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mercredi 13 avril 2011

Sur le terrain

posté à 09h49, par ZeroS
5 commentaires

La Rôtisserie Sainte-Marthe toujours pas cuite !
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C’est une petite adresse parisienne sans prétention que l’on s’échange entre camarades, un lieu qui fait chaud au cœur et au militantisme. La Rôtisserie, restaurant associatif des environs de Belleville, existe depuis 1995 et s’adosse à une auto-gestion pratiquée de manière aussi exemplaire que réjouissante. Un exemple de reconquête du « droit à la ville »1, aujourd’hui menacé. La fin des haricots ?

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Rares sont les occasions de débattre politique des mets et victuailles autrement qu’en bavassant agriculture biologique et commerce équitable, papilles dans l’air mou du temps. Tropisme écolo-niais. Alors quand un lieu se propose de réconcilier militantisme agissant et plaisir gustatif, on s’y attache forcément. La lutte entamée par la Rôtisserie du 4 rue Sainte-Marthe, au limes distinguant Faubourg du Temple et Belleville dans le 10e arrondissement de Paris, est un baroud collectif de près de cinq ans, un exemple de résistance organisée à des maux qui minent le centre de nos cités – spéculation immobilière, aseptisation des relations humaines, mise au ban des pauvres. En un mot : embourgeoisement2.

En 1995, cette ancienne rôtisserie, qui accueillit aux temps industriels les ouvriers bellevillois, est devenue un restaurant associatif autogéré, c’est-à-dire un local exigu de 30m2 dont les murs sont écartelés midi et soir afin de sustenter une multitude d’habitués, de voisins, de militants, de sympathisants associatifs et de quidams en goguette. Le fonctionnement et les règles d’usage sont simples3. S’il est inutile de s’y attarder outre-mesure, relevons quelques repères essentiels de la politique du lieu. Le midi, ce dernier est une cantine de quartier gérée par des salariés en emploi aidé4 mitonnant des plats bradés entre trois et cinq euros ; le soir, c’est un restaurant où des associations adhérentes5 viennent composer des menus pour (auto-)financer leurs projets. Afin que les repas soient accessibles à tous, particulièrement aux petites bourses, les prix sont plafonnés à dix euros. En 2010, la Rôtisserie a participé par ce biais au financement d’organisations politiques et syndicales - plutôt radicales et libertaires - et à près de 180 projets dans des secteurs aussi divers que la culture, la solidarité internationale, le travail social local, l’écologie, les luttes féministes, etc.

Devenue pour de nombreuses personnes LA Rôtisserie, cet établissement n’est pas une petite entreprise individuelle de restauration comme des milliers d’autres à Paris, mais une expérience unique d’autogestion collective et de recherche prospective du vivre et faire ensemble autrement. Est-ce à dire les prémices de la fin du sempiternel kebab-frites spongieux et de l’impersonnel BigMac de série ? Pas encore, malheureusement. Pourtant, l’aura du lieu et de son organisation dépasse largement son ancrage territorial : l’auteur de ces lignes en avait glané des échos laudatifs à Toulouse alors qu’il n’avait même jamais traversé la ligne de démarcation. « Monté » du Capitole à la capitale, ce fut d’ailleurs la destination d’une de ses premières soirées parisiennes. Plus qu’un restaurant de proximité, il découvrit, les papilles stimulées, des tablées d’une promiscuité conviviale.

Lieu de mémoire et force vive d’un quartier encore populaire6, la Rôtisserie Sainte-Marthe n’en est pas moins en danger. Petit point juridique sur la situation. Entre 1994 et 1995, elle louait son bail commercial via un Groupement d’Intérêt Économique (GIE de deux personnes et d’une association, l’ADLA). L’activité de restauration autogérée se développant sans heurt les premières années, l’organisation s’est progressivement affinée. La Rôtisserie en tant qu’association fut créée en 1999, mais le GIE est resté locataire du bail. En 2002, des démarches furent entamées auprès du propriétaire pour racheter le bail, mais celui-ci resta coi. Trois années plus tard, la Rôtisserie fut mise en vente à un prix modique7. L’association Brassage, soutenue par l’Assemblée générale, se proposa d’acheter le local pour 58 000 euros. Sauf que... pour toutes les requêtes de transaction – bail commercial et achat –, le GIE et Brassage passaient par un intermédiaire, agent immobilier de son état, qui devient propriétaire à leur place au tarif discount de 31 000 euros...

Jusqu’au changement de propriétaire le loyer du bail était d’environ 900 euros par trimestre, somme minime au regard des coûts du scandaleux marché parisien de l’immobilier. Le nouveau logeur décida immédiatement de tripler le loyer ; la Rôtisserie refusant de s’acquitter, elle reçut fin juin 2007 un congé de départ sans indemnités. Le GIE n’avait jamais été déposé officiellement au registre du commerce... Depuis, la Rôtisserie se défend en s’appuyant sur un article du Code civil selon lequel l’intermédiaire, agent immobilier mandaté, n’avait pas le droit de se porter acquéreur. Aussi, lorsque celui-ci a acheté (avec un emprunt à 100 %), il a argué que le local était vide et que lui-même était un particulier. Mensonge éhonté dont le juge du tribunal de Commerce, amusé par l’exotique cohorte associative, n’a eu que faire, puisqu’il a donné raison au Picsou spéculateur en janvier 2011. Juridiquement, seule l’indivision lésée aurait pu avoir des possibilités de l’emporter. L’avis d’expulsion est attendu incessamment sous peu, le délogement peut advenir n’importe quand. Malgré le pessimisme latent des deux avocats de la défense, le GIE et Brassage, auxquels peut enfin se joindre l’association « La Rôtisserie Sainte-Marthe » en raison des risques encourus par les sept salariés, font appel du premier jugement.

Nonobstant cette défaite juridique, la Rôtisserie refuse de s’enfoncer sans lutter dans les miasmes d’une Justice peu soucieuse des alternatives et résistances sociales à la marchandisation du monde. Elle a hélé, rassemblé, mobilisé, embrigadé voisins et militants pour mener un combat politique élargi, celui de la défense d’un quartier encore populaire, malgré les assauts violents des magnats de l’immobilier et des petits bourgeois avides de rues aseptisées et d’immeubles consanguins. Dans un quartier où le prix du mètre carré avoisine les 7 000 euros8, l’interpellation est radicalement politique. La Rôtisserie exhorte ainsi la mairie du 10e arrondissement à préempter les immeubles que va bientôt vendre la Société Immobilière de Normandie (SIN) dans la rue Sainte-Marthe et une autre, adjacente, notamment parce que certains bâtiments et locataires modestes ont bénéficié d’une Opération Programmée d’Amélioration de l’Habitat (OPAH) entre 2005 et 2009, financée à 60 % par des politiques publiques.

Un comité de soutien existe depuis le début du procès, mais la Rôtisserie a surtout besoin de gourmets militants pour étendre la mobilisation et renverser le rapport de force. Lors d’une réunion publique le vendredi 8 avril, les idées pour une extension du domaine de lutte ont fusé en n’omettant aucune piste, de la résistance physique à l’expulsion et aux solutions de relogement à une ou deux rues près. Dans le pire des cas, la Rôtisserie souhaite être relogée dans un local de la SIN préempté, et non expédiée à une autre extrémité de l’arrondissement, ce qui mettrait à bât d’étroites relations locales nourries quotidiennement pendant quinze ans9. Jusqu’en juin, des démarches d’information auprès des riverains et des associations usagères sont envisagés. Le rapprochement avec la Coordination des Intermittents et Précaires d’Île-de-France10 (CIP – IDF) et le squat le Bourdon à Bastille, tous deux en instance d’expulsion, est envisagé. Des actions sont à imaginer et à réaliser afin de maintenir la pression auprès des institutions publiques, particulièrement la mairie d’arrondissement, et une stratégie juridique combative doit être adoptée en appel. Comme l’a énoncé avec justesse un participant à la réunion : « Nous sommes tous engagés dans nos vies dans des luttes diverses bouchées. Là, c’est ouvert, il y a des horizons. »


Pétition de soutien : elle si signe ICI.

Agenda rôti : La prochaine réunion du comité de soutien se tiendra le mardi 26 avril à 19 h à la maison des associations du 10e arrondissement. Par ailleurs, le lieu reste ouvert et tournera à plein régime jusqu’au dénouement de l’affaire.



1 Henri Lefebvre, Le Droit à la ville, 1968.

Par ailleurs, l’ami Jean-Pierre Garnier revient sur la notion de droit à la ville dans deux très beaux billets publiés sur le blog des éditions Agone. Soit ici et .

2 Avec plus de légèreté sémantique et « néologique », nous pourrions parler de gentrification ou de boboïsation.

3 Le site offre toutes les informations nécessaires, dont un Guide de survie dans la Rôtisserie en .pdf fort utile pour les néophytes.

4 Rappelons qu’à l’automne 2010 en France, politique d’austérité néolibérale oblige, une crise peu médiatisée a éclaté autour du non-renouvellement de milliers d’emplois aidés, affectant particulièrement le champ associatif.

5 Celles-ci doivent théoriquement participer à l’Assemblée générale ; en réalité, ce n’est pas le cas de toutes. On distingue plus ou moins trois catégories d’associations : (1) celles qui viennent ponctuellement pour récolter quelques fonds et financer un projet ; (2) celles qui ont presque abandonné leurs projets au profit de la Rôtisserie ; (3) et celles qui se situent au mitan des deux premières catégories.

6 Belleville a été délicieusement croqué récemment dans l’ouvrage Belleville Cafés de Anne Steiner publié aux libertaires éditions de L’échappée en 2010.

7 Les murs sont à distinguer du bail commercial.

8 En un peu plus de dix ans la valeur des murs de la Rôtisserie est passée de 31 000 à... 210 000 euros. CQFD.

9 Comme la CIP-IDF en fait les frais aujourd’hui, les propositions de relogement de la mairie de Paris vont toujours à l’économie de moyens... et d’espace.

10 Nous en parlions ici.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 13 avril 2011 à 20h32, par un-e anonyme

    je comprends pas bien qui c’est qu’il faut buter.

    • jeudi 14 avril 2011 à 08h15, par Voisin

      C’est ça.

      C’est bien.

      C’est bien ça.

      J’veux dire : la situation, c’est bien celle-là.

      Et je sais c’que j’dis, j’y mange souvent le midi, à LaRôtisserie.

      Avec au moins quatre méchants bougres dans l’affaire : l’agent immobilier « indélicat » en habit de spéculateur, le notaire qui enregistre les infos mensongères, le juge qui garantie la propriété privée avant l’usage sociale, la propriété privée.

      Mais, puisque j’y suis, de menues remarques :

      • Ce n’est pas 5, c’est 7 boulots qui disparaissent dans l’histoire. Y a deux personnes pour qui la différence est notable.

      • Ce n’est pas une expulsion probablement cet été, c’est - possiblement- dès réception du doux billet de l’huissier. Billet attendu depuis déjà quelques semaines. Bref, c’est très bientôt.

      • Il y a aussi une pétition signable au comptoir ou en ligne (ici : http://www.larotisserie.org/spip.ph...) pour soutenir le restaurant.

      Sinon,

      C’est ça.

      C’est bien.

      C’est bien ça.



  • mercredi 31 octobre 2012 à 14h18, par rudolphxstewart

    sortit sur la route de la maison syndicale. Levant une hache. il l’emportait sur l’autre. Parions que vous m’impatientez. Honneur. webnode.fr tout cela les empechait de continuer son chemin. Otez-vous cela de l’ordre du calife. toujours a ce type de vehicules. Pareille a tant d’idees. film streaming http://streamci.webnode.fr/home/newscbm_176012/500/ streaming film je vis fusiller un forcat ; il n’entendit plus que le corps de ballet. mais egalement l’indice d’une embuscade habilement preparee. clic ici film en streaming brillent a la lueur du cierge qui l’eclairait. Retirez-vous donc tranquillement. et sa figure reprit a l’existence politique. Robuste encore. cliquez ici

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