ARTICLE11
 
 

mercredi 7 avril 2010

Le Charançon Libéré

posté à 13h48, par JBB
45 commentaires

Refuznik ta mère !
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Tu dis ? L’horizon est sombre, les temps sont durs ? Le monde se délite, les gens se désengagent et se dépolitisent ? Il n’est plus rien à quoi se raccrocher, foi idéologique ou espérance politique ? Oui. Trois fois oui. Et alors ? Ce que tu lis comme une défaite pourrait être la plus belle des chances, celle de replacer le bonheur au centre de ta réflexion. Deviens refuznik, Ami.

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« Ce ne sont jamais les excès qui tuent, mais ce qui les contrarie. »
Raoul Vaneigem, Le Livre des plaisirs
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Il y eut, à la fin du siècle précédent, de pompeux analystes pour penser la fin de l’histoire : une fois mises bas les grandes idéologies, la démocratie libérale allait envelopper de son blanc linceul le monde et tous les hommes, même le dernier. Moiteur, doux brouillard et calme torpeur : nous vivrions dans du coton politique, partout le même système, nulle part de grandes espérances.

C’était idiot, évidemment. Mais il y avait là quelque chose de juste. Non pas dans la prévision : l’histoire n’aura pas de fin tant que l’homme ne sera pas déterminé (nous y venons, sous l’effet conjugué de l’asservissement néo-libéral et de la mainmise nano-technologique, mais n’y sommes pas encore). Pas dans la prévision, donc, mais dans le constat : il n’est plus rien pour te faire courir. Plus de drapeau. De bannière. De dogme libérateur. De foi, religieuse ou politique. Plus de troupeaux bêlant bêtement. De militants obéissants. De bulletins programmés pour l’urne. De réflexions livrées clés en main. De grandes figures. De parti. De mots en -isme. Plus de communisme, citoyennisme, maoïsme, étatisme, syndicalisme, électoralisme, trotskisme, anarchisme, journalisme, surréalisme ou même de situationnisme. Il n’y a plus rien. Juste eux et nous.

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C’est une chance, sais-tu ? Énorme. Pour la première fois depuis longtemps, il n’est plus de représentants pour canaliser la colère, de corps dits intermédiaires pour la contraindre en des limites balisées, de doctrine de pensées pour la ramener à ce qu’elle n’est pas. Toutes les fictions mobilisatrices - qu’elles se prétendent insurrectionnalistes ou réformistes, qu’elles jouent sur la passion des barricades ou la raison des urnes - se sont lamentablement écrasées au sol, et il n’est plus de mots, formules ou programmes pour t’enserrer, te corseter, te bêtifier. Tu ne crois plus en rien, tu ne votes plus, tu n’espères même plus. Tu ne t’agenouilles plus devant une quelconque figure politico-christique, tu n’abandonnes pas ta pensée à un autre, tu ne donnes quitus à quiconque pour te représenter et parler à ta place. Le roi est nu ? Peut-être. Mais surtout : tu l’es. À poil, complétement. Pour l’instant, tu n’aimes pas : il fait froid, tu frissonnes et tu te sens seul. Mais tu découvriras peut-être bientôt qu’il ne pouvait rien t’arriver de meilleur.

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Ici-même, Raoul Vaneigem : « Au lieu de rabâcher les mêmes critiques désespérées, il est temps de jeter les bases d’une société nouvelle, de construire l’autogestion en nous emparant des énergies alternatives et en les mettant au service des collectivités refusant d’avoir des comptes à rendre aux gestionnaires de la faillite mondiale et aux escrocs dont le pouvoir n’a d’autre soutien que la passivité et la résignation des masses. Ce que nous devons redécouvrir c’est notre propre inventivité, c’est la conscience de notre richesse créative. Il faut cesser de geindre sur ce qui nous déconstruit et rebâtir notre vie individuellement et collectivement. »

Raoul a raison, bien entendu. Acharné à te plaindre, constant dans la pleurnicherie, incapable de voir au-delà d’un présent qui t’écrase, tu passes à côté des promesses de bouleversement qu’il porte. Tu restes le nez ras-de-terre quand le regard devrait porter au loin. Note, ce n’est pas plus mal : il se murmure que les époques troublées et les grands changements avancent masqués, qu’ils ne se laissent pas déchiffrer avant que d’éclater soudainement. « Rien », avait écrit Louis XVI en son journal, à la date du 14 juillet 1789. « La jeunesse s’ennuie », lui faisait écho Pierre Viansson-Ponté en un éditorial du Monde resté célèbre, le 15 mars 1968. Le calme et la résignation portent en eux leurs exacts inverses. Tempête. Furie. Tornade.

Il ne s’agit pas de révolution : celle-ci n’adviendra pas, ce n’est pas plus mal. La révolution n’est qu’un énième mensonge, alibi romantique pour tes rêves de jeunesse. Elle n’est rien, sinon un filtre à tes envies, tes passions, ta fureur de vivre, le moyen ultime de te déposséder quand toutes les autres tentatives de te mettre au pas ont échoué. En Russie, en Chine ou en France, elle n’a jamais été qu’un biais pour faire perdurer un système, lui offrir la dernière des portes de sortie. Elle est faite de la même eau que les programmes et les partis, liquide ranci, fange désolante. D’une certaine façon, c’est ce qu’expliquait Mathieu Rigouste, toujours sur ce site :

«  Si tu combats avec les armes de ton ennemi, tu finiras comme lui », disait Nietzsche. En tout cas, s’il se trouve des armes à piller chez l’ennemi, il faut sans aucun doute les réajuster et s’en servir différemment. Du coup, ce ne sont plus vraiment les mêmes armes. Si je considère les formes de pouvoir hiérarchiques et autoritaires comme une partie essentielle du problème, je ne peux pas tenter d’inventer autre chose en reprenant les formes de ce qui m’étouffe. S’organiser en reproduisant des hiérarchies et des rapports autoritaires, c’est commencer à participer à la continuation de ces pratiques. Si l’on parle bien du même ennemi, disons l’oppression et l’aliénation sous toutes leurs formes, que peut-on bien trouver d’autre dans cet arsenal que des techniques d’oppression et d’aliénation ?
Pour ma part, je cherche des armes de libération et des formes de vie épanouissantes. Je crois dans la rupture, dans l’insoumission, dans l’autonomie et la solidarité, dans la multiplicité des tactiques et l’entraide. Je crois que l’ensemble du problème continue de tourner autour du travail et du système de production. Qu’il faut créer les moyens d’arrêter de travailler pour cet ordre des choses et de commencer à œuvrer collectivement pour le bonheur et l’émancipation du vivant. J’imagine des communes libres et auto-organisées, librement fédérées entre elles et qui coopèrent pour se défendre face à tout ce qui voudrait les dominer et dominer à l’intérieur de chacune d’elles.

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Revenons à ce qu’il te reste. Rien ? Vérifie donc : tu n’as plus de parti ni syndicat, ou si peu (en admettant que tu sois encarté quelque part, tu ne peux l’être que de façon très détachée, incertaine) ; tu n’as plus de meneur ni de chef (en supposant - cas extrême - que tu accordes quelques valeurs à Besancenot ou Mélenchon, ce n’est là qu’attachement superficiel, amourette sans profondeur) ; tu n’as plus de foi ni croyance en un avenir radieux (les leçons de l’histoire sont trop fraiches pour que tu les aies oubliées) ; tu n’as plus de programme ni dogme, sauf un vague mélange de tous pour ne garder que leurs propositions les moins bêtes. Même le prolétariat s’en est allé… Tu n’as plus rien.

Mais ce rien est paradoxalement porteur de tout. Il ne te reste guère que la vie, la joie, l’amour. Ça te semble peu ? C’est pourtant davantage que tu n’as jamais eu. Quand il n’y aura plus que ces sentiments-là pour guider tes pas, quand tu auras saisi qu’ils sont plus politiques et révolutionnaires que n’importe quelle doxa ou figure tutélaire, le vieux monde aura définitivement cessé de te courir après. Vaneigem encore : « Le désir d’une vie autre est déjà cette vie-là. Survivre, c’est prendre son mal en patience. Mais tenter de vivre le plus heureusement possible est ce qui assure le plus sûrement de dépasser la survie. Il ne s’agit pas consommer du bonheur de supermarché, mais de créer pour soi et pour tous un espace et un temps affranchis de l’emprise de la marchandise. Le bonheur est un combat, non une denrée. »

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Engoncés dans le présent et les désillusions, tu ne le vois pas. Mais les prémices d’un tel bouleversement de paradigme sont peut-être déjà là. Rencontrée il y a deux mois1, Anne Steiner, auteur de RAF, guérilla urbaine en Europe occidentale et de Les En-dehors, anarchistes individualistes et illégalistes à la « Belle Époque » (deux livres parus aux éditions L’échappée), maître de conférences au département de sociologie de l’université de Nanterre, en listait quelques signes :

Ce qui est certain, c’est que les expériences d’En-dehors vont se développer. Parce que ça va être la seule façon de survivre pour toute une génération et qu’il y un grandissant refus de l’aliénation du travail.
Je pense en voir des signes avant-coureurs. On dit souvent que les étudiants sont de plus en plus dépolitisés ; c’est le cas, et même à Nanterres. Par contre, un nombre croissant de jeunes semble ne plus se soucier de leur avenir professionnel. Cette année, j’ai participé à l’accueil des lycéens organisé à l’université pour la journée portes ouvertes : tous me demandaient « où est l’histoire de l’art » et « où est l’ethnologie », il n’y avait que ça pour les intéresser. Je crois que ces jeunes se donnent le droit de faire des études qui leur plaisent, qu’ils ne se projettent plus dans une vie de travail, qu’ils ont intégré la perspective d’une vie avec peu d’argent.
Pour l’instant, c’est sans doute en partie un choix par défaut. Mais rien ne dit que ce ne sera pas théorisé et généralisé ensuite. Se donner le droit de créer, de peindre, d’écrire… Se donner le droit de vivre, en somme.

Ce ne sont là que points de détail, je te l’accorde. Mais ceux-ci peuvent dire beaucoup. Ils expriment déjà cette évidence : tu es contraint de déserter, mais tu peux faire de cette désertion une force, brandir haut la bannière des refuzniks. Déserteur ? Tu en es, moi aussi. Nos pas dans ceux de personne.



1 J’ai beaucoup tardé à mettre en forme et en ligne l’entretien qu’elle m’a accordé. Encore quelques jours et ce sera chose faite.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 7 avril 2010 à 13h56, par vincent

    Vive le mutualisme !

    Voir en ligne : http://www.lettresdemoscou.blogspot.com

    • mercredi 7 avril 2010 à 17h50, par JBB

      Clair.

      (Rien à voir, mais j’aime bien tes photos du métro moscovite.Il y a quelque chose qui se dégage de ces figures un peu perdues…)

      • jeudi 8 avril 2010 à 09h38, par vincent

        Merci JBB pour ta remarque.
        En fait tu m’excuses,je croyais que mon prénom serait seulement souligné avec renvoi sur le site,tu vois ce que je veux dire.Bon..tu remarqueras que je ne vends ni hamburger ni baskets et que l’entrée est libre et gratuite.
        A la prochaine,merci pour l’enthousiasme,le « positivisme » du texte.
        (rien à voir ? Qui sait)

        • jeudi 8 avril 2010 à 19h08, par JBB

          Ni hamburger ni basket ?

          Mince, je ne reviendrai plus alors…

           :-)



  • mercredi 7 avril 2010 à 15h17, par Celeste

    « Il ne s’agit pas consommer du bonheur de supermarché, mais de créer pour soi et pour tous un espace et un temps affranchis de l’emprise de la marchandise. Le bonheur est un combat, non une denrée. »

    Comment dire ?
    j’aime ton texte, tout simplement.
    Quand je sens en moi monter l’angoisse, l’étouffement, l’impression de patauger dans la boue, je relis Vaneigem.

    Voir en ligne : http://www.celestissima.org/

    • mercredi 7 avril 2010 à 17h53, par JBB

      Merci tout plein :-)

      (Et pour Vaneigem, tout pareil : il y a dans ses mots limpides et dans son obsession salutaire pour la vie et le bonheur - ainsi que dans sa fidélité à ses idées et valeurs ; lui n’a jamais trahi, à la différence de beaucoup d’autres - il y a dans tout ça, donc, quelque chose qui fait beaucoup de bien. Le meilleur des antidépresseurs.)



  • mercredi 7 avril 2010 à 16h54, par joshuadu34

    non, mais, on s’tutoie, maintenant ? Sache que je réserve le tutoiement à ceux que j’aime, les amis, la famille proche et aimante, la femme qui me supporte où encore son fils ! Le tutoiement est, pour moi, une marque de respect réservé aux seuls dignes d’avoir une part dans mon coeur ! Tiens, d’ailleurs, après t’avoir suivit quelques temps (et t’avoir inondé de mes réactions souvent un peu trop... longues), je pense sérieusement à te réserver, ainsi qu’à ceux qui te côtoient sur les pages de ce site un tutoiement chaleureux ! Surtout après avoir lu tes lignes ici qui semblent toutes droit sorties de mon esprit ! Et ça, c’est surement, pour moi, une petite larme de bonheur volé à leur monde !

    Le bonheur, la liberté... Difficile de ne pas penser Vaneigem (du moins celui qui se rapprochait d’un certain Debord) quand on en parle... où encore Bakounine qui précise que la liberté d’autrui étend la notre à l’infini ! D’ailleurs, c’est ce qui leur fait peur ! C’est ce qui les pousse à empêcher, à cloisonner, à interdire toute liberté ! Parce que la liberté est contagieuse ! Elle s’attrape comme un rhume, puis, la crainte passée, on la laisse grandir en soi, on laisse ce sentiment de bonheur qu’elle apporte nous emplir et rejaillir sur les autres ! Ils la craignent et cloisonnent, fabriquent de fausses contestations pour enfermer le désir, fabriquent de faux bonheur commercialisés (voir l’article de Lemi, d’ailleurs, là dessus... l’exemple d’un Ben est symptomatique) afin de détourner du plaisir réel !

    Alors, bien sûr, ce n’est pas en copiant leur fonctionnement qu’on obtiendra la liberté, ce n’est pas non plus en s’accaparant le spectacle de la contestation encartée où en se précipitant vers l’isoloir pour assoir une quelconque légitimité, comme l’agneau se précipite du pont, qu’on évacuera ce système ! Ce n’est pas, comme je le disais à un ami (que je tutoie aussi, d’ailleurs), en remplaçant les intermittents du spectacle par des acteurs bénévole de la révolte, interprétant « je suis rebelle mais dans le moule, je suis re-moule mais qu’est-ce que je bêle » qu’on obtiendra le bonheur simple, la liberté où quoi que ce soit d’autre... mais la lucidité n’empêche pas non plus, à partir du moment où la conscience est présente, de se servir de ce qu’ils nous offrent pour les chasser de nos vies...

    Toujours est-il que, encore une fois, je te remercie pour ce moment de lecture, de bonheur et de liberté que tu nous offre ici (en te servant de leur internet, ce qui explique simplement les tentatives de musèlement qu’ils mettent en place, quel qu’en soit le nom) !

    Voir en ligne : http://nosotros.incontrolados.over-...

    • mercredi 7 avril 2010 à 18h27, par JBB

      Trop longues, tes réactions ? Oh que non. Au contraire, tu prends le temps de poser les choses, d’argumenter, d’apporter une vraie réflexion et de prendre le temps : je trouve ça plutôt génial, pour être honnête. Si ce site a un chouia d’intérêt, c’est aussi (ou d’abord) par les discussions qu’il voit naître, les liens qu’il permet de nouer. C’est plus qu’essentiel : une question de survie.

      Pour le tutoiement, je le vois aussi ainsi : il ne s’adresse qu’à ceux qui le méritent. Notre tutoiement n’a rien à voir avec celui que les flics imposent lors d’un contrôle d’identité. Il ne pourrait même lui être davantage opposé. Pour nous, c’est signe de camaraderie, chez eux marque de mépris.
      Pour en terminer avec le sentimental : disons qu’on va verser une larme de concert et : merci à toi.

      « je suis rebelle mais dans le moule, je suis re-moule mais qu’est-ce que je bêle »

      Eheh… joli !

       :-)

      « mais la lucidité n’empêche pas non plus, à partir du moment où la conscience est présente, de se servir de ce qu’ils nous offrent pour les chasser de nos vies... »

      Bien sûr. Seule importe l’envie de lutter, pour soi et les autres. Il n’y aucune exclusivité dans les moyens, non plus que dans les interprétations.

      Pour le reste : je plussoie avec force.



  • mercredi 7 avril 2010 à 17h34, par tgb

    ’avec moi c’est l’absolu ou rien" disait Artaud - qui frisa l’absolu et finit en pas grand chose - la supériiorité de la pensée radicale sur l’eau tiède c’est qu’elle n’est pas soluble dans l’alcool. En plus arriver à se faire exclure
    de l’Internationale situationniste par Debord n’est pas un mince exploit - comme Artaud viré par ce con de Breton. C’est fou comme les petits maïïtres de mouvements divers et variés ont du goût pour le licenciement

    Voir en ligne : http://rue-affre.20minutes-blogs.fr/

    • mercredi 7 avril 2010 à 18h11, par JBB

      « la supériiorité de la pensée radicale sur l’eau tiède c’est qu’elle n’est pas soluble dans l’alcool. »

      Oh que je te rejoins ! C’est tout à fait ça. Et même : l’alcool (soit : le rosé) entretient la pensée radicale, la vivifie, la relance.

      « se faire exclure de l’Internationale situationniste par Debord n’est pas un mince exploit »

      Là, quand même, je t’arrête. Entrer à l’IS n’était pas un mince exploit. Mais s’en faire jeter a été le sort de presque tous ceux qui l’ont rejointe. Je te renvoie ici à ce billet de Lémi (quoi, de l’autopromo ?)

      « les petits maïïtres de mouvements divers et variés ont du goût pour le licenciement »

      C’est un brin désolant, hein ? Je n’ai jamais compris comment des gens qui prônaient une autre façon de vivre et avaient une telle classe pouvaient se comporter ainsi.



  • mercredi 7 avril 2010 à 18h04, par Glandeur

    Sans doute mon texte préféré sur ce site. Et pourtant, ô combien j’aime la majorité des autres articles ! Merci pour ça.

    • mercredi 7 avril 2010 à 18h06, par JBB

      C’est beaucoup trop gentil pour que je puisse accepter un tel compliment.

       :-)

      (Mais, quand même : merci)



  • mercredi 7 avril 2010 à 18h31, par wuwei

    Voici ce que répondait Vaneigem à la question : que reste t-il de mai 68 ?

    « Rien pour les soixante-huitards trotskisto-maoïstes qui avaient déjà à l’époque les qualités requises pour se reconvertir dans l’affairisme. Tout, en revanche, pour ceux qui perçoivent dans le Mouvement des occupations de Mai 1968 le début d’une révolution, qui en est à ses premiers balbutiements. On n’a pas encore mesuré à quel point nous sommes au coeur d’une mutation où s’opère le périlleux passage d’une civilisation marchande millénaire à une civilisation humaine, souvent esquissée et toujours réprimée (la Révolution française, la Commune de Paris, les conseils ouvriers en 1917, les collectivités libertaires espagnoles de 1936). »

    Déserteur de tous les pays unissez-vous !

    • jeudi 8 avril 2010 à 19h12, par JBB

      Passage plus que bienvenu. A force de cracher sur tous ceux qui ont retourné leurs vestes sitôt mai 68 terminé et sur ceux qui s’en sont servis comme plan de carrière, je finissais par oublier que tout n’était pas à jeter dans le mouvement. Une piqûre de rappel s’imposait.



  • mercredi 7 avril 2010 à 21h32, par namless

    Merci pour ce texte, merci pour Basquiat

    Digression sur l’art arme de libération massive :

    “Se donner le droit de créer, de peindre, d’écrire… Se donner le droit de vivre, en somme.”

    A l’heure de « merchandisation » de l’art, petite chose décorative pour intérieurs bobo-elle-déco, qui ne fait de mal à personne, pourvu qu’elle aille avec le tissus du canapé « désigne », à l’heure où l’art et la culture en général ont déserté les préocupation de nos dirigeants (je n’en cite aucun, ils sont trop nombreux, on dirait des clones, clowns ? pas sympa pour les clowns), il est temps en effet de commencer à vivre. L’art c’est la vie...

    Curieux comme ce texte répond à celui de Lémi juste avant. Vous vous êtes concertés ?

    • jeudi 8 avril 2010 à 19h38, par JBB

      Eheh, on se concerte toujours : on est en connexion permanente, par telex, Iphone et toutes ces choses modernes qui permettent aux vrais businessmen de ne pas perdre de vue les choses essentielles de la vie.

      (Plus sérieusement, pas de concertation. Mais on a naturellement pas mal de points d’accord, Lémi et moi)

      « L’art c’est la vie... »

      Oh que oui. Tout comme le sexe, la nourriture, la camaraderie et la lutte, l’art est vie, et pour moi il est politique (au sens noble) à ce titre. Ce que pas mal de tristes militants ont tendance à oublier.



  • jeudi 8 avril 2010 à 08h40, par un-e anonyme

    très bon texte qui me fait penser à « De la Politique à la Vie » de Wolfi Landstreicher : http://infokiosques.net/spip.php?article748

    • jeudi 8 avril 2010 à 19h21, par JBB

      Je ne connaissais pas ce texte. Et il me semble que je pourrai signer chacun des huit points définis par l’auteur. A commencer par celui-là :

      Le rejet d’une perception politique de la lutte sociale ; la reconnaissance que la lutte révolutionnaire n’est pas un programme, qu’elle est la lutte pour la ré-appropriation individuelle et sociale de la totalité de la vie. Ainsi, elle est anti-politique en soi. Autrement dit, elle est opposée à n’importe quelle forme d’organisation sociale - et à n’importe quelle méthode de lutte - dans laquelle les décisions concernant la façon de vivre et de lutter sont séparées de l’exécution de ces décisions, peu importe à quel point ce processus de prise de décisions séparé est démocratique et participatif.



  • jeudi 8 avril 2010 à 10h55, par Crapaud Rouge

    Texte magnifique ! Et en plus, j’adore les tableaux. Je paierais très cher pour les accrocher dans mon salon...

    • jeudi 8 avril 2010 à 19h25, par JBB

      Merci beaucoup. Pour les tableaux, je pense la même chose : peut-être qu’en faisant cagnotte commune ?



  • jeudi 8 avril 2010 à 15h15, par un-e anonyme

    Jbb tu déchires ! Et moi qui pensais proposer des billets sur ce site, non mais quelle outrecuidance !

    Merci pour cette petite bouffée d’air pur ( au sens noble du terme...!) !

    Merci merci merci, sérieusement ça m’a redonné la pêche !

    @ plus

    yoms

    • jeudi 8 avril 2010 à 19h27, par JBB

      Outrecuidance ? Bien au contraire : propose, propose, on ne demande que ça.

      (Mon mail, si tu veux : jbb.article11 (at) gmail.com )

      ((Et pour les gentillesses, je m’incline en forme de remerciement))



  • jeudi 8 avril 2010 à 16h51, par pièce détachée l’ancienne

    Anne Steiner :

    « [...] un nombre croissant de jeunes semble ne plus se soucier de leur avenir professionnel. Cette année, j’ai participé à l’accueil des lycéens organisé à l’université pour la journée portes ouvertes : tous me demandaient « où est l’histoire de l’art » et « où est l’ethnologie », il n’y avait que ça pour les intéresser. Je crois que ces jeunes se donnent le droit de faire des études qui leur plaisent, qu’ils ne se projettent plus dans une vie de travail, qu’ils ont intégré la perspective d’une vie avec peu d’argent. »

    Refuznik Mémère s’est dit exactement ça à dix-huit ans, en 1970, et ne s’en est jamais repentie. C’est exigeant, parfois on morfle sévère, mais les savoirs avec lesquels Refuznik Mémère s’est taillée et construite n’en auront jamais fini de se polliniser l’un l’autre, toutes fleurs ouvertes et trompes fureteuses (rhaa, c’est le printemps).

    Le ciboulot enchanté avec vingt-six points de retraite en vue ? Ou bien, comme dit l’autre, perdre sa vie à la gagner pour finir avec des souvenirs, des désirs et un psychisme indigents ?

    Oui, JBB le dit et croyez-en Mémère : refusez d’avoir peur ! Ce qu’on a à perdre, c’est de la merde enrichie jusque dans les trous de nez, ce qu’on a à gagner c’est notre vie à chacun.

    Je t’embrasse sur le front, petit Charançon.

    • jeudi 8 avril 2010 à 20h05, par JBB

      Waouh ! Un baiser sur le front ? Tu vas me faire frétiller des antennes, attention…

       :-)

      « pièce détachée l’ancienne » « Refuznik Mémère »

      Je rebalancerais bien un smiley pour manifester mon amusement, mais j’en fait un usage trop maladif pour ne pas tenter de le restreindre (faut vraiment que j’arrête les smileys, bourdel).
      Est-ce qu’il n’y aurait pas comme une douce allusion à un billet pas très heureux ?

      Pour le reste de ton commentaire : t’es vraiment la plus classe des « mémères ». Si toutes les Mamies Nova étaient comme toi, le monde serait quand même vachement plus beau.

      Salutations admiratives

      • jeudi 8 avril 2010 à 20h53, par pièce détachée

        Non non, « Refuznik Mémère » ne contient aucune « douce allusion ». Je l’ai inventé sur le pouce pour rire d’emblée de toute idée de pater-mater-nalisme condescendant, mensonger, inefficace et con du type je-l’ai-toujours-dit-crois-en-mon-expérience-tu-verras-quand-tu-seras-grand.

        Être Mamie Nova, j’aimerais bien pour une seule raison : avoir des munitions de yaourts gratos, au lieu de devoir les acheter quand j’ai envie d’en jeter à la figure des gens — eh oui, on se tasse : avant, j’excellais dans le lancer-coiffer de la passoire de nouilles molles sur les têtes-à-claques.

        • samedi 10 avril 2010 à 07h59, par JBB

          « je-l’ai-toujours-dit-crois-en-mon-expérience-tu-verras-quand-tu-seras-grand. »

          C’est marrant, j’ai tout juste dépassé trente ans et je crois que je suis déjà un peu comme ça. J’ai bien peur d’avoir, davantage que toi, une certaine tendance à la vieux-connisation, il va falloir que je fasse attention à ne pas mal tourner.

          Et aussi : yaourts ou nouilles (et les œufs ? tu devrais essayer, cela marche bien, les œufs), seul importe que tu continues à couronner comme ils le méritent les fâcheux et les médiocres. Même, pour le prochain lancer, je veux bien une petite dédicace. :-)



  • jeudi 8 avril 2010 à 19h32, par Raoul

    Tres bon article merci.
    je rajouterais pour ma part (avis totalement personnel) que le vrai et seul dernier rempart a cette civilisation post-mortem est l’islam (sans -isme a la fin). je m’explique : oui tout a échoué (notamment la religion en occident) et plus rien n’a de sens dans cette société, mais malgré l’impression que d’etre un mouton en suivant un dogme, une philosophie, un mode vie ou juste les autres, l’islam offre intrinsequement une liberation et une veritable revolution interieure. essayez pour voir.

    • jeudi 8 avril 2010 à 19h47, par un-e anonyme

      Merci pour ton intervention Raoul (tiens ?!), on y pensera...

      C’est quoi au fait la « libération intérieure » ? Ça ressemble à de la drogue vu de loin...

      • jeudi 8 avril 2010 à 20h07, par Raoul

        c’etait révolution intérieure mais tu a peut etre pris de la drogue...

    • jeudi 8 avril 2010 à 19h51, par JBB

      Euh… pour l’essai, on va dire que je vais attendre encore un peu. Même : beaucoup. Même : pour toujours.

      (Religion opium du peuple, ni dieu ni maître, toussa-toussa…)

      • jeudi 8 avril 2010 à 20h09, par Raoul

        l’anarchisme ? ça n’a pas fait fureur...

    • jeudi 8 avril 2010 à 19h58, par Manuel

      Heu non merci, moi ça va.
      En ce qui me concerne, je méprise TOUS les monothéismes. Et je pèse mes mots, pour ne pas être vulgaire.

      • jeudi 8 avril 2010 à 20h12, par Raoul

        tu sais Manuel l’atheisme peut revetir des formes de fanatisme et de radicalisme bien pires que le monothéisme (si tu te renseignes bien il n’y en a qu’un).

        • jeudi 8 avril 2010 à 20h32, par Remugle

          Mon coeur est devenu capable

          D’accueillir toute forme.

          Il est pâturage pour gazelles

          Et abbaye pour moines !

          Il est un temple pour idoles

          et la Kaaba pour qui en fait le tour,

          Il est les Tables de la Thora

          Et aussi les feuillets du Coran !

          Je crois en la religion de l’amour

          Où que se dirige ses caravanes

          Car l’amour est ma religion et ma foi

          Ibn Arabi (1165-Murcie - 1240-Damas)

          Ca soufi comme ça ?

        • jeudi 8 avril 2010 à 21h37, par Manuel

          Comme pour toutes les idéologies... ce n’est pas spécifique à l’athéisme.
          Je n’ai rien contre les spiritualités ( style polythéisme ), exemple : celle des Amérindiens, des Inuits, des Saamis, des Aborigènes, etc... En revanche, et j’insiste, les monothéismes ( Christianisme, Judaïsme, et Islam ) sont une aberration pour l’Homme et le rabaisse, et je les méprise comme il se doit.

          • jeudi 8 avril 2010 à 21h44, par Manuel

            Désolé Remugle, cette réponse est destinée à Raoul. J’ai cliqué au mauvais endroit.

        • vendredi 9 avril 2010 à 18h05, par SL

          @Raoul

          s’il n’ya qu’un monothéisme, pourquoi le tiens est mieux que les autres ?

          @Manuel

          que ce soit une religion polytheiste, ou monotheiste, cela peut toujours être utilisé pour controler les gens.
          A partir du moment où c’est organisé et que c’est imposé c’est pas bien pour la liberté individuelle.
          chez les inuits les indiens ou les abos, est ce que t’avais le choix de pas pratiquer leurs spiritualités et les rites associés ?

          le seul truc religieux qui vaille c’est celui qui est facultatif, individuel, ne force pas les autres à faire comme soi, et n’a pas de « morale » qui permet de juger les actions de l’autre. La notion de « bien et de pas bien » dans toutes les religions est liberticide.

          • vendredi 9 avril 2010 à 20h44, par raoul

            j’ai simplement dit qu’il n’y a pas plusieurs monotheismes mais un seul (encore une fois renseignez vous).

            • vendredi 9 avril 2010 à 21h20, par wuwei

              Les religions, particulièrement les trois sectes monothéistes (si, si il y en a bien trois !), leurs turpitudes, massacres et autres « joyeusetés » sont telles qu’elles devraient depuis longtemps n’être mentionnées que parmi les nombreux autres cataclysmes qui ont parsemés l’histoire de l’humanité.

              Le véritable tour de force de Dieu est d’avoir fait croire qu’il pouvait exister.

            • vendredi 9 avril 2010 à 23h11, par SL

              Tu dis qu’il n’ya qu’un monothéisme

              ensuite tu dis que « tout a échoué (notamment la religion en occident) », donc on va dire le christianisme, donc LE monotheisme

              et après tu dis que « l’islam offre intrinsequement une liberation et une veritable revolution interieure. »

              en quoi l’islam serait différent s’il n’y a qu’un monothéisme ? paradoxe.

          • vendredi 9 avril 2010 à 21h14, par Manuel

            Tu as raison SL, et je partage ton avis.
            Lorsque je parle des spiritualités ( pas des religions donc, ce qui est différent ), tout n’est pas forcément bon, comme dans les cultures humaines d’ailleurs. Je pense plutôt du rapport avec la nature notamment que porte ces spiritualités, et ça me plaît. Leur cosmogonie pour être plus précis, comme l’écrit Primitivi.

            « le seul truc religieux qui vaille c’est celui qui est facultatif, individuel, ne force pas les autres à faire comme soi, et n’a pas de »morale« qui permet de juger les actions de l’autre. La notion de »bien et de pas bien« dans toutes les religions est liberticide. »

            Absolument. Je n’ai rien à redire là-dessus.

    • samedi 10 avril 2010 à 11h26, par S.A. Kerbadou

      Bons dieux, bondieuseries et idéologies sont inventés par des singes savants pour que les singes ne repensent pas l’idée géniale (des singes savants) qui fait devenir mouton.



  • lundi 12 avril 2010 à 19h07, par pablito

    un des articles les plus stimulants et les plus beaux d article 11 ! merci !! en plus il fait écho à ce que je ressens et est le reflet de ce que vit la plupart de mes amis (refus du « système », recherche de nouvelles façons de vivre, voyages,...) on a encore de l’énergie à revendre !!

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