ARTICLE11
 
 

mardi 7 décembre 2010

Entretiens

posté à 23h34, par Lémi
10 commentaires

Retort : « La Terreur est l’oxygène de l’État »
JPEG - 25.3 ko

Dans un premier entretien publié sur Article11 en février 2009, les activistes « antinomiens » de Retort, collectif informel basé à San Francisco, dressaient un tableau noir de l’impérialisme américain, dégonflant au passage la baudruche Obama. Comme il restait beaucoup à dire, notamment sur le néolibéralisme militaire et son fonctionnement contemporain, un second entretien s’imposait...

Cet entretien a déjà été publié, dans la version papier d’Article111. Par ailleurs, Retort avait déjà répondu à nos questions, en février 2009 ; l’entretien est à lire ICI.
.

« Les cris sont désormais bien audibles et le monde commence à sortir de sa torpeur.  » Des Images et des bombes2, l’ouvrage qu’ils écrivirent à huit mains en 2005, deux ans après l’invasion de l’Irak, se terminait sur ces mots, entre constat lucide et prophétie. Les activistes de Retort – collectif informel basé dans la baie de San Francisco3 – sont convaincus que les conditions d’oppression impérialiste ont changé, qu’une nouvelle ère a commencé. Face à l’horreur impériale – Irak, Afghanistan – et à la terreur généralisée, qu’elle soit étatique ou religieuse, ils plaident pour une Gauche débarrassée des oripeaux du passé et enfin offensive. Entretien collectif.

-

Dans Des Images et des bombes, vous écriviez : «  L’État spectaculaire est obligé de mettre sur pied une réponse à la défaite du 11 septembre. Et il semble ne pas y arriver. » Pourquoi cette impuissance ?

Il y a déjà eu une défaite flagrante en matière d’image4. Plus important encore, les États-Unis ont concrètement perdu deux guerres. Cela ne veut pas dire que les peuples d’Irak ou d’Afghanistan en soient sortis vainqueurs, loin de là, mais cela confirme le point de vue stratégique largement partagé selon lequel ces invasions militaires étaient appelées à se terminer en « bourbier ». Quiconque avait un minimum de connaissances sur l’histoire impériale britannique et soviétique en Afghanistan pouvait prédire la débâcle.

Les planificateurs de l’Empire espèrent prendre l’ascendant sur les résistances telles qu’elles existent au XXIe siècle – « guerres du peuple5 », soulèvements tribaux, acteurs non-étatiques – grâce à leur maîtrise du ciel et à leur capacité à livrer des versions toujours plus sophistiquées de la mort aéroportée. Il reste pourtant improbable que des drones, aussi « intelligents » soient-ils, puissent contrer le caractère furtif autant qu’artisanal des voitures piégées et des engins explosifs improvisés, ainsi que le refus généralisé des populations locales d’accepter les mandataires choisis par Washington.

JPEG - 68.1 ko
6

Est-ce que le « néolibéralisme militaire » que vous mentionnez a besoin d’une victoire en bonne et due forme pour continuer à générer des profits ?

Si ces guerres peuvent être considérées comme des défaites étatiques, elles sont très bénéfiques pour le business de certaines sociétés américaines : Halliburton, Bechtel, Blackwater – ces entreprises en tirent un immense profit. Le « militarisme néolibéral », ainsi que nous le nommons, était une réponse à l’incapacité de l’OMC à enclencher une nouvelle série d’enclosures7 d’un simple coup de plume lors de la conférence ministérielle de Seattle en 1999. L’eldorado néolibéral irakien ne s’est jamais tari, renforcé par la privatisation tout azimut. Malgré la défaite militaire, voire grâce à elle, se présentent des opportunités de nouvelles accumulations dans un champ de ruines, même si – évidemment – le capitalisme ne s’attache à aucune forme de territoire en particulier. Il faut surtout prendre en compte ce qui ne peut plus fleurir dans le chaos, à savoir toute forme d’opposition au monde capitaliste. Terreau parfait pour la Droite8.

Vous écrivez également dans Des Images et des bombes : « Le néolibéralisme militaire n’est finalement rien d’autre que l’accumulation primitive (à peine) déguisée. » D’où la multiplication des forces armées privées ?

Si l’État est en fin de compte au service du Capital, il a aussi ses propres intérêts, et quand une armée est levée, les chiens de guerre patientent à l’affût. La multiplication des forces mercenaires est conforme à une logique néolibérale, mais elle est aussi le produit d’une contradiction au sein de l’appareillage moderne de médiation, qui produit un affaiblissement généralisé des liens de sociabilité humaine et – plus spécifiquement – une tendance à la « citoyenneté faible ». Dans de telles conditions, il est difficile pour le pouvoir de convaincre ses citoyens de défendre la mère patrie à l’autre bout du monde. Il en résulte une délocalisation de la gente soldatesque, à la manière des soldats hessiens9 pendant la Guerre d’indépendance.

JPEG - 82.1 ko

Les limites du néolibéralisme militaire inquiètent sans aucun doute les managers étatiques américains, qui préféreraient que les nouvelles enclosures – par exemple, celles concernant les terres et domaines communaux en Afrique – s’établissent dans le calme, avec la coopération de potentats locaux. Ces enclosures se matérialisent la plupart du temps sous la forme familière des privatisations, mais on peut imaginer que des gisements de minéraux stratégiques, situés sur des terres revendiquées par des populations indigènes, soient déclarés «  biens communs de l’humanité » afin d’être pris en main par des gérants non récalcitrants, tout ceci sous l’œil du G20. Derrière chaque arrangement de ce genre, on retrouve bien sûr l’État et ses mercenaires assermentés, qui surveillent la bonne marche de l’opération.

Qu’en est-il du retrait militaire annoncé par Obama en Irak et en Afghanistan ? Une nouvelle cible est-elle en vue ?

La déclaration d’Obama sur le retrait était bidon, ce que tout le monde savait, en particulier les familles des militaires et des mercenaires, sans même parler des Irakiens et des Afghans. Elle était destinée à rassurer les marchés intérieurs.
Concernant le prochain champ de bataille ou la prochaine cible de la guerre des images, qui sait ? Quelque part dans la zone islamique, voilà ce qu’on peut supposer. En sus de l’Irak et de l’Afghanistan, les États-Unis sont actuellement engagés dans trois autres guerres : au Pakistan, au Yémen et en Somalie. Ils doivent d’une manière ou d’une autre parvenir à faire entrer ces conflits non déclarés dans le cadre du Spectacle. Sachant que pèsent sur eux, ainsi que nous le déclarions dans Des Images et des bombes, le danger permanent d’une crise de gestion des symboles.

Depuis le 11 septembre, l’antiterrorisme est devenu l’une des clés de fonctionnement des démocraties occidentales. Comment contrer cette propagande ?

La terreur est l’oxygène de l’État. Les jalons essentiels du terrorisme moderne ont été posés par des bombardements aériens, cette menace de mort massive pointée sur les civils comme une épée de Damoclès – de Guernica à Gaza. L’épithète « terroriste » est uniquement appliquée aux autres, à ces ennemis désignés par les autorités, où qu’ils soient. Comme vous le suggérez, le terme a proliféré jusqu’à désigner toute forme de résistance à la mondialisation capitaliste. Par conséquent, il faut commencer par rejeter le présupposé sous-tendant le débat sur le terrorisme, et refuser de s’engager sur le terrain de la rhétorique étatique.
Aux États-Unis, l’absence généralisée de critique à ce sujet s’explique par un mélange de peur, d’indifférence, de xénophobie, de bâillonnement des voix critiques et, peut-être, d’une certaine stupéfaction provoquée par les médias. Est-il nécessaire de rappeler que Fox TV entretient une relation toute particulière avec la réalité ? Une étude menée à l’Université du Massachusetts a montré que plus quelqu’un regardait les chaines d’information aux USA, moins il était informé. Le silence général régnant dans le monde entier sur la répression menée au nom de l’antiterrorisme – le Sri Lanka et la Tchétchénie viennent à l’esprit – est en partie conséquence du fait que le néolibéralisme militaire a normalisé les agressions ouvertes et meurtrières contre des populations civiles.

Votre livre commence par le constat d’une défaite de la Gauche, défaite tempérée par le souffle d’espoir porté par le mouvement de protestation contre la guerre en Irak. Sept ans plus tard, quelle est votre perception de ces manifestations ?

Nous insistons encore aujourd’hui sur le fait que les manifestations de 2003 ont constitué un moment fondamental dans l’histoire, celui où - pour la première fois - des millions de gens se sont rassemblés dans le monde entier, contre la volonté des partis et des États, pour tenter d’arrêter une guerre impérialiste avant qu’elle ne commence. Ceci dit, même si nous étions enthousiasmés par l’insubordination s’exprimant à travers les pancartes et slogans, nous avions aussi conscience des limites et des insuffisances de l’opposition.

JPEG - 140.5 ko
10

Ce sentiment amer de n’avoir pu empêcher la catastrophe est désormais associé à une sensation palpable de stagnation politique face aux récents développements de deux crises – du Capital et de la Nature – qui ne cessent de s’aggraver. Les réactions des pouvoirs mondiaux font penser à celles de zombies – considérerez le fiasco du sommet climatique COP15 à Copenhague en 2009 ou les remèdes de charlatans de la dream team Obama. Les crédits carbones, les permis de polluer, les biocarburants issus d’herbe à éléphant pourrie et les autres chimères colportées par les ONG environnementales – nouveaux ordres mendiants du capitalisme – restent d’actualité, et ceci malgré le discrédit universel pesant sur l’idéologie néolibérale. Cela scelle peut-être le destin des régions côtières.

En ce qui concerne la résistance à l’ordre néolibéral, nous tenons simplement à dire que ses conditions ont changé ; les institutions modernes font face à une crise de légitimité qui va en s’aggravant. Dans le même temps, on constate un épuisement des formes et espaces culturels autour desquels la Gauche a organisé son opposition depuis deux siècles. Par exemple, ici, aux États-Unis, les gens participent encore aux manifestations, mais ils le font de manière plus ou moins « ironique » ; peut-être que ce n’est pas encore le cas en France, ou en Iran. Considérez aussi l’effondrement des journaux, des librairies et des espaces de plaisirs antinomistes11, et leur remplacement par l’extase du virtuel et l’immersion généralisée dans le monde des écrans. Il nous faut prendre en compte la généralisation d’un profond changement dans le champ de la réception depuis l’émergence d’Internet – d’un côté un éclatement et une fragmentation des masses populaires de l’ère Ford, de l’autre une prolifération d’audiences planétaires, ainsi qu’une circulation et une consommation d’images dans l’hémisphère Sud avec une vitesse et une intensité inimaginables à l’époque de la Guerre du Vietnam. Par le biais de cette nouvelle machinerie spectaculaire mondialisée, une avant-garde12 est en mesure de pointer les horreurs de la Pax Americana.

Vous écriviez : « Si la multitude de Hardt et Negri s’est véritablement constituée, alors pour l’instant sa face la plus visible en tant que force politique n’est autre que la résistance islamique. » Est-ce que vous ne donnez pas trop d’importance à cette dernière ?

Nous ne regrettons pas la focalisation du livre sur le phénomène Al-Qaida, précisément parce que l’Islam révolutionnaire est la plus puissante – et désastreuse – réponse à une réalité misérable que cette avant-garde islamique cherche à exploiter, une réponse à laquelle la Gauche doit de toute urgence offrir une alternative – qui ne serait ni orthodoxe, ni nostalgique, ni ségrégative, ni apocalyptique. L’importance d’Al-Qaida réside en premier lieu dans son pouvoir de séduction – sa visibilité est évidemment cruciale à ce niveau – et dans sa capacité à attirer ceux qui rejettent la vie communément offerte dans la « planète de bidonvilles13 », et en second lieu dans le fait qu’elle prouve à quel point il est désastreux de laisser la critique de la modernité entre les mains des diverses mutations de la Droite.

Mais nous n’avons aucune intention de minimiser ces mouvements de résistance, en plein développement, qui sont diamétralement opposés à l’idée d’avant-garde, comme Via Campesina en Amérique du Sud ou Abahlali baseMjondolo14, le mouvement des habitants des bidonvilles d’Afrique du Sud. Il y en a de nombreux autres, absents des écrans de contrôle et contre-spectaculaires ; notre tâche est de parler avec eux, pas de parler à leur place.

Vous montrez à quel point les guerres contemporaines sont liées à une mondialisation des images. Sur ce « champ de bataille spectaculaire », les nations dominantes ont perdu le contrôle depuis le 11 septembre : images de prisonniers torturés à Abu Ghraib ou de civils tués en Afghanistan, attaque israélienne sur la flotille pour Gaza, révélations de Wikileaks... Est-ce un renversement dans la guerre des images ?

Les images dont vous parlez ont provoqué beaucoup de lamentation chez les libéraux américains15 mais peu de changements politiques. Leur véritable impact est ailleurs : comme nous l’écrivions, elles font désormais partie de l’ADN de l’Islam révolutionnaire. L’État moderne, une fois entré dans le réseau des nouvelles techniques de production d’image moderne, s’est découvert vulnérable sur de nouveaux fronts – les événements du 11 septembre en sont l’exemple le plus dramatique. L’ubiquité du téléphone-caméra a aussi débouché sur un phénomène de « subveillance16 » – des photographies prises d’en bas, pourrait-on dire. Cela donne la migraine aux États partout dans le monde. Le meurtre du passant Ian Tomlinson, filmé par une caméra lors du rassemblement du G20 à Londres, en est un bon exemple : les mensonges officiels étaient contredits par les images de l’iPhone d’un touriste américain. Et même si des fonctionnaires sans grade – un GI, un policier, un gardien de prison – sont condamnés pour ces exactions, la subveillance contribue à diffuser une méfiance généralisée envers l’autorité.

JPEG - 69.1 ko
17

Vous évoquez Wikileaks18, un développement intéressant qui a émergé des contradictions pointées dans Des Images et des bombes et inhérentes au nouvel appareil de reproduction médiatique. C’est en effet une menace pour l’État, identifiée comme telle, en partie parce que le système baroque et ramifié du secret officiel ne pouvait être mis à mal jusqu’ici ; mais aujourd’hui, toutes les informations stockées électroniquement sont potentiellement à un simple clic de la dissémination globale. Le nec plus ultra des technologies pare-feu implique que les informateurs peuvent garder l’anonymat. Ironiquement, pourtant, Julian Assange, le fondateur de Wikileaks, a lui-même brisé sa couverture il y a peu, convaincu que la célébrité renforcerait sa sécurité, combattrait l’aura de la clandestinité et réduirait la curiosité générée par le total anonymat que le site est fier de garantir. Certains estiment que Wikileaks annonce un nouveau modèle de journalisme et de publication, et beaucoup de reporters en sont convaincus, se demandant anxieusement comment rivaliser avec le tsunami d’informations secrètes révélées. La question que nous posions dans Des Images et des bombes au sujet des images du 11 septembre reste d’actualité : est-ce que la circulation des atrocités capturées par les caméras – en Irak, en Afganistan, à Gaza ou n’importe où aux frontières de l’Empire – peut mener à une réelle déstabilisation ? Le simple fait que la question se pose montre que les conditions historiques ont changé.



1 Ceux qui n’aiment pas le bleu (du journal) seront contents : nous republierons désormais sur le net, au compte-goutte et en prenant notre temps, une partie des articles et entretiens publiés dans la version papier.

2 En anglais, Afflicted powers. Traduction publiée aux Prairies Ordinaires en 2008.

JPEG - 8.2 ko

3 «  Nous sommes une équipe hétéroclite - écrivains, artisans, professeurs, artistes, scientifiques, poètes - rassemblée dans un réseau d’amitiés enrichissantes et partageant le même antagonisme envers l’ordre présent des choses », expliquaient-ils dans un premier entretien accordé à Article11 et titré Ils firent un désert et le nommèrent paix.

4 Sur cette question de la défaite spectaculaire que constituait le 11 septembre, se reporter au livre de Retort mentionné en introduction. Dans une perspective post-situationniste, actualisant le concept de Spectacle théorisé par Guy Debord en 1967 (La Société du spectacle), ils y décrivent un Empire obnubilé par l’Image et dépassé par elle.

5 Théorie de la guérilla élaborée par Mao Zedong, se caractérisant par trois phases d’action distinctes censées mener progressivement à la prise du pouvoir.

6 Drone américain survolant l’Afghanistan.

7 Historiquement, les « enclosures » désignaient l’appropriation par le pouvoir de terres auparavant réservées à une utilisation collective et le passage à une agriculture intensive. Elles ont été dénoncées dès le XVIe siècle par Thomas More. Retort utilise ce terme en l’adaptant au paysage agricole du XXIe siècle : les enclosures contemporaines comprennent aussi la mainmise sur les semences, par exemple.

8 Retort a recours aux termes de Gauche et de Droite de manière moins restrictive que nous ne le faisons en France. Pour eux, l’Islam révolutionnaire relève ainsi de la Droite.

9 Mercenaires allemands au service de la Couronne anglaise pendant la Guerre d’indépendance américaine.

10 Manifestation anti-guerre à New York, 2003.

11 Au cours de l’histoire chrétienne, le terme a désigné les sectes qui ne respectaient pas les lois terrestres et se plaçaient en dehors des normes morales imposées. Par extension, il désigne ici ce qui se place hors des limites de la légalité.

12 Le concept « d’avant-garde » a été théorisé par Lénine dans Que Faire, en 1902, pour désigner le parti ou collectif d’individus censé porter à lui seul la révolution avant le ralliement des masses. Ceux de Retort dénoncent ce concept et l’utilisent de manière péjorative, notamment pour désigner l’Islam révolutionnaire.

13 Planet of slums, référence à un ouvrage du même titre de Mike Davis, publié en français sous le titre : Le Pire des mondes possibles. De l’explosion urbaine au bidonville global, 2006, La Découverte.

14 Mouvement aussi désigné sous le nom de « Red Shirts », né à Durban en 2005 et qui vise à réformer la société par en bas, en améliorant les conditions de vie des plus pauvres.

15 Aux USA, le terme « liberal » désigne une forme de gauche molle, proche de nos sociaux-démocrates.

16 Littéralement : « Sous-veillance », ou « veille par en bas ».

17 Ian Tomlinson.

18 Cet entretien a été réalisé voici deux mois. Donc bien avant les récents développements autour de Wikileaks et l’arrestation de Julian Assange.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 8 décembre 2010 à 01h31, par Ubifaciunt

    @ note [3] :

    Bon là, on va commencer à devenir sérieux. Parce que les traductions/citations de Tacite, il faut que ça le soit (et ça explique des pseudos, aussi, parfois.)

    Donc « Ils firent un désert et le nommèrent paix », ça marche pas du tout. La citation originale dans la Vie d’Agricola est « Vbi solitudinem faciunt, pacem appellant ».

    La traduction « consacrée » est la suivante : « Où ils font un désert ; ils appellent ça la paix. » Sauf que nous nous retrouvons dès lors avec un problème -quasi ?- insoluble en français, à savoir celui de la phrase performative du type du « Fiat lux » dans la Genèse. Que le fait de nommer la chose (le désert en l’occurrence) institue l’autre qui est une conséquence (la paix, ici).

    Donc, à la limite, il faudrait se retrouver avec une traduction du type : « Où ils créent un désert, ils invoquent la paix » en donnant en plus à « invoquer » un sens actif de réalisation effective du fait d’invoquer. A la limite « ils disent qu’ils ont donné » pourrait passer mais est d’une lourdeur proche d’un édito du Figaro.

    Si quelqu’un-e a une solution ou une ouverture...

    p/o l’amicale des latinistes désoeuvrés,

    Ubifaciunt



  • mercredi 8 décembre 2010 à 13h50, par Tahar

    Bonjour,

    C’est bien récemment que j’ai découvert Article11. Moi, j’opterais plutôt pour le papier. Merci en tout cas pour ce que vous faites. Cet entretien et l’autre auquel il renvoie, mais aussi d’autres articles que j’ai parcourus sur votre site, me redonnent un certain espoir, celui du réveil, quoique généralement je me méfie de moi-même lorsque ce genre d’optimisme s’empare de moi. Néanmoins, je continuerai à vous lire...A bientôt



  • dimanche 12 décembre 2010 à 08h30, par Alexandre d’Arpire

    Retort, connaissais pas ! Merci pour commencer au travail de (redirection de) Rezo.net sans lequel je n’aurais pas eu vent de l’Article 11 ce dimance matin.

    Le coeur de l’article, selon moi, celui en tout cas qui m’a dilaté, parce que je le sens comme ça et que ça fait toujours plaisir de se sentir plusieurs à ressentir la même brûlure du réel, se trouve dans le paragraphe suivant :

    « La terreur est l’oxygène de l’État. Les jalons essentiels du terrorisme moderne ont été posés par des bombardements aériens, cette menace de mort massive pointée sur les civils comme une épée de Damoclès – de Guernica à Gaza. L’épithète « terroriste » est uniquement appliquée aux autres, à ces ennemis désignés par les autorités, où qu’ils soient. Comme vous le suggérez, le terme a proliféré jusqu’à désigner toute forme de résistance à la mondialisation capitaliste. Par conséquent, il faut commencer par rejeter le présupposé sous-tendant le débat sur le terrorisme, et refuser de s’engager sur le terrain de la rhétorique étatique.
    Aux États-Unis, l’absence généralisée de critique à ce sujet s’explique par un mélange de peur, d’indifférence, de xénophobie, de bâillonnement des voix critiques et, peut-être, d’une certaine stupéfaction provoquée par les médias. Est-il nécessaire de rappeler que Fox TV entretient une relation toute particulière avec la réalité ? Une étude menée à l’Université du Massachusetts a montré que plus quelqu’un regardait les chaines d’information aux USA, moins il était informé. Le silence général régnant dans le monde entier sur la répression menée au nom de l’antiterrorisme – le Sri Lanka et la Tchétchénie viennent à l’esprit – est en partie conséquence du fait que le néolibéralisme militaire a normalisé les agressions ouvertes et meurtrières contre des populations civiles. »



  • dimanche 12 décembre 2010 à 08h34, par sdz

    Le problème majeur est l’autonomisation d’une partie de nos appareils d’Etat, à l’instar de ce qui existe aux Etats-Unis, qu’on perçoit bien à la proportion ahurissante d’avocats d’affaires dans notre gouvernement...qui de fait n’en est plus un !

    Sur le terrorisme oxygène de l’Etat, un ancien de la DGSE a reconnu qu’il n’ y avait pas de stratégie de lutte contre le terrorisme islamiste... donc reconnu implicitement toutes les tactiques de manipulation de l’opinion, d’enfumage qui en découlent ! Un autre reponsable a aussi admis que le gros des problèmes en banlieues d’un point de vue sécuritaire pourrait être traité en moins de 6 mois !

    Ces révélations sont explosives pour Sarkozy ! C’est une faute stratégique majeure de « l’opposition » que de ne pas savoir le contrer là-dessus !

    Cet article rejoint les analyses de l’IRC, cf blog

    Voir en ligne : http://www.la-france-contre-la-cris...

    • dimanche 12 décembre 2010 à 09h57, par lucas

      Excellent article mais qui tient pour acquise la participation au 11 septembre de Mohamed Atta, celui là même qui fut démasqué par la découverte du passeport (intact !) dans les décombres des tours, quelle rigolade.On pourrait convenir que ce genre de contorsions de l’intellect et de mise entre parenthèse du bon sens sont désormais préférables pour acceptation à la publication d’un article ou d’un ouvrage, dans un monde dont la réalité est fabriquée par le complexe militaro industriel étas-unien, surtout lorsqu’il s’agit de le combattre. C’est oublier le b.a. ba, la fabrication de l’ennemi, intérieur et extérieur,essentielle à l’expansion colonisatrice et au contrôle de son propre peuple, grâce à la terreur ainsi dispensée quasi scientifiquement.

      • lundi 13 décembre 2010 à 18h10, par un-e anonyme

        Les « Retort » se réclament de l’antinomisme.
        Pour le rôle important joué par ce courant dans les luttes transatlantiques contre le capitalisme négrier aux XVII et XVIII ème siècles,
        cf. Marcus Rediker & Peter Linebaugh, « L’HYDRE AUX MILLE TETES. L’Histoire cachée de l’Atlantique révolutionnaire », Editions Amsterdam, 2008 pour la traduction française.

  • Répondre à cet article