

    ...Commentaire supprimé...

    (La seule fois où ça m’est arrivé sur rue89, mais c’est vrai que le contenu y est de moins en moins intéressant et de plus en plus « AFP ».)

    Pour changer ne descendons plus dans la rue mais descendons la rue !! ;-)

    • mercredi 19 mai 2010 à 22h25, par Lémi

      Bordel, sont vraiment nazes à Rue89 : ton commentaire valait cent fois l’article, minimum...



  • mercredi 19 mai 2010 à 18h48, par antennerelais

    Sur la « paresse journalistique » (Marc Saint-Upéry), il y a un passage de Noam Chomsky dans son Comprendre le pouvoir Tome 1, p. 55 (éditions Aden).

    Extrait :

    "(...) si vous regardez les sources que les journalistes choisissent, ce ne sont pas des sources expertes, ce sont des sources qui représentent des intérêts privés : c’est de la propagande. (...) Supposez qu’en tant que journaliste, vous commenciez à aller voir en dehors des intérêts privés. Vous vous apercevrez, tout d’abord, que le niveau de preuve nécessaire est beaucoup plus élevé. Vous n’avez pas besoin de vérification quand vous allez du côté des intérêts privés : ils se vérifient eux-mêmes. Ainsi, si vous rapportez une atrocité commise par les guérillas, tout ce dont vous avez besoin, c’est d’un témoin par ouï-dire. Mais parlez de tortures commises par un officier américain, vous aurez besoin d’une bande vidéo. Et c’est pareil pour n’importe quel sujet.

    Je m’explique : si un journaliste cite un « haut fonctionnaire du gouvernement américain » anonyme, cela suffit comme preuve. Que se passe-t-il s’il doit citer quelque dissident ou bien quelque officiel d’un gouvernement étranger ennemi ? Eh bien, le journaliste doit commencer à creuser, à cadenasser son enquête, il doit disposer de montagnes de preuves, s’attendre à ramasser une tonne d’attachés de presse et peut-être perdre son emploi, etc. Avec des contraintes se cet ordre, il est très facile de prévoir de quel côté il ira. Et les journalistes choisissent généralement la voie de la facilité."

    • mercredi 19 mai 2010 à 19h05, par Big Brother

      c’est peut-être un peu facile
      n’empêche qu’on peut dire que cet article intitulé « Michel Faure chez les soviets » est en un mot :

      dépassionnant.

      • mercredi 19 mai 2010 à 22h30, par Lémi

        @ Antenne relais : merci pour l’extrait, limpide et tout à fait adapté. Et les journalistes choisissent généralement la voie de la facilité... Bourdel, va vraiment falloir que je complète mes lectures de Chomsky.

        @ Big Brother : ??? (no comprendo, et c’est pas la 1re fois. Si tu pouvais être plus clair dans tes commentaires, ce serait pas plus mal)

        • jeudi 20 mai 2010 à 07h10, par Big Brother

          dépassionnant, j’entends qui ne laisse pas comme seul recours la violence.
          parce que l’article est travaillé, approfondi.

          c’était un compliment.
          Faut pas te braquer comme ça.
          parce que ce que je crois, c’est que le Michel Faure, il va pas changer d’avis pour autant
          et c’est là que ça sent le roussi
          alors dans ces circonstances, c’est pas moi que je vais me retrouver à l’hôpital, je te le garantis.

          ensuite t’as raison de dire que la citation ci-dessus est adaptée
          mais, en même temps, on peut aussi faire dire n’importe quoi à une citation
          et j’aime pas les citations.

        • jeudi 20 mai 2010 à 10h36, par antennerelais

          @ Lémi

          Les 3 volumes de Comprendre le pouvoir paraissent indispensables (je suis dans le 1). En plus ça se lit très facilement, c’est construit à partir d’entretiens. Même si Chomsky traite en particulier des USA, ce qui concerne les médias et les techniques d’enfumage est universel. Je commence tout juste à m’apercevoir de l’importance de ce Chomsky, de l’extrême pertinence (et en même temps rareté) de ce qu’il raconte. Il est incroyable qu’il soit encore peu connu ici, et d’ailleurs plus ou moins considéré comme un type un peu « suspect » - c’est ce qui semble ressortir de propos signés BHL et autres « éditocrates » français (il faudrait étudier ça en détail). Mais bon il est logique que les « faiseurs d’opinions » s’efforcent de discréditer le principal et plus glorieux critique de médias, au monde on peut dire.

          Un truc étonnant chez ce type, est que lorsque quelqu’un lui dit « là quand même c’est difficile à croire », ou « là je ne suis pas d’accord avec vous », Chomsky aussitôt sort tels et tels cas concrets pour appuyer ce qu’il raconte, et documents à l’appui : tout ce qu’il raconte découle de l’étude de myriades de documents, il ne s’agit pas du tout de paroles en l’air. A l’inverse, à tel moment il va dire : « je soupçonne fortement, bien que je ne sache pas comment le démontrer, (...) » (Comprendre le pouvoir, Tome 1, p. 99). Je trouve ce mec parfait, il est scandaleux qu’il ne soit pas davantage connu et donc écouté ici (quand des BHL et autres marchands de soupe ont tous les pignons sur rue). Il y a du boulot à faire sur ce sujet...

          Avant de s’attaquer à ses bouquins on peut visionner le documentaire Manufacturing Consent - Noam Chomsky and the medias (1992), ça peut se télécharger ou visionner ici ou là assez facilement, y compris sous-titré en français.

          • jeudi 20 mai 2010 à 13h26, par PPellicer

            Chomsky pas connu tu blagues un peu...c’est vrai que ses bouquins ne se vendent pas aussi massivement qu’aux USA (c’est peut-être d’ailleurs aussi bien, et au moins on évite les horribles formats anglo-saxons) mais il est quand même constamment cité (exagération ?) comme l’un des penseurs critiques de référence par à peu près tout le monde...(il est peut-être un peu moins mentionné par les mr-je-sait-tout que ne l’est Deleuze, et surement aussi mieux compris. Remarque personnelle sans intérêt je préfère le lecteur moyen de Chomsky que ceux qui portent Deleuze en étendard et l’utilisent à tout bout de champ).

            Merci pour ton petit résumé des 3 bouquins...ça donne envie de les lire, effectivement.

            Sinon je souhaitais ajouter une petite note suite à la lecture de l’excellent article consacré sur ce site à Jean-Jacques Lebel (que je ne connaissais pas avant, j’avoue, je m’excuse, je me fustige). Celui-ci dit dans l’entretien avoir assisté à une conférence « juste après mai 68 », au cours laquelle Chomsky aurait « osé faire l’apologie des Khmers Rouges et de leur guerre génocidaire », qui avait fait deux millions de victimes, se justifiant en ces termes : « c’est le prix à payer pour la réforme agraire ».
            Et là, un gros doute m’envahit. Je participe donc au débat un peu tard (et peut-être un peu dans le vide).
            En 68 le mouvement Khmer Rouge en était aux prémices de sa période de guérilla dans la jungle, et, bien que je puisse me tromper, il n’était pas particulièrement médiatisé.
            Par ailleurs son « discours officiel » à ce moment-là pouvait difficilement laisser présager de la folie furieuse qui s’emparerait du mouvement en 75, à partir de la prise de Phnom Penh (et du pays).
            Enfin le Cambodge était essentiellement un pays paysan, et une quelconque « réforme agraire » n’a jamais été un de ses objectifs. Les paysans possédaient la terre qu’ils travaillaient, parfois de manière plus ou moins collective, depuis des siècles.
            Soit JJ-Lebel confond la situation cambodgienne avec celle d’un pays voisin (mais en Asie du sud-est il ne me semble pas qu’un quelconque mouvement ait revendiqué comme objectif une « réforme agraire » type Amérique Latine) soit il s’emmêle les pinceaux concernant les dates, et peut-être un peu plus.

            Chomsky a été énormément accusé par ses nombreux détracteurs (souvent particulièrement marqués à droite), entre autres choses (on ne lui pardonnera jamais de s’être opposé à la guerre du Vietnam), d’avoir minimisé les atrocités des Khmers Rouges. Il y a sur internet un nombre d’articles, d’études d’une longueur incroyable visant à démontrer une volonté de Chomsky de nier le génocide cambodgien.
            Ces études se basent, semble-t-il (je ne me suis pas tout farci) sur un nombre de citations et d’extraits de bouquins assez réduits et pas franchement probants, même s’il est possible que Chomsky se soit un peu gouré entre 75 et 79, période du génocide, durant laquelle le « Kampuchea démocratique était fermé aux étrangers. On se savait pas grand chose sur ce qui se passait dans le pays à cette époque. Mais même çà n’apparait pas très clairement dans les critiques qu’on trouve sur le net (type »criticism of Noam Chomsky" sur wikipedia !).

            • jeudi 20 mai 2010 à 21h01, par Lémi

              @ Antenne relais

              Merci pour les pistes, je ne connais pas ces trois volumes (lacune qui devrait rapidement être réparée), mais tu en parles de manière très convaincante.

              Il est incroyable qu’il soit encore peu connu ici, et d’ailleurs plus ou moins considéré comme un type un peu « suspect » - c’est ce qui semble ressortir de propos signés BHL et autres « éditocrates » français (il faudrait étudier ça en détail) : je rejoins la remarque de PPelicier + bas, il a quand même une certaine notoriété, un écho non négligeable. Surtout, ce n’est pas incroyable qu’il soit discrédité par les castes des débiles squatteurs de médias, juste logique : il est leur exact inverse, un ennemi à abattre (comme tant d’autres, de Badiou à Klein, jamais attaqués sur le fond mais sur des faux procès style ’« antisémitisme » ou « complaisance totalitaire »).

              @ PPelicier

              Je me rappelle bien de cet entretien de Lebel (plutôt polémique), et du moment où il m’avait évoqué Chomsky en ces termes (par contre, je n’avais jamais relevé l’incohérence chronologique, merci). Je n’ai jamais réussi à me faire une idée précise sur la question, mais je pense que tu en traces un portrait assez fidèle : avec le recul, il est facile de voir ça comme une erreur fondamentale, à l’époque les choses étaient surement moins évidentes. Surtout, Chomsky ne me semble pas coutumier de ce genre d’erreurs (il y a la polémique Faurisson, aussi, mais elle est du même acabit).
              (sur le sujet, il y a un bon livre à lire, aux éditions Agone : « Les Intellectuels contre la gauche » (1968-1981) de Michael Christofferson. Costaud, mais très intéressant pour comprendre combien la dénonciation « totalitaire » a été instrumentalisée et combien tous les intellectuels de la gauche en ont profité pour sauter du radicalisme au ps caviar. L’antithèse du parcours de Chomsky.

              • vendredi 21 mai 2010 à 11h32, par antennerelais

                Sur le Cambodge et d’après ce que j’ai pu en voir (pour l’instant seulement des propos filmés), le but de Chomsky n’était pas de minimiser ce qui se passait au Cambodge, mais de mettre ça en parallèle avec des massacres d’envergure au Timor Oriental au même moment, mais dans ce cas avec « l’aval tacite » des occidentaux à commencer par les USA. Evidemment le traitement médiatique aux USA était totalement différent pour les deux affaires, et c’est cela précisément qu’étudiait Chomsky. Tirer de ça un simple « Chomsky a minimisé les massacres au Cambodge », c’est évidemment pas honnête (même si factuellement il a peut-être en passant sous-estimé, à tel moment, l’ampleur des massacres là-bas, je sais pas).

                D’ailleurs sur ce sujet il y a ça, signé Fontenelle :
                Bernard-Henri Ment (Sujet : Chomsky)

                Sur le Cambodge on trouve cette mise au point de Chomsky (où l’on peut constater une nouvelle fois qu’il ne plaisante pas avec l’exactitude des faits) :
                Noam Chomsky à propos d’un procès truqué

                ***

                @ PPellicer & Lémi
                « il a quand même une certaine notoriété, un écho non négligeable. »
                « il est quand même constamment cité (exagération ?) comme l’un des penseurs critiques de référence par à peu près tout le monde... »

                Il me semble que en France ceci est un peu un mirage, sa « notoriété » est sans doute réelle mais dans un petit milieu déjà bien informé... Même ceux d’Acrimed ne le citent que rarement, pourtant c’est en quelque sorte le « Pape » de la critique de médias...

                Qu’il soit très écouté aux USA tant mieux, mais ici il y a une certaine « chappe » de discrédit qui plane finement sur son compte, et qui détourne ceux qui entendent son nom d’aller voir de plus près. C’est ce qui s’est passé pour moi : de loin « Chomsky » me donnait l’impression de quelqu’un d’un peu « douteux » et de « pas franchement intéressant ». Or à l’entendre et le lire c’est exactement l’inverse, il y a un immense fossé entre cette espèce de (fausse) impression planante et la réalité. On peut parler d’intox sur son compte (un peu comme celle profitant à BHL - tendant à présenter celui-ci comme un grand intellectuel ou philosophe, une incontestable figure morale à la Sartre - mais à l’envers).

                Ce phénomène de discrédit visant Chomsky serait-il un particularisme français ?

                « Nos intellectuels de médias, au fil des années, ont fait de la calomnie un sport d’équipe, dès qu’il est question de Chomsky. » (Fontenelle)

                Sur ce sujet précis :
                Noam Chomsky et les médias français (Acrimed - Le Grand Soir)

                « Noam Chomsky, (...) selon les propres mots d’Alain Finkielkraut, « l’intellectuel planétaire le plus populaire », n’est pas exactement la coqueluche des journalistes ou des intellectuels français, c’est le moins que l’on puisse dire. Depuis une vingtaine d’années, ils ne parlent jamais de son œuvre, qui occupe pourtant (ou peut-être précisément parce qu’elle occupe) une place fondamentale dans la pensée critique moderne. Et les rares fois où son nom est évoqué, c’est pour ressasser encore et toujours les mêmes calomnies effarantes de bêtise et de malhonnêteté. »

                • samedi 22 mai 2010 à 16h28, par Lémi

                  Merci des précisions (pas le temps de répondre en détail, mais informations bien notées). Clair qu’on est les champions du monde de l’attaque intellectuelle malhonnête et sans fondement.

                  • dimanche 23 mai 2010 à 11h31, par antennerelais

                    trouvé encore ça :

                    « Auteur d’une centaine de livres, de milliers d’interventions et d’articles, qui font de lui l’auteur le plus cité dans le monde, « l’intellectuel planétaire le plus populaire » comme l’affirme Alain Finkielkraut, est beaucoup moins connu en France. En consultant par exemple les archives de Radio France depuis 40 ans, le nom de Chomsky n’apparaît que cinq fois pour de brèves interventions sur France Culture dans les années 70. Jamais il n’a été entendu sur France Inter. »

                    Voir en ligne : Mais qui est ce Chomsky ? (« Là-bas si j’y suis »)

                  • vendredi 4 juin 2010 à 13h04, par antennerelais

                    J’ai tout synthétisé là :

                    Voir en ligne : Noam Chomsky, encore quasi inconnu en France : à qui la faute ?



  • jeudi 20 mai 2010 à 16h44, par un-e anonyme

    C’est vrai que Rue89 resemble de plus en plus à un avatar de Libé, le plus emblématique étant leur « libéral de gauche » Serraf.

    • jeudi 20 mai 2010 à 21h13, par Lémi

      Oui, lui aussi, son heure viendra en ces pages... En tout cas, c’est sûr qu’une certaine ambition a déserté les pages de Rue89, toujours plus d’anecdotique, toujours moins de reportage.



  • lundi 31 mai 2010 à 10h48, par HN

    Salut, enfin de nouveau accès à votre site depuis le boulot. Chhhhht faut pas l’dire...
    Figurez-vous que vous étiez classés en catégorie « Entertainment » par mon proxy.

    Juste pour signaler avec un peu de retards que le Diplo a en effet publié qqs révélations fracassantes à l’encontre du gvnmt colombien. Non seulement il y avait des meurtres d’opposants armés mais également espionnage de simples opposants au régime, de militants des droits de l’homme ou de journalistes. L’ampleur de ces opérations est assez hallucinante.

    Et hop, un petit lien : Quand l’Etat colombien espionne ses opposants.
    On peut rajouter les détournements d’avion pour cause de « sécurité nationale » quand ceux-ci contenaient des journalistes critiques de la politique Uribe.

    Cdlmt



  • samedi 31 juillet 2010 à 23h58, par RAS

    Toujours aussi pathétiques les franchouillards. Heureusement l’Amérique latine n’a pas besoin de vous.

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