ARTICLE11
 
 

lundi 13 octobre 2008

Médias

posté à 00h03, par JBB
13 commentaires

Dans les coulisses de l’info : quand Libération chasse le scoop en compagnie de Carla…
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« Porter la plume dans la plaie. » Bel apostolat, ô combien difficile, que celui de journaliste. Parce que trop de gens ignorent combien ce métier peut être exigeant, Article11 vous conte le dimanche d’un journaliste du service politique de Libé. Entre chasse au scoop et critique du spectacle du pouvoir, c’est un petit pan de la magie toujours renouvelée de la presse qui vous est donné à voir. Enjoy !

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S’assoir à son bureau.

Mâchonner son stylo.

Vérifier sur son écran l’arrivée des dépêches d’agence.

Touiller son café.

Rajuster le col de sa chemise.

Passer un coup de fil à un collègue d’un service politique quelconque en maudissant la triste activité de ce morne dimanche.

Descendre acheter des cigarettes, en fumer une sur le pas de la porte, revenir à son bureau.

Touiller son café froid.

Regarder l’horloge : encore six heures.

Discuter avec le collègue de permanence au service société, échanger deux-trois nouvelles sans importance, vie de famille, petit dernier, sujets en cours, toussa-toussa…

Mâchonner son stylo.

Faire une boule de papier et tenter d’atteindre la poubelle du bureau voisin.

Bailler.

Vider son café froid et grimacer.

Faire un petit coucou à Joffrin qui passe dans le couloir.

Regarder l’horloge et maudire la lente avancée des minutes : encore cinq heures quarante.

Jouer avec sa carte de presse, la tenir entre ses doigts et la faire tourner sur la tranche.

Aller aux toilettes.

Se préparer un nouveau café.

S’installer confortablement et se plonger dans la lecture du Journal du Dimanche tout en remuant son café chaud.

Prendre tout son temps pour lire ce journal, du début à la fin.

Regarder l’horloge : plus que quatre heures trente.

Entendre son téléphone sonner.

Décrocher, reconnaître la voix de Carla Bruni-Sarkozy, renverser à moitié son gobelet de surprise et replier précipitamment le JDD.

Dire toute la joie ressentie à avoir de ses nouvelles.

Demander ce qui vaut l’honneur de cet appel.

Se sentir important parce qu’elle promet l’exclusivité.

S’affairer à noter ce qu’elle souhaite mettre en avant.

Se laisser bercer par le charme de sa voix énamourée, comme hypnotisé par la sensualité des mots et la façon qu’elle a de les prononcer.

Vérifier qu’on a tout et récapituler l’ensemble de ses déclarations avec elle.

Se promettre de déjeuner bientôt ensemble.

Raccrocher le téléphone, tout sourire après les derniers mots gentils que la belle a adressés en guise d’adieu.

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Se féliciter de sa bonne fortune.

Se dire qu’on tient un scoop.

Ouvrir son traitement de texte.

Inscrire en gras « Exclusif » en guise d’ouverture.

Dégotter un titre aussi audacieux qu’instructif : « Carla Bruni a rencontré Marina Petrella. »

Taper le chapeau, tout en retenue et sobriété : « Carla Bruni-Sarkozy raconte à Libération qu’accompagnée de sa soeur la réalisatrice Valéria Bruni-Tedeschi, elle est allée prévenir dès mercredi après-midi Marina Petrella qu’elle ne serait pas extradée. »

Se relire.

Considérer que c’est tout à fait valable.

Prendre une gorgée de café froid, grimacer et balancer le reste du gobelet.

Se lancer dans le corps de l’article, laisser courir ses doigts sur le clavier, boucler le papier en moins d’une heure.

Ne pas mettre les choses en perspective.

Ne pas se montrer critique.

Ne pas s’interroger sur le plan de communication de l’épouse du président.

Ne pas vérifier ses assertions.

Ne pas appeler M° Irène Terrel, avocate de Marina Petrella, pour s’assurer que l’ancienne brigadiste avait bien été prévenue par Carla de sa non-extradition dès mercredi quand les dépêches d’agence évoquent la date de samedi.

Ne pas se dire que la première dame n’est peut-être pas la mieux placée pour revendiquer le sauvetage in extremis de celle qui se laisse mourir de faim depuis six mois.

Ne pas se demander comment les lecteurs de Libération vont prendre cet énième panégyrique de l’épouse du président.

Réfléchir à une jolie photo pour illustrer l’article et choisir un cliché de Nicolas et Carla souriants et détendus.

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Relire une dernière fois le papier.

Le valider et le voir prendre sa place en tête du site internet.

Soupirer une bonne fois, avec le sentiment du devoir accompli.

Ranger son bureau.

Replacer sa carte de presse dans son portefeuille.

Se dire qu’on a bien travaillé.

Décider de finir plus tôt aujourd’hui.

Gagner la station de métro la plus proche.

S’assoir sur un strapontin et consulter un journal quelconque pour passer le temps.

Lire un article faisant état des catastrophiques derniers chiffres de diffusion de la presse nationale.

S’étonner…


COMMENTAIRES

 


  • tu exageres, jbb, rien que des critiques steriles et peu constructives !
    pour une fois que « libé » ouvre ses colonnes aux citoyens et leur donne l’opportunité de rediger des articles !

    • lundi 13 octobre 2008 à 13h26, par JBB

      c’est que je n’ai pas eu l’intelligence de voir les choses sous cet angle… :-)

      S’il ne s’agit que d’une nouvelle forme de démocratie populaire et directe, je retire tout ce que j’ai écris, bien évidemment.



  • Vraiment, c’est chic d’aller requinquer une mourante qu’est même pas de la famille.... Ah... Ben... J’en ai les larmes aux yeux (tu connais pas un marchand de mouchoirs en papier au prix de gros ?).

    Voir en ligne : http://repvblicae.wordpress.com/



  • Tou ta fou dé la gola dé nostra Carlita,tou né pa charitabla.

    Sou mari a taloneta é uno galanto huomo escouto sua fama.

    Vostra vaca Marina La Pin, vinca-présidenta dé camisa négra del Fronté nationalé, a qualifié d’« injuste, immorale et politiquement scandaleuse » la décisioné de lé pétito Nicolas Sarkozy.

    VIVA ITALIA !!! qué a foutu una branleta a léquipa dé FRANCIA

    • lundi 13 octobre 2008 à 17h04, par JBB

      « VIVA ITALIA !!! qué a foutu una branleta a léquipa dé FRANCIA »

      Ils ont même l’air décidé à faire plus, les Italiens. Je lis dans ce très bon hebdomadaire qu’est Le Point qu’un train de supporters est annoncé le week-end prochain, direction l’Elysée : Pourtant le choix de l’Élysée de ne pas extrader l’ancienne brigadiste suscite l’ire des anti-Petrella, qui ont décidé de manifester devant la présidence de la République, le week-end prochain. « Nous n’acceptons pas cette décision et irons devant l’Élysée montrer notre total désaccord », explique le président de l’association italienne des victimes du terrorisme Bruno Berardi, dans le quotidien transalpin La Stampa . Il précise qu’un train va être affrété pour « les membres des nombreuses familles détruites par la douleur et accablées par le manque d’intérêt à leur encontre ».

      S’il ne me viendrait pas à l’idée de me moquer de la douleur de ceux qui ont perdu un membre de leur famille, je trouve leur jusqu’au boutisme pour le moins déplacé.



  • La méthode de la compassion compulsive.
    1. Foutre la tête de quelqu’un dans la baignoire pleine ou la cuvette des chiottes alors qu’elle se croyait en sécurité.
    2. Ameuter toute la presse pour dire que l’on fait un exemple, que l’on se contente de rendre la justice et que les Italiens réclament la personne afin de la brûler en place publique.
    3. Céder aux pleurs de son épouse italienne et si émotive, retirer la tête de la cuvette des chiottes in extremis.
    4. Alerter de nouveau la presse par le biais de son épouse communicante pour dire que l’on a été magnanime.
    La méthode a déjà fonctionné à de nombreuses reprises, par exemple pour des écrivains accusés de pédophilie et soudain grâciés après résipiscence, actes de contrition et manifestations de leur adhésion au catéchisme nouveau.
    Ou comment apparaître comme un sauveur universel lorsque l’on est bourreau.

    • lundi 13 octobre 2008 à 19h27, par JBB

      C’est exactement ça.

      Le pire est de voir combien tous les journaux ont repris le pseudo-exclusif de Libé : tous ont présenté Carla comme la sauveuse au bon coeur. Et joué pleinement le rôle de comm voulu par l’Elysée, bien content de présenter le couple présidentiel comme une sorte d’union nationale au sommet, ying et yang, docteur Jekyll et Mr Hyde à la fois.

      D’ailleurs, Sarko ne s’en cache pas. Dans un article du Post : Pourquoi la première Dame de France a-t-elle fait ça ? « C’est mon épouse qui y a été pour une raison très simple : c’est moi qui lui ai demandé », a répondu le président de la République ce lundi après-midi, interrogé par la presse sur cette histoire.



  • Je te conseille de joindre ce papier au CV que tu ne saurais tarder à envoyer à Libé, il montre que tu es l’homme de la situation (au moins formellement) : quel réalisme dans le récit, quelle sobriété dans l’évocation des émotions et quel souci des détails (oui, Joffrin était dans le couloir, c’est lui qui a signé l’édito)...

    Tu soulignes bien la triste position du journaliste à genoux en parlant des contradictions flagrantes entre le récit de CB et les dépêches eou les déclaration de Me Terrel. Comme s’il était maintenant d’usage de faire taire tout esprit critique quand on nous parle du « château »...

    Voir en ligne : http://escalbibli.blogspot.com

    • lundi 13 octobre 2008 à 19h29, par JBB

      Merci :-)

      Mais je ne sais pas pourquoi : j’ai déjà envoyé quinze lettres de motivation à Joffrin, avec le lien de ce site, et il ne me répond pas. Pour un peu, j’en perdrais le sommeil…

      • mardi 14 octobre 2008 à 14h46, par neyotic

        Peut être que votre capacité à écrire de jolis papiers n’est pas applicable à une lettre de motivation.

        Mais était-ce vraiment de la motivation ?

        • mardi 14 octobre 2008 à 18h36, par JBB

          Comment dire… Pas vraiment, non. :-)

          Je crois que j’ai interverti des missives d’injures adressées au barbichu, que je gardais au fur et à mesure de mes emportements contre Libé, et mes lettres de motivation. D’où…

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