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vendredi 2 avril 2010

Littérature

posté à 17h50, par Lémi
22 commentaires

L’homme, ce fléau planétaire (et ça ne date pas d’hier)
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Enfer et damnation, idées noires et affliction : l’heure n’est pas à la gaudriole. Si pléthore de livres déprimants me sont déjà passés entre les mains, aucun ne rivalisait - en la matière - avec Une Brève histoire de l’extinction en masse des espèces, de Franz Broswimmer. N’empêche : il faut le lire. Ne serait-ce que pour mieux comprendre le désastre écologique actuel.

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« Et ils sciaient les branches sur lesquelles ils étaient assis, tout en se criant leurs expériences l’un à l’autre pour scier plus efficacement. Et ils chutèrent dans les profondeurs. Et ceux qui les regardaient hochèrent la tête et continuèrent de scier vigoureusement. » Métaphore parfaite. Brecht himself, bien avant les shadoks1, avait parfaitement saisi l’absurdité de la logique à l’œuvre dans le développement des sociétés humaines. L’homme : race super-prédatrice, super-dominatrice et… super-destructrice. En toute connaissance de cause. Connaitre le résultat final (la chute) lui importe peu, l’important est de scier.

On connait tous la propension de l’homme moderne à utiliser la planète comme serpillière sans se soucier des conséquences. Même le plus obscurantiste des ploucs néolibéraux est capable de se rendre compte des dégâts infligés ; il s’en soucie peu, mais il sait. Par contre, on ignore généralement les performances en la matière de nos prédécesseurs, pourtant fervents adeptes du saccage environnemental. Mayas, Romains, Vikings, Sumériens, habitants de l’île de Pâques… clapotaient eux aussi allégrement dans l’agression écologique la plus éhontée. Seulement, leur capacité de destruction restait minime comparée à la nôtre, localisée : ils ne sciaient que leur propre branche, pas l’arbre entier. Franz Broswimmer le rappelle : « Ce n’est qu’au moment où la biologie humaine se combine avec un comportement social, organisationnel et institutionnel particulier que nait le danger de créer un écocide mondial. »

Une Brève histoire de l’extinction en masse des espèces (éditions Agone2) travaille au corps le concept d’ « écocide3 », à savoir la destruction pure et simple d’un cadre biologique et environnemental (par la main de l’homme4). Mais là où la plupart des analyses se focalisent sur une période précise, l’ouvrage de Broswimmer englobe toute l’histoire de l’humanité, des premiers fils de singes aux derniers fils de l’atome. Vaste tâche dont l’auteur, puits d’érudition et de connaissances, se tire à merveille. Naviguant entre les civilisations et les époques, il ébrèche magistralement le mythe du bon sauvage fusionnant avec mère nature, et trace un tableau noir de l’évolution de l’espèce humaine, fléau planétaire.

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Feu le dodo

Constat : nos capacités de destruction ont désormais atteint des sommets, se pratiquent à une échelle planétaire. D’où une érosion vitesse grand V de la biodiversité. S’il est naturel que certaines espèces disparaissent sur le long terme (extinction de fond), le rythme actuel des destructions correspond à une extinction de masse, piteux chant du cygne : « Nous savons aujourd’hui avec certitude qu’au moins cent espèces disparaissent chaque jour de la planète Terre, un rythme sans précédent dans l’histoire humaine. Alors que le taux d’extinction régulière reste faible en période normale. La vague actuelle d’extinction, véritable hémorragie, est uniquement comparables aux trois grandes extinctions cataclysmiques du lointain passé géologique5. » Si la question de la biodiversité et de la sauvegarde des espèces menacées passe parfois pour une coquetterie, une broutille relevant de l’esthétique (un monde sans dodos ? Bordel, sale époque), elle n’a rien d’anodin6, bien au contraire. L’histoire l’a montré, une société qui bousille son environnement est condamnée à court terme à l’extinction. Et puisque le cadre de nos nuisances est désormais globalisé, notre action collective contemporaine nous fait courir à la catastrophe généralisée comme des lemmings à leur falaise. Et ils chutèrent dans les profondeurs...

Extension du domaine du saccage : nos ancêtres, les écocideurs

« Pas de moas, pas de moas dans la vieille Aoteaora. On ne peut les attraper, ils les ont mangés. Ils sont partis et il n’ y en a pas ! » (Chanson Maori)

C’est une phrase anodine, perdue en note de bas de page : « Néron organisa même des joutes entre ours polaires et phoques.  » Impossible de dire pourquoi, mais elle continue à me trotter dans la tête. Fascinant : imaginer la logistique nécessaire à la chose, les efforts inouïs pour ramener les animaux jusqu’au cœur de Rome, le grand bassin dressé dans l’amphithéâtre, la foule abrutie s’extasiant devant le prodige : «  T’as vu, mémé, z’ont même réussi à ramener des ours blancs… allez les phoques !  » La stupidité humaine dans toute sa splendeur. Et plus loin : « la célébration de la conquête de la Dracie (en Roumanie actuelle) par l’empereur Trajan donne lieu à des jeux durant lesquels 11 000 animaux sauvages sont massacrés. » Hors d’œuvre.

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L’exemple est peut-être mal choisi. Après tout, la civilisation romaine n’a jamais eu une réputation de modération en matière écologique. Les fastes de Rome, évidemment, impliquaient quelques entorses à la logique environnementale. Et puis, des hommes aussi combattaient dans l’arène, alors les ours blancs, hein, on s’en fout pas mal… Reste que cette folie des grandeurs est symbolique, vaut pour toutes les civilisations qui, à un moment ou à un autre, ont connu un âge d’or économique. Une règle d’airain : l’homme est né écocideur, et partout il est dans la merde. Ainsi de Platon déplorant qu’à Athènes « ce qui subsiste aujourd’hui, comparé avec ce qui existait autrefois, est comme le squelette d’un homme malade, toute cette terre grasse et molle s’étant épuisée, il ne reste que le squelette décharné du pays ». Browsimmer le souligne, toutes les grandes civilisations se sont ingéniées à faire le vide autour d’elles. Et se sont éteintes pour cette raison :

 L’histoire de l’humanité est pleine de récits des activités écocidaires des grands empires tels que Babylone, l’Égypte, la Grèce, Rome, la Chine ancienne et les Mayas, qui détruisent leurs forêts et la fertilité de leurs sols arables, et déciment une grande partie de la faune originelle par l’action combinée d’une pensée linéaire et d’un insatiable appétit pour la richesse matérielle. 

L’analyse de Browsimmer est toute entière tournée vers la compréhension de ce phénomène d’auto-destruction, à travers les âges. Il pousse son étude jusqu’aux tous premiers hommes, interroge l’invention de l’écriture, la découverte du feu, les habitudes de chasse de l’ami Néandertal ou de son cousin Cromagnon. La disparition de la mégafaune7 pendant l’ère pléistocène ? En grande partie, la faute à Sapiens Sapiens, fouteur de merde d’envergure, qui, à force de développer ses aptitudes, se fait de plus en plus ambitieux. Sapiens au carré bouscule l’écosystème : « Dans certains cas, des preuves permettent d’affirmer que certaines espèces se sont éteintes exactement au moment où l’homme est arrivé.  »

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La conquête de l’Ouest : Partie de chasse

Reste que nos talents écocidaires sont aussi (voire : surtout) liés à l’apparition du capitalisme et des sociétés modernes, tournées vers l’accumulation. Avec l’irruption de la mentalité capitaliste, ce qui auparavant prenait des siècles à se réaliser s’accélère soudain, se fait phénomène presque immédiat. D’un claquement de doigt, l’homme fait le tri dans le tableau des espèces. Broswimmer s’attarde sur quelques exemples connus, des bisons américains exterminés par wagons entiers aux animaux à fourrures, des castors aux baleines, tout un éventail de massacres hallucinants qui préfigurent en grande partie nos dérèglements contemporains : « La modernité a permis à l’écocide de s’échapper de son cadre auparavant localisé, et d’en faire pour la première fois un phénomène vraiment mondial. »

« Homo œsophagus colossus »

« ’Dinosaure’ devrait être un terme d’éloge, non d’opprobre. Ils ont régné en maître pendant plus de 120 millions d’années, et lorsqu’ils sont morts, ce n’était pas par leur propre faute. » (Jay Gould)

Le livre de Browsimmer est terriblement factuel. Il empile les données, implacablement, piste à la trace nos folies dénaturées et dénaturantes, ubris jamais démentie. C’est sa grande force (et une raison suffisante de le lire). Mais pas que : cette approche est tout sauf innocente. Il ne s’agit pas uniquement de tirer la sonnette d’alarme, plutôt de comprendre ce qui a pu engendrer de tels dérèglements. De la répétition historique naît une certitude : ce ne sont pas seulement quelques dirigeants voyous ou chefs d’entreprise qui se comportent en vampires de l’humanité, mais l’ensemble de nos valeurs et de nos croyances, de nos modes de vie et – bien souvent – modes de pensée, qui empoisonnent la planète.

Étant donné les preuves croissantes de nos antécédents cataclysmiques, il pourrait être temps de renommer notre espèce « Homo œsophagus colossus » (la créature dotée d’un œsophage gigantesque, capable de dévorer des écosystèmes entiers) – un terme qui souligne l’idée, formulée par Tim Flannery, que nous sommes des « mangeurs d’avenir ». 

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En creusant dans l’histoire, en mêlant les disciplines (histoire, sociologie, écologie, philosophie…), Broswimmer exhume l’incapacité de l’être humain à traiter avec la nature de manière rationnelle. Une caractéristique quasi consubstantielle à ce salopard de Sapiens Sapiens (celui qui sait qu’il sait8). Mêmes causes, mêmes effets, mêmes auto-destructions minables. Un bilan globalement négatif, aurait euphémisé Marchais, un suicide planétaire conçu de longue date, résumerait quiconque n’ayant pas de la crotte de dodo dans les yeux. Dans l’introduction au livre de Broswimmer, Jean-Pierre Berlan9 rappelle ainsi que le nerf de la guerre varie peu :

Dans tous les cas, la même cause socio-politique est à l’origine de l’écocide : la cupidité, la goinfrerie et la gabegie ostentatoire des classes dominantes, leur penchant compulsif pour la guerre (moyen d’accroître leur richesse et d’assurer la paix sociale intérieure), leur désir de s’assurer une part croissante du surplus et leur aveuglement aggravent terriblement les problèmes que pose l’expansion démographique des périodes de prospérité.

Dans chaque catastrophe écologique, on retrouve donc les fondements même des sociétés humaines, leurs rouages les plus intimes. Même si, évidemment, elles ne sont jamais interrogées ainsi dans la sphère publique : « Les médias de masse se concentrent typiquement sur l’horreur du désastre environnemental en soulignant les causes immédiates plutôt que celles sous-jacentes. »

Au final, insouciance généralisée et capacité de destruction démultipliée ont abouti à la situation actuelle, celle d’une planète poubelle, grignotée de toutes parts par l’Homo œsophagus colossus et son appétit démesuré : « Les changements de la biosphère mondiale induits par l’homme sont sans précédent. Ils comprennent la rupture à l’échelle mondiale des cycles biochimiques, le changement climatique rapide, l’érosion massive des sols, la désertification de vastes étendues, et le largage effréné de toxines synthétiques et d’organismes génétiquement modifiés. »

Les pique-assiettes du grand « buffet final »

« Il devient évident que la nature doit dans un avenir pas trop lointain intenter une action en faillite contre la civilisation industrielle. » (William Catton)

La guerre permanente, le nucléaire et ses retombées monstrueuses, l’ogre économique, la démographie galopante, la couche d’ozone transformée en gruyère et le climat qui yoyote, autant d’illustrations de cette mentalité collective qu’aucune institution ne prend jamais le risque de contredire, l’époque étant au néolibéralisme et à l’aveuglement généralisé (Claude Allègre, je t’embrasse). Un état d’esprit planétaire laissant – euphémisme – peu de portes de sortie. Broswimmer cite ainsi cette publicité du gouvernement des Philippines dans le magazine Fortunes :

Afin d’attirer des sociétés comme la vôtre, nous avons renversé des montagnes, rasé des jungles, asséché des marais, détourné des fleuves, déplacé des villes, tout cela pour que vous et votre entreprise puissiez plus facilement faire des affaires ici.

Désespérant. Comme si Nauru devait être la norme et l’écocide un signe d’adaptation à l’époque. Contrairement à son collègue Jared Diamond, dont le livre Effondrement est un succès en librairie (De notoriété publique, Sarkozy en goûterait fort la teneur néolibéralo-compatible), Broswimmer ne voit pas dans l’explosion démographique la cause principale de la grande panade écologique : l’élément primordial se situe avant tout dans les rapports de domination de l’espèce humaine, dans l’habitus conquérant de Sapiens au carré qui n’en finit pas de parachever la mise à sac économique de la planète, élites goinfres en bandoulière.

Attablées devant le grand buffet final, de plus en plus de multinationales privées grignotent leur part du désastre. Logique, si l’on sait que « parmi les 100 plus importantes entités économiques, 47 sont des entreprises ». Avec ce corollaire obligé : « De bien des façons, les compagnies transnationales façonnent l’avancée de l’écocide en étouffant, banalisant ou légitimant avec succès leurs pratiques sociales et écologiques destructrices. » Une évolution tout sauf rassurante, les rares instances de régulation en étant réduites à faire de la figuration ou à jouer la carte du capitalisme vert, énième ravalement de la même façade et facteur de légitimation de l’ordre existant.

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Une Brève histoire… ne donne pas de solutions clés en mains. L’auteur y trace des constats, interroge des évolutions effrayantes10, prend en compte les nouvelles donnes du problème écologique globalisé (l’émergence économique de pays pauvres, avec notamment l’exemple glaçant de l’Indonésie) ; bref, il trace un tableau à même de déprimer le plus jovial des pandas sans offrir le réconfort d’une solution toute trouvée.

Reste que, sous le vernis descriptif, son livre est un formidable (même si déprimant) plaidoyer pour la décroissance (ou pour toute idée approchante, tu peux mettre le nom que tu veux dessus), pour une remise en cause à grande échelle de l’idéal consumériste. Le « moulin mondial de production », devenu incontrôlable et mortifère, doit être stoppé by any means necessary. Ce que rappelait Jean-Pierre Berlan, ici-même, en évoquant sa préface au travail de Browsimmer :

Parce que la croissance économique qui se fait par définition à un taux exponentiel, c’est-à-dire à un taux constant, va inévitablement dans le mur. C’est l’histoire que je raconte dans la préface du livre « Une Brève histoire de l’extinction en masse des espèces », celle du nénuphar qui double de surface chaque année sur son étang. À la 39e année, il a occupé la moitié de la surface de l’étang. D’où la question : quand occupera-t-il la totalité de la surface ? La 40e année, il ne lui faudra qu’un an de plus pour doubler encore de volume et occuper la totalité de l’étang11.

Et puisqu’il faut bien enfoncer le clou et boire l’étang irradié jusqu’à la lie, une dernière citation, pour la route, celle qui clôt l’excellent ouvrage de Franz Broswimmer : « À moins que nous n’agissions vite pour inverser radicalement notre actuel cap écocidaire, nous aurons honoré cette planète pour un temps bien plus bref que nos puissants prédécesseurs reptiliens. » Battus par de vulgaires dinosaures ? Pfff, la honte...



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3 C’est d’ailleurs sous ce nom qu’il a été publié une première fois en France, aux éditions Parangon.

4 Est-il vraiment nécessaire de le préciser ?

5 la 1re il y a 250 millions d’années, la 2e il y a 200 millions, la troisième il y a 65 millions.

6 Broswimmer : « J’affirme que le succès social apparent des humains à éliminer les autres espèces vivantes est en train de se transformer en un grave handicap. »

7 L’ensemble des animaux de grande taille.

8 Ah ouais ? Bah prouve-le, alors…

9 Lequel vient d’accorder un long entretien à A.11, première partie ICI et seconde LA.

10 « Pendant les trois dernières décennies du 20e, la population s’est accrue de 40 % et la consommation a quadruplé. Comment pourrions-nous inverser la perte de biodiversité, les atteintes à l’atmosphère et le saccage de l’environnement ? »

11 Et plus loin : Ce qu’il faut bien comprendre - prenons cet exemple - est que quand Attali propose de croître de 5 %, quand il prétend « libérer la croissance de 5 % », il sous-entend que notre PIB doublerait en l’espace de 15 ans. Ce qui signifierait qu’en l’espace de 15 ans, nous consommerions autant de ressources que ce que nous en avons consommé depuis les débuts de la Révolution industrielle. Soit depuis le moment où la croissance s’est instaurée au cœur de nos sociétés (puisqu’avec l’industrie, la croissance est devenue une nécessité). Dans les 15 prochaines années, le système détruirait autant qu’il ne l’a fait depuis deux siècles ? Pour citer Kenneth Boulding, président de l’Association des économistes américains, « celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste ». Et il en va pour la croissance économique comme pour la croissance démographique.


COMMENTAIRES

 


  • vendredi 2 avril 2010 à 17h55, par Ubifaciunt

    Billet intéressant ; mais quid -en détail- des lémuriens ?

    • samedi 3 avril 2010 à 19h37, par Lémi

      Les lémuriens en ont - comme tous les autres - ras la casquette de voir leurs territoires envahis par les malfaisants et les polluants. De plus, on les astreint à une terrible surproductivité en matière professionnelle, ça leur ôte l’envie de faire les cons dans les branchages en se faisant tourner l’alcool de palme. Il paraît même que certains passent leur w.e. à plancher, la fin des haricots, quoi.
      Pour plus de détails, je te renvoie à l’excellent travail du professeur TarasBoulbov, « Histoire universelle du Lémurien, de la Genèse à l’époque contemporaine. » Il y aussi « Gloire et déclin de l’empire lémurien », par un certain Janus Lumignon, mais il paraît que c’est un peu lémuno-orienté...



  • vendredi 2 avril 2010 à 22h50, par Zgur

    "Je souhaiterais vous faire part d’une révélation surprenante.

    J’ai longtemps observé les humains. Et ce qui m’est apparu, quand j’ai tenté de qualifier votre espèce, c’est que, vous n’étiez pas réellement des mammifères.

    Tous les mammifères sur cette planète, ont contribué au développement naturel d’un équilibre avec le reste de leur environnement.

    Mais vous, les humains, vous êtes différents.

    Vous vous installez quelque part, et vous vous multipliez. Vous vous multipliez jusqu’à ce que toutes vos ressources naturelles soient épuisées. Et votre seul espoir de réussir à survivre, c’est de vous déplacer jusqu’à un autre endroit…

    Il y a d’autres organismes sur cette planète qui ont adopté cette méthode.

    Vous savez lesquels ?

    Les virus.

    Les humains sont une maladie contagieuse, le cancer de cette planète.

    Vous êtes la peste, et nous, nous sommes l’antidote."

    in Monologue de l’agent Smith, dans Matrix

    On est vraiment mal barrés !

    Des exemples en lien chez moi.

    Arf !

    Zgur

    Voir en ligne : http://zgur.20minutes-blogs.fr/arch...



  • samedi 3 avril 2010 à 15h26, par Manuel

    Excellent billet, Lémi. Il me tarde de lire le bouquin en question.
    Merci !

    • samedi 3 avril 2010 à 16h25, par Karib

      Je dirais même plus, Lémi, merci. Et merci aussi pour la dépense, car maintenant il va falloir que je me précipite acheter ce bouquin !
      Et puis comme ça, en passant, ce que tu rapportes, et qui donne une furieuse envie de lire ce livre, me fait penser à ces théoriciens anarchistes du XIXè siècle, notamment Elisée Reclus et Kropotkine (La conquête du pain), qui ont été si souvent raillés par les marxistes, traités de naïfs, de dangereux rêveurs, de petits bourgeois passéistes, etc. S’ils partageaient parfois les illusions progressistes de leurs cousins en socialisme (à l’époque, il était difficile d’y échapper), ils avaient tout de même l’avantage de ne pas penser les rapports de l’homme et de la nature seulement en termes de domination, et pensaient à des sociétés plus frugales, ancrées dans le communal (Kropotkine qualifiait lui-même sa Conquête du pain d’utopie communaliste), anticipant la pensée écologiste d’aujourd’hui, avec l’immense avantage de ne pas la séparer de l’idée de socialisme, d’abolition du capital, sans quoi elle n’est que justification verdâtre de l’ordre productiviste existant.

      • samedi 3 avril 2010 à 19h55, par Lémi

        @ Manuel

        Foi de Lémi, tu ne seras pas déçu...

        @ Karib

        Le parallèle fonctionne, sauf que Reclus et Kroptokine - et c’est flatteur pour eux - vivaient à une époque où l’on pouvait encore ignorer l’ampleur du désastre, où la croissance économique était encore unanimement (ou quasi) vue comme salvatrice ; la bête semblait encore domptable et il n’y avait que quelques (valeureux) anar pour s’aventurer sur ce terrain. Alors qu’aujourd’hui, les cohortes de béats du capitalisme (durable ou pas) n’ont aucune excuse pour clapoter dans leur stupidité, les indices de l’empoisonnement global étant encore plus nombreux que les crânes dans un cimetière de bisons...



  • lundi 5 avril 2010 à 14h02, par Crapaud Rouge

    Il manque un truc dans la démo. C’est que, à considérer le phénomène humain sur une telle échelle de temps, on ne peut pas négliger le fait que notre espèce est elle-même le produit de la nature. Si donc quelque chose a déconné quelque part, ça se situe entre évolution cérébrale et évolution biologique. La nature a permis qu’une espèce modifie assez rapidement son comportement pour que les autres n’aient pas le temps de s’adapter. Ni l’espèce concernée, du reste, elle aurait dû perdre de son agressivité d’origine biologique à mesure que se développait son « intelligence ».

    Je ne veux pas excuser l’espèce humaine, loin s’en faut, mais il faut penser que notre cerveau constitue aussi un handicap au regard des lois de la nature. En effet, l’être humain ne souffre pas seulement comme un animal quand il est blessé, mais aussi de l’angoisse à l’idée des souffrances qu’il peut être amené à endurer. C’est pas facile à vivre le fait d’avoir conscience.

    • mardi 6 avril 2010 à 17h29, par A.S. Kerbadou

      Justement !
      S’il n’en est qu’un rejeton doté d’une antenne pour palper le futur et une autre pour le modeler à sa convenance,
      pourquoi ne s’ en sert-il pas mieux que les autres espèces (animales, végétales) qui en seraient démunies ?

      L’évolution s’est toujours faite par mutation (effet du hasard en la matière). La nature offre sa matière. Le temps fait le reste.
      Rien à voir avec « permettre à certains pour que d’autres ne puissent pas... » (je résume). Elle ne parle ni ne promet, elle. Elle fait et se refait. Au pire, en se contentant d’un règne de caillasse.

      Tant que le mutant s’adapte sans en contredire la logique intégrale-intégriste, équilibre entre microbiotique et macrobiotique, elle le laisse faire et s’en accomode. Jusqu’à ce qu’il aille trop loin.
      Là, et sans coup férir, elle lui pourrit le biotope. Elle s’arrange même avec l’espace. Expédition, par voie express de pochettes-surprises météorisées pour le virer de son histoire, s’il ne comprend pas les limites.

      L’espèce humaine avec sa cervelle ambivalente de prédateur boulimique sans poil ni crocs, se comporte, effectivement, comme un virus (voir commentaire plus haut) nécrophile qui s’est toujours pris pour un dieu à cause de ses antennes.

      Vu, le manque de manières avec lesquelles ce virus la squatte et lui suce les entrailles, cette jolie bombe, qu’elle a toujours été, lui pètera à la gueule et en enverra les restes de calcaire se faire frigorifier ailleurs que sous ses manteaux de glace fondante.

      • @ Crapaud Rouge

        Ouaip, un « handicap », faut le dire vite, plutôt une formidable machine utilisée à tort et à travers. Et je n’échangerais pas un baril de ma conscience - même craintive à la souffrance possible - contre cent barils de conscience de ragondin. Que veux-tu, je préfère souffrir en relisant Brautigan en terrasse, verre de Listel Gris en main, pendant qu’un vent mutin caresse mon nez fripon, plutôt que de grignoter des racines polluées au mercure.

        @ A.S. Kerdabou

        Très juste, et joliment dit. C’est vrai que j’ai du mal à considérer l’homme comme victime de l’évolution. Et qu’hormis le Charançon, on utilise si mal nos antennes qu’une règne de caillasses serait surement préférable : calme mais serein.



  • lundi 5 avril 2010 à 15h43, par wuwei

    l ne s’agit pas uniquement de tirer la sonnette d’alarme,

    J’ai peur que bien peu de monde ait vraiment entendu le tintement de la sonnette et que de plus le brouhaha des publicistes, du greenwashing et autres croissantistes effrénés n’en aient couvert l’appel.

    Broswimmer ne voit pas dans l’explosion démographique la cause principale de la grande panade écologique

    Raison de plus (essentielle à mes yeux) pour laquelle je vais m’empresser de le lire.

    • mercredi 7 avril 2010 à 17h52, par Lémi

      J’ai peur que bien peu de monde ait vraiment entendu le tintement de la sonnette et que de plus le brouhaha des publicistes, du greenwashing et autres croissantistes effrénés n’en aient couvert l’appel. : oui, et si tu veux mon avis, ce brouhaha n’est pas prêt de baisser en volume. Le coton-tige de l’écologie radicale (ou décroissante, ou assimilée) a intérêt à se faire percutant, s’il veut couvrir l’insupportable ronron green et dégager nos oreilles...

      • dimanche 9 mai 2010 à 15h10, par Frédéric

        L’usage du coton-tige doit être réservé au pavillon, non au conduit auditif. Sinon, surtout si ledit coton-tige est « percutant », vous risquez, plutôt que de vous dégagez les oreilles, de provoquer une perforation et vous rendre sourd.



  • mercredi 7 avril 2010 à 13h07, par tiétienne

    salut les ploucs,
    à double tranchant ce constat, parce qu’il est repris par du gros niais : exemple dans le courrier des lecteurs de « la provence » lu au pmu à propos de poursuites judiciaires après un gros aménageur qui a détruit des plantes et des bêtes protégées « de toutes façons, cette faune et flore rares vont disparaitre, alors pourquoi attaquer le gros aménageur qui créée des emplois ? ». ça peut aussi amener de l’eau au moulin de la classe des notables avec l’acceptation des foules de continuer de détruire puisque de toute façon tout est foutu. Je fais un peu l’expert « attention aux raccourcis, les choses sont plus complexes », faudrait voir à bien séparer nos aïeux du pré-thermo-industriel avec nos contemporains des pays riches, le tout est de savoir à partir de quand la croissance produit de la misère et donc à partir de quand détruire la machine. Mettre dans le même sac les coupeurs de forêts à la hache et ceux à bulldozers profite aux bulldozers et nourrit notre désespoir. Illich je t’aime.

    • mercredi 7 avril 2010 à 16h23, par Manuel

      «  »attention aux raccourcis, les choses sont plus complexes« , faudrait voir à bien séparer nos aïeux du pré-thermo-industriel avec nos contemporains des pays riches » Je partageais aussi cet avis, jusqu’à maintenant. Mais, bien avant la révolution industrielle, le « prométhéisme » existait déja. Par exemple, dans l’Antiquité, comme l’écrit Lémi, Platon se plaignait par exemple de la désertification notamment ou autre exemple, les « Vikings » en Islande, peu de temps aprés la découverte de cette île, les forêts transformées en régions quasi-désertiques. Les Aborigènes d’Australie, autre exemple, avec la disparition de certaines espèces de tortues... On peut aller encore plus loin dans le passé, avec la disparition de la mégafaune, etc...
      Je suis d’accord, et là aussi Lémi l’a bien précisé, que : « leur capacité de destruction restait minime comparée à la nôtre, localisée : ils ne sciaient que leur propre branche, pas l’arbre entier. Franz Broswimmer le rappelle : « Ce n’est qu’au moment où la biologie humaine se combine avec un comportement social, organisationnel et institutionnel particulier que nait le danger de créer un écocide mondial. » » A partir de la naissance des civilisations ( grâce à la révolution du Néolithique qui est l’avènement de l’agriculture et de l’élevage, il y a environ 10000 ans ), le vrai bordel a commencé, et c’est aussi le point de vue d’un certain Edward Abbey, que j’apprécie énormément. Et décidément, je ne peux que citer encore une fois, le texte de Lémi : "Browsimmer le souligne, toutes les grandes civilisations se sont ingéniées à faire le vide autour d’elles. Et se sont éteintes pour cette raison :
      L’histoire de l’humanité est pleine de récits des activités écocidaires des grands empires tels que Babylone, l’Égypte, la Grèce, Rome, la Chine ancienne et les Mayas, qui détruisent leurs forêts et la fertilité de leurs sols arables, et déciment une grande partie de la faune originelle par l’action combinée d’une pensée linéaire et d’un insatiable appétit pour la richesse matérielle.« _ La révolution industrielle n’a fait »que" exploser tous les records, étendre à l’échelle de la planète et de façon systématique le désastre.
      Faut vraiment que je lise ce bouquin de Browsimmer !

      • mercredi 7 avril 2010 à 18h07, par Lémi

        @ Tiétienne :

        Oui et non. Oui, parce qu’évidemment il y a un monde entre nos destructions actuelles et celles des civilisations passées, avec une gradation tout en exponentialité (cf. ex des nénuphars de J.P. Berlan). Et parce que l’aquoibonisme (genre, tout’ façon, c’est mort, l’homme est un vandale) est totalement contre-productif.
        Non, parce que c’est justement ce qui est intéressant dans le libre de Browsimmer, il montre que les destructions généralisées ne datent pas d’hier et que ce n’est pas uniquement l’industrialisme acharné qui produit de l’écocide. Mais au final, on est d’accord, c’est aussi une question d’échelle : Mettre dans le même sac les coupeurs de forêts à la hache et ceux à bulldozers profite aux bulldozers et nourrit notre désespoir.

        Illich je t’aime. Merde, va falloir jouer ça au duel, on est deux sur le coup... (j’étais en concubinage avec Théodor, mais j’ai lâché l’affaire, il me foutait les chocottes)

        @ Manuel

        Merci pour les exemples que tu ajoutes, j’ai peut-être été un peu léger à ce niveau (alors que le livre de Browsimmer regorge littéralement d’exemples historiques), d’autant que ton intervention est limpide.

        La révolution industrielle n’a fait « que » exploser tous les records, étendre à l’échelle de la planète et de façon systématique le désastre. : exactement, avec une accélération exponentielle de la nuisance, à un rythme affolant.

        • samedi 8 mai 2010 à 20h12, par Patrick

          Il semble urgent de ne (plus) rien faire. Mais alors, le vrai « rien », hein ? Pas seulement ralentir. Non, s’arrêter. Demain, grasse matinée, tiens, pour commencer.

          Et dès Lundi matin : décroissance. Je regarde pousser mes carottes.



  • samedi 8 mai 2010 à 20h25, par un-e anonyme

    "Imaginez vivre d’une manière où vous avez rarement faim ou froid. Vous vivez dans une confortable maison près de toute votre famille et vos amis proches. Elle n’est pas extravagante, non, loin de ça, mais elle est confortable et elle est à vous. Elle sent les bonnes odeurs de fumée de bois, de cuisson, et d’herbes séchées.

    Vous mangez selon la saison, et la nourriture que vous et votre famille et amis recueillez est pleine de saveurs délicieuses et variées, bien plus que quoi que ce soit que vous auriez pu trouver dans une épicerie. Et la nourriture est saine en plus, pas comme la merde que vous vous souvenez avoir mangée dans le temps. Pas de pesticides, mercure, ou dioxine dedans, aucune viande nourrie avec des poisons. C’est drôle comme cela ne vous semblait pas si horrible auparavant, tandis que maintenant vous n’oseriez plus en manger.

    Vous êtes libre de passer vos journées comme bon vous semble, et le travail que vous faites vous paraît plutôt un loisir qu’autre chose la plupart du temps. Lorsque vous le voulez, lorsque vous en avez le goût ou que vous pensez simplement que c’est une bonne idée, vous pourriez partir chasser, ou pêcher, ou peut-être faire un peu de jardinage. Vous savez, ces choses que les gens considéraient comme passe-temps et hobbys, des choses que vous faisiez lors de vos vacances et fins de semaines. Lorsque la saison est arrivée, vous et tous vos amis et famille partez à la cueillette des fruits, vous gaver de petits fruits sucrés et mûrs. Quelques mois plus tard, fruits et noix tombent des arbres et vous n’avez qu’à les ramasser.

    Diviser les tâches ou les faire ensemble tout en socialisant, ça ne semble pas trop être du travail. Chacun partage le travail, aussi, et personne n’a de contrôle ni d’influence coercitive sur qui que ce soit d’autre. Lorsque vous n’êtes pas en train de faire ces choses, vous pouvez aussi bien vous assoir avec d’autres et jouer quelques parties, de cartes, ou peut-être de dés, ou peut-être irez-vous jouer avec les enfants afin de les garder occupés et de leur enseigner des choses. Les parents ne sont pas attelés à leurs enfants, même lorsqu’ils passent la majeure partie de la journée avec eux. S’ils ont besoin de faire quelque chose sans l’enfant, un autre des parents ou peut-être une tante, un oncle, ou un grand-parent peut facilement garder un œil sur eux.

    Votre art se porte bien. La plupart des membres de votre groupe a vraiment développé leurs arts et artisanats, vu le temps libre qu’ils ont. La musique que les personnes talentueuses jouent a pris vie. Votre village est paré d’embellissements attrayants et de sculptures, des couvertures peintes et tissées couvrent les meubles et tapissent les murs.

    Le soir, tout le monde se rassemble pour les repas faits de délices et de repas maison, souvent en des genres de grands rassemblements-fêtes et se raconte des histoires. Et en plus, vous remarquez que tous vous n’êtes plus aussi souvent malades, probablement parce que vous mangez tous plus sainement et qu’enfin vous prenez assez de sommeil. Les gens se querellent rarement entre eux, et il est rare qu’un conflit devienne violent. Au lieu de cela, chacun intervient et aide à résoudre le problème.

    Le soir, vous allez vous coucher satisfaits. Vous vivez la belle vie, et vous n’aviez jamais pensé que ça arriverait, surtout pas de cette façon.

    Vous ne pensez pas pouvoir vivre de cette façon ? Vous le pouvez, mais avant nous avons besoin de le bâtir !"

    Lire la suite : Qu’est-ce que le réensauvagement ? :)



  • samedi 8 mai 2010 à 22h31, par un-e anonyme

    Ce fléau n’est pas propre à l’homme, d’autre espèces vivantes en ont (ou peuvent) aussi en faire l’expérience... et il n’y a même pas besoin d’espèces vivantes : l’univers et notre planète est assez hostile (météorites, volcans, etc.) pour nous rappeler que la vie est assez fragile.

    Non, le problème, c’est que c’est (peut-être) la première fois qu’une espèce vivante a conscience de cela... mais on dirait que le mouvement général, majoritaire, etc. donne l’impression qu’il n’en est pas tenu compte. Est-ce l’homme, si on fait la moyenne, est bête ? Est-ce qu’il est aussi intelligent (en moyenne) qu’un animal, comme les autres ?



  • dimanche 9 mai 2010 à 09h08, par un-e anonyme

    La Roumanie romaine est la Dacie



  • jeudi 20 mai 2010 à 23h45, par David

    Matrix...
    ouais, d’ailleurs dans ce film les hommes vivent sous terre et les robots sont à la surface
    J’ai tjs pensé qu’on avait gardés les gènes de nos ancetres rongeurs (tous les mammifères descendraient de rongeurs du temps des dinosaures)
    On creuse, on gratte, des mines, des routes, des fondations de batiments, on coupe les montagnes pour y faire des usines ou des lignes TGV...
    Dans Matrix, les humains sont meme des taupes, avec leurs galeries et des pétards dedans, pour les tuer, normal c’est des nuisibles
    Plus rat qu’autre chose, l’Homo Economicus



  • dimanche 18 juillet 2010 à 14h53, par mona

    Le fait est qu’on a techniquement (cerveau et maîtrise de la matière) pour s’autoréguler, mais qu’on ne le fait pas. C’est là que repose le coeur du problème, après, tout le reste n’est que discours. Derrick Jensen l’explique très bien dans A Language Older Than Words, et Endgames, entre autres. Il n’est pas encore traduit, je pense m’y atteler, mais j’en conseille vivement la lecture aux anglophones même intermédiaires, il est très facile à lire et il PARLE à ce qu’il nous reste de conscience.
    Merci pour cet article, de moins en moins de choses me font tilter, j’ai été heureuse de voir qu’il reste un peu de bon sens !

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