ARTICLE11
 
 

lundi 9 septembre 2013

Inactualités

posté à 21h45, par Serge Quadruppani
34 commentaires

Il n’y a pas de luttes locales (Une Zone à Défendre : la Planète – 1/3)

Partout, des communautés humaines, réunissant gens du cru et d’ailleurs, s’insurgent contre l’exploitation capitaliste du temps et de l’espace. La résistance aux aménageurs libère d’autres possibles pour la planète. Premier volet d’un texte en trois parties.

Ce texte a été publié dans le numéro 11 de la version papier d’Article11, imprimé en mars 2013. C’est le premier opus d’une série en trois parties, intitulée « Une Zone à Défendre : La planète ». Les épisodes 2 (« Richesse des possibles dans les luttes de territoire », n°12) et 3 (« Le retour des délocalisés », n°13) seront mis en ligne sur le site dans les jours à venir.

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Du Val de Suse au Cotentin, des vallées basques à la Crête, de la Calabre aux forêts de la région de Moscou, des centaines de milliers de personnes se sont mises en mouvement ces dernières années pour s’opposer à des projets détruisant des territoires et les modes de vie qui s’y étaient développés. Si on leur adjoint les paysans et citadins luttant de l’Inde à l’Équateur contre l’accaparement des terres, les villageois en lutte contre l’appropriation des forêts au Cambodge ou les habitants chassés de leurs quartiers en Chine, on peut même affirmer que ces mouvements d’opposition concernent des millions de gens.

De telles manifestations de résistance ne sont certes pas nouvelles. On n’a pas oublié le Larzac, on peut aussi découvrir la lutte de la vallée de la Bormida, située entre Ligurie et Piémont. Ignoré en France, presque oublié en Italie, ce combat des habitants du coin contre une fabrique d’explosifs (devenue ensuite usine de produits chimiques) a duré 117 ans, de la fondation de l’établissement à sa fermeture en 19991. Si ce mouvement a suscité des solidarités en Italie, il n’a rien connu de comparable à ce qui s’est passé l’an passé quand, dans la vallée de Suse, un jardinier a été électrocuté en tentant d’échapper aux policiers. Le drame s’est déroulé le 27 février, lors d’une action de résistance aux expropriations du chantier du TAV – le TGV Lyon-Turin. Il a déclenché une réaction de solidarité de grande ampleur dans la péninsule (manifestations spontanées dans une dizaine de villes, blocages de gares ou du périphérique…). Il faut dire que, deux jours avant l’« accident » de Luca, 100 000 personnes avaient défilé dans la vallée.

Il s’est passé quelque chose de comparable en France – à une moindre échelle – après les premières expulsions qui ont frappé la ZAD à Notre-Dame-des-Landes. Solidarité de centaines de personnes apportant de la nourriture et du matériel, imposante manifestation du 14 novembre, affrontements à répétition… Les événements ont pris une telle ampleur que le gouvernement, et en particulier son chef (qui en fait une affaire personnelle), a dû lâcher du lest. L’issue de la manÅ“uvre consistant à créer une « commission de dialogue » dépendra du rapport de force que les opposants à l’aéroport réussiront à créer au terme de quelques mois de trêves.

Si tant de gens s’identifient aux combats de la vallée de Suse ou de Notre-Dame-des-Landes, c’est pour une raison semblable à celle qui avait attiré des dizaines de milliers de personnes dans les rassemblements du Larzac. Le refus de l’arbitraire étatique, quand il prend, sur un territoire donné, suffisamment de force pour tenir dans le temps, offre un espace à la fois géographique et symbolique où peuvent confluer tous les combats contre les commandements d’en haut qui pourrissent la vie des gens d’en bas. Étudiants refusant la énième transformation néo-libérale de l’enseignement, ouvriers opposés à la destruction du droit du travail, activistes divers... Les manifestants ont afflué dans la vallée de Suse parce qu’ils y trouvaient ce qu’ils ont besoin de construire pour eux-mêmes : une puissance. Cette dernière s’ancre dans la réalité d’un territoire, c’est-à-dire la rencontre d’un sol et des hommes qui l’habitent, et de tout ce que cette rencontre a produit : paysage, productions matérielles, relations humaines, imaginaire, etc. Le caractère concret d’un lieu précis tranche avec l’abstraction des lieux de pouvoirs, bureaux disséminés de Rome à Bruxelles, couloirs des multinationales, arrière-boutiques des mafias et des partis, et jusqu’aux hauteurs dématérialisées des échanges électroniques de la finance mondialisée – le bruit de fond de ce réseau des pouvoirs ultimes qu’il est tout de même bien pratique d’appeler l’Empire.

Les ouvriers qui refusent la délocalisation de leur usine sont eux aussi confrontés à l’Empire et à la difficulté de lui donner un visage. Mais ils se trouvent en position de faiblesse : on leur a annoncé que cet espace où leur vie se valorisait par le travail ne vaut plus rien. Par conséquent, leur vie non plus. Pathétique spectacle des ouvriers occupant une usine qui doit fermer ! Impasse de travailleurs en quête d’un repreneur, c’est-à-dire d’un nouvel exploiteur qui consente à les exploiter ! Les plus radicaux peuvent, par quelques saccages opportuns et prises à partie de politiciens, obtenir un peu de thune pour aller se faire voir ailleurs. Car là où ils sont, ils ne sont plus rien. Le délocalisé est ainsi renvoyé à la condition du prolétaire absolu puisque de sa seule richesse, sa force de travail, personne ne veut. Il ne peut même plus dire qu’il n’a à perdre que ses chaînes : ça fait longtemps que ces dernières ont été revendues aux Chinois ou aux Bulgares.

La puissance des luttes de territoire tient au contraire à ce qu’elles s’appuient sur des lieux indispensables à la délocalisation : en les occupant, nous la bloquons. Pour que fonctionne une société fondée sur la parcellisation de la production, la fabrication à bas prix et la circulation incessante (de l’information, de la finance, des gens et produits), il faut qu’existent des lieux concrets par où les flux passent. Il faut des aéroports pour que les dirigeants et les touristes low cost décollent. Il faut des tunnels de 57 kilomètres pour que les managers aillent plus vite de Lyon à Turin. Il faut la LGV (ligne à grande vitesse) Poitiers-Limoges pour que le capital circule2. C’est là que les luttes de territoire contemporaines se distinguent de celles d’autrefois, dont le moteur essentiel restait le refus de l’autoritarisme étatique : aujourd’hui, c’est tout un monde qu’elles remettent en cause.

Pour préciser le visage de ce monde à combattre, lisons le 4e numéro de la revue Territoires 2040, éditée par la DATAR3. Dans l’introduction, trois points retiennent l’attention : 1 - Il est primordial d’accepter l’inéluctabilité de l’innovation dictée par la technoscience et les nécessités économiques. 2 – La leçon de Fukushima, ce n’est pas qu’il faut empêcher les catastrophes, mais y préparer les populations. 3 – On va vers un monde où se développera la ségrégation spatiale : communautés ultrasécurisées pour les riches, ghettos pour les pauvres…
L’espace de l’avenir est ensuite esquissé à grand renfort de cartes, fictions et scénarios. Il se présente ainsi : quelques métropoles produisent la valeur, bien séparées de ces terrains vagues où survivent les populations dévalorisées. Les zones séparant les cités sont réservées aux axes de circulations, aux barrages ou aux centrales alimentant les villes - ce que ces aménageurs appellent les Grands Projets.

« Contre l’aéroport et son monde » : C’est au moins autant pour la deuxième partie du slogan que pour la première que des milliers de gens ont pataugé dans la gadoue du bocage nantais. Et c’est parce qu’ils sentent que c’est tout un mode de vie qui veut percer la montagne que des milliers d’autres sont venus dans la vallée de Suse. Le plus fort, c’est qu’en s’opposant à un monde, ils sont en train d’en créer un autre.

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NDLR : Cet article est illustré en page d’accueil par un détail d’une Å“uvre de Marcel Dzama, peintre canadien contemporain.



1 Voir l’ouvrage de Patricia Dao, Bormida (Oxybia Editions) ; ainsi que l’entretien de l’auteur publié sur le site d’Article11 en date du 27 février 2013.

2 Le président du Conseil régional du Limousin déclarait récemment : «  C’est l’attractivité du Limousin qui est en jeu. Quand une entreprise veut faire venir des cadres, organise une réunion avec des clients, la question de la LGV remonte systématiquement. » Cité par l’excellent Le Communard – un peu de cassis dans beaucoup de rouge – depuis la montagne limousine. Pour commander le journal, qui contient aussi d’intéressantes réflexions sur la ZAD : lecommunard@riseup.net .

3 Direction à l’aménagement du territoire.


COMMENTAIRES

 


  • mardi 10 septembre 2013 Ã  10h05, par Désirée Frappier

    MERCI ! Tout est dit…

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  • mardi 10 septembre 2013 Ã  11h47, par Agone Canal Historique

    Entre Serge Halimi qui, depuis Paris, nous explique que les luttes locales c’est n’importe quoi et Quadruppani que les luttes locales c’est global (j’adhère, sauf quand une occupation d’usine, c’est pas une lutte locale ! Et à la ZAD, z’utiliseraient pas un peu de production industrielle, genre des outils par exemple, des véhicules, pour démultiplier le travail qu’ils mettent dans leurs efforts de lutte ?), il y a quand même un malheureux point commun : ils n’en mènent aucune et se battent donc pour être les directeurs de conscience de mouvements sociaux. En a-t-on vraiment besoin ? Je pense qu’il y a suffisamment d’intelligence dans ces luttes, pour qu’on puisse se passer du mouvement brownien de leur transformation en parts de marché intellectuel...

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    • mardi 10 septembre 2013 Ã  12h03, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

      Et la façon qu’a Quadruppani de tracer une frontière entre luttes de travailleurs et lutte contre les grands projets (et Halimi plus ou moins la même chose mais inversé) est tout simplement nuisible à la convergence des luttes dans une société de classes : c’est à dire changer l’industrie pour la mettre au service des besoins des gens, de leurs luttes, d’une autre société.

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      • mardi 10 septembre 2013 Ã  17h18, par B

        Notre-Dame-des-Landes est une belle lutte et qui pense le contraire a du mal à se sortir le doigt du cumulus.
        Monsieur est plombier peut-être ?

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        • mardi 10 septembre 2013 Ã  20h13, par Agone Canal Historique

          Et vous, critique d’art des luttes ?

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          • mercredi 11 septembre 2013 Ã  09h47, par B

            Si je suis critique d’art des luttes ?

            C’est difficile étant donné que ce que je remarque c’est que tout le monde se fait écraser la gueule.

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            • mercredi 11 septembre 2013 Ã  10h45, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

              C’est peut-être parce qu’il y a plus de critiques d’art des luttes (une variété de commentateurs sportifs) que de lutteurs...

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              • mercredi 11 septembre 2013 Ã  15h28, par B

                T’aurais pas aimé que les médias américains couvre la manif d’hier comme la marche sur Washington ?
                Moi si, surtout qu’on s’est cogné, sous la pluie, 3/4 d’h de discours de dirigeants syndicaux avant le démarrrage du cortège.

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                • jeudi 12 septembre 2013 Ã  13h17, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

                  La marche sur Washington, rien que ça ? ça va les chevilles ? Et les médias américains, tu sais comment ça fonctionne ? Ils couvrent ce genre de trucs seulement si l’élite au pouvoir est divisée (ce qui est effectivement le cas)

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      • jeudi 12 septembre 2013 Ã  09h35, par Sycak

        « ...est tout simplement nuisible à la convergence des luttes dans une société de classes... »*

         :/

        Et si on reformule par :

        Une société de classe est nuisible a la convergences des luttes.

        Moi j’trouve ca sonne mieux.

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        • jeudi 12 septembre 2013 Ã  13h19, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

          ça sonne mieux théoriquement , mais pratiquement c’est un déni de réalité... Donc on peut rien faire avec sauf des conférences et des papiers dans la presse militante...

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        • jeudi 12 septembre 2013 Ã  13h24, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

          Oui mais comme nous vivons dans une société de classe, c’est la réalité, qui est donc nuisible effectivement à la convergence des luttes, le problème n’est pas dénier la réalité, mais de la prendre en compte pour essayer de lever le maximum d’obstacles à la convergence des luttes... CQFD

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    • M. Canal Historique, qu’est-ce que vous en savez que je ne mène pas de lutte ? Je ne me promène pas avec mes états de service mais enfin, je parle beaucoup de ce que je vois, et de ce à quoi j’ai participé à ma manière, avec mes moyens, du bocage nantais à la vallée de Suse. Si vous voulez avoir des échos de cette participation, vous pouvez aller voir sur mon blog, mais vous êtes trop pressé de me mettre dans la case de l’intello aux mains blanches. Vous vous revendiquez d’Agone, effectivement il y a dans l’esprit de cette maison, parfois, malheureusement, à côté de tant de bonnes choses, un côté nostalgique de la cgt des grandes années qui me fait rire. Vous me rappelez les connards staliniens qui demandaient « faites voir vos mains » aux portes des usines pour vérifier si on avait des cals ou pas… Même si je n’avais jamais mis les pieds là-bas (et effectivement, il m’arrive de parler de luttes auxquelles je n’ai pas participé) je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas en parler, si ce que je dis ne vous intéresse pas, personne ne vous oblige à le lire ni à le commenter. La manie des attaques ad hominem est un des traits les plus dommageables et minables des milieux à prétentions révolutionnaires.

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      • mardi 10 septembre 2013 Ã  20h00, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

        Je note juste que le truc de la Datar a été sorti à l’occasion de l’atelier Grands Projets Inutiles à NDL, pas par vous j’imagine. C’est d’ailleurs auto-référentiel par rapport à leur « scénario de l’inacceptable » de 1971, une façon de conclure l’histoire de la DATAR (puisque c’est fini), ce qui n’a pas toujours été compris. Bref vous synthétisez des trucs des autres à des fins mondaines. En tous cas, merci de vos anathèmes : je me demandais si vous étiez soucieux d’autre chose que de votre propre narcissisme, et si donc vous étiez intéressé par la contradiction et la pensée argumentée plutôt que par les petites luttes agonistiques entre gérontocrates. J’ai ma réponse. Vous pouvez aller chez Agone, vous êtes mûr, ils n’aiment plus ni les ouvriers, ni les travailleurs en général. C’est pour vous, ils fabriquent de très beaux cercueils pour ce genre de trucs. Mais grouillez-vous, le coup de balai est annoncé de force 7. Place aux jeunes.

        ⇒

        • mardi 10 septembre 2013 Ã  20h47, par Agone Canal Historique

          Tiens voici l’introduction d’un numéro de la revue Agone Canal historique qu’avait fait Christophe Patillon. Le Syndicalisme et ses armes. Que vous le vouliez ou non, une grève est aussi une lutte locale :

          "On peut regretter l’absence de grands dirigeants syndicaux comme Émile Pouget, ce secrétaire national de la CGT d’avant 1914, pour proclamer : « L’action directe, c’est la force ouvrière en travail créateur : c’est la force accouchant du droit nouveau – faisant le droit social. »
          On entend déjà les sceptiques et les « modernes » : il est impossible de transposer les méthodes d’hier au traitement des questions d’aujourd’hui, de tirer des leçons d’un conflit localisé pour des questions d’importance nationale dans un contexte mondialisé. Il faut savoir s’adapter, renoncer à la grève qui est périmée, et tout miser sur le dialogue social.
          La classe ouvrière organisée n’existe plus guère, certes, mais les ouvriers et employés subalternes restent légion et largement majoritaires dans nos pays développés. La plus grosse difficulté vient du fait qu’eux-mêmes et la plupart des intellectuels qui s’expriment ne croient plus qu’ils sont potentiellement porteurs d’un avenir meilleur pour l’humanité." (René Bourrigaud)

          Et qu’on ne me fasse pas dire que ça me rend un ennemi de NDL, bien au contraire. Ce que je me tue à vous dire c’est que vous insufflez des frontières dans les cerveaux sur le mode dual qui empêchent de penser l’ensemble et que cela repose sur des raisons sociales, des luttes pour la distinction intellectuelle dans la presse militante. Le travail intellectuel c’est de dynamiter les fausses alternatives : et oui, à NDL ils ont besoin de produits de l’industrie (vous savez fabriquer un mousqueton ?), donc il y a besoin d’une industrie pour les alternatives, donc il y aura des travailleurs et une division du travail, alors on fait comment banane ? on ne peut pas séparer les deux (ou bien on fait nos alternatives sur le dos des travailleurs chinois et de la destruction écologique de la Chine ?) même si les luttes sont séparées. Par contre il faut que les uns et les autres se regardent, s’inspirent les uns des autres, finissent par s’épauler, comme les paysans et les Zadistes

          Benoît EUGENE, ancien rédacteur en chef de la revue Agone

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          • Benoit Eugène, si vous lisez la troisième partie du texte, vous verrez que je n’oppose pas si nettement que vous croyez les usines aux luttes locales - bien que cette troisième partie me laisse insatisfait, j’y reviendrai quand j’aurai le temps, en attendant de justes (et moins justes) critiques seront publiées bientôt ici même, je crois, par Charles Reeves. Sinon, je ne crois pas que nous ayons besoin de chefs, fussent-ils syndicaux à la Pouget.

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          • canal historique, pourriez vous nous parler davantage, et cette fois en première personne, en vous essayant à une critique interne, de « la distinction intellectuelle dans la presse militante » de ses heurs que vous avez du pour partie connaitre et de ses malheurs, que vous éprouvez davantage aujourd’hui semble-t-il ?

            Par ailleurs, sur la division du travail (qui est le mal, qui doit être supprimée) telle qu’elle est déterminée par les rapports sociaux capitalistes, faut peut-être essayer de voir un peu autrement, avec Fourier par exemple et son raisonnement en terme d’« « attraction passionnée » ». Comment s’attache-t-on à tel ou tel type d’activité ? Le désir n’est-il qu’une louche particularité qui contrevient à l’égalité ? etc.

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            • mercredi 11 septembre 2013 Ã  22h12, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

              Je dois dire que je connais mal Fourier et que je ne peux pas vous répondre, ça fait partie des choses que j’ai envie de lire. Ce serait plutôt à vous de nous en dire plus. Je suis plutôt dans une perspective de sociologie des intellectuels sur le coup. En gros, mon hypothèse, c’est que de même que l’œuvre d’art est faite plusieurs fois, tout objet, une lutte par exemple, est faite et refaite par les commentateurs (je mets Quadruppani dans les commentateurs, critique d’art des luttes), à coups de choses ni vraies ni fausses. L’enjeu de ces publications est de trouver un public (c’est là que le narcissisme intervient, et le sophisme aussi : je me balade avec NDL sous le bras et j’épate la galerie) et l’objet concret et ce qu’on pourrait en apprendre, a tendance a être enseveli sous le commentaire. Après il y a les articles qui y répondent parce qu’il y a des gens qui sont en concurrence, comme les critiques d’art, pour dire « ce que c’est » (et donc ils se fritent et tous les coups sont permis) Je ne dis pas qu’un observateur patient (et participant non seulement aux causeries qui ont lieu autour des luttes, mais à l’action quotidienne) ne verrait pas des choses que les plus impliqués ne voient pas... Mais en gros c’est ce qui se passe (il y en a qui vont le voir d’un point de vue pratique potagère qui est bien du taff, d’autre fonctionnement des institutions à des fins pratiques etc. Bref des gens impliqués qui développent une sorte de génie pratique expérimental et le mettent plus ou moins en commun, ou en tous cas se voient les uns les autres faire). Quand les intellos débarquent et montent en généralité, je me méfie toujours, c’est presque toujours une façon de se distinguer des collègues et de placer des produits intellectuels sur le marché, et ça envahit tout (parce qu’ils n’ont que ça à faire, n’ont pas de potager !). Après il y a des types qui viennent sur les luttes et qui débitent ces intellectualisations (en général pour essayer d’avoir un peu de pouvoir sur ceux qui ne sont pas équipés pour résister aux sophismes) dont il s’avère qu’elles n’ont aucune utilité pratique, et font chier tout le monde tant qu’ils ne se mettent pas les mains dans le cambouis. Et bon, il me semble que la presse militante se gentrifie rapidement sous ce rapport, envahie de ces choses, plutôt que de récits concrets de luttes et de tours de mains qu’on se passe d’une lutte à l’autre (enfin bon c’est un truc qu’on apprend plutôt en allant donner un coup de main aux copains évidemment). A Agone, c’est pas de la presse, mais c’est dément ce qui s’est passé, non seulement sur le plan du travail, mais aussi de l’éditorial. C’est vraiment de la gentrification... Donc je trouve que ça fait beaucoup de Quadruppani dans Article XI, donc je m’inquiète (je suis un inquiet !) Quand je vois qu’AL publie une minute pour le patron une minute pour les travailleurs d’Agone et me refuse la publication d’un court texte qui démonte factuellement le communiqué patronal, je rêve. Alors qu’ils devraient enquêter pour savoir ce qui se passe... Faire des reportages... Et je sais déjà que quelqu’un va prendre ce conflit de haut, en faire une analyse, et que ça va détourner l’attention des nécessités pratiques d’une lutte qui peut être gagnée en deux coups de cuillère à pot, on va être ensevelis si on ne prend pas les devants. Donc je m’entraine, en fait !

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        • « pas par vous, j’imagine » : Musée, arrêtez d’imaginer, vous vous faites du mal. Je n’ai pas à vous répondre sur mes pratiques, causez de ce dont je cause, si ça vous intéresse, sinon, quel intérêt de vous acharner sur ma petite personne, ce qui ne peut que nourrir le narcissisme que vous me prêtez ? Et votre jeunisme est ridicule. Allez, fin de la conversation, si vous voulez le dernier mot, je vous le laisse.

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          • mercredi 11 septembre 2013 Ã  10h12, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

            L’action directe, comme la citation de Pouget le montre (et ce numéro donc dirigé par Christophe Patillon sur les grèves de St Nazaire, pas loin de NDL, si vous lisez ça vous verrez beaucoup de points communs avec la ZAD, et quasiment sur le même territoire), a été mise en pratique par le mouvement ouvrier. Un mouvement ouvrier peu à peu domestiqué par la cheffaille syndicale. Une action directe remise à l’ordre du jour à la ZAD. Et qui revient dans les boites... Tout cela est complémentaire. Donc c’est contre-productif de se moquer de la domination des dominés, les travailleurs. Ce qu’il faut au contraire, c’est créer les conditions pour qu’il se réapproprient les formes d’action mises en Å“uvre à la ZAD et prennent le contrôle de leurs boites coulées par les délocalisateurs. Et un des obstacles c’est le racisme de classe, notamment de la classe intellectuelle. La façon dont vous parlez des travailleurs, c’est du racisme de classe, désolé. Jeunisme ? Moi je n’étais pas né dans les années 60. Vous ne pensez pas que le monde a changé depuis ? La révolution conservatrice est passée par là. On vous reprochait de n’avoir point les mains caleuses quand le PC était hégémonique. Vous reprochez quasiment aujourd’hui aux travailleurs d’avoir les mains caleuses...

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      • Toutes les billevesées de ta métaphysique ne valent pas un argument ad hominem.

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  • jeudi 12 septembre 2013 Ã  09h28, par Moi c’est moi.

    Vous devriez penser les uns et les autres que si, d’aventure, un(e) partisan(ne) de cet « empire » contre lequel nous convergeons, vous et moi, tombe sur votre querelle par forum interposé, il (elle) doit se frotter les mains !...
    La controverse, c’est nécessaire, c’est enrichissant et ça fait, normalement, avancer les choses. Mais à condition que les interlocuteurs donnent l’impression de se respecter mutuellement, et ne prennent pas, plus ou moins explicitement, les autres participants au dialogue pour de pauvres c....qui n’ont rien compris !...
    Or, quand je lis vos « Ã©changes », je n’ai pas vraiment l’impression que cette condition soit respectée !...
    C’est dommage, car vous dites les uns et les autres des choses qui, non seulement ne sont pas foncièrement antinomiques, mais en plus devraient logiquement se compléter et s’enrichir mutuellement.

    ⇒



  • jeudi 12 septembre 2013 Ã  14h32, par point d’interrogation

    n’y aurait-il pas que des luttes locales ?
    le reste etant soit soutient, soit concept ?

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    • jeudi 12 septembre 2013 Ã  16h58, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

      Exact. Plus concept que soutien d’ailleurs... Mais soit aussi conquête du pouvoir par un Parti qui dégarnit le front local à intervalles réguliers... Même les luttes contre les entités « globales » sont locales : si le pouvoir est à Paris, Bruxelles, Washington, c’est sûr qu’il n’y a que les mouvements locaux qui peuvent faire feu sur le QG (le reste c’est du lobbying en réseau, amené à se constituer en alternative en cas de crise vraiment grave, mais c’est on prend les mêmes et on recommence, car tant que les centres de pouvoir sont à distance, les représentants et les lobbyistes gouvernent loin du regard des locaux. Pour ça que relocaliser le pouvoir sur un territoire est très important. Ce que ne comprennent pas les altermondialistes qui prônent « une autre gouvernance globale » - parce que eux sont tellement intelligents qu’ils feraient des politiques géniales sans aucun besoin d’être au contact des besoins populaires, sans avoir besoin de savoir ce que c’est que de vivre sur un territoire particulier et sans être subordonnés à des intérêts de classe managériale globale tournant autour de la planète sans jamais toucher le plancher des vaches... Ou résister localement en s’en prenant aux implémenteurs locaux de ces politiques globales.

      ⇒

      • Quand on a touché le plancher des vaches, on doit s’y connaître en bouses !
        Différence entre souveraineté nationale et souveraineté populaire, ça t’intéresse ?

        ⇒

        • vendredi 13 septembre 2013 Ã  00h21, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

          j’ai pas parlé de souveraineté nationale, Monsieur le professeur (enfin je ne vois pas où...) J’ai parlé de souveraineté locale je crois, au moins pour ce qui peut être décidé localement, seule échelle qui permettrait un exercice soutenu de la souveraineté populaire... S’il y a de la démocratie à établir, c’est bien là, parce que c’est possible... A d’autres échelles elle ne se manifeste que dans des circonstances historiques exceptionnelles et elle est logiquement captée rapidement par la représentation...

          ⇒

          • je te répète, à ton échelle, tu ferais mieux de parler de bouses, bouses fraîches, bouses de haute antiquité etc...
            et surtout, reste dans ton maëlstrom de merde.

            ⇒

            • vendredi 13 septembre 2013 Ã  11h16, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

              Tu t’adresses à tous les habitants de ce pays qui n’habitent pas à Paris ou dans une métropole régionale ? Et vivent là où ils sont en revendiquant de pouvoir s’occuper le plus possible de leurs propres affaires ? Car il y a une différence entre ceux qui théorisent (et globalisent) NDL et ceux/celles qui se battent pour y vivre. Pour vivre là. Parfois la menace contre ce « là » n’a rien de très spectaculaire, comme par exemple quelques centaines ou milliers d’habitants déguerpis à Ouaga par la spéculation immobilière menée par les pouvoirs et les riches du coin. Ceux-là n’ont pas droit à beaucoup de soutien extérieur. Parce que ce n’est pas « chic » et il n’y a pas de capital symbolique à gratter en les soutenant, ça n’ouvre les portes d’aucune chapelle. Tu comprendras dès lors que la majorité n’ait aucun intérêt à remettre sa souveraineté dans certaines mains, ni à laisser façonner l’image de ses luttes par d’autres...

              ⇒

            • samedi 14 septembre 2013 Ã  22h10, par Musée de l’Europe & de l’Afrique

              tiens c’est marrant, celui-là vous l’avez pas supprimé !

              par contre, « après alter-mondialisme alter fascisme » oui.

              Pourtant c’est une analyse : ça veut dire que la 3e droite est pas nette.

              Alors que le commentaire auquel je répondais est de l’insulte pure, et du racisme très clairement, contraire à toute nette étiquette...

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              • Tu as raison. Il y a deux trucs, en fait.

                Un purement pragmatique : le commentaire au-dessus est intégré à un fil de discussion, il avait déjà une réponse, bref c’est plus chiant à supprimer que quand il n’y a pas de réponse et qu’il suffit de pousser sur le bouton.

                Et un truc un brin plus idéologique : de base, on n’a pas le réflexe de supprimer, et il faut nous faire violence pour censurer. On n’aime pas ça, on n’y croit pas et on espère toujours que le débat va s’auto-réguler.
                La plupart du temps, c’est le cas. Mais le dénommé B. se remet (il le faisait déjà il y a un bail puis il s’était calmé) à foutre la merde en commentaires et à injurier tout le monde. Donc, on va se remettre à lui supprimer ses commentaires jusqu’à ce qu’il parvienne à parler aux gens sans les injurier ou agiter des idées moisies.

                Hop, désolé pour ça, on va faire plus gaffe.

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  • dimanche 15 février 2015 Ã  09h24, par Roxie

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