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lundi 21 septembre 2009

Le Charançon Libéré

posté à 14h24, par JBB
28 commentaires

Repenti, pas renégat : l’étonnant destin d’Hans-Joachim Klein, ancien militant de la lutte armée
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Au sein de la lutte armée des années 70, il n’est guère d’itinéraires heureux : la mort ou la prison au bout du chemin. Quelques exceptions, toutefois, dont le parcours d’Hans-Joachim Klein. Après avoir participé à la prise d’otage des ministres de l’OPEP en 1975, ce militant des Cellules Révolutionnaires a rompu avec la lutte armée. Mieux : il en a fait un livre. Ni parjure, ni trahison : lucide.

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Il est différents types de renégats. L’ouvrage de Guy Hocquenghem, Lettre ouverte à ceux qui sont passés du col Mao au Rotary - dont je te parlais pas plus tard que vendredi - liste ces gens qui, dans les années 1970 et 80, ont posé un lourd mouchoir sur leurs engagements et belles paroles dès qu’ils ont eu l’occasion de récolter les fruits de leur prétendu activisme. Mais il est aussi, heureusement, d’honnêtes retourneurs de veste. Qui rejettent les erreurs de leur passé sans renier leur parcours. Font preuve de la même intégrité, qu’il s’agisse d’aller au bout de leurs convictions ou de dresser le froid diagnostique de leur itinéraire. Des renégats qui - justement - ne méritent pas ce terme. Hans-Joachim Klein, ancien activiste de la lutte armée, membre assez important de la guérilla allemande pour avoir participé à la prise d’otage des ministres de l’OPEP en 1975 - sous les ordres d’Illich Ramirez Sanchez dit « Carlos » - , est de ceux-là. Lucide, courageux et respectable. Plutôt classe, quoi.

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Que je te dise : je viens de me fader le bouquin d’Hans-Joachim Klein, La mort mercenaire, témoignage d’un ancien terroriste ouest-allemand3, et ce n’était pas de la tarte. Si le bonhomme était expert dans le maniement des armes, très doué pour démonter et remonter une kalachnikov en quelques minutes et les yeux bandés, on ne peut pas dire qu’il ait fait preuve de la même dextérité dans l’usage des mots. Oh que non ! Son ouvrage, marqué de la peur et du secret, débuté alors que l’auteur - pressé de revenir à « la vie civile » - était encore impliqué dans la machine terroriste, et terminé dans une planque quelconque, est mal torché et mal construit, mené sans queue ni tête et dans un style déplorable. Paradoxalement, ça ne lui donne que plus de valeur : derrière les maladresses, la sincérité ; sous la pesanteur stylistique, la certitude de l’absence de manipulations. Pour être clair : impossible que quelque service secret - soucieux de discréditer la lutte armée, ainsi que l’ont prétendu les anciens camarades de Klein - ait prêté la main à l’écriture d’une telle bouse. Klein en est l’auteur, et il ne ment pas ; on ne dissimule rien quand on écrit aussi mal.

Une radicalisation expresse

Je me rends compte - sans doute influencé par la construction de ce livre que je viens de terminer - que je ne suis guère plus clair qu’Hans-Joachim Klein. Reprenons. En La mort mercenaire, l’auteur conte son parcours, celui d’un jeune homme venu à la politique au tout début des années 1970, militant généreux et radical qui - trop vite monté en graine - passe rapidement de la conscientisation à l’engagement, de l’engagement à la violence, de la violence à la lutte armée. Au fil des rencontres, au gré d’un apprentissage politique trop rapide, l’ouvrier à peine adulte - né d’un père se réclamant nazi et d’une mère suicidée en 1949 - flirte avec l’anarchisme, le maoïsme, le communisme. Découvre les belles idées, la solidarité, les lendemains qui chantent. Plonge dans toutes les luttes qui agitent sa ville, Francfort, alors véritable bouillon de culture des alternatives. Passe par l’antimilitarisme, la lutte contre la rénovation urbaine, l’engagement contre la guerre du Vietnam. Se bat - pour de vrai et sans mégotter ses coups de poing - pour casser du flic et défendre les squatters, les étudiants , les utopistes. Et se radicalise peu à peu, bientôt convaincu qu’il n’est guère d’autre solution que de prendre les armes pour hâter l’avènement du Grand Soir et rétablir un brin de justice dans la société.

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Avis de recherche des membres de la RAF.

Comme beaucoup d’autres, à l’époque, il est aussi profondément marqué des indicibles conditions de détention qui sont réservées à la première vague de militants de la Rote Armee Fraktion (RAF, aussi nommée - à tort - Bande à Baader), presque tous embastillés en juin 1972 après une série d’attentats les semaines précédentes (dont deux attentats contre les forces américaines en Allemagne et un autre contre l’honni groupe Springer). Andreas Baader, Holger Meins, Jan-Carl Raspe, Ulrike Meinhof, Brigitte Mohnhaupt et Gudrun Ensslin sont - entre autres - regroupés dans le quartier de haute sécurité de la prison de Stuttgart-Stammheim et y endurent un traitement qui ne mérite pas d’autre nom que celui de torture. Dans l’isolement le plus absolu, privés de tout repère sensoriel autant que des plus élémentaires droits juridiques, les militants de la RAF vivent un enfer4. La mort de l’un d’entre eux, Holger Meins, après plusieurs semaines de grève de la faim, cadavre d’une maigreur extrême qui finit par agoniser dans un état de décrépitude rappelant - pour une génération allemande particulièrement sensible au passé (et aux crimes) de leurs parents - celui des internés des camps ne fait qu’accentuer la radicalité d’une partie des membres de l’extrême-gauche5. À commencer par certains militants de Secours Rouge, organisation qui soutient les tenants emprisonnés de la lutte armée et dénonce leurs conditions de détention.

Hans-Joachim klein est de ceux-là. Très investi au sein de Secours Rouge à compter de 1974, il vit la mort de Meins comme un déclencheur. Ce qu’il écrit, d’ailleurs, quelques années plus tard :

La mort d’Holger Meins fut le point décisif pour dire adieu à la politique légale, la politique de l’impuissance et de la stérilité (…). S’il me fallait encore une pichenette pour non seulement prôner la lutte armée, mais aussi m’y engager moi-même : Holger Meins fut cette pichenette. Avec sa mort, l’impuissante détresse face à cet état monta tellement en moi qu’elle déborda. J’en avais fini avec la politique légale et j’étais prêt pour la lutte. Cette fois, pour de bon.

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Le temps des désillusions

C’est au sein des Cellules Révolutionnaires (RZ), créées un an auparavant - peu ou prou au même moment que le Mouvement du 2 juin, troisième des organisations de lutte armée actives dans l’Allemagne des années 70 - , qu’Hans-Joachim Klein s’investit en 1974. Le crédo du groupe ? Comme la RAF ou le Mouvement du 2 juin, la lutte armée. Avec cette spécificité que les RZ n’exigent pas que leurs militants plongent dans la clandestinité6, mais prônent au contraire une relative proximité avec la gauche légale et avec les combats locaux (mouvement des squatts, par exemple). Note que ça ne les empêchera pas de participer à des actions à caractère international aux côtés de militants palestiniens, avec notamment la prise d’otage des ministres de l’OPEP.

Justement : cette prise d’otage, Hans-Joachim en est. Il débute au sein des Cellules Révolutionnaires en rendant de menus services, puis s’est peu à peu impliqué davantage. Croisant - un jour à Paris - le chemin d’Illich Ramirez Sanchez, avant de rencontrer quelques semaines plus tard plusieurs responsables de mouvements de résistance palestiniens. C’est là qu’il bascule définitivement, acceptant de participer à une action organisée conjointement par les Cellules Révolutionnaires et par le Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP, le bras armé de l’OLP). Et non des moindres : il s’agit de prendre en otage les ministres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) réunis à Vienne en décembre 1975, puis de s’enfuir en avion avec eux ; l’objectif affiché est de mettre un coup de projecteur sur le combat palestinien, de rappeler les pays arabes à leurs obligations en la matière et d’en profiter pour exécuter deux des ministres pétroliers, Jamani (Arabie Saoudite) et Amouzegar (Iran), jugés particulièrement salopards.

Problème, Hans-Joachim se fait promener dans les grandes largeurs. Par ses camarades des RZ, d’abord, qui ne lui expliquent pas clairement que l’opération - sponsorisée par Kadhafi - a pour principal objectif, avant toute considération politique, d’obtenir argent et armement pour l’organisation ; par Carlos surtout, décidé à échanger tous les ministres otages contre de l’argent et à faire main-basse sur la rançon7, ce qui lui vaudra d’ailleurs d’être exclu juste après des rangs du FPLP. Bref : Klein croit se battre pour une cause, il n’est qu’un pion manipulé. Un mercenaire idiot, en fait.

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Hans-Joachim Klein est blessé lors de la prise d’otage. Un temps soigné à l’extérieur du bâtiment, il rejoint ensuite à nouveau le commando.

Reprenons. À Vienne, Hans-Joachim tient son rang, au sein d’un commando de six hommes. Se prend une bastos dans le buffet lors de la prise d’otage8. Et entame - une fois l’opération « réussie » et au terme d’un périple aérien qui verra les 42 otages relâchés sains et saufs - une longue convalescence dans des pays arabes amis (Algérie, Libye et Irak), promené de camps d’entraînement en camps d’entraînement, reçu en grande pompe et célébré comme un héros. Un statut qui, au fur et à mesure qu’il découvre les véritables objectifs de la prise d’otage à laquelle il a participé, alors qu’il prend conscience du cynisme de ses « camarades » et de leur antisémitisme9, le dégoûte peu à peu. Il n’a alors plus qu’une obsession : abandonner la lutte armée. Après avoir réussi à regagner l’Europe grâce à un stratagème, il reçoit l’appui de militants allemands de la gauche légale, qui le cacheront et le soutiendront.

Un livre comme une exhortation à éviter les mêmes erreurs

C’est alors que l’itinéraire de Hans-Joachim Klein prend tout son sens. L’homme aurait pu se contenter de se cacher. Tenter de se faire insignifiant, escomptant être oublié de ses anciens « camarades » comme des flics. Non : il l’ouvre, grand. Rompt publiquement avec les Cellules Révolutionnaires en envoyant son flingue au Spiegel, en même temps qu’il fait échouer un projet d’attentat contre deux responsables de la société civile allemande qui n’ont pour seul tort que d’être juifs. Dans deux interviews, au Spiegel et à Libération, il dénonce la vénalité de Carlos, la folie meurtrière de ses compagnons et raconte sa dérive personnelle. Et pour bien faire les choses, publie aussi sec le bouquin qu’il a commencé à rédiger - dans l’urgence - alors qu’il était encore membre des RZ10, adresse aux militants d’extrême-gauche, chaleureuse invitation à ne pas commettre les mêmes erreurs que lui.

Je te vois venir : non, Hans-Joachim n’a pas trahi. Dans ses interviews comme dans le livre, il veille à ne rien révéler qui pourrait mettre en danger ou compromettre ses anciens camarades (ce qui ne rend pas plus facile la lecture et la compréhension du bouquin…). Il ne dénonce personne, sinon la bêtise et la violence aveugle. Il ne cherche pas - non plus - à s’exonérer de ses responsabilités ou à amoindrir sa participation à la guérilla dans l’espoir de la clémence future de la justice ou de la police. Il raconte, simplement. Met maladroitement des mots sur son itinéraire. Et décrit - plus largement - comment la soif d’absolu, le goût de l’action (il était fasciné par les armes) et une insuffisante réflexion politique (c’est - du moins - ainsi qu’il présente les choses) l’ont conduit à mener un mauvais combat. Un parcours emblématique de celui d’un petite poignée de militants de sa génération.

L’épilogue ? C’est rigolo : en 1977, Hans-Joachim Klein s’installe en secret en France, d’abord à Lille puis dans le petit village de Sainte-Honorine-la-Guillaume, en Normandie. Il s’y fait un trou (normand), vivant de peu et se liant avec les habitants. Lesquels le soutiennent11 quand, en 1998, les gendarmes français lui mettent la main dessus et que le gouvernement Jospin, pas à une trahison près, l’extrade en Allemagne. Condamné en 2001 à neuf ans de prison, libéré en 2003 (après cinq ans de cachot), Klein retrouve son village normand. Il y vit toujours.



1 J’ai décidé - unilatéralement, bien entendu - de lancer un cycle sur le thème « Violence et activisme ». Que si ça t’intéresse, c’est cool, et tu peux même lire ou relire le premier acte, autour du livre de Carlos Marighella, le Manuel du guérilléro urbain. Que si ce n’est pas le cas, ben, je ne sais pas trop quoi te dire ; à demain ?

2 Désolé pour la piètre qualité de l’illustration : je n’en ai pas trouvée d’autre.

3 Publié au Seuil en 1980 et pas réédité depuis. Si le sujet t’intéresse, tu pourras te procurer le livre sans trop de difficultés sur le net.

4 C’est un constat : les militants de la RAF ont été soumis à ce qu’on appelle « torture par privation sensorielle ». Pour en témoigner, cet extrait d’une lettre d’Ulrike Meinhof à son avocat (citée par Anne Steiner et Loïc Debray dans RAF, Guérilla urbaine en Europe occidentale) :

« Le sentiment que ta tête explose, le sentiment qu’en fait la boîte crânienne va se casser, exploser. Le sentiment que ton cerveau se ratatine comme un pruneau. (…) Tu ne peux pas savoir pourquoi tu trembles : de fièvre ou de froid. Tu ne peux pas savoir pourquoi tu trembles : tu gèles. Pour parler à vois normale, il faut des efforts comme pour parler très fort, il faut presque gueuler. Le sentiment de devenir muet. Tu ne peux plus identifier le sens des mots - tu ne peux que deviner - l’usage des sifflantes : s, ss, tz, sch, est absolument insupportable. On ne peut plus contrôler la syntaxe, la grammaire. Quand tu écris deux lignes, à la fin de la deuxième ligne, tu ne peux pas te rappeler le début de la première. (…) Une agressivité démente, pour laquelle il n’y a pas de soupape. C’est le plus grave, la conscience claire qu’on n’a aucune chance de survivre, l’échec total, pour faire passer cela, le faire comprendre aux autres. (…) »

5 La photo du cadavre d’Holger Meins est si dégueulasse que je n’ai voulu la placer en illustration. Tu la trouveras notamment ICI.

6 Ce qui explique sans doute que l’État allemand éprouvera les plus grandes difficultés à mettre la main sur les militants des Cellules Révolutionnaires, dont certains seront actifs jusqu’en 1995. Un premier procès d’une partie des militants du groupe s’est tenu en 2001.

7 Si tu as du temps à perdre, tu peux toujours lire le témoignage que Carlos, désormais grande idole d’une partie de l’extrême-droite, a donné au plus que tendancieux site Voltaire. En celui-ci, comme à son habitude, il ment effrontément et se donne le beau rôle. Je serais toi, je ne croirais pas un mot de ce que ce salopard raconte et je rigolerais largement des manipulations imbéciles de Thierry Meyssan, lequel présente un antisémite sanguinaire et opportuniste comme un « résistant ».

8 Trois personnes ont trouvé la mort ce 21 décembre 1975.

9 La prise d’otage d’Entebben, un an plus tard, verra ainsi des membres des Cellules Révolutionnaires faire le tri parmi les passagers d’un avion d’Air France détourné, relâchant les otages à l’exception des juifs…

10 Titre originel : Von Einem der auszog und das Fürchten lernte oder Menschlichkeit, was ist das eigentlich ; dafür kämpften wir doch auch.

11 Le Comité des fêtes de Saint-Honorine lui adresse ainsi un chèque de 5 000 franc après son arrestation, ainsi que le raconte un billet publié surLe Nouvel Obs..


COMMENTAIRES

 


  • Excuse-moi de te dire ça,mais une Kalachnikov ça se monte et se démonte en quelques dizaines de secondes,et non pas minutes.
    Marighella ne serait pas content..

    De plus,difficile de parler de vrai repenti dans le cas de Klein : il n’a fait qu’une opération et a tout de suite raccroché.
    Dans les milieux allemands on le surnommait « le Petit » (Klein donc).Pour ces raisons je le trouve peu représentatif de la RAF.

    Son idéalisme l’honore peut-être,mais sans argent,l’aventure ça va pas loin.

    question : tu crois que Cuba a tenu pendant 50 ans en vendant des havanes ?..

    • Ce n’était pas un militant de la RAF ...

      Cela dit je reste aussi très septique vis à vis de ce bonhomme . Il me semble qu’il soit plutôt l’idiot utile ( à nouveau ?) qui sert surtout à décrédibiliser tout mouvement grace à l’incontournable assimilation à l’antisémitisme .

      Lui est libre, que sont devenu les autres ?

      • Oui,RZ,tu aurais pu corriger pour les autres au lieu de faire la fine bouche.

      • @ vincent : pour la kalach, je ne te cache pas que mes connaissances pratiques ne vont pas - et de loin - jusque-là. Marighella me pardonnera.

        Pour le côté représentatif de Hans-Joachim, ce n’est pas tant le nombre de ses actions qui m’intéresse (même s’il a quand même planqué deux semaines à Londres devant l’ambassade des Emirats arabes unis avec des activistes palestiniens dans le but d’enlever l’ambassadeur et a participé à une des plus grosses prises d’otage de la fin du XXe siècle, avant de passer près d’un an dans les camps d’entraînements palestiniens et de fréquenter certains des dirigeants du FPLP ; c’est pas vraiment ce que j’appellerais un second couteau…), ce n’est pas tant le nombre des actions, disais-je, que son parcours qui m’intéresse : d’un engagement « classique » à l’extrême-gauche vers le Secours Rouge, du Secours Rouge à la lutte armée, c’est assez représentatif de l’évolution d’un certains nombre de ses « camarades » (notamment de la deuxième vague de la RAF).

        « tu crois que Cuba a tenu pendant 50 ans en vendant des havanes ? »

        Clair que non. Mais Cuba représente pas vraiment l’idéal de la révolution pour moi. Je préfère les révoltés intègres aux pragmatiques qui se fichent de l’humain.

        @ « décrédibiliser tout mouvement grace à l’incontournable assimilation à l’antisémitisme . »

        Ça, les membres des Cellules révolutionnaires l’ont très bien fait tout seul, sans Klein (qui n’aborde d’ailleurs la question que par la bande, dans le bouquin). Entre Carlos et le certaines des positions du FLPL, une partie des membres des CR sont complètement partis en couilles sur la question, choisissant leurs cibles éventuelles en fonction de leur religion.

        « Lui est libre, que sont devenu les autres ? »

        Comme mentionné dans le billet, le premier procès à avoir touché des membres des CR s’est tenu en Allemagne en 2001. Pour les peines respectives, je confesse mon ignorance. Je sais que Klein avait balancé quelques noms en 1998, lors de son arrestation, puis qu’il est revenu dessus lors du procès en prétendant ne plus se rappeler précisément de qui faisait quoi. Carlos, lui, était beaucoup plus disert (en prétendant notamment que des armes et explosifs - qui auraient pu être utilisés lors de la prise d’otage de 1975 - avaient été cachés dans l’immeuble d’un groupe gauchiste mené par Cohn-Bendit et Joschka Fischer (lesquels ont nié, comme de juste), mais il n’est qu’une confiance plus que limitée à apporter à ce que peut déclarer ce mec.

        • @JDD : « Je préfère les révoltés intègres aux pragmatiques qui se fichent de l’humain. »

          Moi aussi je préfère ceux-là,d’autant plus qu’ils se font toujours avoir,ce qui les rend encore plus sympathiques.Ceux qui sont « arrivés » au pouvoir,au XX-ème siècle,étaient d’une autre trempe,c’est cela que je soulignais,et sans faire l’apologie de Cuba.Et je minimise pas les actions ou le courage dont Klein a pu faire preuve,entendons-nous bien,seulement il a vite bifurqué et commencé son bouquin de l’intérieur déjà.
          Mais ton article,c’est vrai,se concentre sur « l’itinéraire » du type : comment a-t-il pu faire certains choix à certains moments.Cette optique est celle d’un humaniste,merci à toi.

          (Pour la Kalach,si tu rencontres des gens de l’ex-Bloc de l’Est de 40 ans et plus,ils t’expliqueront qu’on leur a tous appris à l’école le maniement de l’AK47,montage/démontage etc..rien de plus, je ne joue pas au barbouze,je trouve ça ridicule.)



  • ces gens qui, dans les années 1970 et 80, ont posé un lourd mouchoir sur leurs engagements et belles paroles

    dans leur cas je parlerai plutôt de torchon.

    je ne suis guère plus clair qu’Hans-Joachim Klein.

    Pas si sûr ! tu m’as donné l’envie de lire le bouquin. Le parcours de ce gars est, sinon exemplaire, tout au moins digne de respect et le beau geste du comité des fêtes de son village en est bien une preuve.



  • A lire aussi... le bouquin sur les Rote Zora : http://encatiminirotezora.wordpress.com/



  • Certains auteurs vont être rassurés par ce que tu dis : un bouquin peut être chiant et passionnant à la fois. (Je pense par exemple à ce pauvre Frédéric Lefebvre qui se lance dans l’écriture...)

    Et puis, je voudrais, au nom de l’amicale des blogueurs normands, dont je suis l’unique membre, te remercier du bel hommage que tu rends à notre hospitalité identitaire.

    (A part ça, je ne connaissais pas ce récit, et évidemment tu me donnes envie de le lire.)

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

    • « te remercier du bel hommage que tu rends à notre hospitalité identitaire »

      Eheh… Depuis que je te connais, je sais combien il faut parler de la Normandie avec sérieux et respect. Et j’ai été enchanté de constater que Klein faisait de même, puisqu’il a carrément déposé ses valises là-bas (décidément, il n’a peur de rien…)

      • Oui, merci, JBB, de nous avoir rafraîchi la mémoire, chose utile en cette époque de « temps réel » et de zapping frénétique. Car les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut craindre que ne se reproduisent de tels événements, avec les seules modifications « culturelles » apportées par le temps qui passe.
        Le capitalisme est toujours aussi chouette, le prolétariat toujours aussi révolutionnaire et les perspectives d’émancipation humaine toujours aussi proches. Alors l’envie d’en finir avec les interminables parlottes, les processions République-Bastille et autres corvées militantes peut finir par conduire un certain nombre de jeunes (et de moins jeunes !) à saisir la kalachnikov, à ventiler les grenades, à redresser le sourire d’Hortefeux. Logique. Compréhensible. Excusable. Secrètement ou à voix haute, on ne pourrait que se sentir solidaires de ceux qui auraient franchi le pas.
        Et pourtant... quelle impasse ! Tu as justement souligné le sort tragique de tous ceux qui s’y sont risqués. Qui s’y sont risqués en pure perte.
        Car si l’on met de côté les gens sincères qui se sont faits manipuler par les services secrets (et ils sont nombreux), on ne peut que constater l’impasse de la « lutte armée. » A quoi aura servi, par exemple, l’assassinat de Georges Besse ? A rien. Quelques jours plus tard, Renault héritait d’un nouveau PDG. A quoi aura servi l’assassinat du général Audran ? A rien. Quelques jours plus tard, l’Etat français nommait un nouveau soudard pour s’occuper de ses ventes d’armes. Exécutés dans les années quatre-vingts, en pleine période de retour aux fondamentaux idéologiques les plus abjects du capital (culte de l’argent, de la réussite individuelle, de la concurrence, etc.) ces assassinats politiques n’ont abouti qu’à l’incarcération des militants d’Action Directe, à leur long calvaire dans l’indifférence quasi générale. Plutôt que d’assassiner Georges Besse, n’auraient-ils pas mieux fait de créer une section syndicale révolutionnaire chez Renault ? J’entends déjà ricaner les « radicaux » : « Bouh, le syndicalisme c’est du réformisme en bâton, c’est l’enterrement légaliste du mouvement révolutionnaire, etc. » Pas si sûr. En tout cas ça se discute. En tout cas, si les rapports entre les hommes doivent un jour changer, si la société doit un jour vivre autrement que sur le mode de l’accumulation capitaliste et de l’exploitation, sur un autre mode que celui de l’abrutissement consumériste, cela ne pourra venir que de la base, des prolétaires. Dont font partie les ouvriers de Renault qui, à l’époque, ont vécu dans l’indifférence, quand ce n’est pas dans l’hostilité, l’assassinat d’un PDG qu’ils avaient par ailleurs toutes les raisons de haïr.

        • Tout d’accord : les temps sont tellement maussades et mornes, déplaisants et haïssables, qu’on se dit qu’il serait difficile d’en vouloir à ceux qui décideraient de foutre un putain de coup de pied dans l’édifice fangeux. Sauf que…, comme tu dis.

          C’est con à dire, mais c’est tout l’intérêt de l’histoire. Se rendre compte qu’il n’est pas d’issue heureuse à toute démarche prétendant se substituer au peuple, à toute initiative d’avant-garde se donnant le droit d’éliminer ceux qui feraient notre malheur. La seule solution, malheureusement, est d’attendre une légitimité de masse, d’espérer un réveil populaire, de voir de telles actions justifier par un véritable soutien des premiers concernés. Bref, je te rejoins totalement (même si, quelque part, ça me fait mal au cul, tant je pressens que ce n’est pas encore pour tout de suite) quand tu écris :

          « En tout cas, si les rapports entre les hommes doivent un jour changer, si la société doit un jour vivre autrement que sur le mode de l’accumulation capitaliste et de l’exploitation, sur un autre mode que celui de l’abrutissement consumériste, cela ne pourra venir que de la base, des prolétaires. »

          • mardi 22 septembre 2009 à 14h58, par luc nemeth

            ... ce serait trop simple, si l’alternative se posait en ces termes : en fait on connaît plus d’un cas où c’est une « initiative d’avant-garde », qui donna le signal du réveil populaire ! L’exemple le plus évident est celui de l’Italie d’avant-1914, dont même les historiens réacs ont fini par concéder que c’est à l’attentat de Monza (Gaetano Bresci, 29 jullet 1900) qu’elle devait, les relatives libertés qu’elle connut durant cette période.
            Le tableau Il Quarto stato, qui a servi d’affiche au film 1900 et montre une foule paysanne qui s’avance, majestueuse et sans crainte, eût été impensable quelques années plus tôt et sans le geste de Bresci : la foule en question se serait fait tirer dessus.
            Quant à affirmer que même sans son geste, de toutes façons l’Italie se serait libéralisée : il n’y a que les politologues etc. pour soutenir de pareilles théories.

            • mardi 22 septembre 2009 à 16h14, par l. n.

              1. Fiorenzo Bava Beccaris (1831-1924) : Après avoir participé à la guerre de Crimée puis à celles de 1859 et 1866, il devient directeur général d’artillerie et de génie auprès du ministère de la Guerre, et obtient le commandement des VIIe et IIIe corps d’armée. Suite à l’arrestation d’ouvriers et syndicalistes de l’usine Pirelli à Milan le 6 mai 1898, les ouvriers manifestent, la police tire et assassine trois d’entre eux, blessant de nombreux autres. Le lendemain, c’est la grève générale dans toute la ville. Le gouvernement Di Rudini y décrète alors l’état de siège et confie les pleins pouvoirs au général Bava Beccaris. Le 8 mai 1898, ses troupes tirent au canon contre les barricades et la foule, massacrant une centaine de personnes, blessant un millier d’autres. Le 6 juin, le Roi Umberto I en personne lui remet la croix de Grand Officier de l’ordre militaire des Savoie pour ses faits d’arme à Milan. Le 16 juin, il se voit en plus offrir un siège au Sénat.

              Le 29 juillet 1900, l’anarchiste Gaetano Bresci (1869-1901) assassinera le Roi de trois coups de revolver à Monza, en précisant avoir voulu venger les morts de 1898 et l’offense de la décoration au boucher Bava Beccaris.

              • jeudi 24 septembre 2009 à 00h19, par JBB

                J’ai un peu honte de l’avouer, mais je ne connaissais pas cet épisode. Honneur à Gaetano Bresci, donc.

                De façon générale, je crois en effet qu’il est des situations où l’action directe se justifie. Très largement, même. La seule question (sur laquelle vous vous rejoignez plus bas en commentaires, avec Karib), finalement, est celle de son efficacité, de son utilité.



  • Bien d’accord, Klein est un type estimable et son bouquin est à lire. Je l’ai rencontré brièvement lors d’une émission de « Ce soir où jamais » sur la révolution (eh oui précise que j’étais là pour faire de la pub pour un livre paru dans la collection d’auteurs italiens dont je m’occupe, car je crois que la télé ne peut servir qu’à ça : faire de la pub), il m’a raconté qu’il vivait du RMI et pendant toute l’émission, il avait devant lui un dessin que la caméra a soigneusement évité de cadrer, avec un type qui dit : « la dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie, c’est cause toujours ». Et sa principale intervention a consisté à affirmer sa solidarité avec les black blocks. Donc pas vraiment un repenti.
    Carlos a toujours été un infect mercenaire manipulé par les services secrets avec une idéologie variable (du marxisme léninisme à l’islamisme) et une seule constante : l’antisémitisme.

    Voir en ligne : ce que je sais de Klein et de Carlos

    • Eheh, content de ne pas avoir raconté trop de conneries :-)

      Content - aussi - de vérifier que la sincérité émanant de l’ouvrage de Klein n’est pas feinte, ainsi que le confirme cet épisode télévisuel (ça a quand même de la gueule, je trouve). Tu as raison : « pas vraiment un repenti ».

      Content - enfin - (oui : je nage dans la joie en ce moment, c’est dingue) de constater qu’on a le même avis sur ce salopard de Carlos. Mais ce n’est pas vraiment une surprise.

      Hop, à bientôt, camarade !



  • sur l’automne allemand, les RZ, les Rote Zoras et le déluge sécuritaire un trés trés bon article :

    Voir en ligne : De l’Automne allemand au déluge sécuritaire



  • mardi 22 septembre 2009 à 18h43, par Sweethug

    « 1] J’ai décidé - unilatéralement, bien entendu - de lancer un cycle sur le thème « Violence et activisme ». Que si ça t’intéresse, c’est cool, et tu peux même lire ou relire le premier acte, autour du livre de Carlos Marighella, le Manuel du guérilléro urbain. Que si ce n’est pas le cas, ben, je ne sais pas trop quoi te dire ; à demain ? »

    A ce sujet, je pense que l’interview de l’ami Damasio (bien que datée) colle bien avec le ce cycle, tu devrais l’y ajouter.

    • mercredi 23 septembre 2009 à 09h13, par karib

      Pour répondre à Luc Nemeth, il est certain qu’il ne s’agissait pas pour moi de condamner abstraitement, au nom de je ne sais quelle idéologie, la violence dont toute l’histoire humaine est tissée. Mais affirmer que les masses puissent être mises en mouvement par une action d’avant-garde, c’est confondre l’explosif et le détonateur.
      Ces actions dites « d’avant-garde » peuvent effectivement servir de catalyseur, de symbole, avoir un effet d’entraînement, dissiper la peur, etc. mais elles elles ne tireront leur efficacité que de la situation générale. Effectuées à contretemps, elles peuvent avoir l’effet exactement inverse : attirer une répression féroce à laquelle le mouvement n’est nullement préparé et qui lui brisera les reins ; paraître tellement décalées par rapport à la réalité vécue par le plus grand nombre qu’elles stériliseront au contraire toute velléité de franchir les barrières de la légalité ; arriver à un moment où pour différentes raisons les esprits sont encore faibles, malléables, perméables à un matraquage de propagande qui fera passer leurs auteurs pour des monstres sanguinaires, etc.
      Or, j’ai le sentiment qu’aussi bien au Japon que dans l’Europe d’après 1945, toutes ces actions armées, que ce soit en Allemagne, en Italie ou en France ont eu des effets négatifs sur le mouvement révolutionnaire. Soit qu’elles soient venues contrarier un mouvement de masse qui se déroulait encore sur un autre terrain (Allemagne et surtout Italie), soit qu’elle se soient déroulées en dehors de tout mouvement d’ensemble, dans l’indifférence voire dans la réprobation générale (cas de la France.)
      A vingt ou trente ans de distance, considérons le résultat : Rien. Le néant.
      Mais des existences brisées, des suicides, des assassinats en prison... Le sourire triomphant des salopards qui nous gouvernent, leur ignoble satisfaction.
      Pourquoi leur offrir ça ?

      • mercredi 23 septembre 2009 à 11h56, par l. n.

        d’accord avec ton commentaire ci-dessus. J’avais juste été heurté par une formule un peu maladroite, et qui peut alimenter le discours droitier. Celles et ceux qui effectuent ces actions au rôle de catalyseur ne sont pas des personnes qui « prétendent se substituer au peuple » : c’est même (dans leur cas) le contraire, qui est vrai.

        • jeudi 24 septembre 2009 à 00h20, par JBB

          @ Sweethug : c’est en effet une bonne idée. Et je vais en toucher deux mots à Margot K, l’auteur de l’interview.

          @ Karib et l. n. : rien à ajouter, je vous rejoins à 100 %.

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