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lundi 21 janvier 2013

Littérature

posté à 22h27, par Jean-Pierre Garnier
11 commentaires

Le nouvel ordre local

« La domination policière. Une violence industrielle » (Mathieu Rigouste) et « Rengainez, on arrive ! » (Mogniss H. Abdallah) traitent tous deux du renforcement constant des dispositifs de contrôle social et du sort de ceux qui en payent le prix fort. Deux ouvrages essentiels, qui dépeignent sans pincettes l’ordre militaro-policier gangrénant les quartiers populaires. Compte-rendu.

Au lendemain de la chute du mur de Berlin et de l’effondrement des régimes indûment baptisés communistes, le directoire informel mais efficient des gouvernements qui garantissent les intérêts d’un capitalisme désormais transnational, idéologiquement et médiatiquement baptisé « communauté internationale », s’est empressé d’annoncer l’avènement d’un « nouvel ordre mondial ». On a peu parlé, en revanche, bien que ce qu’il recouvre ait déjà donné lieu à une littérature pléthorique, savante ou profane, notamment en France, du nouvel ordre local que les autorités s’évertuent à instaurer pour enrayer « sur le terrain » les désordres sociaux engendrés par cet ordre lointain. À commencer par les soi-disant « violences urbaines » commises par une jeunesse que la « flexibilisation » de l’économie voue à la précarisation, à la paupérisation et à la marginalisation.

À défaut de mettre fin à la « misère du monde », il ne reste plus aux pouvoirs en place qu’à tenir en respect les nouveaux misérables qui ne s’en accommodent pas, grâce au renforcement constant des dispositifs de contrôle social. Lequel combine, comme chacun sait, la prévention, version « soft » de la pacification du champ de bataille urbain, et la répression, sa version « hard », encore que la dissuasion, mixte intermédiaire de l’une et de l’autre, tende à effacer la frontière censée les séparer.

C’est au second volet du maintien de l’ordre, donc à l’usage soit disant légitime de la violence étatique pour le garantir, que sont consacrés deux ouvrages1 qui offrent la particularité, et aussi l’intérêt, d’être rédigés, non par des chercheurs spécialisés dans le décryptage en surplomb des relations conflictuelles entre l’État et les « cités », mais par des acteurs engagés qui y sont impliqués « du mauvais côté ». Le premier, le sociologue Mathieu Rigouste, qui se revendique comme « enquêteur », plutôt que chercheur, en même temps que militant, s’est donné pour tâche d’approfondir et d’élargir une réflexion entamée dans un ouvrage précédent, issu d’une thèse2 sur les politiques mises œuvre pour venir à bout du « nouvel ennemi intérieur » défini à partir de critères socio-ethniques en lui appliquant un traitement, non pas « social », mais carrément policier. Le second auteur, Mogniss H. Abdallah, journaliste et réalisateur, militant lui aussi, braque le projecteur sur les « crimes racistes ou sécuritaires » qui résultent de ces politiques, et sur les luttes menées par les proches des victimes et les militants issus des « cités » contre l’impunité dont bénéficient ces crimes, sans esquiver pour autant les contradictions et les limites qui les ont marquées.

Il ne manquera sans doute pas de bons esprits pour qualifier de partiale la vision du monde urbain contemporain qui se dégage de ces deux livres. En oubliant ou en feignant d’oublier que l’impartialité qu’ils revendiquent ou réclament n’est que la manière la plus classique, et la plus dérisoire aussi, de nier que toute appréhension d’une réalité sociale, fût-elle placée sous le signe auguste de la scientificité, renvoie à un parti déjà pris. « Personne n’écrit de nulle part », rappelle Mathieu Rigouste au début de son ouvrage : «  Une enquête est déterminée par la position de l’enquêteur dans la société, par la perspective depuis laquelle il regarde et s’exprime. Lorsqu’il se présente comme ’’neutre’’ ou ’’extérieur’’ au monde qu’il étudie, il masque cette situation, les privilèges qu’il retire de l’ordre existant, les connivences qu’il peut entretenir avec lui et l’intérêt qu’il peut avoir à ne pas vouloir le changer. »
Autant dire que ces deux ouvrages battent en brèche, comme le signale M. H. Abdallah, « l’idée d’une supériorité de l’expertise savante qui d’ordinaire a plus facilement droit de cité » — du moins dans la « cité scientifique » à défaut des « cités sensibles » —, que les récits et les commentaires des gens directement concernés, « quand bien même cette expertise réinterprète la parole de ces derniers à l’aune des catégorisations institutionnelles  ».

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La vérité des faits relatés par Mathieu Rigouste, tirés d’une ample documentation incluant des discours et récits policiers (presse professionnelles, autogiographies, entretiens, blogs), et la rigueur de l’argumentation théorique qu’il déploie pour en dégager la signification politique ne laissent planer aucun doute : la « politique de la ville » dont tant de chercheurs vassalisés se sont employé à masquer la finalité réelle et la logique de classe montre aujourd’hui son vrai visage. C’est bien d’une police de la ville qu’il s’agit. À ceux qui en douteraient encore, l’ouvrage de M. Rigouste fournit de quoi dissiper tout scepticisme : quadrillage et bouclage de quartiers entiers, rafles indiscriminées mais discriminatoires de supposés fauteurs de troubles au pied des immeubles, perquisitions brutales dans les appartements, instauration de couvre-feu, application des techniques de commando pour « sécuriser » telle ou telle zone, utilisation d’hélicoptères et de drones, création de « forces spéciales » sur le modèle contre-insurrectionnel, restructuration de la police politique (avec l’avénement de la DCRI, Direction centrale du renseignement intérieur) pour « surveiller, traquer, soumettre les politisations autonomes et les formes de résistance, d’autodéfense et de contre-attaque »…

Pour marquer la spécificité et dévoiler la rationalité des innovations dans le domaine du maintien de l’ordre, Mathieu Rigouste propose des concepts nouveaux qui permettent de mieux saisir la nature de cette forme particulière de domination qui a émergé en France et, plus largement, dans les métropoles impérialistes au cours de la fin du XXe siècle. Ainsi celui de « socio-apartheid » défini comme « un système de “mise à l’écart” et de séparation socio-raciste, non pas supporté par une structure juridico-administrative explicitement raciste et des périmètres immobiles », selon le modèle sud-africain de jadis ou israélien en Palestine, « mais par un ensemble de discriminations sociales, politiques et économiques ainsi que par des frontières symboliques et fluctuantes mise en œuvre par l’action combinée de la police et de la justice, des médias et des institutions publiques ». Un autre concept, celui d’ « enclave endocoloniale » correspond à ce que les bureaucraties policières et aménageuses, relayées par des chercheurs inféodés, ont baptisé « zones urbaines sensibles », soit un espace où sont cantonnés et contenus ceux que Mathieu Rigouste appelle les «  damnés de l’intérieur  », en référence au livre de Franz Fanon, encore que L’Internationale pourrait être également convoquée, les « damnés de la terre » se confondant presque, dans un monde en voie d’urbanisation totale, avec les « damnés de la ville ». Dérivé du concept « post-colonial » qui renvoie aux « héritages », « reproductions », « transformations » et « innovations du pouvoir colonial dans le temps », c’est-à-dire après la décolonisation, l’« endocolonial » concerne quant à lui l’espace. Ce concept « interroge les importations, les correspondances, les restructurations, les traductions et les hybridations du pouvoir colonial » dans la gestion territorialisée, non seulement des «  populations issues de l’immigration », mais aussi, de plus en plus, des « couches inférieures du prolétariat dans son ensemble ». D’où un croisement entre les répertoires de la « pacification » colonialiste et les « répertoires historiques de la domination des misérables, des indésirables et des insoumis ».

Le couplage de la « reconquête » de ces zones souvent dénommées « de non droit » avec leur « requalification urbaine » ultérieure confirme, aux yeux de Mathieu Rigouste, la permanence du lien entre urbanisme, maintien de l’ordre et ségrégation. « Engager la destruction et/ou la restructuration d’une cité lorsque celle-ci a été médiatisée comme “émeutière” permet de repousser les plus pauvres en général et les damnés intérieurs en particulier dans des périphéries plus lointaines, de générer des marchés de la “rénovation urbaine” et l’embourgeoisement des territoires conquis. » Tandis que « l’objectif affiché de “mixité sociale” fournit l’appareillage idéologique pour sélectionner et répartir les populations sur des critère socio-ethniques favorisant, en particulier, l’installation de classes privilégiées blanches et/ou néo petites-bourgeoises », on s’efforce sous couvert de « grands projets urbain », de « créer de nouveaux espaces répondant aux exigences de l’organisation des métropoles mondiales » et de laisser en même temps le champ libre à la spéculation immobilière.

La dimension mercantile de l’extension et du perfectionnement des dispositifs militaro-policiers n’a pas échappé non plus à l’auteur. Il consacre un chapitre entier au « marché de la coercition », soit à la « logique économique sous-jacente dans la transformation des pratiques policières » qui combinent l’emploi d’un arsenal sans cesse perfectionné, soit-disant « sub-létal », et ce fameux « savoir-faire » en matière de « contrôle des foules » vanté par une ministre de l’Intérieur à un dictateur maghrébin confronté à la colère populaire. À l’instar de ses homologues des autres pays, le «  capitalisme sécuritaire » à la française « se déploie en particulier là où des États impérialistes ont circonscrit, à l’intérieur de leurs territoires, des lieux et des milieux où ils peuvent déployer, tester promouvoir ces marchandises ». Autant de bancs d’essai et de vitrines pour vendre à travers le monde des matériels et des techniques sur le marché en plein essor de la sécurité nationale. Un marché qui inclue bien entendu une industrie complémentaire en termes de répression et de profits, l’industrie carcérale. Les différentes réformes du code pénal qui se sont succédées depuis la disparition de la guillotine en 1981 ont eu pour but et pour effet, signale Mathieu Rigouste, de multiplier les actes considérés comme délictueux, d’allonger les peines, de supprimer leurs aménagements, « établissant des peines à vie, véritables substituts à la peine de mort ». Résultat : les prison sont bondées, ce qui justifie l’appel au secteur privé pour leur construction et leur gestion, où l’on retrouve comme par hasard, entre autres, les mêmes acteurs du BTP que dans les opérations de « rénovation urbaine » : Bouygues, Vinci, Eiffage…

Mathieu Rigouste synthétise son propos en soulignant l’intersection et l’interaction de trois « processus historiques » à l’œuvre dans la restructuration en cours de la domination policière : le renforcement du socio-apartheid pour accompagner l’extension de la ville néo-libérale et sécuritaire ; la transposition de formes de la tension policière contre tout ce qui menace l’ordre politique, social et économique ; la collaboration des industries de la coercition, de la rénovation et de la gestion carcérale et pénitentiaire. La « férocité policière » n’est donc pas à interpréter de manière psychologisante comme « des accès de fureur spontanée », ni de façon rassurante comme « la dérive résiduelle de minorités radicalisées », bref, de « brebis galeuses » qui constitueraient des exceptions à la règle dans une profession au-dessus de tout soupçon. « C’est le produit d’un système de techniques expérimentées, légitimées et soutenues par des protocoles rationalisés. » De fait, « la police des cités fonctionne comme une application technique de la férocité des classes dominantes sur le corps des pauvres ». On ne s’étonnera pas, dès lors, qu’encouragée d’« en haut », elle fasse parfois des émules parmi les gens d’« en bas ».

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C’est précisément à la violence policière et/ou raciste prenant pour cible les jeunes issus de immigration africaine accusés de semer la perturbation dans les zones de relégation où leurs familles sont parquées que traite Mogniss H. Abdallah. Pour ce faire, il a puisé la plupart de ses informations et commentaires dans les archives politiques ou culturelles des protagonistes des luttes menées depuis les années 1970 contre la répression (journaux de la presse alternative, émissions de radios libres, sites internet, films, affiches, tracts, chansons…). Ce qui ressort de cet ouvrage, tout d’abord, c’est que les crimes racistes ou/et sécuritaires ne peuvent plus être assimilés à une accumulation de « bavures » quand ils sont le fait de policiers, ou de « faits divers » quand ils sont commis par des « tonton flingueurs » non assermentés (vigiles, gardiens d’immeubles, commerçants, « simples citoyens »…). Ils participent d’un climat idéologique où une discrimination institutionnelle non assumée comme telle s’alimente d’une mentalité « postcoloniale » dont le corps social en France reste assez fortement imprégné, le tout largement encouragé par l’emprise de l’idéologue sécuritaire et par l’ambiance délétère créée par la « guerre au terrorisme ». Un second phénomène, complémentaire du premier, que le livre met en évidence, est le contraste entre l’indulgence, voire l’impunité quand les « forces de l’ordre » sont impliquées, dont bénéficient en général les auteurs de ces crimes, et la sévérité des peines infligées aux jeunes gens coupables d’infractions mineures ou même de simples « outrages et rébellion » lorsqu’ils se rebiffent contre les provocations et le harcèlement policiers. Ce qui a pour effet d’entretenir parmi les nouvelles générations, mais aussi parmi leurs parents, une profonde et permanente impression d’injustice sans laquelle les « émeutes » qui défraient la chronique des « banlieues » françaises depuis plusieurs décennies resteraient largement inexplicables. On découvre ainsi dans ce livre un vocable, la hagra, rarement mentionné dans la littérature sociologique consacrée aux « quartiers difficiles », de même que le sentiment qu’il définit chez leurs jeunes habitants. Soit un ressenti « de mépris, d’humiliation, d’abus de pouvoir et d’injustice » dû aux discriminations sociales et racistes, à l’origine de l’« agressivité » de nombre d’entre eux à l’égard des figures de l’ordre, notamment des policiers, mais parfois aussi « point de départ d’une prise de conscience individuelle ou collective spécifique », voire « de mobilisations plus ou moins durables » contribuant même à politiser la révolte.

L’auteur, en effet, ne se limite pas à la dénonciation. La perspective où il se place est de « creuser des pistes pour constituer des rapports de forces plus favorables dans les combats à venir ». Lesquels ne peuvent se concentrer exclusivement sur la relation à la police et à la justice. La solidarité manifestée envers les familles des victimes par les amis et les voisins n’est d’ailleurs pas toujours que défensive. Les mobilisations auxquelles elle donne lieu renforcent un sentiment d’appartenance qui s’ancre durablement dans la vie des quartiers et peut constituer le terreau pour d’autres revendications portant sur les conditions de vie souvent désastreuses des résidents, en particulier le logement. Les résistances et les ripostes que suscite la répression peuvent, et même doivent selon l’auteur, s’inscrire dans un mouvement plus large prenant pour champ d’action la défense de l’ensemble des habitants des quartiers populaires en mettant l’accent sur la stigmatisation dont ils font l’objet. Avec toutes les ambiguïtés idéologues, organisationnelles et stratégiques qui découlent de cet élargissement, en particulier quand il s’agit pour les collectifs issus des cités de nouer des alliances fiables avec d’autres forces sociales, politiques, syndicales ou associatives. D’où le caractère souvent autocritique du bilan dressé dans cette chronique des luttes.

Loin de tout triomphalisme, Mogniss H. Abdallah n’hésite pas à pointer « les apparitions médiatiques spectaculaires mais éphémères, le “travail d’agitation politique sans suite”, les analyses générales surdéterminées par une dénonciation incantatoire sans s’attarder aux réalités complexes et aux singularités de chaque situation ». À commencer par l’antiracisme consensuel des « années black blanc-beur », téléguidé par quelques professionnels de la manipulation membres ou proches du Parti Socialiste à des fins électorales et de diversion. Dans la période qui suivit, au tournant des années 1990 alors qu’un nouveau cycle d’émeutes se déclenchait, nombre de militants décrochaient pour « s’évaporer dans de nouvelles activités professionnelles ou s’institutionnaliser, passant au politique ou au travail social dans des cadres institués ». Avec le risque de récupération et de neutralisation de la révolte : les municipalités se mirent alors à embaucher les « agitateurs » ou les « meneurs » les plus en vue, qualifiés de « leaders naturels », comme animateurs, moniteurs et autres médiateurs pour calmer le jeu dans les cités, sans qu’aucun problème de fond ne soit résolu. À partir de cas précis, l’auteur met également en évidence un autre risque, le substitutisme : les responsables des collectifs d’aide aux familles des victimes tendent souvent à parler devant les avocats, les magistrats, les élus locaux ou les journalistes, au nom et à la place des parents endeuillées par meurtre de leurs enfants, alors que l’expérience prouve souvent que beaucoup, notamment les mères, sont parfaitement capables de prendre en mains l’expression de leurs doléances face aux autorités.

Paradoxalement, en apparence, les révoltes de novembre 2005 et l’instauration de l’état d’urgence pour les mater n’ont pas entraîné une radicalisation des luttes contre la répression. Au contraire, note Mogniss H. Abdallah, les médiateurs de quartier et des associations « citoyennes » ont pris la relève des militants et des comités de lutte pour appeler à l’apaisement et au dialogue, discours pacificateur répercuté par les travailleurs sociaux et les élus locaux. Ce qui n’a pas empêché la liste des victimes de continuer à s’allonger. Certes, les affrontements avec les forces de l’ordre, de plus en plus suréquipées voire militarisées, ne se soldent pas toujours par des morts, mais ils occasionnent un nombre croissant de blessés voire de mutilés, notamment par tirs de flash balls ou lancers de grenades de désencerclement. Quant aux contrôles d’identités, qui se sont multipliés, ils peuvent s’avérer mortels du fait des techniques d’interpellation « musclées » qui tendent à se répandre pour neutraliser les récalcitrants (clefs d’étranglements, « pliages »). À cet égard, le néologisme d’« enférocement » proposé par Mathieu Rigouste à propos du durcissement de la répression peut paraître inélégant, mais il l’est beaucoup moins que les méthodes de plus en plus brutales mise en œuvre lors des interventions policières pour en finir avec les révoltes.

On se s’étonnera pas, dès lors, que les deux ouvrages se terminent sur une note à la fois pessimiste et combative. Lucide, Mogniss H. Abdallah, ne peut que prendre acte de l’« isolement » et du « morcellement des mobilisations actuelles », tiraillées de surcroît entre une « critique radicale — ou prétendue telle — des institutions police/justice » et un « pragmatisme éclectique aux repères brouillés ». Faisant écho aux populations des quartiers populaires aspirant à « sortir de la logique de guerre intérieure », il finit par se demander si, « à force de combats inachevés et de désillusions », ces aspirations sont bien « réalistes ». D’autant qu’il n’ignore pas qu’une partie des habitants «  issus de l’immigration », qui « vivent l’insécurité sociale au quotidien », ne reste pas sourde aux sirènes sécuritaires, au point pour certains de demander l’intervention de l’armée pour ramener l’ordre dans les « quartiers », ou, pour leurs rejetons, de rejoindre la cohorte des vigiles, un métier en pleine expansion, voire d’intégrer les rangs de la police. Mais Mogniss H. Abdallah n’a pas pour autant désarmé. Son livre n’a t-il pas été rédigé avec l’intention d’« aller “au-delà des pleurs” pour passer à la contre-offensive » ?

Mathieu Rigouste, quant à lui, va plus loin, comme on l’a vu. Plus radicale, au sens marxien du terme, sa critique va « à la racine » du nouvel ordre local, soulignant en guise de conclusion ce que les chapitres précédents ont démontré : l’existence d’« un rapport direct entre le développement du capitalisme, l’extension des inégalités et le taux d’élimination policière des damnés de l’intérieur ». En réalité, les « forces de l’ordre » sont à l’image de l’ordre quelles ont pour fonction de défendre. Revenu à sa sauvagerie des début, le capitalisme, dans sa phase néo-libérale, ne recule devant aucun moyen pour assurer la reproduction des rapports de domination de classe et de race, mettant simplement à profit les avancées de la science et de la technique, y compris en matière de manipulation de l’« opinion publique », pour donner à la barbarie qui lui est inhérente une allure plus civilisée, c’est-à-dire plus sophistiquée. Rien ne sert donc, selon Mathieu Rigouste, de fustiger de caractère de plus en plus violent de la domination policière en ce début de siècle, sans « rompre avec les structures économiques, sociales et politiques qui produisent tous les rapports de domination ».



1 Il s’agit, pour le premier, de La domination policière Une violence industrielle, publié par Mathieu Rigouste aux éditions La Fabrique. Et pour le second de l’ouvrage de Mogniss H. Abdallah, Rengainez, on arrive ! Chronique des luttes contre les crimes racistes ou sécuri taires ou policières, la hagra policière et judicaire, des années 1970 à aujourd’hui, paru aux éditions Libertalia.

2 Mathieux Rigouste, L’Ennemi intérieur, publié à La Découverte.


COMMENTAIRES

 


  • mardi 22 janvier 2013 à 17h27, par ZeroS

    Oui, rompons.



  • mardi 22 janvier 2013 à 22h57, par ZeroS

    « [...] de rejoindre la cohorte des vigiles, un métier en pleine expansion [...] »

    Je ne sais pas si le ton du paragraphe est cynique ou méprisant envers les parents et « leurs rejetons » qui succombent aux sirènes sécuritaires. Ah ! Le vilain lumpen-prolétariat ! Lui qui ne comprend rien. L’aliéné... Beurk ! Lui qui a fait foirer bien des révolutions !

    Pour rester poli, je dirais que ce n’est pas en filant des leçons de morale et d’orthodoxie sur des sites que les gens concernés ne lisent pas que ça va les inciter à changer de perspectives.

    Alors, j’ai deux exemples de gars que j’ai croisé récemment qui essaient de faire ce boulot. Aucun des deux n’envisage ça comme un plan carrière, de toute façon ils vivent au jour le jour... Ces lignes n’ont valeur que d’exemple.

    Le premier, je l’ai rencontré lors d’un covoiturage, Toulouse-Paris. Algérien, kabyle, la quarantaine, depuis cinq ans en France. Je revenais de vacances ; il partait tenter sa chance à Paris. Cinq ans d’intérim dans le nettoyage industriel et le bâtiment à Toulouse. En Kabylie, il était ingénieur hydraulicien.
    Il est venu chercher du boulot en France, dans sa branche. Il n’a jamais trouvé. Il s’est pointé à l’APEC (l’agence d’emploi pour les cadres), on lui dit : « Non, on ne peut pas vous suivre, vous n’avez jamais cotisé en France. » Il est parti bosser un an en intérim, il est revenu avec des bulletins de salaire, on lui a dit : « Vous n’avez pas cotisé comme cadre. » Il a fait un IUT pour être hydraulicien en France (alors qu’il avait déjà un bac +4 en Algérie et des années de pratique professionnelle). Il s’en va chercher du travail avec ça. Un jour, il voit une annonce qui lui convient, il postule. Quinze jours plus tard, il n’a pas de réponse. Il croise un pote français de sa formation, lui parle de l’annonce. Ce dernier postule, il est pris en entretien, puis pour le poste... Notre ami va faire un scandale au Pôle Emploi de Bagatelle, à Toulouse, où il est inscrit. Il a dit ce qu’il avait sur le cœur. Il arrête de chercher du travail dans ce secteur - plein le cul ! - Encore et encore de l’intérim. Puis des amis parisiens lui disent qu’il y a du boulot à la capitale. Il trouve une « formation », moitié prix, pour être agent de sécurité et une piaule dégueulasse à sous-louer à Aubervilliers. Il de la thune pour tenir un mois et une valise. Je m’interrogeais un peu, quand même : « - C’est pas un job pour une vie agent de sécurité ? - Oui, je sais, mais en attendant de trouver autre chose, je vais essayer... » On a quand même pris le temps de parler d’autres choses : de la répression totale des Kabyles en Algérie, des artistes exilés, de la famille, du modèle de développement occidental, etc. Il avait l’air moins con que l’idéal-type du vigile présenté dans l’article.

    Le second a une vingtaine d’années, est français et manouche, a grandi en caravane et continue d’y habiter, avec sa famille autour (pas le genre à attendre que le fiston ait un plan carrière, même si sa mère rêve probablement d’autre chose que de squatter un terrain sans eau et électricité). Il ne voyage pas. Il a dû allé à l’école jusqu’en CM2, péniblement. Il ne sait ni lire, ni écrire. Il est allé en zonzon pour quelques conneries et a encore des démêlés avec la Justice, il est suivi par un SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation... Allez savoir ce que ça signifie ?). Il n’a jamais vraiment travaillé, comme on l’entend, c’est-à-dire un job déclaré, salarié, à durée déterminée ou indéterminée, même intérimaire. Et puis travailler sans savoir lire et écrire, c’est inconcevable pour une bonne partie des patrons de quelques obédiences qu’ils soient (j’y inclue les institutions). Et pourtant, d’une manière ou d’une autre, il faut bien ramener des lové. Le RSA Famille de maman, ça ne couvre pas toutes les dépenses... Il a récupéré un malinois, il y a quelques mois, il l’a dressé, sans aucun objectif, puis il a croisé un mec qui lui a proposé de venir travailler comme vigile de nuit trois mois au black pour garder un hangar avec un autre gars. Le connaissant, si ça le gave (et c’est probable, il est plutôt rétif à une certaine forme de travaux), il plantera son patron rapidement.

    Ce que je veux dire, c’est que dans les deux cas, les gars font ça par défaut. Effectivement, ils n’ont pas été nourris au biberon révolutionnaire, quoique par moment on peut se demander si leur vie n’est pas un énorme doigt d’honneur au monde qui pense comment devrait être le monde après l’Avènement. Par exemple, les universitaires, quelque soit leur cathédrale.

    Qu’on ne me méprenne pas, je ne parle pas du fond de l’analyse, que je partage, mais de la manière de dire. Je ne sais rien sur Mogniss H. Abdallah, mais je sais que Mathieu Rigouste est très actif au sein du CREA à Toulouse. Ce qui m’emmerde, c’est le ton du texte, lorsqu’il méprise et qu’il suinte le ghetto.

    Récemment, il y a un gars qui est mort à Pontoise, le responsable de la section Val d’Oise de la CNT. Il est mort de ce dont peut mourir un gitan à un peu moins de soixante balais quand on bouffe de la cuisine à l’huile parce qu’on n’a pas l’eau courante : caillaux de sang, amputations, et basta ! Ce gadjo, marié à une manouche, a passé une partie de sa vie d’anarchiste à animer le collectif « Niglo en colère », à mener avec plein d’autres des actions directes pour vivre sur des terrains, avoir de l’eau, un sentiment de liberté, dans un univers où l’hétéroclite - des évangélistes créationnistes à l’actuel racisme sommaire anti-Roms - en désarçonne plus d’un. Il écrivait beaucoup, et tout a été brûlé, ou presque. Je ne sais pas ce qu’il restera de son engagement, certainement plus que des souvenirs pour beaucoup de ses proches, mais ce qui est sûr c’est qu’il a mouillé le maillot dans un autre milieu que le sien et que les personnes qui l’ont suivi sont nombreuses. C’est donc possible : on peut exister et militer ailleurs que dans les lieux dédiés.



  • lundi 28 janvier 2013 à 19h13, par Jean-Pierre Garnier

    Réponse de J-P Garnier à ZeroS

    Bien qu’elle me semble reposer sur un malentendu, la critique de ZeroS a le mérite de soulever une intéressante question : quel ton adopter pour parler des éléments des classes populaires enrôlés comme chiens de garde de l’ordre établi ? Ironie ? Commisération ? Respect ? Indignation ? Neutralié ?
    Je passe rapidement sur le malentendu. À lire le commentaire de ZeroS, l’un des paragraphes de mon topo témoignerait d’une morgue universitaire doublée de la suffisance des révolutionnaires autoproclamés à l’égard ou plutôt à l’encontre des laissés pour compte obligés pour survivre de se faire les défenseurs du système qui les a marginalisés.
    Les lecteurs de mes bouquins, papiers ou topos diffusés sur des blogs savent que la cible habituelle et privilégiée de mes moqueries et sarcasmes sont les bourgeois, grands ou petits. Et que mes principaux ennemis, déclarés ou non, appartiennent tous à la caste universitaire ou/et aux cercles de l’intelligentsia qui font profession de « progressisme » voire de « radicalité ». Pour m’en tenir à un livre co-écrit avec un ami, « La deuxième droite », qui va être republié en avril prochain aux éditions Agone — j’en profite pour faire de la pub ! — , c’est la petite bourgeoisie intellectuelle, à travers ses politiciens, ses leaders, ses penseurs, ses journalistes, ses technocrates, ses électeurs et les partis de « gôche », rosâtres et verdâtres, qui la représentent, qui, de la première page à la dernière, a droit à un habillage en règle. Pour plusieurs hivers, je l’espère. Je fais partie de cette classe, certes, mais il y a belle lurette que je ne partage plus ses aspirations, ses ambitions et ses illusions, lesquelles sont d’ailleurs conformes, comme je m’emploie à le démonter dans le livre cité et bien d’autres écrits, à la place et au au rôle que lui assigne la division capitaliste du travail.
    J’en reviens maintenant à la question évoquée plus haut. Comment parler de ces gens qui, parce qu’ils n’ont pas d’autres ressources matérielles, intellectuelles ou relationnelles pour « gagner leur vie », comme on persiste à le dire, acceptent d’enfiler une tenue d’« agent de sécurité comme vigile ou gardien, quand ce n’est pas comme garde mobile ou CRS voire soldat, et de faire éventuellement usage des armes qui complètent la panoplie ? Dans les milieux « gauchos », il est de tradition de (dis)qualifier les « forces de l’ordre » policières ou militaires avec des appellations désobligeantes : « flicaille » ou « soldatesque ». Or, existerait-il un tabou concernant les milieux sociaux où la plupart sont recrutées ? La raillerie ne serait-elle réservés qu’aux « galonnés » qui les commandent, et, au-dessus d’eux, aux dirigeants politiques dont ces derniers suivent les instructions ? Les soldats versaillais qui noyèrent dans le sang la Commune de Paris étaient, dans une France largement rurale, en majorité des fils de petits paysans. « Engagés » dans l’armée faute d’autre débouchés professionnels, les parachutistes de Bigeard et Massu qui torturaient les militants indépendantistes algériens étaient, la plupart du temps, d’origine parentale « modeste », ouvrière ou employée. Et que dire des forces répressives déployées en masse par les dictatures et les États policiers dans les pays de l’ex-Tiers-Monde et maintenant du « Sud » pour étouffer les révoltes et écraser les insurrections, sinon que le gros de la troupe — c’est le cas de le dire — provient des campagnes laissée à l’abandon ou des bidonvilles. Serait-ce dès lors leur faire injure ou à leurs parents, sous prétexte que ce sont des « fils du peuple », d’user du mot de « rejetons », pour désigner ces nouvelles générations qui ont opté pour le « sécuritaire », faute de mieux et non par vocation, afin de sécuriser leur présent et leur avenir ?

    Alors que le vocable de « rejeton » est couramment utilisé dans un sens familier ou ironique à propos la progéniture de n’importe quelle classe sociale, je vois mal pourquoi ce serait faire preuve de dédain en l’appliquant à celle des classes populaires, dès lors qu’un certain nombre de leurs enfants devenus adultes seraient contraints par la nécessité de donner un coup de main répressif aux oppresseurs et aux exploiteurs. Faut-il les plaindre, s’apitoyer sur leur sort ? Pourquoi, alors, continuer de parler de la « barbarie capitaliste », si l’on est incapables de la discerner et de la reconnaître dans certains des types d’humanité qu’elle produit ? Pas seulement les « bourgeois » qui en tirent profit, les petits bourgeois bornés, déboussolés et solidaires de la première qui poussent à la roue de la déshumanisation, mais aussi les hommes et, « parité » aidant, les femmes de main « de basse extraction » chargés des tâches qui correspondant à leur rang social : les basses œuvres de la répression.
    Comme à l’accoutumé, le populisme, dans les remarques de ZérosS, fait bon ménage avec l’antiintellectualisme ». Ce serait arrogance de ma part, qui « suinte le ghetto » que de m’en prendre au « vilain lumpen-prolétariat », stupide et « aliéné » qui « a fait foirer bien des révolutions ». À ce compte, Marx doit sans doute, pour ZérosS, faire partie du lot des intellos que leur diplômes rend hautains vis-àvis de ceux qui en sont totalement dépourvus. Il est vrai qu’il a dit pis que pendre avec son compère Engels du « lumpenproletariat », néologisme dont ils furent les inventeurs, avec une violence verbale auprès de laquelle le « ton méprisant » du paragraphe incriminé apparaît des plus suaves : « lie de l’humanité », « bons à rien et prêts à tout », « sans conscience de classe ni conscience du tout », etc. ZérosS pourra y voir la confirmation du bien fondé de son jugement : Marx n’était-il pas le descendant — le « rejeton » — d’une dynastie lettrée juive allemande, marié de surcroît avec une fille de la noblese ? Sauf que ses écrits et son engagement pratique dans l’action révolutionnaire lui ont valu l’exil et la misère durant le restant de sa vie.

    Je crois qu’il faudrait arrêter de (se) raconter des conneries en accordant les circonstances atténuantes aux « gros bras » de tout acabit, avec ou sans uniforme, parmi lesquels figurent aussi les briseurs de grève et les nervis des milices patronales, pour ne rien dire des tueurs à gages de la camorra, de la n’drangheta et autres mafias, au seul motif qu’ils sont d’ascendance populaire. Les déterminations sociales peuvent servir à comprendre, non à justifier.
    Quant aux « révolutions qui foirent », ZéroS devrait savoir qu’elles font partie des aléas de la lutte des classes, les déclassés du « lumpen » servant tout au plus d’auxiliaires pour les faire foirer. Ce qui n’exclue pas,bien sûr, comme des événements récents l’ont une fois de plus prouvé, que d’autres préfèrent choisir le « bon camp ».

    • mardi 17 février 2015 à 04h38, par Jannette

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  • lundi 4 février 2013 à 11h50, par ZeroS

    Je suis heureux de lire cette réponse, ça me fait plaisir d’être en face d’autre chose que devant le monolithe stéréotypé habituel façon JPG. Personnellement, ce qui m’intéresse c’est de savoir pourquoi et comment, en situation, certains vont choisir la Commune plutôt que Versailles.



  • lundi 4 février 2013 à 15h21, par B

    Serait-il possible de suggérer aux potes de Z d’aller planter des arbres autour du musée du Louvre-Lens ?



  • mardi 12 février 2013 à 16h58, par Karib

    Je crois que Jean-Pierre Garnier a bien exposé les raisons pour lesquelles il n’est pas question de se laisser aller à je ne sais quelle culpabilité de classe face aux exécuteurs des basses oeuvres. Je me rappelle encore cet énorme bombage sur les murs de Nice après mai 68 : « Etudiants, fils à papa. CRS, fils du peuple. » Et l’ouvrier du PC d’approuver gravement d’un hochement de tête.

    Mais ta question reste pertinente, ZéroS : qu’est-ce qui pousse certains fils d’ouvriers à choisir l’armée des Versaillais plutôt que la Commune ? Qu’est-ce qui pousse d’autres fils d’ouvriers à s’engager dans les SA ?

    A cela, tu le sais aussi bien que moi, il n’y a pas de raison simple. Marx disait un jour, « c’est la même misère qui pousse les hommes dans la police et les femmes dans la prostitution. » Misère matérielle, certes, mais aussi misère morale, misère psychique.
    Une rencontre, une identification d’enfance, un tonton militaire mais sympa, la peur de dire « je », le confort de dire « nous », l’abrutissement né du bourrage de crâne, les idéaux de la société, des parents (travail, famille, patrie), la facilité du chemin tout tracé, mais aussi la faiblesse du mouvement révolutionnaire, l’absence de perspective crédible, le manque de communauté humaine du côté de la subversion... autant de raisons, en vrac, qui peuvent expliquer que tel jour, à telle heure, un brave gars, une brave fille, rentre dans l’armée ou dans la police. Ou dans les SA.

    Mais comprendre ne veut pas dire excuser. Hitler a certainement eu une enfance malheureuse. Tout comme Staline. Ou le tortionnaire de base sous les ordres de Bigeard dans la casbah d’Alger.

    Ca ne nous les rend pas excusables pour autant.



  • dimanche 15 février 2015 à 01h15, par Brad

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  • mardi 17 février 2015 à 04h47, par Elma

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