ARTICLE11
 
 

mardi 4 décembre 2012

Textes et traductions

posté à 17h27, par Lémi
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Louvre-Lens : petit kit pour dubitatifs

Youpi ! C’est aujourd’hui que le Louvre-Lens ouvre ses portes. Champagne et coke (noire). Pour célébrer l’heureuse nouvelle, Article11 s’est dit qu’il serait utile de republier deux articles récents traitant du grand Barnum en cours. Une enquête sur place datant de début 2012. Et un entretien sur le sujet avec l’ami Jean-Pierre Garnier.

Ce matin, c’était l’enfer, ils glapissaient de joie sur France Inter. Euphorie au taquet. Je les écoutais en sirotant mon café-rosé – Filippetti aux anges, les présentateurs aux anges, les écoliers aux anges, tout le monde aux anges, lalala. Ça m’a vite lourdé. J’ai éteint la radio d’un geste gracile – jet de pantoufle –, d’autres chats à fouetter. Las : ça n’a pas marché, je les entendais encore glapir et s’enthousiasmer, rugissant leur sabir urbanistico-culturel à deux balles dans mes neurones flapies. J’ai changé de stratégie mentale, optant pour la (tentative de) prise de hauteur. Et j’ai essayé d’imaginer ce que ça pouvait donner à un niveau médiatique plus large, genre macrovision. Pas brillant : toutes les radios, toutes les télés, tous les canards, toutes les déclarations politiciennes, unis dans une grande célébration pompeuse, comme un nuage d’auto-satisfaction se répandant depuis le Nord et déferlant sur l’Hexagone. L’ouragan Delcourt et ses précipitations made in PS, pire que les pluies acides (d’une main saluer le Disneyland lensois, de l’autre cogner à Notre-Dame-des-Landes). Vision d’enfer. Pour me remonter le moral, j’ai relu l’entretien que nous avait accordé le compadre Jean-Pierre Garnier il y a quelques mois. Ses vitupérations sur les politiques urbaines de municipalités en manque de faste culturel m’ont regonflé à bloc. Je me suis dit qu’elles étaient quand même splendidement adaptées à la situation. Et que les republier s’imposait. Dont acte. Pour les introduire en douceur, j’ai rajouté la petite enquête menée à Lens début 2012. Comme un genre de kit officiel A11 à destination des dubitatifs, qui doivent se sentir bien seuls...

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Louvre-Lens : Ubu au charbon

Cet article a été publié dans le numéro 8 de la version papier d’Article11, en mars 2012. Certaines infos sont donc focément un peu datées.

L’urbanisme contemporain, c’est magique : une décision made in gouvernement Raffarin, un maire surexcité par l’opportunité d’imprimer sa marque sur la région, quelques champions de la rénovation urbaine, et paf : une ville en devient une autre. Lens, aux forceps, accueille une antenne du Louvre, qui ouvrira fin 2012. Et tout doit s’y plier. Un simple musée ? Nope. Un bulldozer. Visite guidée.

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« Le radeau de la méduse » - Théodore Géricault, 1819

La cause est entendue – enfin, il paraît. Lens serait une ville morte. Et à parcourir son centre-ville un matin de janvier, bruine saumâtre et rues désertes en arrière-fond, le naufrage semble avéré. Sortie de gare, le premier coup d’œil est pour l’Apollo, joli bâtiment art-déco qui tombe en ruine : le dernier cinéma de la ville a fermé en 2000. 36 000 habitants et pas un endroit où voir une toile ? Bigre. Le reste est à l’avenant : rues commerçantes fantomatiques où les agences bancaires règnent en maître, bistrots désertés, commerces fermés... Médusé, j’écoute quelques vieux de la vieille expliquer devant leur premier ballon du jour que le centre-ville s’est « déplacé  » dans la zone commerciale : Cora, Auchan, Leroy-Merlin et tout le tralala périphérique. « Ça s’est fait progressivement, on n’a pas vu venir le coup. Aujourd’hui, il faut prendre la bagnole dès que tu as besoin de quelque chose d’autre que d’une baguette. » Les Pages Jaunes confirment, qui répertorient 31 banques et 20 sociétés d’assurance en centre-ville, contre 16 boulangeries et 2 boucheries. Ici, plus facile d’ouvrir un PEL que de trouver un beefsteak...

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Côté chiffres ? Enlisement confirmé. En 2008, le taux de chômage dépassait les 23 % à Lens, soit largement plus que la moyenne départementale (14,9 %) ou nationale (11,1 %)1. Peu de travail, guère plus d’argent : le revenu moyen par foyer fiscal plafonnait la même année à 15 253 euros – peu ou prou 5 000 euros de moins que pour la région Nord-Pas-de-Calais et 8 000 en-dessous de la moyenne nationale. Grand écart. Cerise sur le terril, le FN s’est révélé plutôt costaud aux dernières élections – 25,42 % aux régionales de 2010 pour la candidate Le Pen2.

Un militant local a beau s’insurger (à raison) lorsque j’évoque une ville « sinistrée  » – « Faut faire gaffe aux mots ; vous trouvez qu’on a l’air sinistres ? » –, la grisaille ambiante colle aux basques. Attablé au comptoir d’un rade un peu fréquenté, le Tout va bien, Raymond, ex-chauffeur routier à la voix rocailleuse, s’échauffe en pointant la rue : « Tu vois l’avenue, là ? Il y a quinze ans, il y avait de l’animation, des gens partout, des commerces, des marchés. Aujourd’hui, il n’y a plus rien, c’est triste à mourir, une cité dortoir. Moi je m’en fous, j’ai vécu des jours meilleurs. C’est pour les jeunes que c’est triste.  »

« La naissance de Vénus » - Sandro Botticelli, 1485

Difficile de le nier : Lens a la gueule de bois. Les dernières mines ont fermé en 1990 ; pas grand-chose, depuis, pour combler le vide. Un temps, le foot a donné le sourire à la ville, avec un surprenant titre de champion de France en 1998. Las, le club est désormais moribond, cantonné à la ligue 2. Et son ancien président emblématique, l’ « enfant du pays » Gervais Martel, vient d’être mis en examen pour « corruption privée et recel d’abus de biens sociaux ». Tout un symbole3.

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C’est dans ce paysage un tantinet morose que le projet Louvre-Lens a été lancé en 2004. Il y avait d’autres villes au portillon, Calais ou Arras notamment, mais Chirac et Raffarin ont tranché : à Lens, la timbale. Depuis, les élus locaux n’ont que le musée à la bouche ; parlent Louvre, rêvent Louvre, pontifient Louvre. Tout doit s’effacer pour qu’enfin la Vénus urbaine sorte de son vilain coquillage. Même le passé minier est mis à contribution : l’office du tourisme, dans les starting-blocks, évoque ainsi avec enthousiasme le ticket gagnant Louvre/corons4. Et Daniel Percheron, président du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, ose carrément : « Ainsi, les mineurs qui remontaient chaque jour vers la lumière obtiennent justice. Et quelle justice !  »5. L’antenne du Louvre ouvrira d’ailleurs ses portes le 4 décembre 2012, pour la Sainte Barbe, la fête des mineurs. Germinal et La Joconde sont dans un bateau ; qui tombe à l’eau ?

« La liberté guidant le peuple » - Eugène Delacroix, 1830

Difficile de faire un pas dans Lens sans tomber sur une reproduction du fameux tableau de Delacroix célébrant la révolution de 1830, transformé en affiche promotionnelle pour vanter le futur musée. Le peuple guidé par la Liberté franchit les barricades ; à ses côtés, le Crédit Agricole, Véolia, Orange et les autres sponsors du projet... Le tableau est même reproduit, format XXL, dans l’enceinte du stade Bollaert, patrie des footeux du coin. Pas loin du centre, une horloge numérique tient le décompte des jours restants avant l’ouverture en fanfare – «  J - 314  » lors de mon dernier passage –, juste au-dessus de la Liberté triomphante : tic-tac, la révolution (urbaine) approche.

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L’intronisation du tableau de Delacroix au rang d’outil marketing omniprésent n’a rien d’innocent. Il symbolise à la perfection cette « marque  » Louvre censée amener la prospérité sur Lens ; après La Joconde, c’est sans doute le tableau le plus connu du musée parisien. Surtout, il porte un message subliminal fort : l’équipe municipale vous guide vers le bonheur, ralliez-vous à sa bannière. Une fuite en avant qui n’admet pas la remise en cause : quel genre de salaud oserait stopper la course de la Liberté ? Le Lens-rocket est chargé à la poudre républicaine, pas question de critiquer un projet chiffré à 150 millions d’euros6. « À Lens, on Louvre pas, on la ferme  », rigolent certains.

Pourtant, rares les convaincus dans les rues de Lens. Certains sont fatalistes, comme ce patron de bar bientôt exproprié pour cause d’aménagement urbain : «  C’est sans doute la seule chose qui peut nous sauver. Bien sûr que ça a l’air absurde. Mais quelle autre solution ? » D’autres, moins conciliants, prédisent un raté d’envergure. «  Ça va faire un flop du tonnerre : tu pourrais ramener la Grande Pyramide et les Champs-Élysées, ce serait pareil. Il s’agit de Lens, les touristes ne sont pas stupides  », balance Raymond, rigolard. Bref, hors décideurs, l’enthousiasme n’est pas vraiment au rendez-vous. Mais voilà : la machine est lancée. Et tant pis si la Marianne républicaine a de faux airs de Louis XIV...

« Louis XIV en costume de sacre » - Hyacinthe Rigaud, 1701

Ce tableau-ci a également les honneurs du stade de Lens, en mode poster géant. Perché sur la façade extérieure, un Louis XIV gigantesque (23 mètres de haut) et majestueux jette un regard dédaigneux sur les grappes de supporters sang et or qui défilent à ses pieds les soirs de match. Les esprits chagrins n’ont pas tardé à faire le rapprochement entre le Roi Soleil et l’astre politique majeur de Lens, Guy Delcourt, maire PS de la ville depuis 1998. De l’avis de tous, sympathisants comme opposants, l’homme n’est pas du genre commode. « C’est un sanguin, il vaut mieux ne pas aller au contact avec lui, soupire un habitué des conseils municipaux. Il flatte beaucoup son ego, ne se remet jamais en question.  » Un autre le décrit en « Brejnev du Nord », régnant sur le Conseil d’une main de maître. Et le maître sait ce qu’il veut : imprimer sa marque sur la ville, comme a pu le faire Martine Aubry, voisine jalousée pour avoir su transformer la plus prospère Lille en bobo-land cultureux. Un mélange de complexe régional mal géré et de syndrome Napoléon – option campagne de Russie. Car Guy Delcourt est catégorique : « Lens va figurer sur la carte d’Europe grâce au Louvre.  »7 Pas moins. Il faut donc mettre la main à la pâte, dresser un plan de bataille ambitieux, qui ne se cantonne pas aux 20 hectares dévolus au seul projet Louvre-Lens. Bref : sortir le bulldozer.

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La culture n’a jamais été le dada de Monsieur Delcourt. Il aime la « marque  » Louvre, ce qu’elle annonce et permet en matière de développement urbain et de modernisation aux forceps, pas les vieilles pierres. En août 2010, il lançait ainsi la démolition d’un bâtiment classé au patrimoine historique, n’hésitant pas à vilipender « le diktat des fonctionnaires de l’État qui s’autorisent à décider à la place des élus locaux  ». Hélas ! Une mise en demeure de la préfecture a stoppé les pelleteuses à mi-chemin. Déclenchant les protestations de l’intéressé, « sidéré par la promptitude avec laquelle les services de l’État ont réagi  ». On ne peut plus démolir en paix.

Mais les ennemis du modernisme ont beau entraver ses beaux projets destructeurs – il a lui été interdit de s’en prendre à la façade art-déco de l’ancien cinéma Apollo ou de lancer la construction d’un hôtel cinq étoiles dans les jardins des Grands Bureaux8 –, lui ne se laissera pas si facilement stopper. Louis XIV a eu son Versailles, Guy Delcourt aura son Louvre. Massif et clinquant.

« L’enlèvement des Sabines » - Nicolas Poussin, 1637

Qui dit projet pharaonique dit populations sacrifiées. Romulus lança ses troupes en manque de compagnes sur les naïves Sabines, Guy Delcourt, plus modeste, lâche ses architectes, paysagistes, chefs de projets et autres aménageurs sur les populations vivant aux abords du futur musée. L’écrin doit être à la hauteur du public attendu, et notamment de ces Japonais fantasmés comme Graal touristique suprême (« Où logera-t-on les Japonais ?  », s’angoisse ainsi un entrepreneur du coin dans La Voix du Nord9). Pour les accueillir comme il se doit, les établissements de luxe ne suffisent pas, non plus que la rénovation annoncée des 1 000 hectares environnant le musée ; il convient d’également construire un sas entre le musée et la ville, d’éviter les interactions avec les zones moins « reluisantes  ». D’où le projet d’une sorte de « coulée verte » menant directement de la gare au musée, corridor végétal qui encadrerait les déambulations. « Dans ce projet, tout est fait pour que le touriste ne sorte pas des sentiers balisés, explique Ahmed, amer, rencontré au coin d’une rue. Ça se comprend, il vaut mieux qu’ils ne voient pas le vrai Lens... »

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Aux alentours du site, pas franchement bobo, tout doit changer. L’ancien centre culturel Albert Camus, qui offrait un embryon de vie associative populaire, a cédé la place à la Maison du projet, grand cube blanc qui propagande le barnum à venir. Emblématique. Le vélodrome qui lui faisait face a été démoli ; ici sera érigé un hôtel de luxe. Quant aux cités environnantes, elles ne feront sans doute pas long feu. L’exemple du 104 à Paris, lieu censé « réconcilier  » les classes populaires parisiennes du XIXe arrondissement avec l’art, fait office de jurisprudence : à court terme et dans les abords proches, les prix montent et la population change. Exit les prolos. Dans le cas du Louvre-Lens, il suffit de lire la prose de Dominique Soyer, directeur général de la Soginorpa10, pour deviner le tour que prendront les événements : «  On commence à travailler sur les cités autour du Louvre pour effectuer du relookage tout en traitant la population sur place.  »11 « Relookage  », « traitement  » de la population, le registre de langage ne trompe pas : les indésirables (comprendre : les pauvres) seront vite délogés.

Les premiers travaux d’aménagement impliquent de raser quelques bâtiments, d’exproprier des commerces et des habitants. Fatalistes, les concernés protestent peu. Le bar Le Calamity sera bientôt livré aux pelleteuses, mais son patron n’en fait pas une montagne - « C’est devenu tellement désert dans les environs que j’aurais fermé de toute manière.  » Par contre, il livre l’adresse d’un voisin qui refuse de se faire évacuer. Après quelques coups de sonnettes, la porte s’entrebâille et un visage méfiant s’encadre dans l’ouverture. Dialogue lapidaire : « Vous voulez quoi ? » ; « J’ai rien à dire » ; « Ils m’auront pas. Je bougerai pas ! » ; « Au revoir ».

Lui est l’exception. Il n’est finalement pas si simple de rejeter en bloc l’installation de cette antenne du Louvre. Parce que la ville a clairement besoin de trouver « quelque chose  » pour renaître de ses cendres. Et que l’idée de base agitée en trompe-l’œil dans les discours dominants est généreuse – rapprocher classes populaires et « grande  » culture. Sur le papier, ça semble tentant. Mais il importe d’aborder le sujet avec les bonnes questions, à l’instar du militant précédemment cité : « Je n’oppose pas culture et social ; pour moi, les deux vont ensemble. Et l’idée d’avoir un grand musée à Lens me plaît. Par contre, il faut questionner la manière de mener ce projet et le public visé.  »

« Luxe, calme et volupté » - Henri Matisse, 1904

C’est un cabinet d’architectes japonais, Sanaa, qui a décroché le contrat du Louvre-Lens. Jackpot. À voir la maquette, ils ont fait du beau boulot. Sur les 22 hectares du site seront disséminés une dizaine de bâtiments aussi imposants qu’apaisants, tout en légèreté, avec jardins zen de-ci de-là. Au cœur du projet, la Galerie du temps – qui accueillera 250 œuvres prêtées par le musée parisien –, gigantesque rectangle de verre et de métal, symbolise l’orientation architecturale choisie, entre Starck et Jean Nouvel. Frais et aérien. Branché. Du verre partout, du vert ailleurs. Sur un mur de la Maison du projet, ces quelques mots pour résumer l’approche : « Harmonie ; reflet ; transparence ; fluidité ; lumière ; légèreté.  » L’heure est au rhabillage pseudo-écologique12, quasi new age. Luxe, calme, volupté. Et pouvoir d’achat.

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Lens, pour les touristes, se vitrifie, change de couleur : du rouge des corons au vert des « cordons boisés  », des « espaces végétaux » et des « rideaux de plantations », le tout en « mode doux »13. Maintenus hors de la « vraie  » ville, les visiteurs trouveront leur bonheur en suivant le parcours fléché proposé. Dans et hors du Louvre. À la manœuvre, une génération d’architectes, d’aménageurs, d’urbanistes, qui appliquent la même recette à chaque nouveau projet – de Bilbao14 à Lille –, pure optique de carrière. Lens avec les loups. « L’urbanisme moderne, c’est du ’copier-coller , écrivait A. D. dans le numéro de mars-avril 2011 du journal lillois de contre-informations La Brique15. Si une technique fonctionne à un bout de l’Europe, elle refera surface, ailleurs, sous une forme à peine retouchée. » Le Louvre-Lens s’inscrit dans cette veine porteuse, l’habillage verdâtre – green washing – suffisant à justifier un projet absurde et mégalo.

« Mickey Mouse » - Andy Warhol, 1981

Tirant comme un furieux sur sa roulée, José, la quarantaine désœuvrée, chemise à carreaux et yeux roulant comme des billes, tente d’expliquer ce qui le dérange dans ce projet. Soit, il déteste le maire, qu’il gratifie d’imprécations savoureuses. Mais il a surtout vu Lens péricliter, le centre se vider et les inégalités se creuser ; le Louvre parachèvera le processus, dit-il. José parle à cent à l’heure, parfois confus, mais une phrase revient souvent - « Ça va juste accentuer le fossé entre pauvres et riches. » Et puis, foin de musée : il s’agit juste d’un « parc d’attraction pour les gogos friqués ».

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Bien vu. Ce qui se met ici en place relève davantage du Mickey démultiplié en mode Warhol que de l’éducation populaire. Il s’agit de créer un monde artificiel, faussement ouvert, pour évacuer la population actuelle, la repousser hors des limites du lieu fantasmé. Le public visé – les décideurs tablent sur 700 000 visiteurs la première année – est propre sur lui, doté d’un portefeuille conséquent. Il présente bien, dépense bien. Et aime cette reproduction d’un univers culturel qu’on lui présentera aussi bien à Bilbao qu’à Metz16, Paris, Lille, Bruxelles ou Madrid. Son attente ? Un cadre uniforme et rassurant, bordé de symboles fédérateurs, piliers de la culture globale. C’est ainsi que le Louvre, à Lens comme à Abou Dhabi17, accomplit son devenir « marque  » et devient l’équivalent de Disney : un vecteur d’uniformisation.

C’est un détail, mais il dit beaucoup. Norbert Crozier, l’actuel chef de projet de Mission Louvre-Lens Tourisme, est trop jeune pour avoir un CV gonflé aux hormones. Mais il affiche fièrement dans son «  parcours en trois points » une étape éloquente : « Mise en place d’une offre de tourisme culturel pour Disneyland Paris18. » Interviewé dans le supplément Louvre-Lens de L’Avenir de L’Artois, le même livre sa philosophie : « Notre travail est d’écrire un scénario pour développer le tourisme. Nous sommes les metteurs en scènes, les acteurs sont les touristes et les décors sont les lieux. » Comment ils disent, déjà, chez Disney ? Ah oui : «  Bienvenue dans un monde de magie ! »

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Jean-Pierre Garnier : « Aujourd’hui, on attend d’un maire qu’il gère sa ville comme une entreprise »

Entretien réalisé en mars 2012 et déjà publié sur le site Internet d’Article11

Ouvrir une antenne du Louvre à Lens, en plein désert socio-culturel ? Pourquoi pas... Après tout, c’est bien ainsi que fonctionnent les villes compétitives contemporaines : entre bulldozer, ségrégation sociale et lifting urbain. Pour élargir la problématique et esquisser une vue d’ensemble, place à l’ami Jean-Pierre Garnier, spécialiste ès grand chambardement urbain.

Le projet d’antenne du Louvre à Lens, qui se concrétisera en décembre 2012 (ouverture officielle du grand barnum touristique le 4 décembre), n’est pas seulement une affaire locale. Derrière les singularités du projet et de ses promoteurs – le maire Guy Delcourt en tête –, on trouve une approche de l’urbanisme et des politiques urbaines très répandue, de Lyon à Lille, de Bilbao à Metz, de Paris à Grenoble.

Pour évoquer ces questions et prolonger le reportage mis en ligne aujourd’hui sur Article11 - « Louvre-Lens : Ubu au charbon », publié à l’origine dans le numéro 8 de la version papier – j’ai eu envie de discuter des modalités du projet avec l’ami Jean-Pierre Garnier, sociologue radical rencontré à l’occasion d’un entretien publié en juillet 2010 – « Ce rouleau compresseur s’appelle Lutte des classes » – et qui depuis participe régulièrement à Article11 (notamment par sa chronique dans la version papier : « Le Capital dans tous ses espaces »).

S’il n’est pas particulièrement au fait de la situation à Lens, Mister Garnier est par contre plus que familiarisé avec le lexique techno-métropolitain et les thématiques du grand chambardement socio-urbain (grosso modo : « Prolo, le bobo aura ta peau ! »). Discussion.

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La ville compétitive

« Le projet d’antenne du Louvre à Lens s’insère parfaitement dans la thématique de la ville compétitive, qui est aujourd’hui l’obsession des municipalités. Pour remporter cette compétition, les villes cherchent à renforcer leur attractivité. Qui s’agit-il d’attirer ? Toujours les mêmes : les « investisseurs », d’une part, et la « matière grise », de l’autre. Autrement dit : les banquiers, les patrons de firme, les managers, les promoteurs, les cadres, les ingénieurs, les techniciens de rang supérieur... Il s’agit de dérouler le tapis rouge ou vert — développement urbain durable oblige – devant les exploiteurs et la petite bourgeoisie intellectuelle, grosse consommatrice d’ « évènements culturels ».

La ville compétitive fonctionne sur le triptyque industries de pointe + centres de recherches et laboratoires + enseignement supérieur. Le tout se veut intégré : il s’agit de mettre en place des « synergies », comme on dit en langage techno-métropolitain. C’est le modèle Grenoble. Mais quand les municipalités manquent des structures nécessaires, elles prennent la culture comme trépied sur lequel s’appuyer. C’est ce qui a été fait avec l’ouverture d’une antenne de Beaubourg à Metz, par exemple, même si – paraît-il – ça ne marche pas très bien. »

Lens : un musée dans le désert

« Cette concurrence entre villes date grosso modo des années 1980. À l’époque, je vivais à Montpellier, que le maire Georges Frêche voulait ériger en « capitale de l’Europe au Sud » à coups de réalisations architecturales pharaoniques. Le maire-patron (Cacharel) de Nîmes, Jean Bousquet, mis ensuite en examen pour ingérence, voulait rivaliser avec lui en termes d’ « ambition visionnaire ». Pour ce faire, il avait mis le paquet en embauchant l’archistar Jean Nouvel pour dessiner les plans du nouveau stade, et fait construire un musée d’art contemporain, le Carré d’Art, signé par un autre starchitecte, Norman Foster. L’idée était d’implanter un équipement culturel haut de gamme. Mais le projet ne reposait pas que sur du vent : outre la présence d’une vieille bourgeoisie locale, Nîmes et sa région attirent les touristes, avec ses vestiges romains et les plages voisines. Ce n’est pas le cas de Lens, ancienne ville industrielle totalement sinistrée.

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Frédéric aime beaucoup le projet Louvre-Lens.

Je ne vois pas d’agglomérations de tailles équivalentes qui aient des projets similaires à celui du Louvre-Lens. Metz, avec son annexe du Centre Georges Pompidou, est une ville plus importante sur les plans démographique, administratif et économique. Même les villes moyennes - par exemple, Besançon, Le Mans ou Angers - se contentent de mettre en place des festivals, proposent des « événements » de taille plus modestes. Avec Lens, on est peut-être dans une configuration nouvelle : une tentative de créer une ville culturelle dans un désert socio- économique… et culturel. Si on les suit, l’équation est simple : là où il n’y avait rien, il y aura tout.

Je ne crois pas que ce projet puisse fonctionner. Il y a un livre remarquable du philosophe Alain Brossat, Le Grand dégoût culturel19 : il montre comment le « culturel » est devenu à la fois une image de marque, une idéologie et un marché, et comment ces dimensions se conjuguent pour aboutir à la négation de la culture. Pour lui, le culturel en question ne peut fonctionner que s’il y a quelque chose qui l’accompagne en terme de dynamisation d’une région. Par exemple, Lille avait déjà une grande université et une assise bourgeoise au moment de se lancer dans des événements type « Capitale européenne de la culture ». Idem quand Montpellier a monté l’Odysseum, immense centre « ludico-commercial » : il y préexistait un soubassement socio-économique et d’autres structures. »

Les petites mains du grand saccage urbain

« Qu’est ce qu’une opération d’urbanisme prestigieuse aujourd’hui ? Un cabinet connu, un entrepreneur – si ce n’est pas Bouygues, c’est Vinci, si ce n’est pas Vinci, c’est Eiffage – et une cellule de « communication » privée. C’est le tripode de toute opération. Et les décideurs comme les créateurs se foutent de l’analyse sociologique : la population qui habite là doit dégager en périphérie, laisser sa place aux cadres à hauts revenus, à la matière grise.

On retrouve toujours les mêmes architectes urbanistes aux manettes de ces projets. Si on prend l’exemple du réaménagement de la Rive Gauche à Paris, on voit que toutes les « stars » de la profession sont là. Et c’est la même chose pour les aménageurs, les paysagistes, les gens qui bossent davantage dans l’ombre. Je conseille sur le sujet la lecture d’un article de La Brique, mensuel lillois allergique aux délires métropolitaines de Martine Aubry et de sa clique rose-verte. L’intitulé : « Villes uniformes ». Cela n’a rien d’une exception : on retrouve à Lille, à Grenoble, à Lyon, à Bilbao et même jusque dans le Bois de Boulogne de semblables temples de la culture marchandisée, réalisés par les mêmes « signatures » prestigieuses.

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Montpellier, place du Nombre d’or.

Ces gens-là, maires et architectes inféodés, sont rodés. Étant donné que la sociologie n’est plus en odeur de sainteté – parce que, en principe, trop critique –, ils fonctionnent essentiellement sur l’image. Montpellier a été pionnière de cette évolution dans les années 1980. J’ai assisté à une visite du projet Antigone dans cette ville, pilotée par l’architecte Ricardo Bofill. Il s’adressait à une délégation « soviétique » — de bureaucrates — de Leningrad, sur la place du Nombre d’or, de style néo-renaissance ; et il expliquait : « Nous sommes sur une scène de théâtre. » Les Russes ont demandé : «  Pourquoi n’y a-t-il pas de rideaux aux fenêtres ? » Et lui a répondu : « Parce que l’espace urbain est une scénographie. Tous les habitants sont des acteurs et ils jouent. » Texto. Il ne rigolait pas.

Ça, c’est la version « spectacle ». Mais les plus dangereux, sont les zozos qui avancent masqués derrière la prétendue « démocratie participative ». Un pléonasme ridicule mais significatif. Il y a une expression dont ils raffolent : « Il faut que les gens s’approprient le projet. » C’est d’une hypocrisie folle. Parce que cela se passe toujours pareil, à Lyon, à Grenoble ou à Bordeaux : les habitants vivant là doivent partir parce qu’ils n’ont plus les moyens d’y résider. »

Des élus mégalos

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Guy Delcourt, bâtisseur devant l’éternel.

« Vous me citiez le maire PS de Lens, Guy Delcourt qui, dans une réunion, disait grosso modo : « Faut qu’ils arrêtent de nous gonfler avec Euralille, maintenant il y a Euralens. On joue dans la même cour ! » C’est très représentatif. Tous ces maires sont complètement mégalos. Je parlerais presque d’« orgasme mégalomaniaque ». Personnellement, j’ai longtemps étudié le cas de George Frêche, posé comme le modèle de maire dynamique et entrepreneur ; cette dimension était omniprésente chez lui. Mais c’est aussi le cas de Gérard Collomb à Lyon, de Delanoë à Paris, de Roland Ries à Strasbourg, etc. Les maires PS sont presque tous comme ça. Ce n’est pas seulement une affaire d’égo, mais surtout d’« éco  » : une affaire économique, une bonne affaire tout court. Aujourd’hui, on attend d’un maire qu’il sache vendre sa ville au capital et qu’il la gère comme une entreprise.

La couleur politique (ou plutôt politicienne) des élus locaux importe peu. À Lens, les élus UMP sont à fond derrière Delcourt, qui ne manque jamais une occasion de les remercier. C’est la même chose à Grenoble : les opposants se fâchent parfois un moment pour des questions d’attribution de portefeuille, mais ça ne dure jamais longtemps. Ils boudent pour faire monter les enchères. À l’occasion, les Verts le font aussi.

Je ne sais pas quels sont les fantasmes particuliers de Guy Delcourt. Mais ce qui est sûr, c’est qu’il est comme les autres : il cherche à exister, veut qu’on parle de lui, que des choses se passent dans sa ville. Pour lui, c’est aussi une manière de se placer au sein du PS, de gagner en importance. Cette concurrence au sein de la nomenklatura du parti, un panier de crabes rosâtres, joue beaucoup. »

Bilbao, Marseille...

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Le musée Guggenheim à Bilbao, conçu par l’architecte Franck Gehry.

« L’exemple de l’implantation du musée Guggenheim à Bilbao en 1997 n’a rien à voir avec l’actuel projet lensois. Bilbao était la capitale économique du Pays Basque. Elle était sinistrée, mais restait un pôle administratif important.

Le projet lensois est totalement importé, parachuté et artificiel. En cela, il se rapproche plus de ce qui se passe Marseille, promue Capitale européenne de la culture 2013. Là-bas, ça fait un moment que la municipalité tente de bouleverser la donne sans vraiment y arriver. Parce que les Marseillais ne se sentent pas représentés. La municipalité a imposé cet énorme projet, Euro-Med, ainsi que le Musée des arts et des civilisations, un gros bunker en construction. Mais les Marseillais disent tous la même chose : « Ça veut dire quoi, Capitale de la culture 2013 ? La culture est là tous les jours... »

Marseille est elle-aussi une ville partiellement sinistrée, qui n’arrive pas à décoller. Les opérations de « revitalisation » et de « gentrification » ne fonctionnent pas tellement pour l’instant. Parce que ça reste la seule ville de France où les classes populaires, notamment d’origine immigrée, sont massivement présentes dans le centre. Ce qui est insupportable pour l’élite locale. »

D’où vient le vent

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« Ce qui arrive à Lens même n’est pas déterminé sur place. Dans un chapitre de La Misère du monde, « Effets de lieu », le sociologue Pierre Bourdieu explique cela très bien : les événements les plus dramatiques survenant dans un lieu n’y ont pas leur origine, mais tout à fait ailleurs.

Ailleurs ? Ce n’est même plus au niveau national, mais au niveau international, global. Le déclin de certaines régions est le produit d’une dynamique qui n’est pas auto-centrée. Les initiatives viennent d’ailleurs, tout comme la logique mise en œuvre, les mécanismes, les processus... Dans le cadre de la transnationalisation du capital, les dynamiques territoriales ne peuvent plus être engendrées à partir d’initiatives locales. Dans le même temps, pourtant, les initiatives locales doivent pouvoir s’y inscrire, ou embrayer sur les processus locaux : c’est ce qu’on appelle la « glocalisation » - un terme inventé par des chercheurs japonais.

Dans le cas de Lens, on dirait que les décideurs ignorent la dynamique globale, ne connaissent pas les règles en la matière. On pourrait parler de prophétie auto-réalisatrice : « Dire c’est faire. » Sauf que les stratèges municipaux risquent, dans cette ville, de ne pas faire grand chose, sinon des conneries. On va continuer à virer les pauvres du centre, mais les riches ne vont sans doute pas se bousculer pour les remplacer. »



1 Il s’agit des chiffres de l’Insee pour les 15-64 ans.

2 Pire, le seul canton de la ville renouvelable aux élections cantonales de 2011, celui de Lens-Nord-Est, propulsa le candidat FN au deuxième tour, où il engrangea 43,45 % des voix.

3 Autre figure de la région, Jean-Pierre Kucheida, maire de la ville limitrophe de Liévin, batifole lui-aussi dans le pétrin judiciaire sauce PS Ch’ti.

4 Les mêmes se prennent à rêver de lui adjoindre une troisième entité : les nécropoles de l’Artois, souvenir d’une Première Guerre mondiale qui n’épargna pas Lens. Veinards de touristes.

5 Les 1 099 morts de la catastrophe de Courrières – 10 mars 1906, grisou – et les dizaines de milliers de mineurs qui se sont tués à la tâche dans les mines des environs sont ravis.

6 La majeure partie du Louvre-Lens est financée par l’État, l’Europe et la région Nord-Pas-de-Calais. Ce chiffre de 150 M€, qui n’a cessé d’augmenter depuis l’annonce du projet en 2004, ne concerne pas les nombreux aménagements urbains qui accompagneront l’installation du Louvre à Lens.

7 Lens info métropole, novembre 2011.

8 Bâtiments qui accueillaient par le passé les bureaux somptueux de la Compagnie des mines de Lens et qui sont aujourd’hui occupés en partie par l’Université.

9 Édition du 18 novembre 2011.

10 Société gérant un immense parc de logement issu des compagnies minières du Nord-Pas-de-Calais. Détail piquant : Jean-Pierre Kucheida, maire de Liévin récemment mis en examen pour diverses malversations financières, était jusqu’ici le président de cette société, dont il aurait utilisé la carte bleue avec une certaine prodigalité... Le monde est petit.

11 La Voix du Nord, 18 novembre 2011.

12 Lire à ce sujet l’ouvrage de Tomjo, intitulé L’Enfer vert, qui souligne l’influence néfaste des écolo-technocrates lillois, anciens opposants virulents désormais meilleurs alliés du système. À commander sur le site de La Brique.

13 Prose piochée dans Lens Info Métropole, janvier 2012.

14 Le gigantesque musée Guggenheim de Bilbao a ouvert en 1997. Son implantation « réussie  » – les chercheurs parlent d’un « effet Guggenheim » – est souvent citée par les décideurs lensois.

15 Article à lire ICI.

16 Qui accueille aussi son musée délocalisé, avec une antenne du Centre Pompidou.

17 Une franchise du musée du Louvre y ouvrira en 2013.

18 Lens info métropole, janvier 2012.

19 Publié aux éditions du Seuil, dans la collection Non Conforme.


COMMENTAIRES

 


  • mardi 4 décembre 2012 à 17h57, par B

    autrefois, les gens prenaient le bus de Liévin pour aller à Lens, mais ils ne voyaient pas le musée ; normal, il était transparent.



  • mardi 4 décembre 2012 à 21h43, par Zlotzky

    Bon article et bonne analyse. J’écoutais France Inter ce matin qui avait fait une émission spéciale pour célébrer dignement l’évènement. J’ai lâché au bout d’un moment tellement ça me gonflait mais je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu le moindre recul critique de la part de tous les intervenants, journalistes comme invités. De l’art du consensus imposé.

    • jeudi 6 décembre 2012 à 09h04, par Lémi

      @ Zlotsky

      Yep, on a eu la même impression. Une espèce de Pravda radiophonique, ou bien d’épisode audio des Bisounours. Il ne manquait plus que l’intervention spéciale d’un ex-mineur en sanglots remerciant Delcourt et le ps...



  • mercredi 5 décembre 2012 à 11h18, par Toni

    On est passé à Lens hier, on y a cherché l’engouement populaire et c’est rien de dire qu’on ne l’a pas trouvé : des flics partout dans un centre ville désert, visite du musée réservée « aux journalistes du président », le petit milieu auto-satisfait des animateurs de Radio France et quelques badauds - dont nous - qui regardent tout ce bordel, incrédules.

    Le soir ils offraient une barquette de frite gratos aux habitants dans le stade bollaert... Ca sentait vraiment le paternalisme bourgeois parisien.

    Comme le mec dans l’émission de Pascale Clark hier matin qui s’adresse à un habitant comme à un gamin en lui disant en gros : « Être supporter de foot c’est bien, mais vous pourriez être supporter de l’Art aussi... »

    Quelques images ici

    • jeudi 6 décembre 2012 à 09h04, par Lémi

      @ Toni

      Sûr que c’est pas dans Lens qu’on trinque au champagne fillipettien. Par contre, je te trouve sévère avec la barquette de frites gratos – tu crois qu’il y encore moyen d’en choper une ? (si lors de ma visite la municipalité m’avait offerte des frites, sûr que j’aurais été moins critique...)



  • mercredi 5 décembre 2012 à 21h39, par josé

    Merci Lémi pour cette initiative opportune et salutaire. On respire mieux après cette salve de propagande massive. Je pense notamment à celle tirée par france cul hier avec sa journée spéciale consacrée à l’événement. Cirer les pompes de la classe dirigeante, diriger la clientèle de petits bourgeois vers les nouveaux produits culturels et culpabliser le prolo, telle est la sinistre mission des médias du service faussement nommé « public ».



  • jeudi 6 décembre 2012 à 07h56, par raphaël

    C’est rigolo cette histoire de ville gérée comme une entreprise, c’est ce que j’avais lu déjà sur Ayrault et c’est ce à quoi ressemble Lille déjà.

    • jeudi 6 décembre 2012 à 09h08, par Lémi

      Rigolo  ? Je dirais plutôt déprimant.

      Sûr qu’Ayrault et Nantes sont dans ce cas, et qu’Aubryland itou. Mais Montpellier est dans la course, Marseille cravache (2013), tout comme Lyon, Metz se ferait bien une petite place, etc. etc.

      • vendredi 7 décembre 2012 à 20h13, par victor gelu

        Marseille 2013 ?! sur la vie de ma mère, on va leur faire niquer leurs morts, à ces gros bâtards de kultureux. Le FRIC veille... www.marseille-en-guerre.org

      • mardi 5 février 2013 à 22h34, par Yorro

        C’est tellement mieux ailleurs, dans des régions où la fonction public est le principal importateur de richesse. Dans ces coins qui ont su rester bien dans leur jus et qui te proposent - si tu cherches les problèmes en ne te destinant pas à être fonctionnaire, à travailler dans la construction ou à la banque - de repasser dans 15 ans, ou sinon jamais : Comme tu veux tu choiz’ : l’authenticité, c’est la liberté...



  • jeudi 6 décembre 2012 à 10h19, par josé

    @ Lémi,
    merci pour le lien. J’ai lu avec attention et apprécié la justesse des analyses de son ouvrage « le grand dégoût culturel ». D’un certain côté,le moins réjouissant, la « culture » opère comme une sorte de religion d’Etat. A l’échelon local, ici à Charleville-Mézières, ville qui subit depuis 35 ans la désindustrialisation, le pouvoir PS contrôle étroitement le tissu associatif. Il est à l’origine de la plupart des manifestations dites culturelles en accord ou en concurrence avec les autres échelons de pouvoir. Grâce à ce renouvellement « industriel », le pouvoir local exerce une forme d’emprise sociale de proximité et de contrôle des esprit, bref une hégémonie qu’il n’est pas facile de mettre en cause et de bousculer.



  • jeudi 6 décembre 2012 à 10h51, par Ch ti de Lens

    .. bon si j’ai bien compris ouvrir un Louvre à Lens c’est une b elle connerie parce que la ville est pauvre et pas belle..et que ça ne marchera pas. Moi ça me met en colère car je veux que ça marche. Celui qui a écrit ça n’est pas du coin il est allé chercher ce qu’il voulait entendre et beaucoup de négatif.

    pour celui qui a fait c e mot Nimes ou autre ville du même genre bien bourgeoise aurait été beaucoup mieux car + riche et mieux située. Dans ce mot on ne voit que négatif, même si je reconnais que Lens Liévin ne sont pas les plus belles villes de France et que le milieu socio culturel est pauvre il faut mettre en avant qq aspects positifs tout de même. La ville n’est pas désertée ce n’est pas vrai, elle est vivante surtout le WE, elle s’embellit, beaucoup d’efforts sont faits pour planter de la verdure et plusieurs objets statues en fer ou autres créées par les élèves en formation dans les écoles. Les maisons des mines sont restaurées toitures, rejointoiements des façades etc. l’accueil des locaux est nationalement reconnu pour sa bonne humeur et le sens de la fête. Le 4 déc c’était le jour officiel de l’ouverture par les politiques dont Hollande, c’est ce samedi 8 déc qu’aura lieu la fête pour nous tous et moi même je serai dans la rue avec de la famille. C ’est vrai que nos politiques en attendent des retombées économiques sur le secteur mais qui ici peut d’en plaindre ? les mines parties il n’y avait plus rien il y a qq années. Beaucoup ici essaient de faire bouger les choses pour les gens et la jeunesse pour créer de l’emploi des activités. Dire qu’on va déloger les pauvres pour y mettre des riches..peut être en centre ville mais ça toujours été un peu le cas même s’il y a de la mixité sociale classe moyenne /commerçants. Les quartiers environnants et proches les corons ce ne sont pas les riches qui vont venir y habiter.. et les logements miniers ce ne sont pas Delcourt et Kucheida fils de mineurs qui vont casser ça et personne ici ne pourraient le tolérer. La population est très attachée à son habitat.

    Non je ne suis pas d’accord avec ce texte. Bien sur c’est un pari sur l’avenir mais pour ma part ce Louvre sur l’ancien carreau de fosse 9 là où travaillait mon grand père et où a commence à bosser mon père, là près de la rue où je suis née c’est une fierté.

    On croise les doigts pour que ça marche ! et que notre bassin minier reconnu pour ses terrils et son patrimoine à l’UNESCO puisse enfin relever la tête.

    • vendredi 7 décembre 2012 à 20h17, par victor gelu

      Mec, tu vas sûrement pouvoir te dégoter un job à la Ville de Lens, à causer comme ça. Si ce n’est déjà fait. Dommage que tu saches pas lire... et pour ça, l’annexe du Louvre ne te sera d’aucun secours !

      • mardi 11 décembre 2012 à 14h38, par ch’ti Lens

        Bonjour Victor, Si vous aviez bien lu mon mot vous même vous auriez compris : je suis une femme (suis née..) et je suis en retraite (mon grand père et père travaillaient aux mines de Lens..). Donc pas besoin d’un poste à la mairie de Lens. Je vis à Liévin. Vous voyez, il n’est pas nécessaire d’être méprisant pour donner un avis et je ne vous tutoie pas, je ne vous connais pas. Ce week end la population du bassin minier était nombreuse à l’ouverture du louvre Lens et ce n’était que du bonheur que de voir cette foule fière de ce chef d’oeuvre. Je suis bien consciente que ce ne sera pas la panacée pour ce bassin minier pour l’emploi, mais je pense qu’ouvrir les esprits sur la culture du plus grand nombre est une bonne chose. Les écoles et la jeunesse pourront y trouver de quoi instruire et élever le niveau socio culturel local de la jeunesse. De plus je pense et j’espère que cela pourra ouvrir le bassin minier sur d ’autres projets porteurs d’emplois et d’activités. Nous avons de vrais atouts qu’il faut exploiter, L ’emplacement du bassin M près des pays du nord/l’Europe, l’accueil sympathique des locaux, des lieux à visiter proches (Arras, son beffroi et ses places, idem pour Béthune, Vimy) les zones vertes sur les anciens terrils, une nouvelle dynamique après le fisco laissé par les compagnies minières c’est un défi.
        Cordialement

    • lundi 10 décembre 2012 à 11h39, par ZeroS

      Personnellement, j’ai envie d’imaginer que les habitants de Lens ou Liévin (comme d’ailleurs) s’approprient leurs cités et leur présent sans attendre les décisions d’une élite politique et économique étroite, locale ou nationale. Mais c’est peut-être un vœu pieux, ou trop en demander.

      • lundi 10 décembre 2012 à 11h51, par ZeroS

        Ou d’ailleurs la légitimité d’une instance internationale (l’UNESCO). Est-ce normal qu’une hiérarchie des valeurs rende viable tel territoire et pas tel autre ? Ça repose sur quoi cette forme d’administration de la vie d’un territoire ? Je trouve ça incroyable, voire effrayant. C’est valable à Lens comme ailleurs.

        Pour revenir à Paris, et rappeler que c’est une tendance qui dépasse le cadre de Lens-Liévin, on pourrait pointer du doigt tous les projets de réaménagement urbain de la première ceinture qui font fi des habitants et ont tendance à éloigner progressivement les plus démunis des centres (économiques, de pouvoir, etc.). Ou encore, les luttes réussies des associations de quartier du 16e arrondissement qui permettent d’empêcher la construction de logements sociaux (là, avec des sous et de bons cabinets d’avocats, les riverains sont discrets mais efficaces pour contrer les politiques publiques).

        Elle est belle l’Égalité républicaine !

        • lundi 10 décembre 2012 à 16h20, par Toni

          D’autres images sur la destruction du logement minier ici

        • mardi 5 février 2013 à 22h05, par Yorro

          Quand on envisage d’agir sur un territoire, il ne me semble pas complètement inutile d’essayer de distinguer des situations particulières. Cela permet, entre autres choses, d’identifier des potentiels et des risques, de les hiérarchiser et de tenter de s’organiser au mieux. On peut discuter des indicateurs et de leur légitimité, mais pour que cela ait un minimum d’intérêt il faut savoir de quoi on parle : le classement de l’Unesco ne me paraît pas particulièrement effrayant.
          Où est le loup selon vous ? (Si il y en a plusieurs et que c’est compliqué, faites comme l’administration : essayez le classement...)
          Concernant l’éloignement des plus demunis, les projets d’aménagements en première couronnes en sont peut-etre davantage la conséquence que la cause. Là encore, la position d’observateur est confortable, mais dès qu’on s’essaie à l’exercice de la proposition, le risque est énorme (échec quasi-total de la ville nouvelle, rapport effort/effet peu convaincant des projets de l’ANRU...). Il est pourtant plus probable que LA solution vienne de ces initiatives que de nos constats à l’emporte pièces (je n’y connais pas grand chose non plus).



  • jeudi 6 décembre 2012 à 17h13, par B

    bon ça suffit , y’a que 3 pélutes qui ont répondu à ce projet ; les autres vivront dans leur merde, comme avant.



  • lundi 10 décembre 2012 à 13h09, par Karib

    A voir également, sur Autre Futur :
    http://www.autrefutur.net/Bassin-mi...



  • mardi 5 février 2013 à 23h40, par Yorro

    Pour avoir essayé plusieurs fois l’exercice de réunions publiques ou d’autres tentatives de démocratie participative, c’est vrai qu’il n’en sort globalement pas grand chose.

    Il faut dire qu’indépendamment de la couleur politique du porteur du sujet débattu, la question principale est toujours la même : Comment limiter les hors-sujets « macro-paranoïaque » des ultras, les skuds d’une opposition toujours exagérément outrée (voir la qualité des débats à l’assemblée en ce moment) et enfin les hors-sujets liés à la défense d’intérêts très personnels (« on s’en fout du chien de votre voisin, on parle du Louvre à Lens là ») ?

    Il faut dire que les personnes neutres qui ont fait l’effort de vraiment suivre les dossiers et sont donc en capacité d’en débattre ne sont généralement pas majoritaires et que celles là ne sont pas forcément les plus véhémentes (il faut un peu de véhémence pour prendre la parole dans un débat).

    La question du projet en lui même n’est souvent que secondaire (quand elle est présente).

    Cet article illustre un phénomène assez similaire mais dans un contexte différent : sur le fond, que sait-on de plus sur le projet ? Qu’il semble plutôt bien accueilli par la population (c’est sans doute dû à une sorte de lavage de cerveaux par les édiles locaux et les médias...), que Sanaa se situe entre Jean Nouvel et l’autre architecte que l’auteur est capable de cité de mémoire (pour info : il existe plein de très bons livres sur l’architecture, la profession en est friande)... Et puis rien...

    Franchement, la qualité du débat public dépend un peu de ce que chacun met dedans non ?

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