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mercredi 17 juin 2009

Médias

posté à 11h51, par JBB
20 commentaires

Au Figaro, la propagande se mène à l’arme lourde. Vive la police !
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Dans l’effroyable combat que se livrent quotidiennement le Bien et le Mal, Le Figaro a choisi son camp. Et le journal, menant pied à pied la lutte contre le laxisme sécuritaire, ne rate pas une occasion d’apporter son soutien au régime et à ses exécutants les plus fidèles, les hommes en bleu. La preuve aujourd’hui, avec un article joliment mensonger sur les rapports entre police et population.

La propagande du régime est un apostolat quotidien.

Et je ne doute guère que ses soutiers les plus zélés remettent quotidiennement leur ouvrage sur le métier, pressés par un constant souci du perfectionnisme et motivés par l’ardent désir de toujours mieux servir le pouvoir, soucieux de prêter main-forte aux audacieux réformateurs qui dirigent ce pays et disposés pour cela à fouler aux pieds quelques principes de pacotilles, qu’il s’agisse d’une quelconque rigueur intellectuelle ou d’éventuelles - et superfétatoires - règles déontologiques.

Ainsi des journalistes du Figaro, dont il se murmure que certains posséderaient même une carte de presse.

Et qui - rendons à la propagandstaffel ce qui revient à la propagandstaffel - ne mégotent pas leurs efforts pour seconder Nicolas Sarkozy.

Faisant preuve d’une inventivité si remarquable en la matière qu’on n’en trouve l’équivalent que dans quelques nations en pointe - in Kim Jong Il memoriam.

Et prouvant avec talent combien une totale absence de scrupules est la meilleure des garanties de réussite professionnelle.


A l’aune de ces considérations générales, gageons que le prétendu journaliste Christophe Cornevin ne devrait pas tarder à atteindre les plus hautes fonctions dans l’appareil gouvernemental de communication.

Tant cet employé du Figaro a su traiter la délicate question des rapports entre police et population avec autant de tact que d’à-propos, qualités si évidentes qu’elles ne saurait manquer d’arracher à son big boss, Serge Dassault aka l’homme-qui-agitait-des-liasses-de-biftons-à-l’oreille-des-électeurs, le sourire de satisfaction complice du meneur d’hommes enchanté de vérifier combien l’équipe qu’il s’est constituée abat un boulot d’enfer, bravo mon petit, ça c’est balancé !

L’article est titré Les plaintes contre des policiers diminuent.

S’appuie sur la publication - aujourd’hui - du rapport de l’Inspection générale de la police nationale.

Évoque notamment le recul de 30 % en cinq ans des enquêtes de la police des polices.

Et dresse un tableau si enthousiaste de l’action policière qu’il donne envie de faire remarquer à son auteur que là, oui juste là, oui au coin des lèvres, il lui reste encore un petit peu de ce truc blanc qui fait - quand même, c’est étrange… - furieusement penser à du liquide séminal.

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« Tableaux et courbes à l’ap­pui, le patron de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), Dominique Boyajean, a ainsi révélé que ses services ont ouvert l’an­née dernière 1 348 en­quêtes, soit 30 % de moins qu’en 2004 », se félicite Christophe Cornevin, qui poursuit un peu plus loin : « Le bilan met en évidence que les soupçons de violences visant les po­liciers ont chuté de 19,5 %, passant de 727 en 2007 à 585 l’année dernière. « On vise le zéro défaut, c’est-à-dire une police efficace et irréprochable, confie-t-on à l’IGPN. Pour ce faire, nous sommes de plus en plus pointilleux, dès le recrutement, sur l’idée de déontologie. » »

Une police « efficace », dit l’IGPN ?

Une police « irréprochable », dit l’IGPN ?

Mieux, répond le plumitif du Figaro : « Désormais, le moindre dérapage d’un policier, que ce soit dans son métier mais aussi dans sa vie privée, n’est plus guère toléré. »

Avant de souligner que « pas moins de 3 423 sanctions ont été infligées en 2008, soit 3,2 % de plus que l’année précédente ».

Et de terminer par un joyeux cocorico tricolore : « Aujourd’hui, la traque du « dé­rapage » s’exprime sous toutes les formes. »

Chouette !


Le lecteur du Figaro ne saura manquer d’être convaincu par la belle dialectique de l’auteur de l’article.

Lequel mène - reconnaissons-le - brillamment sa barque.

Puisqu’il réussit cet épatant raccourci, que vous ne manquerez pas de savourer à sa juste valeur :

A : S’il y a moins d’enquêtes de la police des polices,
+
B : C’est bien la preuve qu’il y a
+
C : Moins de violences causées par les policiers
+
D : Et
+
E : S’il y a plus de sanctions infligées
+
F : C’est bien la preuve qu’il y a
+
G : Moins de tolérance à l’égard des flics qui font un usage inconsidéré de la matraque, lesquels se trouvent par ailleurs être de moins en moins nombreux. (retour à la proposition A, c’est reparti pour un tour)
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Rien à dire : c’est du beau boulot.

Chapeau !


Bien sûr, il se trouvera quelques esprits chagrins - ceusses qui auraient entendu parler de la multiplication de mises en cause de flics d’autant plus enclins à la violence qu’ils savent bénéficier d’une jolie impunité et qui n’ignorent pas combien il est désormais difficile aux citoyens de porter plainte contre des pandores dégainant immédiatement l’accusation d’outrage - il s’en trouvera, disais-je, pour mettre en doute la conclusion du journaliste du Figaro.

Et il s’en trouvera aussi - je n’en doute pas - qui auront la curiosité de consulter quelques autres articles sur ce rapport de l’Inspection générale de la police nationale.

Ces derniers auront une sympathique surprise, celle de constater que la tonalité du papier diffère totalement dans les autres médias.

Pour l’excellente raison que les autres journalistes ont mis l’accent sur la hausse du nombre de sanctions1, laquelle laisse au lecteur le sentiment justifié que les dérapages policiers ont augmenté, quand Christophe Cornevin a préféré s’appuyer sur la baisse du nombre de plaintes, laquelle pourrait laisser au lecteur le sentiment mensonger que les dérapages policiers ont diminué.

Ainsi que pour la non moins excellente raison que les autres plumitifs ont mis au conditionnel ou au style indirect les grands cris de satisfaction poussés par la hiérarchie policière, quand Christophe Cornevin les a repris à son compte.

En clair : c’est juste un gros pipotage de première.


Vous me direz : rien de neuf sous le soleil de la sarkozye.

Puisque Le Figaro a toujours excellé à faire reluire ces chiffres maquillés dont le régime considère qu’ils sont sa meilleure publicité.

C’est vrai.

Mais ça n’empêche pas de distinguer le plus méritant des communicants gouvernementaux dans un journal qui en compte beaucoup.

Et un homme capable d’écrire que « le moindre dérapage d’un policier, que ce soit dans son métier mais aussi dans sa vie privée, n’est plus guère toléré » mérite à l’évidence une jolie distinction.

Tant elle va contre cette réalité qu’Amnesty Internationale - entre autres associations et intervenants - ne cesse de dénoncer.

Par exemple dans un rapport publié en avril et intitulé « France : des policiers au-dessus des lois »2.

Ou dans le « Rapport 2009 sur la situation des droits humains dans le monde » qui constate que « les procédures françaises d’enquête après des mauvais traitements par les forces de l’ordre ne sont pas menées de façon conforme aux normes internationales, ce qui se traduit par une impunité de fait » et « regrette l’impunité de fait des auteurs policiers de violence ».

Mais ça, Cornevin ne pouvait pas être au courant.

Hein…



1 Par exemple, ici, , ou encore ici.

2 L’intitulé du rapport est suffisamment parlant, n’est-ce pas ?


COMMENTAIRES

 


  • et pis meme que d’abord les crs qui ont jeté des pierres sur les manifestants à strasbourg ils ont rien eu, et pis aussi ceux qui tiraient à tir tendus leurs grenades sur la foule.



  • Ayant vu cet article sur le site du monde, il y a une chose qui m’a interpelé.
    Le titre de l’article évoque 3423 sanctions mais dans le corps on lit : 68 blâmes, 134 exclusions temporaires et 98 révocations ce qui est très loin du « conte » affiché.
    Que sont donc les 3123 autres sanctions, des avertissements comme dans le sketch de Coluche ?

    • J’aurais dit essentiellement des avertissements, en effet.

      D’ailleurs, la dépêche AFP commence ainsi :

      « Du simple avertissement à la révocation, 3.423 policiers ont été sanctionnés en 2008, un résultat que la direction générale de la police tient à « mettre en perspective » face aux 4 millions d’interventions pratiquées dans l’année. »

      Mais elle précise ensuite :

      « Vingt-cinq avertissements, 68 blâmes, 10 abaissements d’échelon, 204 exclusions temporaires d’un à 15 jours, 25 déplacements d’office, 9 rétrogradations, 134 exclusions temporaires comprises entre 3 mois et 2 ans, 23 mises à la retraite d’office et 98 révocations, la sanction la plus grave, ont été prononcées en 2008, précise le rapport. »

      Là aussi, le « conte » n’y est pas. Étrange.



  • Heureusement que Christophe Cornevin est là pour nous éclairer et surtout reprendre avec nous les chiffres. C’est très délicat, les chiffres.

    Mais la logique, que tu désosses fort bien, de C. C. est imparable : elle démontre, s’il en était besoin, que notre expert figaresque résonne comme un coup de matraque sur une poubelle.

    (Contrairement aux théorèmes de Cornevin, la formule Héron, que tu nous offres en prime, est très jolie, je trouve.)

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

    • (Il s’agit de la formule de Héron (d’Alexandrie))

      Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

      • Diantre, j’ignorais que cette formule eut un nom (comme tu t’en doutes, elle a été pêchée au hasard sur Google Images). Mais je la trouve en effet fort jolie.

        Tu m’as donné envie d’en savoir plus. Selon Wikipedia (je le copie-colle pour d’autres ignares de mon acabit, non des spécialistes du tien), donc :

        En géométrie euclidienne, la formule de Héron, trouvée par Héron d’Alexandrie, permet de calculer l’aire d’un triangle quelconque en ne connaissant que les longueurs des trois côtés du triangle :

        A = \sqrts(s-a)(s-b)(s-c)

        avec

        s = \frac 12 (a+b+c) \,

        s est le demi-périmètre du triangle, a, b et c sont les longueurs des côtés du triangle et A est l’aire du triangle.

        Mieux :

        La formule de Héron peut se déduire de manière calculatoire du théorème d’Al-Kashi en utilisant

        \cos\gamma = \fraca^2+b^2-c^22ab

        puis la formule classique de l’aire du triangle donnée par cet angle et les côtés adjacents :
        A = \frac 12 ab\sin\gamma\,
        =\frac 12ab\sqrt1-\cos^2\gamma\,
        =\frac 12 ab\sqrt(1-\cos\gamma)(1+\cos\gamma)\,
        =\frac12ab\sqrt\left(1-\fracc^2-a^2-b^22ab\right)\left(1+\fracc^2-a^2-b^22ab\right)
        =\frac14\sqrt\left((a+b)^2-c^2\right)\left(c^2-(a-b)^2\right)
        =\frac14\sqrt(a+b+c)(ac)(-a+b+c)(a-b+c)\,

        On obtient la formule de Héron en substituant

        a = 2s-b-c\,

        dans la formule ci-dessus.

        Pour moi, c’est encore plus obscur que du chinois (surtout que le copié-collé a dénaturé la formule). Mais : c’est la classe, que de l’avoir sur ce blog.



  • quand Christophe Cornecul se retrouvera dans une de ces gardes à vue dont le nombre explose pas sûr qu’il ait le temps de ressortir cet article tout mouillé de salive avant de s’en prendre une. C’est toujours les expériences qui font changer d’avis jamais l’argumentation. 1 français sur 100 en GAV - dans le nombre y’a forcément des UMP forcément des journalistes - forcément des journalistes UMP

    Voir en ligne : http://rue-affre.20minutes-blogs.fr/

    • « forcément des journalistes UMP »

      En ce cas, tu me fais changer d’avis : je vois désormais l’explosion des GAV d’un œil très favorable. Pour te dire, même : je serais prêt à y passer très bientôt, au comico du coin, pourvu que je sois assuré que le dénommé Cornevin y ait droit aussi.



  • J’ai écrit au Figaro pour leur demander de supprimer l’encre sur les pages car elle donne un mauvais goût aux poissons que j’emballe dans les pages.
    Pas trouvé d’autres utilités à ce torchon...



  • « Ainsi des journalistes du Figaro, dont il se murmure que certains posséderaient même une carte de presse. »

    Mazette si même le Figaro se met à appointer des journalistes maintenant ! Si ça se trouve ils ont peut être même pas tous leur carte à l’UMP ?

    • Non, pas tous. Et d’autant moins que papa Dassault s’est aussi mis à pratiquer l’ouverture : il en a aussi du PS, des encartés dans sa rédaction, on ne voit pas la différence et ça fait très classe dans les dîners en ville.

      • A ce propos, il serait intéressant de dénicher une étude scientifique pouvant nous expliquer la différence entre l’UMP et le PS. A vue d’oeil, il n’y en a aucune, le second étant un vivier pour le premier.

        Faudrait un jour expliquer aux militants du PS qu’ils sont aussi gogos et simplets que les crédules qui pointent à la Scientologie. Et plus pathétiques.



  • mercredi 17 juin 2009 à 15h50, par thermomètre

    Bon, on peut critiquer les critères, mais ça part d’un bon sentiment : montrer qu’il y a moins de plaintes contre les policiers.

    Peut être que s’il y a moins de plaintes c’est parce ce qu’ils font est de moins en moins illégal, et donc qu’ils ont de plus en plus le droit de faire ce qu’ils veulent (même de jeter les éventuelles plaintes des éventuels téméraires plaignants). Il y a sûrement eu aussi des lois ou des décrets pour en arriver là ( ça continue : loi anti-bandes, anti-masques etc....).

    Ce critère ne fait que mesurer les effets des directives et de l’arsenal juridique qui « couvre » maintenant la police. Quand on a la fièvre, ils cassent le thermomètre.



  • mercredi 17 juin 2009 à 18h23, par un-e anonyme

    Le Figaro : un journal à prendre dassault et à jeter à la Corbeil :-)

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