ARTICLE11
 
 

mercredi 7 octobre 2009

Le Cri du Gonze

posté à 15h01, par Lémi
25 commentaires

La politique de la tête à claques : premières salves historiques & apothéose contemporaine
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Non, ce n’est pas un électron libre surgi de nulle part, un mutant sans racines. Et, n’en déplaise à ceux qui pensent le contraire, ce n’est pas un abruti fini en matière de communication. Si F. Lefèbvre est une telle tête à claques, c’est le fruit d’une mise en scène habile et l’aboutissement logique d’une histoire à rebondissements. Retour sur la construction d’un animal politique hybride.

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On s’échinerait en vain à chercher dans notre belle histoire hexagonale la toute première manifestation de tête-à-claquisme stratégique. Sûrement quelque australopithèque ramenant un peu trop sa gueule après une chasse au mammouth difficile, afin d’être exempté de la prochaine chasse. Ou un quelconque monarque mérovingien engueulant un cousin lors d’un voyage en char à bœuf afin de précipiter un conflit familial souhaité. Nul ne sait exactement. Car, si la tête à claque existe par définition depuis la nuit des temps (« Ecce homo »), sa déclinaison politique, si usitée de nos jours, est longtemps restée un phénomène peu connu, boudé des scientifiques et des communicants politiques. Grave erreur.

Bien sûr, à l’aune de ta propre vision des choses, ami lecteur, la tête à claques pullule forcément dans ton univers : tu ne rêves que de Ségolène bastonnée en place publique, d’Hortefeux et d’Alliot-Marie suppliciés en place de grève, voire de l’ensemble du gouvernement dissout dans un bain d’acide. Pour toi, ces gens-là incarnent peut être ce qui se fait de plus pur en matière de tête à claques (je ne te le cache pas : en ce cas, nous partageons quelques atomes crochus). Une invitation impérieuse à la torgnole vengeresse. Mais ça ne compte pas. Car - aussi étonnant que cela puisse paraitre - ces gens-là ne cherchent pas intentionnellement à susciter ton ire, suffrage universel oblige. Ils te courtisent même, recherchent ton assentiment. Le lion qui t’arrache la carotide en jouant n’est pas animé de mauvaises intentions, simplement maladroit…

De même, il convient de dissocier la tête à claque médiatique, qui jamais ne se confronte au suffrage universel, à celle œuvrant uniquement dans le monde politique. De Zemmour à BHL, le champ médiatique a vu se positionner toute une armée d’huitres inutiles suintant la suffisance et capables de susciter la désapprobation du plus arriéré des consommateurs quotidiens de télé-achat. Si leur prolifération sans précédent marque également un âge d’or du tête-à-claquisme, il ne faut pas oublier que ceux-là, hors exception, ne se destinent pas au champ politique. L’avenir nous réserve surement quelques merveilles à ce sujet (on me murmure en studio qu’un ticket BHL-Ségo est envisagé pour les prochaines présidentielles), mais ne plaçons pas le bébé avant l’eau du bain, la charrue avant les œufs, notre démonstration se veut scientifique plus que prophétique.

Clémenceau en son temps aimait à dire à propos de Georges Mandel, celui qui lui servait de fidèle homme de l’ombre : « Quand je pète, c’est Mandel qui pue. » Comme tout homme politique qui se respecte, Clémenceau s’était construit un paravent humanoïde, une sorte de parapluie bipède déviant admirablement les coups que lui-même aurait dû recevoir. Chirac faisait pareil : en période de tempête, il sortait son Raffarin, guignol éléphantesque et aimant à injures. Parfait pour dévier les invectives hors de son orbite. Mitterrand avait son Fabius, abonné aux mauvais rôles et paratonnerre adapté pour qui enterrait en temps réel l’idéal socialiste. Et Sarkozy, digne fossoyeur de nos restes ténus (microscopiques) de confiance en l’idéal républicain contemporain a quant à lui adapté le nec plus ultra en matière de tête à claque, celui qui partout sur son chemin sème huées et désapprobations : Frederic Rastignasse Lefèbvre. Un must en la matière. L’équivalent contemporain de cette marionnette qui, dans Guignol, parvient toujours à se faire huer des enfants, sa méchanceté intrinsèque formant l’essence même de son personnage.

Au final, si les historiens s’écharpent encore pour déterminer l’origine de ce curieux phénomène politique dont même Machiavel n’avait su percevoir le potentiel, il apparait probable que le tout premier homme à s’être véritablement construit une identité 100% tête à claques et à avoir su en jouer en virtuose est l’horripilant et omniprésent Lefèbvre. Si parfait dans son rôle de roquet hargneux que même Laurent Joffrin s’en offusquait dans un récent éditorial (faut-il qu’il ait exagéré pour incommoder ainsi notre placide champion du ralliement mou). Impossible d’énumérer toutes ses sorties intempestives, ses invitations à la haine. Qu’il appelle à la castration, dénonce le « stalinisme  » de la récente votation citoyenne à La Poste ou déclare que « la dénonciation est un devoir républicain » (trois exemples piochés dans une galaxie très bien fournie), il se positionne toujours, immanquablement, en cible parfaite à tes vociférations. Faire-valoir du prince, il permet par sa noirceur absolue d’oublier celle, moins affichée (en comparaison), de son maitre.

Qui est encore assez naïf pour croire que ce rôle de roquet n’a pas été taillé sur mesure ? Pour penser que ceci relèverait d’une communication mal maitrisée ? Le calcul est pourtant fort simple : plus Lefèbvre est détesté, moqué, plus il consolide sa position (Sachant qu’il y a peu de limites à l’exercice. « La vérité, c’est qu’il y a une quantité incroyable de gouttes qui ne font pas déborder le vase », rappelait Émile Ajar dans le merveilleux Gros Câlin). Les injures qu’on lui destine devraient s’abattre sur d’autres, au premier rang duquel le petit Nagy Bosca. Las ! Elles s’écrasent sur ce paravent multi-fonctions. Ces autres-là lui en savent gré. Peu susceptible de décrocher électoralement les postes adaptés à ses ambitions démesurées, il les obtiendra indirectement. Derrière, toute une bande glapit à ses trousses, désormais convaincue qu’être détesté n’est pas un si mauvais calcul. Besson (tête-à-claques de tout premier ordre) et Hortefeux s’activent, MAM suit la langue pendante, tous surjouent les mauvais rôles, mais ils ne sauraient égaler la virtuosité tête-à-claquière (également parachevée au niveau physique et capillaire par une ganache digne des pires séries B) du grand manitou de la détestation.

Corolaire inévitable à cette démonstration : s’il veut que je le déteste, s’il fait de ma haine son fonds de commerce, alors merdre !, je n’en parlerais plus. Jamais. Croix de bois, croix de fer, si je mens aboule ton commentaire.


COMMENTAIRES

 


  • mercredi 7 octobre 2009 à 16h04, par Sweethug

    Un camarade de bureau - que j’ai corrompu sans trop de peine et par conséquent est lui aussi devenu lecteur d’Article 11 - me fait très justement remarqué que tu as commis l’oubli coupable (si si) d’omettre Xavier Bertrand dans ton panthéon de la tête-à-claque alors qu’assurément il y culmine.
    J’en conviens à des altitudes moins stratosphériques que Lefebvre, mais tout de même bien au-delà de MAM.

    • Serait-ce au bureau que vous commettez ces turpitudes article11iennes ? En ce cas, je vous demande de stopper ce sabotage. On aime pas trop ce genre d’attitude de par chez nous...
      Sinon, j’en conviens sans peine, Xavier Bertrand méritait également une citation à l’ordre de la tête à claque (grand chevalier de la ganache à torgnoles ?). Mais voilà, ils sont tellement, forcément, on en oublie.



  • Quand le sage regarde le bouffon, l’idiot regarde la tête à claques !

    En observant même de loin, la liste impressionnante de toutes les tête à claque potentielles, on peut se demander si un savant fou, émule de Philippe Kindred Dick, n’a pas crée des androïdes « répliquants » dont les caractéristiques principales semblent être le regard absent et la totale vacuité du verbe.



  • Il me semble que le tête-à-claquisme soit apparu avec le triomphe de la radio et la télévision. Sans ces médias, la tête à claques moderne ne pourrait exister et proliférer.
    En effet, sans Apostrophe, pas d’apparition de BHL et Gluksman, qui auraient entamé une carrière pépère de cobaye à salon de coiffure.
    Pour être plus précis, la tête à claque à besoin de son équivalent journalistique, le braillard prétentieux : Demorand, Guillaume Durand, Yves Calvi, Pierre Weil, Ali Badou... tous ces histrions teneurs de micros qui se croient cultivés parce qu’ils ont lu la tribune du jour du quotidien vespéral des marchés.

    Dans une culture écrite, la tête à claque ne peut que difficilement exister.



  • mercredi 7 octobre 2009 à 18h11, par Alexandria

    « Ces autres-là lui en sont gré. » Non, camarade... permet-moi de te signaler que l’expression est « savoir gré à quelqu’un ». Il faudrait écrire : « ces autres-là lui en savent gré ».

    C’était ma séquence « tête à claques »...



  • mercredi 7 octobre 2009 à 21h25, par DJM de Cambrai

    J’en ai ma claque de tous ces malotrus, ces guignols à talonnettes, et autres claqués du cerveau.

    (...)Une bonne paire de claques dans la gueule

    Un bon coup d’savate dans les fesses

    Un marron sur les mandibules(...)

    F Levrette : Boris VIAN, tu connais ?

    Le monde croyez moi n’est je vous l’assure qu’une immense entreprise à se foutre du monde.

    Louis- Ferdinand CELINE, Voyage au bout de la nuit, p.68, Folio n°28



  • Il faut bien leur reconnaître ce talent, en plus de foutre le bordel partout où ils passent, d’avoir pu mettre en scène toute une flopée de têtes à claques. Mais des vraies. Celles que l’on a envie de claquer parce qu’elles sont proprement insupportables. C’est vraiment la première fois, que ça m’arrive avec des politiques. Il y a eu par le passé aussi des gens avec lesquels je n’étais pas d’accord, mais jamais je n’ai eu envie de giffler Juppé, De Robien, ou même Allègre. Jamais ressenti de picotements comme chaque fois que je vois ou entend Lefebvre, Copé, Bertrand ... ou eu envie de casser ma télé comme quand je vois et écoute Lagarde...

    Et je ne parle pas du chef suprême !

    Je crois que là ils ont dû réussir un truc ...



  • on les nique quand ? c’est long ...



  • Bon, disons les choses simplement : Frédéric Lefebvre est un personnage de BD. Quand on lit, un Tintin ou un Blake et Mortimer, il y a toujours un méchant pour mettre en valeur les héros. Il a une dégaine répugnante (nez busqué, goût vestimentaire de chiotte, forte pilosité, cigare ou fume cigarette au bec, tendance à l’embompoint) alors que le héros est impeccable (blond ou un peu roux, non fumeur, svelte, toujours imberbe même après trois jours sans rasoir). Posons donc les faits simplement ; Frédéric Lefebvre serait l’équivalent de Rastapopoulos, du docteur Müller, de Gargamel, d’Olrik, de Zorglub et d’Axel Borg réunis. Soit. Et qui y a-t-il en face ? Le bon assureur Xavier Bertrand pour dire que tout cela n’est pas si grave et que l’on va réparer tous les dégâts. Le tout dans le style doucereux et mielleux, à moitié complice et confident des victimes, qu’on lui connaît quand il tutois sans aucune permission. Deux visages d’une même réalité. Bertrand est rond, rondouillard et apparemment bon vivant, ce qui fait qu’on peut lui faire confiance. Lefebvre assure du pire dès qu’il y a un fait divers ou une augmentation à venir. Bertrand vient dire alors que rien n’a été décidé. Et on fait passer le moins pire qui est quand même plus pire que ce qui existait. Le numéro des duettistes est parfaitement rodé. On a le méchant et puis le gentil, comme dans les films burlesques. Les autres acteurs n’existent pas.

    Voir en ligne : http://champignac.hautetfort.com

    • jeudi 8 octobre 2009 à 17h36, par pièce détachée

      Atrocement bien vu, Dominique.

      • Je dirais même plus, atrocement bien vu Dominique. D’ailleurs, je crois que j’ai oublié de mentionner ce personnage à qui je voulais en premier lieu le comparer, Lefuneste, le voisin d’Achille Talon. Sauf que, si Lefuneste est moche et déplaisant, il finit par composer un personnage tout à fait attachant, je ne pense pas que ce genre de phénomène puisse se passer avec Lefebvre...
        En tout cas, il est clair que les rôles sont répartis, un peu comme dans un interrogatoire (y’a le bon et le méchant) ou même dans le catch. Sauf que là, en plus, les acteurs en font vraiment trop...

        • Têtes à claques, ça peut se dire aussi « salauds. » Et en continuité avec tout ce qui précède, je vous mets les paroles (je n’ai pas pu trouver de version chantée sur internet) de la chanson du même nom de Sarcloret, dit Sarclo.

          Comment s’en prendre à une ordure
          Qu’est déjà plus dans votre vie ?
          Bien après les dernières injures
          Quand on a des nouveaux ennemis
          Faut aller chercher des raclures
          De vieux ressentiments pourris
          Et les lui foutre à la figure
          C’est pas vraiment joli joli

          Battez les salauds pendant qu’ils sont chauds
          Pour gueuler, c’est jamais trop tôt

          Je n’aime pas trop la guillotine
          C’est un bon coup du père François
          De l’avoir mise dans la naphtaline
          Elle servait jamais qu’aux bourgeois
          Aux contemporains qui m’emmerdent
          Je promets souvent par devers moi
          Les orties ou la mauvaise herbe
          La Suisse allemande pendant trois mois

          Battez les salauds pendant qu’ils sont chauds
          Pour gueuler, c’est jamais trop tôt

          Mais si mes beaux rêves me soulagent
          Ils sont très innocents quand même
          Ma rancoeur fond dans le carnage
          Mais l’empoisonneur est indemne
          Et demain, la truffe aussi fraîche
          Il fera chier le contribuable
          Que voulez-vous donc qui l’empêche
          De faire ses trucs abominables ?

          Battez les salauds pendant qu’ils sont chauds
          Pour gueuler, c’est jamais trop tôt

          Vous les poux de la pire espèce
          Qui voudrez me gâcher la vie
          Mes colères à l’emporte-pièce
          Comptez plus que je les oublie
          Je vous les ferai bouffer dare-dare
          Et ça sera meilleur pour mon foie
          Trois claques ou mon pied quelque part
          Nous voilà partis pour la joie

          Ah ! Les salauds, faut les prendre à chaud
          Faut les arranger comme il faut
          Battez les salauds pendant qu’ils sont chauds
          Pour gueuler, c’est jamais trop tôt

          Quant aux très vieux cons décatis
          Qui m’ont pompé quand j’étais môme
          Que je rêve encore seul dans mon lit
          Que je loupe tous leurs putains de diplômes
          Les soirs où j’en croise dans la rue
          Ça me fait même plus changer de trottoir
          Je leur dis tout bien que c’est des tordus
          Que je les veux plus dans mes cauchemars

          Ah ! Les salauds, faut les prendre à chaud
          Faut les arranger comme il faut
          Battez les salauds pendant qu’ils sont chauds
          Pour cogner, c’est jamais trop tôt !



  • Je suis (un peu) scandalisé par l’anachronisme flagrant trouvé dans cet article : « Quelque australopithèque ramenant un peu trop sa gueule après une chasse au mammouth difficile ».

    Autant dire « Quelque homme de Cro-Magnon ramenant un peu trop sa fraise après une chasse au tyrannosaure difficile » !

    En tant que membre de l’Association des Amis des Australopithèques" (www.aaa.org), je tiens à rectifier ce déni de la réalité (pré-)historique en rappelant que nos amis les Australopithèques vivaient dans un environnement tropical (voire subtropical) tandis que ce cher mammouth, à quelques milliers de kilomètres de là, préférait se rouler avec ses congénères dans les herbes hautes des vastes prairies eurasiatiques.

    Il conviendrait de rendre honneur à nos vénérables grands cousins en corrigeant votre erreur. Merci à eux...

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