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dimanche 3 août 2008

Littérature

posté à 12h19, par Herr Grimaud
4 commentaires

René Fallet : La Soupe aux choux ou la fierté d’être Français.
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Titre provocateur. Pourquoi ? Parce qu’en général, ma fierté d’être Français c’est peau de balle… Alors, pour une fois que j’ai pas envie de chier sur le drapeau tricolore, j’en fais profiter mes congénères. Et aussi parce que René Fallet, l’auteur de La Soupe aux choux est un provocateur. D’ailleurs, celui qui, en lisant le livre ou en regardant le film (adaptation très fidèle), s’arrête sur la sarabande pétomane et y reste collé est un cuistre.

Je m’explique par un exemple : Rabelais était un picoleur bon vivant, et si ses livres ont mal vieilli (faut pas se voiler la face, c’est chiant à lire), ce qu’ils contiennent est le rôt de la culture classique, un élément vital et salvateur. Je ferai l’affront de rappeler que Rabelais était farouchement pacifiste, bon vivant et non moralisateur, et qu’il a été longtemps dénigré par les snobs et autres gibiers de potence.

Et bien le Fallet, c’est kif-kif, sauf que c’est du vingtième siècle et que les orgasmes se succèdent au fil des pages. Comme Rabelais, Fallet assassine la littérature dans son fond et sa forme. N’oublions jamais que l’art est transgression.

Quand même, je vais pas brasser que du vent : René Fallet a partagé ses romans en deux veines : la veine whisky et la veine beaujolais. La veine whisky, y en a pas beaucoup, c’est du larmoyant, du romantique, ça m’emmerde, alors je vais pas m’étendre dessus. Et c’est pas révolutionnaire et visionnaire comme la veine Beaujolais. Qu’il suffise de regarder un peu entre les lignes, d’arrêter de rire pour s’émerveiller de la profondeur du propos. Ceux que ça ne fait pas rire peuvent aller se faire enfiler par Bernard Henry-Lévy, soit dit en passant.

Pour en revenir à notre propos, qu’est-ce que c’est que la soupe aux choux ? Premier épisode : c’est deux vieux pourraves qui picolent en se foutant du reste du monde. Deuxième partie : je passe sur la résurrection de la donzelle (dans le film, l’épisode est tout bonnement lamentable) qui soulève avec pertinence les conflits de génération. Troisième épisode : rencontre avec le martien, plaf-plaf, éloge de la soupe aux choux, de la cuisine du terroir et du picrate. Quatrième partie : les vieux sont enfermés dans un zoo où les jeunes leur lancent des cacahouètes, une animation parmi d’autres dans le nouveau parc d’attraction. Heureusement, leur pote le martien vient les emmener aux pays des monstres gentils qui vivent éternellement.

D’accord je vous entend me dire, et ? Bah, c’est pas compliqué, la critique de la société qui broie ses anciens et construit du loisirs dégueulasse et aseptisé. Les petits vieux soudés à leur terre comme des moules à un rocher, qui défendent leur bonheur et leur vin rouge. Et pour une fois, c’est pas du Giono, du romantique, ou comme le disait son berger en substance (Giono a eu un troupeau et donc un berger qui, sauf erreur, est toujours vivant), c’est très beau mais c’est de la campagne pour citadin. D’ailleurs, faut pas se leurrer, les paysans qui ont lu Giono, ça se comptait sur les doigts de la main ou alors ils venaient de la ville.

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Tout ce que je demande, moi, c’est qu’on arrête de mépriser impunément la plus belle plume du vingtième siècle français, que ses dialogues c’est de l’or en barre, son langage fleuri c’est du Céline sans l’aigreur, du concentré de joie de vivre. Pour ceux qui sont trop pétris de préjugés envers La soupe aux choux, je recommande particulièrement Le Braconnier de Dieu et Le Beaujolais Nouveau est arrivé, dans l’ordre, de préférence. La profondeur des projections écologiques dans le deuxième, la force du rêve et de l’utopie dans le premier (Le Royaume du pinard descend enfin sur terre) ainsi qu’une critique de cette bonne vieille pute de religion. C’est un condensé de Nostradamus aviné. Ça date pas et c’est gouleyant, c’est rare un livre d’un auteur français où on se pète les zygomatiques, un livre qui ne se lâche pas… Fallet parle bien de la ville dans sa veine Beaujolais, mais c’est parfois moins réjouissant (ça ne vaut pas Zazie dans le métro de Queneau qui, cette fois, n’a rien à voir avec le film). Sinon, Paris au mois d’août est à mon avis à éviter, non pas parce qu’il a gagné le prix Interrallié mais parce qu’il ne possède pas le feu mystique.

Pour la politique j’en rajoute un peu, mais en le lisant j’ai entendu le sifflotement de la résistance anonyme et le silence du pavé qui vole. Et puis, ça parle de soi même comme une grosse saucisse braisée au milieu d’un plat macrobiotique. Vivre ou se faire chier.

Avis aux amateurs de littérature américaine qui ne lisent que les versions traduites, y a du bon dans la langue de Fallet.

Quant à ceux qui attendraient une notice biographique, ils n’auront qu’à aller sur Wikipedia. Les chinois ont fait de la littérature pendant des siècles sans que les auteurs ne signent leurs ouvrages. Moi, ça me va bien, c’est pas parce qu’un gars a la classe qu’il écrit pas de la merde. Et vice-versa. J’ai volontairement refusé de me documenter sur sa vie, mais je sais qu’il a aussi écrit beaucoup d’articles. Je dirais juste, peut-être, que sa période d’écriture se situe entre 1950 et 1980. A la louche, je fais pas dans le détail.

A la mémoire de feu Léonie Charton, sa plus grande fan. Pour la petite histoire, cette dernière, pendant l’agonie de son mari, mangeait une saucisse et, sous le regard réprobateur de la famille du moribond, elle a dit : « Bah, quoi ?! J’vas pas me laisser crever, non plus… »


COMMENTAIRES

 


  • dimanche 3 août 2008 à 18h33, par nanou

    RENE FALLET UN ECRIVAIN JAMAIS INEGALE DANS LA CRITIQUE ET QUELLE ECRITURE (je me souviens quand je lisais dans le métro et que j’éxlatais de rire à huit heure du matin entourée de gens avec la tete dans le cul, glauques.........et j’en passe et je leur répondais insolente : eh ! oui, je vais bosser mais je me prends une petite rigolade pour la route !!!!!!!il faut quand meme se souvenir que notre ami Fallet dans sa vie privée etait bien entouré l’ami BRASSENS, tout à la fois humaniste et bon vivant de l’anarchiste LEO FERRE, et du GRAND JACQUES BREL !et j’en passe..........

    Voir en ligne : SACRE FALLET !!!!!!!!



  • Cela fait chaud au cœur de penser que R.Fallet n’est pas mort pour tout le monde.

    Il y a un peu plus de 30 ans que le braconnier de Dieu trône dans mes favoris et a fait rire et et amuse encore ceux à qui je le prête.....
    Quant à moi, il m’arrive encore de le reprendre lorsque j’ai le cafard !
    Je suis fière de l’avoir fait « découvrir » à la présidente de la petite bibliothèque où je suis bénévole.

    • lundi 4 août 2008 à 17h12, par JBB

      A vous trois, Adri, Nanou et Gitana, vous m’avez filé l’envie de découvrir l’auteur de La Soupe aux choux… Je n’aurais pas cru…



  • jeudi 25 septembre 2008 à 10h17, par herr grimaud

    Chèr(e)s ami(es),

    J’avais pas vu que des gens avaient posté des commentaires sur ce billet. je suis ravi de voir qu’il y a des gens qui connaissent Fallet.
    Ce monde peut se révéler plein de savoureuses surprises

    Soyez béni

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