ARTICLE11
 
 

vendredi 25 juin 2010

Littérature

posté à 22h55, par Lémi
29 commentaires

Comme des moutons à l’abattoir
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Une ligne de front mouvante, toujours renouvelée. La publicité écrase tout sur son passage, cerveaux et planète. En face, peu d’opposition. Normal : remettre en cause le système publicitaire implique de formuler une critique radicale, férocement anti-consumériste. De La Misère humaine en milieu publicitaire, signé du Groupe Marcuse, rappelle les termes du combat.

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«  La publicité est la morale de notre temps  » (Jean Baudrillard)

Toujours, ego aidant, on croit ne pas être cible, on s’imagine à l’écart, au-dessus de la mêlée. Rengaine omniprésente : « Ça ne prend pas sur moi ; manquerait plus que des crétins de publicitaires parviennent à s’introduire dans ma psyché… » Fais le test sur ton entourage – tes potes, ta famille, ton barman – ; demande-leur s’ils se pensent perméables au discours pubard ; ou s’ils s’estiment immunisés. Réponses unanimes : toujours, ils seront persuadés d’échapper au grand ratissage publicitaire, de ne pas être une cible à marketing. Les autres, ces crétins, se font peut-être avoir, mais pas eux. Impossible, leurs neurones veillent au grain. Étrange déni de réalité qui, comme le souligne le Groupe Marcuse dans De La Misère humaine en terrain publicitaire1, constitue un terrain fertile pour les décérébreurs de tous bords : « Il faut sortir de cette illusion d’invulnérabilité – si propice à l’influence publicitaire – liée au fait qu’il est difficile d’apprécier soi-même un effet inconscient. »

Bref, tu auras beau penser que la déferlante publicitaire que tu subis quotidiennement (sauf si tu vis dans le Larzac avec tes chèvres – et encore) ne s’imprime pas en toi, te laisse indemne, la réalité n’en reste pas moins accablante : comme tout le monde, tu es - plus ou moins - sous le joug d’un système embarqué, d’un ordinateur de bord te guidant vers des impulsions, des choix, des achats, tout en pesant lourdement sur la marche du monde. Sans tomber dans l’excès inverse – faire du système publicitaire une « seringue hypodermique » aux effet inévitables, déterminisme über alles – , reconnaitre la létalité de l’arme publicitaire paraît impératif. D’autant qu’évidemment, elle n’avance pas seule. À ses côtés, tout un système grignoteur d’humanité ravage tes environs. Les Huns, sauce 21e siècle.

Dans la postface à la présente édition (2010), le groupe Marcuse explique que lors de la première édition du livre, en 2004, le sous-titre choisi – «  comment le monde se meurt de notre mode de vie  » – avait suscité pléthore de critiques : trop catastrophiste, trop alarmiste. Et puis, coup de tonnerre, en six ans seulement, la doxa médiatique a rejoint cette position. Ils sont peu, désormais, à estimer que le monde n’agonise pas sous les coups de boutoir de la société de consommation hypertrophiée, à réfuter l’assertion du désastre en route. Sauf que, triste récupération, le cri d’alarme lui-même s’est fait illico allié du système, voire s’est réincarné en mode de gouvernance (à ce sujet, lire Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable2, signé René Riesel et Jaime Semprun). La critique globale et radicale du système capitaliste marchand, celle à laquelle nous invite le Groupe Marcuse, reste aussi marginale que caricaturée.

*

« La pub est une charogne qui nous sourit ». Voilà ce qu’écrivait Oliviero Toscani, célèbre photographe de ces pub Benetton qui ont fait tant couler d’encre. Le vautour adepte du shockvertising, celui-là même qui il y a peu déclarait dans Télérama que la publicité existe depuis la nuit des temps (rhhhaaa), feignait de s’étonner de l’indécence du milieu qui l’avait nourri, dénonçait (gentiment, faut pas déconner) son ancien fond de commerce. Rien d’étonnant à cette pseudo-volte-face, posture avantageuse. Parmi les contempteurs les plus exposés de la publicité, on retrouve fréquemment des ex-publicitaires dégoûtés à force de fréquenter l’auge communicationnelle. Il y a eu Beigbeder et son 99 francs, ou Dominique Quessada et La Société de consommation de soi. Quant aux associations Adbusters et Casseurs de pub, en première ligne dans la résistance à l’agression publicitaire, elles ont toutes deux été fondées par des anciens publicitaires. Étrange. L’absence absolue de remise en cause des préceptes publicitaires aboutit à cette situation inversée : ce sont les publicitaires (plus ou moins repentis) qui, parfois, s’ingénient à soulever (en surface) les œillères généralisées. Et quand une grande chaîne lance une campagne détournant sur ses affiches l’esthétique des anti-pub, la boucle est bouclée. La critique elle-même est cadenassée, en trompe-l’oeil.

C’est en grande partie pour ça que l’ouvrage du groupe Marcuse est précieux : il fonce droit au but, saccage l’édifice moraliste et bien-pensant sans s’embarrasser d’atermoiements. Surtout, il utilise comme socle à sa vitupération l’argumentaire même des publicitaires, les mots de ceux qui président à l’invasion. Du très célèbre «  temps de cerveau disponible  » de Patrick Le Lay à d’autres moins connus (« Notre image est mauvaise ; heureusement, on ne nous connaît par assez pour qu’elle soit exécrable »), pêchés dans des manuels spécialisés ou des déclarations publiques. Édifiant. Des techniques mises à jours (jouer sur l’inconscient, encourager la sacro-sainte frustration, matraquer encore et toujours), tu retiendras que la publicité, fer de lance de «  l’avancée du front consumériste » et du «  devenir invivable  », fonctionne sur des principes encore plus malsains que ce que tu imaginais. Et que ces principes sont finalement revendiqués par ceux-là même qui sont aux marketingo-manettes. En fin d’ouvrage, ceux du groupe Marcuse expliquent : «  Il n’y a presque rien de ce que nous avons dit de la pub qui ne l’ait déjà été par les pubards eux-mêmes.  »

*

Une évidence : pour être crédible, la critique de la publicité doit s’adosser à une critique plus large, d’ordre globale. De même qu’un discours écologiste réfutant en bloc l’idée de décroissance ne peut être que l’œuvre d’un fumiste néfaste, un discours anti-pub s’axant uniquement sur des revendications esthétiques (la pub est moche), féministes (la pub est sexiste) ou de bien-être (la pub m’agresse), ne rime pas à grand chose. Refuser la publicité, c’est refuser violemment l’industrie consumériste dont elle est le porte-voix autant que le voile impudique :

« La publicité n’est que la partie émergée de cet iceberg qu’est le système publicitaire et, plus largement, de l’océan glacé dans lequel il évolue : la société marchande et sa croissance dévastatrice. Et si nous critiquons ce système et cette société, c’est parce que le monde se meurt de notre mode de vie. »

Voilà pourquoi les médias et leurs représentants castrés (les intellectuels à paillettes) ont toujours préféré les discours affadis, les déformations moralistes. D’une critique générale, ne garder qu’un bout isolé, une parcelle peu explosive : «  Afin de ne pas remettre en question la légitimité de la publicité en général, il est toujours de bon ton de noyer le poison en se répandant en moraline convenue sur un thème politiquement correct : l’exploitation abusive du corps humain. On peut aussi évoquer en passant l’influence néfaste sur les enfants, laissant entendre par là que la publicité ne serait un problème qu’à l’égard de ces « petits êtres faibles » dont on prend alors la défense. C’est ce qu’ont fait nos « intellectuels » médiatiques en entrant dans le « débat  » ». Ils ont beau jeu, alors, de se draper dans leur indignation, de taper du poing sur la table en dénonçant l’inacceptable, la limite dépassée, de dénoncer ces excès qui font partie du jeu : « On ne peut pas séparer la publicité de ses excès, tout simplement parce que ce n’est que par ses excès que la publicité peut avoir de l’effet. Et tous les « dysfonctionnements abusifs » que nos moralistes dénoncent font en réalité partie du fonctionnement normal de la publicité. »

*

Il faudrait revenir sur tous les points de l’ouvrage du groupe Marcuse, en détail. Rappeler que «  Nestlé a acheté le mot bonheur, Pepsi Cola la couleur bleue ». Sangloter en relisant cette statistique fournie par Culture Pub et affirmant qu’un individu lambda reçoit en moyenne 7 000 messages publicitaires quotidiens. Dépiauter le discours hilarant des contempteurs du mouvement anti-pub (à lire, ici, dont cet article de Robert Redeker joliment intitulé « L’anti-publicité, ou la haine de la gaieté » – rhhaa). Citer des chiffres, signaler des évolutions dans le matraquage, etc.
Mais l’objectif de ce billet n’est pas d’être exhaustif ou synthétique. Simplement d’attirer ton attention : avec De La Misère humaine en milieu publicitaire, tu as sous la main une des critiques les plus efficaces du système médiatico-consuméristes, synthétique et straight to the point. Je serais toi, je filerais en librairie pour y quérir l’objet. Ensuite seulement, tu pourras t’armer de bombes (de peinture, of course, de peinture…).



1 Éditions La Découverte.

2 Editions de l’Encyclopédie des nuisances, 2008. J’y reviendrai.


COMMENTAIRES

 


  • vendredi 25 juin 2010 à 23h20, par Docteur Ska

    Il est assez incroyable cet article de Robert Redeker ! (en lien, à la fin)

    Moitié hilarant, moitié déprimant. Quoi ? Il y a vraiment des gens qui pensent ça ?
    Au moins il a pigé où les « anti pub » voulaient en venir :


    « Seule la communauté autarcique, non développée, qui ne produit que ce qu’elle consomme et qui ne consomme que ce qu’elle produit, peut se passer de publicité. »

    « le mouvement anti-pub encourt le risque de nier les avantages de la mondialisation. »

    etc...

    • dimanche 27 juin 2010 à 21h22, par Lémi

      Oui, itou, j’en suis resté sur le postérieur, incroyable argumentation qui fait presque gag. D’ailleurs, je l’ai découvert alors que je mettais la dernière patte à cet article. Sinon, je crois bien que je me serais lancé dans un commentaire de ce moment de gloire (qui date de 2004, in Le Monde).



  • vendredi 25 juin 2010 à 23h57, par un-e anonyme

    Robert Redeker prend des acides, c’est obligé.

    • samedi 26 juin 2010 à 07h43, par un-e anonyme

      Qu’il continue. En augmentant sa dose il finira bien par se dissoudre ...

    • samedi 26 juin 2010 à 14h52, par George Weaver

      Oui, mais de quelle marque, à votre avis, ces acides ?

      Des qui excitent considérablement l’imaginaire, en tout cas, si l’on considère le passage suivant :

      « … le désir est cette faculté humaine que les animaux, sans imaginaire et bornés au besoin, ne partagent pas. […]. Suscitant du désir, la publicité humanise, nous rendant, au même titre que la raison, plus hommes… »

      • dimanche 27 juin 2010 à 21h25, par Lémi

        @ Tous

        Ok, je vais tenter de trouver l’adresse du dealer de Redeker, puisque nous sommes tous unanimes : ce mec a des plans en or (@ George Weaver : oui, moi-aussi, je me suis pincé en lisant ce passage : la publicité humanise, nous rendant, au même titre que la raison, plus hommes… Un fou furieux)



  • samedi 26 juin 2010 à 10h10, par graffitix

    A la vue de la liste des auteurs du site Contrepoints, cité en fin d’article, j’ai un petit doute sur son orientation.

    • Bin, en fait il héberge l’article de Redeker publié dans Le Monde en 2004 (et donc payant à consulter), j’ai pas été chercher plus loin, pas le choix si je voulais qu’on puisse le lire. Un petit coup d’oeil après ce commentaire me laisse aussi à penser que le site est une grosse bouse tendancieuse (la flemme de fouiller en profondeur). Pour compenser, le lien de la réponse des Brigades Antipub au cuistre en question :Réponse à monsieur Redeker.



  • samedi 26 juin 2010 à 12h02, par JBB

    « Je serais toi, je filerais en librairie pour y quérir l’objet. »

    Ô rage, ô désespoir, ô publicité ennemie…

    (Eheh…)

    • dimanche 27 juin 2010 à 21h34, par Lémi

      Tiens, ce serait pas Monsieur « J’ai un cerveau en béton armé insubmersible, invincible, imprenable ? » qui vient faire de l’ironie (facile) ? A partir d’aujourd’hui, je n’aurais pas de repos avant d’avoir mis le doigt sur une faiblesse publicitaire à toi liée. Croix de bois, croix de fer.

      • lundi 28 juin 2010 à 13h04, par JBB

        Eheh, tu peux fouiller, je suis paré.
        Irréprochable, je suis. Même mes calbutes sont achetés discount…



  • samedi 26 juin 2010 à 18h53, par angelo

    Pourquoi faire de la publicité (ce qui se publie) sur la pub ? Conscient des influences maléfiques de ces messages, même si la grande majorité d’entre eux n’œuvrent que sur les pantoufles de notre inconscient si peu collectif, je m’ingénie quant à ma pomme à boycotter sys-té-ma-ti-que-ment tout produit qui use et abuse des dits messages. Ce n’est pas une solution ? Peut-être mais quand on voit comment ces vendus de pseudos communicants ont toujours su détourner tout esprit de légitime révolte à leur profit... on se rend à l’évidence : le boycott silencieux et l’indifférence sont les seules réactions sensées (pour ne pas parler de solutions) ...

    • dimanche 27 juin 2010 à 21h38, par Lémi

      Le boycott silencieux et l’indifférence sont les seules réactions sensées (pour ne pas parler de solutions) : ça ressemble fort à un repli, à un constat de défaite (cultiver son propre jardin). Connaissant l’invasion exponentielle et toujours plus efficace de la pub, ça implique d’abandonner tout espoir de reflux. Mais je comprends qu’on en vienne à ce constat, tant ça semble perdu d’avance (la puissance de feu est de l’autre côté).



  • samedi 26 juin 2010 à 18h59, par wuwei

    Le PQ de Redeker est limpide ; « qui n’aime pas la pub est un islamo-gauchiste arriéré est indécrottable ». Mais heureusement il veille et dénonce les impies avec courage et dévouement. Merci Bob !

    • dimanche 27 juin 2010 à 10h54, par damien

      Je suis donc un islamo-gauchiste arriéré...arf ça me troue le cul :-)

      • dimanche 27 juin 2010 à 21h40, par Lémi

        @ Wu-Wei

        On ne remerciera jamais assez ce genre de personnages : comme Séguela, Le Bouchet ou Rioufoul (entre - myriade d’- autres), il va si loin dans l’abjection qu’il a au moins le mérite de provoquer le rire (désabusé, certes, mais c’est mieux que rien).

        @ Damien

        On est toujours l’islamo-gauchiste de quelqu’un (moi-même...).

        • lundi 28 juin 2010 à 11h30, par ZeroS

          La critique radicale du capitalisme est un marché comme un autre. J’ai été phagocyté comme tout le monde. A suivre, quelques éléments à mâchouiller.

          Les Éditions La Découverte furent créées en 1983 après la récupération du fonds et du catalogue des éditions de l’écrivain François Maspero qui avaient une sensibilité de gauche. En 1998, elles sont achetées par Havas (2e groupe publicitaire français, 6e mondial), ensuite récupérées par Editis (ancienne partie de Vivendi Universal Publishing puis de Wendel Investissement de l’actionnaire principal Baron Ernest-Antoine Seillière, ex-président du MEDEF) et enfin acheté en 2008 par le groupe espagnol Planeta (leader de l’édition hispanophone et consortium médias).

          Pour des communautés idéologiques et politiques relativement « soudées » (comme la gauche radicale... malgré des querelles de chapelles), s’appuyer sur des réseaux constitués qui vont promouvoir les produits est intégralement inhérent à la stratégie marketing. Cette méthode publicitaire existe, par exemple, dans les industries nouvellement qualifiées de « créatives » par les Cultural Studies. Lorsque les producteurs de Britney Spears lancent sur You Tube son dernier clip, ils attendent que des internautes s’en saisissent pour le pasticher et relancer une dynamique. Peu importe le degré de satire, l’essentiel est que le produit circule avec une communication à moindre frais.

          Lémi, par le biais de cet article, contribue en pratique, modestement et indirectement à promouvoir un groupe de presse capitaliste transnational et, par-là même, à entretenir ses profits. La question préalable et centrale posée par ce texte est la suivante : dans quelle mesure la lecture de l’ouvrage du Groupe Marcuse (pauvre Herbert) est un outil d’émancipation et d’action plus puissant que l’argent que je vais donner au groupe Planeta en l’achetant ou en acquérant n’importe quel autre ouvrage des militantes Éditions La Découverte (un Miguel Benasayag) ?

          Enfin, quelles modalités d’action envisager ? Voler, photocopier et numériser le livre pour le diffuser sur des canaux libres et militants ? Contacter le Groupe Marcuse en pointant l’inadéquation entre la thèse défendue et la démarche d’édition ? Les inviter à s’orienter vers de vrais éditeurs indépendants ou l’auto-édition ? Demander à son bibliothécaire de quartier de compléter son fonds par l’achat de ce précis d’auto-défense en milieu publicitaire hostile ? Rédiger de véritables fiches de lecture ou recension à diffuser ? Etc.

          • lundi 28 juin 2010 à 11h42, par ZeroS

            Quelques fautes se sont glissées dans ce bref exposé... comme « achetées ». Je m’en excuse. Fatigue et champs de rédaction électronique ne sont pas mes amis.

            J’ai oublié quelques éléments clefs extraits pas plus loin que Wikipédia :
             × Vincent Bolloré est PDG de Havas ;
             × le chiffre d’affaires de Planeta en 2007 fut de 2 500 000 000 € (excusez du peu).

            • lundi 28 juin 2010 à 11h54, par Lémi

              @ ZeroS :

              Questions intéressantes. Je connais depuis un moment la non-indépendance de La Découverte, adossée à un groupe financier tout ce qu’il y a de pire. Il y a effectivement quelque chose de dérangeant, voire plus. C’est aussi le cas du label Zone, par exemple, rattaché à La Découverte mais qui le masque en se présentant (sur ses - généralement très bons - livres en tout cas) comme une maison indépendante.

              Personnellement, j’aurais tendance à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, à ne pas forcément y prêter attention (un peu lâchement) si le livre est convaincant (d’autant que La Découverte continue à faire un boulot essentiel). Mais c’est vrai que dans le cas du Groupe Marcuse, de ce livre en particulier, c’est encore plus dérangeant : leur critique s’en trouve immédiatement propulsée dans un autre champ.

              D’ici bientôt, normalement, on devrait mettre en ligne un entretien avec les éditions Agone. Tu verras que sur cette question, eux sont très sévères avec ceux qui se revendiquent d’une édition « engagée » mais fonctionnent avec des groupes type Planeta. A suivre...

              • lundi 28 juin 2010 à 12h57, par ZeroS

                @ Lémi :

                L’achat politiquement éthique et militant, avec une transparence de toute la filière, est difficile à réaliser pour les livres comme pour tout autre produit. Militants, à des degrés divers, nous sommes tous immiscés dans la société de consommation. Des livres formidables sont publiés par des groupes dont nous ne cautionnons pas les modalités d’action et le pouvoir. Effectivement, seul(-s), nous ne pouvons pas jeter systématiquement le bébé avec l’eau du bain. Et puis, on retrouve toujours les mêmes personnes engagées avec les limites que ça comporte.

                Comme l’a souligné Thierry Discepolo lors du colloque au Collège de France, indépendant, nous essayons de tout maîtriser, mais pour la diffusion, on choisit « faute de mieux », le moins pire, les Belles Lettres. Un distributeur réellement indépendant n’existe pas pour une activité viable. Un mot d’ordre : résister collectivement.

                • lundi 28 juin 2010 à 15h28, par ZeroS

                  En train de lire un canard fort recommandable glané lors de la grande gabegie de jeudi dernier, Livres de papier. Journal des réfractaires à l’ordre numérique, des chroniques sont consacrées aux faux amis du Livre, dont François Gèze à la tête des Éditions La Découverte depuis 1982. En voici quelques morceaux :

                  « Le camarade François Gèze a décidément été de toutes les évolutions du grand Capital, comme on disait jadis : absorption par un grand groupe, rachat, concentration, intégration à une multinationale... Et tout cela bien sûr pour développer son activité avec des moyens renforcés, dans le plein respect de son indépendance éditoriale. »

                  Ses bouquins se retrouvent promus aux côtés de ceux d’éditeurs de droite et de best-sellers jetables sur les régimes et autres people. Tout cela pour disposer d’une grosse force de frappe commerciale [...]. Il faut diffuser les idées au maximum. C’est en tout cas ce que doivent penser les nombreux auteurs talentueux qui choisissent cette florissante entreprise alors que beaucoup d’éditeurs indépendants et combatifs les accueilleraient avec plaisir. Rêve de gloire quand tu nous tiens...«  »Ce personnage, outre qu’il joue un rôle important dans la dématérialisation du livre, mérite toute notre attention (et notre inimité) parce qu’il montre une nouvelle fois comment le gôchisme fatigué participe de la redynamisation du capitalisme et en constitue même l’arrête tranchante."

                  A lire : http://blog.agone.org/post/2009/10/07/La-mule-du-baron-a-la-decouverte-du-marche-de-la-consommation-contestataire

                  Plus d’informations : livresdepapier@gmx.org

                  • mercredi 30 juin 2010 à 01h28, par Lémi

                    Oui, je l’ai lu aussi, une grande réussite ce journal siglé Livres de papier. Même si, instinctivement, j’aurais du mal à être si sévère envers le travail de François Gèzes et de La Découverte, il y a beaucoup de choses qui interpellent.
                    Concernant le papier de Thierry Discepolo sur le blog d’Agone, je l’avais parcouru à l’époque, avec pas mal d’intérêt. Une saine et franche virulence, parfois too much à mon avis (Mona Chollet, « pétroleuse au monde diplo », Mike Davis « rebelle » de service...), mais qui a le mérite de poser des questions qu’on a trop souvent tendance à éviter, par confort. Encore une fois, l’entretien avec Agone devrait t’intéresser...



  • lundi 28 juin 2010 à 15h38, par jeannot3

    les derniers commentaires sont tres interessant mais clairement derangeant
    Si ils militent pour leurs idees qu’ils les diffusent gratuitement .... Au moins sans engraise un des plus grand groupe d’editions au niveau mondial ...

    Ca serait tres interessant d’avoir le details sur la vente d’un livre de la repartition ....

    Pour le peu que vous y gagnez , il y’a de bonne chance que le groupe mette le double en lobbysime contre la cause meme que vous defendez .... (et l’on voit que le lobbysme est bien plus efficace que les livres meme les tres bons , surtout sur l’echelle de temps actuelle 1 ans max ....)

    Meme si l’idee est bonne l’enfer est pave de bonne intention ...

    • lundi 28 juin 2010 à 16h32, par ZeroS

      D’abord, une stratégie marketing ne s’élabore pas à l’aune de la sortie d’un ouvrage. La Découverte estampillé à gauche est une marque, une griffe. A quelques exceptions près, les ventes ne fourniront pas des revenus substantiels mais des compléments de salaire intéressants. Pour savoir ce que pensent les auteurs (de gauche et radicaux ?) de la filière qui les éditent, il faut leur poser la question. Le panel des réponses ne sera certainement pas très large :
       × naïfs, ils ne s’étaient pas posés la question ;
       × mégalomanes, ils pensent que prêcher la bonne parole nécessite quelques concessions ;
       × de mauvaise foi, ils soutiennent le système économique dominant (et leurs intérêts personnels).

      Ensuite, à l’échelon supérieur, les Éditions La Découverte sont une entreprise comme une autre. Wendel a acheté Éditis à 600 millions d’euros, il le revend à deux fois son prix. Spéculation financière, bons résultats, les actionnaires sont satisfaits, l’argent thésaurisé, et paradoxalement l’enquête d’O. Donnat sur les pratiques culturelles souligne que les Français lisent moins de livres - de vrais ouvrages linéaires, argumentés ou construits -, pas un pauvre paragraphe hypertextuel vidé de sens et attendant le clic pour ouvrir un add-on lucratif comme celui que je rédige maintenant.

      Enfin, pour approfondir la question, le blog des Éditions Agone propose deux contributions - lire les livres si affinités - à propos de la problématique du business autour d’idées critiques et de gauche. A lire Postcolonial Business 1 & 2.



  • lundi 28 juin 2010 à 21h04, par abFab

    « Sangloter en relisant cette statistique fournie par Culture Pub et affirmant qu’un individu lambda reçoit en moyenne 7 000 messages publicitaires quotidiens. »

    C’était en 2004 si j’ai bien compris, c’est cela ? Avant qu’internet ne se réduise pour la majorité des individus à quelques grands sites « web 2.0 »... submergés de pubs en flot continu. C’est à se demander si un indicateur plus pertinent ne serait pas, désormais, un ratio entre l’information de type publictaire sur l’information totale reçue dans une journée. Et d’en définir un seuil de dangerosité, comme pour tout produit toxique...

    Voir en ligne : En route vers le 3e plan quinquennal



  • Bel article mais curieusement se termine par la recommandation PUBLICITAIRE d’ACHETER l’OBJET vanté !!!
    Comme quoi dans ce système capitaliste on est tous dans la même galère à se mordre la queue, non ???

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